Augustin d’Humières souhaiterait qu’avant d’imaginer l’école de demain, on se consacre à construire l’école d’aujourd’hui. Il se méfie des expérimentations pédagogiques farfelues. « Ou alors faisons-les à Henri-IV, pas dans les quartiers où les élèves sont le plus vulnérables. » Plaidant pour un retour aux savoirs essentiels, il dresse un bilan sévère du niveau des élèves :
« Il n’y a pas de maîtrise de la langue française. Les connaissances historiques sont faibles ; en langues, ce n’est pas concluant, en sciences non plus. Avant de fabriquer des Mozart de l’informatique, il faudrait que l’élève maîtrise au moins un savoir fondamental, sur lequel il puisse s’appuyer. »
Pas très futuriste ? Sans doute, mais lucide ! Quand il a commencé à enseigner, en 1995, chacun anticipait une profonde transformation de l’école, de nouvelles méthodes, d’autres pratiques, bouleversées par la technologie, se souvient-il. Or sa mission, au fond, n’a pas changé. « Elle consiste, encore et toujours, à être à l’écoute de mes élèves, à leur transmettre le goût de l’effort. » Rien ne prouve que le numérique soit un apport majeur en la matière.
Des tablettes ont été massivement distribuées à des élèves de sixième. Et alors ? Alors, rien. « C’est comme la saignée au temps de Molière. On ne sait pas si c’est efficace, mais, dans le doute, on le fait. » L’opération a coûté plusieurs millions d’euros, qui auraient, selon lui, été bien mieux utilisés ailleurs. L’apport du numérique au savoir ? « On n’a jamais été autant bombardés d’informations, et pourtant, il n’y a jamais eu autant de personnes convaincues que la Terre est plate ! » [La démographie de certains groupes ethniques explique la chose, sinon voir Le Moyen Âge européen n’a pas cru que la Terre était plate] Lui milite pour l’enseignement du latin et du grec comme vecteur de réussite scolaire, notamment pour ceux qui n’ont pas forcément accès au savoir chez eux.
« Les langues anciennes obligent à porter une extrême attention aux mots et amènent à prendre beaucoup de recul, de distance critique sur des sujets tels que la religion ou le droit. »
Delphine Grouès, directrice des études et de l’innovation pédagogique à Sciences-Po Paris, ne dit au fond pas autre chose : « L’innovation pédagogique, c’est parfois de revenir à Socrate. » Des cours de création littéraire et de rhétorique ont ainsi été introduits dans les cursus du prestigieux Institut de la rue Saint-Guillaume. Objectif : renforcer l’attention des étudiants, trop habitués à zapper. « Il faut que les élèves retrouvent le sens du temps long. » Vaste programme.
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Pas très futuriste ? Sans doute, mais lucide ! Quand il a commencé à enseigner, en 1995, chacun anticipait une profonde transformation de l’école, de nouvelles méthodes, d’autres pratiques, bouleversées par la technologie, se souvient-il. Or sa mission, au fond, n’a pas changé. « Elle consiste, encore et toujours, à être à l’écoute de mes élèves, à leur transmettre le goût de l’effort. » Rien ne prouve que le numérique soit un apport majeur en la matière.
Des tablettes ont été massivement distribuées à des élèves de sixième. Et alors ? Alors, rien. « C’est comme la saignée au temps de Molière. On ne sait pas si c’est efficace, mais, dans le doute, on le fait. » L’opération a coûté plusieurs millions d’euros, qui auraient, selon lui, été bien mieux utilisés ailleurs. L’apport du numérique au savoir ? « On n’a jamais été autant bombardés d’informations, et pourtant, il n’y a jamais eu autant de personnes convaincues que la Terre est plate ! » [La démographie de certains groupes ethniques explique la chose, sinon voir Le Moyen Âge européen n’a pas cru que la Terre était plate] Lui milite pour l’enseignement du latin et du grec comme vecteur de réussite scolaire, notamment pour ceux qui n’ont pas forcément accès au savoir chez eux.
« Les langues anciennes obligent à porter une extrême attention aux mots et amènent à prendre beaucoup de recul, de distance critique sur des sujets tels que la religion ou le droit. »
Delphine Grouès, directrice des études et de l’innovation pédagogique à Sciences-Po Paris, ne dit au fond pas autre chose : « L’innovation pédagogique, c’est parfois de revenir à Socrate. » Des cours de création littéraire et de rhétorique ont ainsi été introduits dans les cursus du prestigieux Institut de la rue Saint-Guillaume. Objectif : renforcer l’attention des étudiants, trop habitués à zapper. « Il faut que les élèves retrouvent le sens du temps long. » Vaste programme.
Source : « La savoir à l’épreuve du numérique : à quoi ressemblera l’école de demain ? », publié le 5/2/20. De Natacha Tatu.
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