vendredi 26 février 2021

France — pour le bac 2021, seules les écoles libres vont plancher


Les élèves des écoles libres (hors contrat avec l'État, sans subventions) ne sont pas dispensés des épreuves de terminale, comme c’est le cas pour ceux des lycées sous contrat.

Ces élèves fréquentent quelque 700 structures hors contrat, réparties équitablement en trois grandes catégories : les établissements confessionnels — essentiellement catholiques —, les établissements laïcs et ceux qui proposent des pédagogies dites « alternatives ».

La « guerre scolaire » est-elle déclarée ? Derrière cette expression, le conflit historique entre l’école publique laïque et les écoles privées, reconnues par la loi Debré de 1959, qu’elles soient « sous contrat » (leur programme doit être conforme aux normes de l’Éducation nationale en échange d’une rémunération de leurs enseignants par l’État) ou « hors contrat » (libres du contenu de leurs enseignements). Pour les partisans de l’« école libre », ces dernières seraient clairement dans le collimateur du ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer.

« Nous avons le sentiment d’être traités comme des parias », résume Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école, qui soutient le développement d’écoles hors contrat. En cause, la décision du ministre de maintenir les épreuves terminales de spécialités du bac 2021 pour les élèves du hors contrat, là où ceux des lycées publics et privés sous contrat en sont dispensés. Crise sanitaire oblige, ces derniers seront évalués sur la base des notes obtenues au cours de l’année dans les deux spécialités qu’ils ont choisies. « Lorsque le ministre a annoncé, en janvier, l’annulation des épreuves, il a évoqué la nécessaire “sérénité” des lycéens. Pourquoi nos élèves ne font-ils pas l’objet de la même délicate attention ? Ils devraient donc être les seuls à passer ces épreuves dans de gros centres d’examen ? » interroge Anne Coffinier, qui dénonce « une rupture d’égalité ». « Il y aura donc deux bacs, un privé et un public », poursuit-elle, évoquant d’un côté des épreuves terminales, de l’autre des notes de contrôle continu, qui « seront sans doute remontées, dans les lycées qui notent sec, comme ce fut le cas en 2020 ». Elle prévoit d’ores et déjà de saisir la justice, via un référé suspension, quand la décision ministérielle sera officielle.

Nous avons le sentiment d’être traités comme des parias

Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école

Du côté du ministère, on rappelle que dans les écoles hors contrat, les programmes sont « très libres » et que les professeurs ne sont pas inspectés. « Le ministère n’a donc aucun moyen de certifier du niveau effectif des élèves. C’est la raison pour laquelle, il faut une évaluation terminale. » 
 
[Note du carnet : cela nous paraît un prétexte à moitié convaincant, car la notation des établissements sous contrats est extrêmement variable : un 14/20 à Henri IV école de prestige vaut nettement plus qu’un 14/20 dans une « banlieue difficile ». Rien ne garantit que les deux écoles aient vu dans le même détail et avec la même rigueur le programme prescrit non plus. En outre en terminale, les écoles hors contrat ont tendance à coller d’assez prêt au programme officiel (c’est moins le cas dans les années précédentes) précisément pour préparer au bac.]  
 
On précise par ailleurs que les élèves concernés passeront les épreuves dans des « conditions sanitaires strictes », qu’ils auront deux sujets au choix au lieu d’un et seront évalués sur les deux tiers du programme.

3000 à 4000 élèves

Qui sont ces élèves ? Ils fréquentent quelque 700 structures hors contrat, réparties équitablement en trois grandes catégories : les établissements confessionnels — essentiellement catholiques —, les établissements laïcs et ceux qui proposent des pédagogies dites « alternatives ». Du lycée Saint Pie X à Saint-Cloud, qui a vu sur ses bancs Marion Maréchal-Le Pen, à l’établissement juif Beth Myriam de Marseille, en passant par les cours Fides, à Paris, où se croisent enfants d’artistes et d’ambassadeurs, la galaxie du hors contrat est un monde disparate. Elle compte aussi des structures qui se sont fait une spécialité de l’accueil des précoces, sportifs de haut niveau et artistes, ces profils qui ne trouvent pas leur place dans l’Éducation nationale… À condition d’y mettre le prix, de 400 à 1 300 euros par mois.

