Carnet voué à la promotion d'une véritable liberté scolaire au Québec, pour une diversité de programmes, pour une plus grande concurrence dans l'enseignement.
Article du journal d'extrême gauche Libération (6,3 millions d'aides publiques en 2016) qui n'aime pas la possibilité que des journalistes échappent à une formation de gauche.
La plus ancienne école de journalisme au monde a été rachetée par un groupe d’investisseurs conservateurs, dont le milliardaire d’extrême droite [rappel, selon les gauchistes de Libé] Vincent Bolloré. Faisant craindre qu’elle ne se transforme en pépinière pour médias bollorisés.
La bollorisation commencera désormais dès l’école de journalisme. L’École supérieure de journalisme de Paris (ESJ Paris), la plus ancienne école de formation de journalistes au monde, créée en 1899 par l’écrivaine Jeanne Weill, alias Dick May, passe sous le pavillon d’un consortium d’investisseurs marqués à droite, parmi lesquels Bernard Arnault, Vincent Bolloré, la famille Dassault, l’ancien président du Medef Pierre Gattaz et Rodolphe Saadé.
Dans un communiqué publié ce vendredi 15 novembre, la bande [sic!], associée également au groupe Bayard Presse, a annoncé vouloir faire de cette école, qui ne fait actuellement pas partie des quatorze reconnues par la profession et qui n’a rien à voir avec la plus célèbre ESJ Lille [dont 87 % des étudiants affirmaient voter pour la gauche ou l'extrême gauche], «un haut lieu de l’excellence journalistique, un centre de formation de référence où se dessinent les contours du journalisme de demain». La nouvelle direction de l’établissement semble notamment mettre en avant une volonté de devenir une référence dans le domaine de l’enseignement du journalisme économique. Un «engagement collectif» dans le sens d’une «dynamique de renouveau», s’est gargarisé dans la foulée le JDD bollorisé, sans prendre la peine de s’éloigner un tant soit peu du communiqué – difficile de critiquer leur potentielle future pépinière de talents.
Une ancienne d’Europe 1 à la direction
Mais c’est en effet, comme le souligne l’hebdomadaire à la main du milliardaire d’extrême droite, une «nouvelle page qui s’ouvre», bien loin des valeurs de l’école des débuts, la première au monde à s’ouvrir aux femmes, soutenue par Emile Durkheim et honnie par la droite antidreyfusarde. Les étudiants, qui ont découvert le rachat ce vendredi matin par des sources journalistiques, sont sonnés. Marie (1), en master [maîtrise] de journalisme, parle d’un «sale coup au moral» qu’elle n’avait pas vu venir. Autour d’elle, certains ont certes un peu d’espoir que le rachat permette d’augmenter les moyens d’une école qui en manque, mais Marie, elle, ne «voit que des côtés négatifs». Déjà parce que c’est son argent, et celui de ses camarades, qui financent l’école : 7 000 euros l’année tout de même, et qu’elle craint l’arrivée de professeurs d’extrême droite qui viendraient bousculer ce qu’elle jugeait jusqu’ici comme un «enseignement équilibré». Ensuite parce qu’elle s’inquiète des conséquences pour sa carrière. «Ça me rend hyper triste de me dire que le truc qui sera sur mon CV toute ma vie ce sera ça. Et j’ai peur de ne pas trouver du travail quand les rédactions verront que j’ai fait la Bolloré School of Journalism. [en anglais !]»
Elhame Medjahed, ancienne présentatrice sur Europe 1, propriété de Vincent Bolloré, et jusqu’ici directrice pédagogique de l’établissement, prend la direction générale par intérim. Elle succède au spécialiste du Maroc Guillaume Jobin, qui dirigeait l’école depuis 2009. À la présidence de l’établissement, on retrouvera Vianney d’Alançon, un entrepreneur catholique trentenaire, cofondateur de la maison de joaillerie Laudate, qui fabrique des médailles de baptême et les vend à Lyon et Versailles, comme le racontait le Monde en 2017. L’homme est surtout châtelain de La Barben (Bouches-du-Rhône), où il a implanté le parc d’attractions historique Rocher Mistral, sorte de Puy-du-Fou provençal à la vision historique plus que contestable. Selon nos informations, c’est lui qui est à l’origine du tour de table rassemblant le gratin du capitalisme français. En mai, le magazine Challenges faisait état de négociations pour céder l’école pour un montant entre 2 et 3 millions d’euros.
