samedi 18 janvier 2025

France : seuls 6 % des étudiants hors UE paient l'intégralité des frais d'inscription, mais cette proportion devrait augmenter

Depuis 2019, les étudiants étrangers doivent s’acquitter de droits d’inscription plus élevés que les candidats européens quand ils s’inscrivent dans une université française. Plusieurs universités s’étaient jusqu’ici engagées à ne pas mettre en place ce principe, mais la récente loi « immigration », en inscrivant celui-ci dans le code de l’éducation, rendrait obligatoire son application.

Les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne) qui souhaitent s’inscrire à un diplôme national de licence, de maîtrise (master en France) ou de cycle d’ingénieur doivent débourser 2 270 euros pour une licence et 3 770 euros pour une maîtrise, contre 170 et 243 euros pour les autres.

Plus d’un étudiant international sur deux, venant d’Afrique et susceptible d’être concerné, partiellement exonéré des droits différenciés. Les étudiants extracommunautaires en génie sont plus susceptibles de pays le tarif plein.

« Respecter la loi »

Le ministère avait cependant accordé, par décret, aux facultés la possibilité d’exonérer de droits d’inscription 10 % de leurs étudiants. Un dispositif que les présidents ont massivement choisi d’utiliser en faveur des candidats extracommunautaires. De cette façon, en 2023, 57 % des universités (soit 42 d’entre elles) ont exonéré l’intégralité des étudiants étrangers, selon un décompte publié par l’agence de presse spécialisée AEF. Elles sont 16 (22 %) à en exonérer une partie, selon des critères académiques, de nationalités ou linguistiques. Seules 13 universités (18 %) appliquent complètement les frais majorés.

Selon la vice-présidente de l’université Paris-II Panthéon-Assas, Emmanuelle Chevreau, à la rentrée 2023, ces frais majorés, mis en place par l’administration précédente, ont concerné 900 étudiants — sur les 3 000 candidats étrangers accueillis. Ces derniers peuvent ensuite faire une demande d’exonération partielle. « Ensuite, 50 % des demandes sont acceptées selon des critères économiques et sociaux. Cette année, seuls 10 % des étudiants en ont fait la demande », indique-t-elle.

En pratique, rares sont les étudiants qui payent l’intégralité des frais : sur les 96 600 étudiants inscrits à la rentrée 2021, ils ne sont même que 6 %, indique une note du service statistique et analyse de l’enseignement supérieur parue en mars 2023. Près de 17 % en sont totalement exonérés, le reste bénéficiant d’exonérations partielles, décidées par l’établissement ou via des bourses du gouvernement et d’ambassade.

À l’université de Limoges, jusqu’en 2021, la présidence avait refusé de faire payer davantage aux étudiants étrangers. Mais la nouvelle équipe, elle, a fait un autre choix. « Nous avons simplement décidé de respecter la loi », souligne le vice-président de l’établissement, Laurent Bourdier, qui réfute « toute considération idéologique ».

« Nous avons essayé de faire quelque chose d’équilibré en mettant en place plusieurs garde-fous et surtout en jouant sur le jeu des exonérations par le biais d’attributions de bourses d’excellence », détaille-t-il. Sur les 2 000 étudiants étrangers accueillis sur le campus de Limoges, seuls 420 se sont bien acquittés des frais dans leur intégralité. « Le système reste imparfait, il y a eu quelques remous, ça a été difficile d’introduire les droits d’inscription différenciés auprès de nos équipes, reconnaît M. Bourdier. Je ne minimise pas le fait qu’il s’agit de frais importants qui peuvent freiner certains candidats. »

Ces droits différenciés avaient été présentés par le ministère comme une manne financière devant permettre un meilleur accueil de ces étudiants.

Plus d’argent dépensé pour accueillir les étudiants étrangers

« Nous avons un devoir d’exemplarité envers tous ceux qui s’acquittent de ces frais », assure le responsable. À Limoges, ce sont donc 90 000 euros qui sont consacrés à l’accompagnement « individualisé » des étudiants étrangers. Entre 600 000 et 700 000 euros sont dévolus à l’agrandissement du campus international. En tout, les droits d’inscription différenciés rapporteraient environ 900 000 euros à l’établissement.

D’autres universités arguent qu’elles n’ont pas d’autre choix que d’appliquer ces droits. C’est le cas à l’université de Strasbourg, où pour la première fois, en 2024, l’établissement appliquera les droits différenciés pour les étudiants étrangers puisque le seuil d’exonération de 10 % devrait être dépassé. Une règle a toutefois été décidée : exonérer complètement les étudiants en licence, mais faire payer ceux arrivant en maîtrise.

Certaines universités s’obstinent à ne pas respecter la loi. À Rennes-II, les candidats étrangers représentent 15 % de la population étudiante (23 000) et 85 % d’entre eux sont des étudiants extracommunautaires. Vincent Gouëset, le président de l’université, s’était opposé, dès 2019, à la mise de cette mesure en pointant du doigt la « rupture d’égalité » pour les étudiants étrangers issus de milieux défavorisés. « Le choix de ne pas appliquer ces droits différenciés nous conduit à dépasser le seuil des 10 % autorisé, c’est un choix assumé qui répond aux valeurs d’inclusion et de justice sociale portées par l’établissement, le rectorat en est informé et ne nous a rien dit », déclare le président, conscient que l’adoption de la loi sur l’immigration pourrait pousser le rectorat à lui imposer une application plus stricte des textes.

Voir aussi

Droits différenciés : profil et évolution des étudiants internationaux concernés par leur mise en place depuis 2019

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