Ces élèves seront 3 000 à 4 000 à passer le bac cette année, sur 550 000 candidats au total. Une goutte d’eau ? Pas certain. Car ces écoles peuvent activer de puissants réseaux. Et, en toile de fond, revient régulièrement l’ombre de la guerre scolaire. « Que ce soit le Covid ou le projet de loi confortant les principes républicains (qui permettra de fermer plus rapidement des structures déviantes, NDLR), tout est bon pour taper sur le hors contrat et faire entrer tout le monde le cadre », estime Anne Coffinier.

« Blanquer m’a clairement dit qu’il ne voulait pas avoir les syndicats sur le dos », raconte Philippe de Villiers, le créateur du Puy du Fou, qui a lancé en 2015 une école privée hors contrat. « Les lycées hors contrat dérangent, d’autant plus qu’ils sont en concurrence directe avec le public pour l’accès aux grandes écoles », ajoute-t-il. Représenté par l’avocat Gilles-William Goldnadel, le Vendéen annonce qu’il va attaquer le gouvernement devant la Cour de justice de la République, pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Source : Le Figaro

Oui, la loi 101 est un échec

Ce texte de Frédric Lacroix est une réplique au billet La loi 101 n’est pas un échec du chroniqueur Jean-Benoît Nadeau du magazine L’Actualité.


J’ai lu avec étonnement la recension que Jean-Benoît Nadeau a faite de mon essai, recension intitulée « La loi 101 n’est pas un échec ». Le titre de mon essai est « Pourquoi la loi 101 est un échec ». Le « pourquoi » est important ; mon livre se veut une démonstration de la mécanique qui a mené à l’échec de la Charte de la langue française. Mais dans son titre, M. Nadeau laisse tomber le « pourquoi » et se cantonne dans l’affirmation, une simple affirmation qui semble relever pour lui de la certitude. Qu’il énonce d’ailleurs en ces mots : « personnellement, j’ai toujours trouvé que la loi 101 n’était pas un échec ». Excellent ! Mais, pour appuyer cette affirmation, encore faut-il une démonstration ! Cette démonstration, M. Nadeau ne la fait pas.

Il écrit qu’il avait « beaucoup hésité » avant de vous parler de mon livre, car il s’agirait « non pas d’un essai », mais d’un « pamphlet catastrophiste ». Le Petit Larousse définit un « pamphlet » comme étant « un écrit satirique, généralement court et violent, dirigé contre quelqu’un, une institution, un groupe ». Quant à « catastrophiste », il est défini comme : « qui est très pessimiste, qui imagine toujours le pire ». Moi qui pensais avoir livré dans cet ouvrage une démonstration documentée, étayée, rationnelle, propre à faire réfléchir ; mais non, j’aurais écrit une satire « violente », dirigée contre un groupe (lequel ?) et qui « imagine le pire » ? La qualité de mon « pamphlet » a pourtant été soulignée par de nombreux journalistes, chroniqueurs et intellectuels (la liste ici : fredericlacroix. quebec).

Qualifier mon essai de « pamphlet » n’est pas sérieux. Voilà une recension qui, à vrai dire, n’est pas sérieuse.

Ce qui semble beaucoup déranger M. Nadeau dans mon essai, c’est que le portrait de la dynamique linguistique que j’y brosse ne s’accorde pas avec ses convictions personnelles. Il semble avoir beaucoup de mal à admettre la réalité linguistique telle que je la conçois et la présente dans mon essai ; réalité qui est que le rapport de force entre l’anglais et le français au Québec est défavorable au français. Cette « réalité » est tissée à partir de nombreuses études, tendances, analyses que j’utilise pour brosser un portrait cohérent, me semble-t-il, de la situation. Pour contredire mon analyse, il ne suffit pas d’être en désaccord à cause de ses « opinions personnelles », il faut prouver que j’ai tort.