L’école a pu avoir ces dernières années une réputation sulfureuse [dans les milieux de la gauche radicale], employant par exemple comme professeurs le controversé journaliste indépendant Jean-Paul Ney ou la reporter russophile [?] Anne-Laure Bonnel. L’ESJ Paris entretenait par ailleurs ces derniers temps un tropisme pour le Moyen-Orient, avec une filière orientée vers le marché des médias des pays arabes. Quelle sera désormais sa future ligne ? La nouvelle équipe de direction sera connue en janvier, et l’école devrait bientôt quitter la rue de Tolbiac, dans le XIIIe arrondissement de Paris, pour des nouveaux locaux. Contactée, la nouvelle directrice n’a pour l’heure pas répondu aux sollicitations de Libération.
Critique positive du film dans le Figaro Magazine ci-dessous (ce serait une bonne surprise), cet avis n’est pas partagé par l’hebdomadaire britannique The Economist plus bas.
LA GLOIRE DE SON PÈRE
Ridley Scott signe avec « Gladiateur II » un film spectaculaire qui marche sur les traces du premier.
C’est la bonne nouvelle que l’on n’attendait pas. Parce que Gladiator, immense succès qui lança en 2000 le renouveau du film antique, décourageait tout espoir d’une suite digne de lui. Parce que les films historiques de Ridley Scott ont suivi sur une pente descendante, d’Exodus. Gods and Kings[L’Exode : Dieux et Rois au Québec] au Dernier duel et à Napoléon, tous marqués au coin du grotesque. Or, Ridley Scott et le scénariste David Scarpa ont fait pour Gladiateur II un choix payant : celui de la filiation tous azimuts, à commencer par le héros, Lucius (Paul Mescal), propre rejeton de Maximus, qu’incarnait Russell Crowe. Capturé en Numidie par l’armée du général Acacius (impeccable Pedro Pascal) lors d’une bataille où sa femme perd la vie, il devient, à Rome, un gladiateur anonyme, bien décidé à se venger de son vainqueur qu’il découvre marié à… sa mère, Lucilla (Connie Nielsen, survivante du premier film).
Comme dans Gladiator, les scènes de batailles et d’arène rythment savamment l’action, avec un zeste de surenchère jouissive (on aime Les Dents de la mer en plein Colisée). Les empereurs Geta et Caracalla reprennent haut la main le flambeau de Commode en clowns maléfiques, flanqués d’un préfet du prétoire tout aussi impitoyable (Denzel Washington, qui offre un numéro soigné de barbarie au sourire Colgate). Ridley Scott a réalisé un film moins lyrique, plus sombre que le premier. Mais son grand spectacle est solide comme l’airain qui cuirasse son héros, loin de l’esthétique de jeu vidéo à laquelle le genre semblait abonné depuis 300. Quant à l’Irlandais Paul Mescal, il est aussi à l’aise dans la série romantique Normal People [Des Gens normaux au Québec] que dans ces combats virils qui sentent bon le MMA et le sable chaud, avec ce qu’il faut d’humanité blessée et de destins brisés. Force et honneur !
La bande-annonce (l’aguiche) en VF :
GLADIATEUR II, ses erreurs artistiques dépassent ses erreurs historiques
QUEL EST le moment le plus ridicule de « Gladiator II » ? Est-ce lorsqu’un gladiateur chevauche un rhinocéros dans l’arène ? Ou lorsque le héros, Lucius (Paul Mescal), se bat aux côtés de sa femme ? (On lui a fourni une armure moulée à ses seins, les armées du troisième siècle étant des employeurs réputés pour leur égalité des chances, c’est bien connu.) Ou est-ce lorsqu’il combat un singe conçu par ordinateur, mi-gibbon, mi-Gollum ?
Ou peut-être est-ce la façon dont il cite sans cesse le premier « Gladiateur », en répétant » Force et honneur « et » J’aurai ma vengeance « — bien qu’il évite de demander “Alors, ça vous divertit ?”. Probablement parce que la réponse serait : pas autant qu’avec le premier opus.
Lorsque le premier “Gladiateur” est sorti en 2000, le monde s’est instantanément épris de Maximus Decimus Meridius (interprété par Russell Crowe), qui se décrit comme » le père d’un fils assassiné, le mari d’une femme assassinée » et qui possède les plus beaux avant-bras que l’on avait vu à l’écran depuis un bon bout de temps. Les critiques ont fait la fine bouche (« grandiose et stupide », a dit l’un d’eux). Mais presque tout le monde les a ignorés : « Gladiateur » est devenu le deuxième film le plus rentable de l’année. Il a remporté cinq Oscars et s’est attiré l’adoration des spécialistes du classicisme, dont le sujet semblait soudain plus à la mode qu’ennuyeux. J’ai adoré ce film », a déclaré Dame Mary Beard, auteur à succès et spécialiste de l’histoire romaine. « J’ai pleuré. »
Voici le retour de « Gladiateur », dont la suite prendra d’assaut les arènes modernes (appelées cinémas) le 15 novembre en Grande-Bretagne et le 22 novembre en Amérique. Le dernier film s’est terminé dans un bain de sang : dans l’art comme dans la vie, les gladiateurs et les empereurs romains ont une espérance de vie particulièrement courte. Cela a nécessité des changements considérables dans la distribution des rôles.
Mais beaucoup de choses nous sont familières. Maximus, homme d’humeur changeante, a été remplacé par Lucius, homme d’humeur changeante. L’empereur fou Commode est devenu deux empereurs fous : Caracalla et Geta. « Gladiateur II » offre le même mélange de sabres, sandales et sueur, et en grande partie la même intrigue. Lucius, comme Maximus (déflorement : ils s’avèrent être apparentés), est capturé comme esclave lors d’une bataille, il est ensuite amené à Rome, puis s’efforce de la libérer d’empereurs malveillants. Comme Maximus, Lucius aspire au « rêve qu’était Rome ». Malheureusement, ce que Sir Ridley Scott, le réalisateur du premier et du second opus, entend par ce rêve se révèle moins clair la deuxième fois.
Tous les drames historiques se déroulent non pas à une époque, mais à deux : celle qu’ils évoquent ostensiblement et celle dans laquelle ils sont filmés. « Bridgerton », avec ses dialogues à la Downton Abbey et sa distribution des rôles multiethnique, se déroulait davantage en 2020 qu’en 1813.
Les péplums romains sont également datés, car les Romains sont utilisés « en partie comme une image de nous-mêmes », explique Dame Mary. Par exemple, « Quo Vadis » (1951) est un hymne au christianisme ; la série télévisée « Moi, Claude » proposait une débauche racoleuse qui reflétait les années 1970. Le premier « Gladiateur » exprimait l’idéalisme de la démocratie, ce qui convenait parfaitement au tournant du millénaire. (Marc Aurèle veut que Maximus aide à rendre le pouvoir au peuple.) Ici le film s’inscrivait dans la lignée du célèbre essai de Francis Fukuyama « La fin de l’histoire » paru peu avant.
Le second opus est plus confus. Le péplum affirme défendre la démocratie, mais la croyance en elle, à l’écran comme en dehors, semble bien plus faible qu’auparavant. Les vrais méchants de ce film sont, comme souvent dans le cinéma d’aujourd’hui, les riches oisifs. Ses héros sont les travailleurs immigrés de Rome.
Ainsi, Lucius, réduit en esclavage, travaille avec une force surhumaine tout au long du film. Ses compagnons gladiateurs sont représentés sous un jour favorable, de même que leur médecin indien. Même le méchant « maître » des gladiateurs, Macrinus (Denzel Washington), est plus séduisant que les aristocrates imbéciles qu’il sert. Quel est le rêve de Rome ? À en juger par ce deuxième volet, c’est le plein emploi, le fait de déjouer les riches et des relations interraciales harmonieuses (la distribution est extrêmement diversifiée). Les femmes y sont émancipées à un point improbable : elles participent aux batailles et se battent dans le Colisée aux côtés des hommes. Tout cela fait très 2024 — et c’est sans doute très méritoire. En revanche, ce n’est pas très palpitant.
Cela n’en fait pas un film non historique. La Rome antique était très diversifiée [mais la présence des noirs et des Indiens était négligeable, il s’agissait d’un mélange de Méditerranéens]. L’Empire romain s’étendait de l’Espagne à la Syrie ; il comptait environ 60 millions d’habitants, dont beaucoup se déplaçaient. Des poteries d’Afrique du Nord ont été retrouvées à Iona, en Écosse ; des rhétoriciens de Gaule ont été retrouvés en Islande. Tout le monde s’est retrouvé au Colisée de Rome lors de son ouverture. Arabes, Égyptiens, Yéménites, Éthiopiens, Germains, tout le monde était là, a écrit le poète Martial. [Voir l’encadré ci-dessous pour l’analyse ADN de dépouilles remontant à la Rome antique, l’échantillonnage est encore petit et sélectif doit on ajouter.]
Et les Romains ne s’intéressaient guère à la teinte de la peau. Un Nord-Africain pouvait devenir empereur (comme le sera plus tard Macrin en 217 après J.-C.) presque sans que son teint ne fasse l’objet d’un commentaire. Rome n’était pas une utopie raciale, loin de là. Mais les préjugés des anciens Romains n’étaient pas les mêmes que ceux de la société actuelle. Les peuples que les Romains détestaient vraiment étaient les peuples nordiques poilus. La Germanie était menaçante, la Grande-Bretagne était lugubre et les habitants de l’Irlande étaient, selon le géographe Strabon, « des cannibales et de gros mangeurs » qui avaient « des relations sexuelles… avec leurs mères ».