Par exemple, M. Nadeau m’accuse de passer sous silence les succès de la loi 101 alors qu’elle a réussi à faire passer le taux d’immigrants choisissant le français de 15 à 55 % (note : c’est la politique d’immigration qui a conduit à cela et non pas la loi 101, comme il en convient aussi). Il faudrait donc voir le verre « à moitié plein ». Je m’explique pourtant au long sur ceci (pages 11-12) en disant que la question ne se conçoit pas en ces termes de verre à moitié plein ou vide ; et qu’elle est plutôt mathématique. Au bénéfice des lecteurs, utilisons une analogie (que je dois à Jean-François Lisée) : avant la loi 101, le canot du français était entraîné à grande vitesse sur une rivière et se dirigeait tout droit vers une chute ; tout le monde dans le canot était menacé d’y laisser sa peau en tombant dans la chute. Avec la loi 101, nous nous sommes mis à ramer à contre-courant, ce qui a permis de ralentir la vitesse avec laquelle le canot était entraîné vers la chute. À ralentir seulement ; car nous n’avons pas réussi à inverser la direction du canot ; nous sommes toujours entraînés par le courant, car nous ne ramons pas assez vite pour que le canot ne tombe pas dans la chute éventuellement. Nous n’avons fait que gagner un peu de temps. Pour arriver à ne pas tomber dans la chute, il faudrait ramer suffisamment pour que le canot soit au moins immobile au milieu de la rivière. Cette immobilité du canot correspond à l’objectif premier de la loi 101, qui était d’arrêter l’érosion annoncée du poids démographique des francophones au Québec en incitant une nette majorité d’immigrants allophones à s’intégrer au groupe francophone. Cet objectif est écrit noir sur blanc dans le « Livre Blanc » déposé par Camille Laurin un peu avant le dépôt de son projet de loi en 1977.

Je démontre que cette « nette majorité » devrait être de 90 % pour simplement assurer la stabilité du poids relatif des groupes francophone et anglophone au Québec sur le long terme (toutes autres choses étant égales). À 55 % en 2016, trente-neuf ans après l’adoption de la loi 101, nous sommes très, très loin du 90 %. La loi 101 a certes ralenti la vitesse du canot, mais nous sommes toujours entrainés vers la chute ! Ainsi, le poids des francophones au Québec va continuer de chuter pour tout l’avenir prévisible.

Ce « catastrophisme » est même entériné par Statistique Canada, un organisme fédéral qui n’écrit ordinairement pas de pamphlets, qui prévoit que le poids démographique des francophones aura fondu à 69 % au Québec en 2036. A contrario, le poids démographique des anglophones sera en augmentation. La loi 101 n’atteint donc aucunement son premier objectif. Peut-on affirmer qu’une loi qui n’atteint pas son premier objectif est un succès ? Ou bien même qu’elle est un « non échec » ? La loi 101 nous fournit collectivement un faux sentiment de sécurité linguistique. Le roi est nu et il me semble important que nous en prenions conscience collectivement.

Il est crucial de préciser que la loi 101 qui est en échec est celle qui a été façonnée par les tribunaux fédéraux, dont les jugements, un après l’autre, sont venus démolir des pans entiers, très importants, de la loi 101 originale déposée par Camille Laurin en 1977. Ce sont les tribunaux canadiens qui ont transformé une loi qui aurait pu être un succès en échec. L’intention du législateur, de l’Assemblée nationale du Québec, n’a pas été respectée (voir Éric Poirier, La Charte de la langue française : ce qu’il reste de la loi 101 quarante ans après son adoption, Septentrion, 2016). Il est important de se le rappeler.

Mais après m’avoir balancé le pot, M. Nadeau me lance cependant quelques fleurs. Il convient que la politique du « libre choix » au cégep et à l’université favorise indûment les institutions anglophones, ce qui signifie que le réseau postsecondaire francophone est sous-financé. Il affirme même que ma démonstration est « impitoyable » (merci !). Il convient aussi avec moi qu’un des problèmes majeurs de la loi 101, c’est qu’elle a été rédigée en vue de l’indépendance du Québec, chose qui n’est pas advenue. Ce qui signifie que le Québec est toujours soumis au bilinguisme compétitif qui est au cœur de la Loi sur les langues officielles, un bilinguisme qui place hypocritement les langues sur un pied d’égalité juridique, tout en ignorant le fait qu’elles sont loin d’avoir le même rapport de force sociologique ; l’anglais étant la langue dominante du pays qui s’appelle le Canada, pays dont le Québec fait toujours partie. La Charte devrait tenir compte de l’échec de l’indépendance et tenter de faire contrepoids au bilinguisme compétitif fédéral.

Mais là où j’estime que M. Nadeau dérape, c’est quand il affirme que j’utilise « francophones » comme synonyme de « canadiens-français ». C’est totalement faux. À la page 11, je spécifie bien que le concept de poids démographique se rapporte à la langue maternelle. La langue maternelle est bien sûr celle fournie par Statistique Canada lors des recensements. Je n’utilise aucune catégorie ethnique nulle part dans mon livre, et j’estime que cette catégorisation ne permet pas de comprendre la dynamique linguistique. Je ne vois pas comment, de bonne foi, on peut en arriver à dire que mes « francophones » sont des « canadiens-français ». Quant à la langue d’usage, il s’agit d’une autre variable tirée des recensements canadiens et définie comme étant la langue « parlée le plus souvent à la maison » (spécifié à la page 58).

Il est vrai qu’à la page 62, j’écris que « depuis 1871, le poids démographique des francophones au Québec n’a jamais été sous 80 % » alors que la question sur la langue maternelle n’a été posée pour la première fois dans les recensements qu’en 1901. Il est vrai que les « francophones » du recensement de 1871 sont ceux qui répondent « française » à la question sur l’origine ethnique. Il s’agit donc, et je l’accorde à M. Nadeau, d’une approximation de l’origine ethnique « française » comme « francophone », approximation qui ne vaut que pour cette date précise. Une approximation, du reste, couramment utilisée en démographie pour les données du dix-neuvième siècle.

Tout ce que M. Nadeau trouve à opposer pour contrer ma démonstration que les cégeps et universités anglophones agissent comme des foyers d’assimilation à Montréal, c’est son « expérience personnelle » et le fait qu’il connaisse des francophones formés en anglais qui enseignent en français. Bien sûr, on peut choisir d’ignorer les études bien faites, rigoureuses, avec échantillonnage statistique aléatoire, comme celle de l’IRFA que je cite dans mon livre, études qui nous permettent de conclure hors de tout doute que les cégeps anglais sont des foyers d’anglicisation pour les allophones (surtout) et les francophones (dans une moindre mesure). Mais M. Nadeau erre en opposant ses anecdotes à des études. Poussons la chose à l’absurde ; si le postsecondaire anglophone n’agit pas en tant que foyer d’anglicisation, alors la disparition des cégeps et universités de langue française à Montréal ne devrait pas avoir d’impact sur la vitalité linguistique du français à Montréal. M. Nadeau, vous êtes d’accord ?

On doit aussi comprendre que si la proportion de francophones baisse dans une région, c’est parce qu’ils quittent cette région, tout simplement ! Alors qu’on appliquait autrefois cette idée à Montréal seulement, M. Nadeau l’étend à toute la région métropolitaine de Montréal. Ainsi, si le français recule à Laval, c’est « aussi parce que les francophones partent pour Granby ou Vaudreuil » (note : le poids des francophones recule aussi à Vaudreuil-Soulanges, oups !). Le français recule aussi au Québec globalement (-3,4 % en 15 ans). Est-ce parce que les francophones partent ? Son explication ne tient pas la route. Et ce que M. Nadeau évite de mentionner, c’est que pendant que le français recule à Laval (-12,4 % de 2001 à 2016 pour la langue d’usage), l’anglais avance (+3,9 %) ! L’anglais avance parce que les substitutions linguistiques des allophones se font vers l’anglais de façon totalement disproportionnée.

Il m’accuse ensuite de tenir un discours « identitaire » et d’avoir du mal à accepter que le Québec devienne « pluriculturel » et affirme même que « ça revient partout » et que je souffre de « frilosité identitaire ». Disons-le : n’arrivant pas à réfuter mes idées de façon convaincante, M. Nadeau en est réduit à m’accuser à mots couverts de « racisme ». Voilà qui est odieux.

Non, M. Nadeau, de gros mots ne constituent pas une réfutation de mon essai. Il s’agit même d’un aveu d’échec. De votre part.


« Le français pourrait disparaître de la fonction publique au Québec »

« Nous avons tous été stupéfaits d’apprendre que 74 % des employés de l’État à Montréal utilisent parfois une autre langue que le français dans leurs interactions orales avec des personnes physiques au Québec, une proportion qui grimpe à 81 % à Laval et à 88 % en Outaouais », soulignait Mme Lamarre dans les pages du Devoir.

Les Canadiens français deviendraient minoritaires au Québec en 2042 (long billet, graphiques)

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Démographie — En 15 ans, les minorités visibles sont passées au Québec de 7 % à 13 % de la population

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