De récents résultats d’analyse d’ADN indiquent qu’il y a eu un énorme changement dans l’ascendance des personnes qui ont vécu à Rome à l’époque impériale et que l’apport génétique provenait principalement de la Méditerranée orientale et du Proche-Orient.
Les siècles suivants sont quelque peu agités. L’empire se divise en deux en 395, des maladies ravagent la population romaine et la ville est envahie à plusieurs reprises. Ces événements ont marqué les habitants de la ville, dont l’ascendance est devenue plus proche de l’Europe occidentale. Plus tard, l’avènement et le règne du Saint Empire romain germanique ont entraîné un afflux d’ancêtres d’Europe centrale et septentrionale. Mais « au cours de la période impériale, la tendance la plus marquée est un changement d’ascendance vers la Méditerranée orientale, avec très peu d’individus d’ascendance principalement ouest-européenne », notent les chercheurs. « Une des explications possibles de la prédominance du flux génétique de l’Orient vers Rome est que la densité de population était plus élevée dans l’est de la Méditerranée que dans l’ouest ». (Voir Ancient Rome : A genetic crossroads of Europe and the Mediterranean, dans Science 2019)
Comme on l’a dit plus haut ces résultats se fondent sur des échantillons restreints. C’est ainsi que l’ascendance nord-africaine en Italie n’est étayée que par l’ADN d’un seul individu précédemment signalé de la période romaine impériale (R132) (Antonio et coll., 2019). Une autre étude génétique de 2022 montre que malgré l’hétérogénéité génétique dans la Rome impériale, l’Europe a connu une stabilité des structures génétiques de ses populations depuis d’Âge du fer. Plusieurs hypothèses sont émises pour résoudre cette apparente contradiction : cette hétérogénéité n’aurait pu être qu’urbaine (les sites de fouille d’où provient l’ADN antique sont souvent dans les anciennes villes), les villes ont tendance à faire baisser la natalité (le logement y est cher, les enfants ne peuvent aider dans les travaux des champs), les maladies auraient surtout frappé ces villes densément peuplées et à l’hygiène douteuse, la population aurait été remplacée par une population locale rurale plus homogène et plus féconde, enfin le déclin économique de l’empire d’Occident aurait pu encourager le retour d’étrangers vers leur pays ou du moins l’Empire d’Orient resté plus prospère. Plus de détails dans Stable population structure in Europe since the Iron Age, despite high mobility.
Pouce vers le bas
Si le message de ce film est un peu plus confus, son esthétique l’est tout autant. Le premier film n’avait pas un
héros fort et taciturne, mais deux : Maximus et Rome elle-même. Il commençait par une bataille dans une Germanie âpre et dure, avant de se rendre dans une Rome encore plus âpre. L’effet général était un sinistre
chic fasciste. De nombreuses scènes — aigles impériaux se découpant sur
le ciel, tambours battant la mesure — font écho, plan pour plan, au « Triomphe de la volonté » (1935), le film de propagande de Leni
Riefenstahl sur l’Allemagne nazie.
Si le premier « Gladiateur » évoquait le théâtre de guerre, celui-ci frôle le théâtre kitsch. Il commence par une sotte bataille navale dans le nord-ouest de l’Afrique avant de se déplacer dans une Rome très différente, où des aristocrates oisifs se livrent à la nudité, au recouvrement des tétons et à ce qu’on ne peut que nommer se faire des mamours. Cela se veut osé, mais selon les normes romaines authentiques, ce n’est pas grand-chose. L’empereur fou Héliogabale se serait fait remorquer dans un char par quatre femmes nues [il nous en est parvenu un camée représentant la scène, Héliogabale est lui-même nu et son sexe est en érection…] et aurait étouffé à mort des convives sous des gerbes de fleurs. Dans « Gladiateur II », les excès impériaux les plus évidents concernent un flacon de gel pour les cheveux. Lorsque les hommes pensent à Rome plusieurs fois par jour, comme le prétendent les médias sociaux, il est presque certain que ce n’est pas à cette Rome qu’ils pensent.
Pendant ce temps, le film ajoute des fictions historiques improbables. Il inonde le Colisée pour simuler des batailles navales (qui ont certainement eu lieu, en détournant un aqueduc local). Mais le film ajoute de fausses îles désertes, de faux palmiers et de faux requins (ce qui n’a pas eu lieu). Et moins on en dit sur le singe généré par ordinateur, mieux c’est.
Non, pas de requin dans le Colisée
Transporter et maintenir des requins dans un habitat marin artificiel aurait été impensable au troisième siècle de notre ère. La qualité de l’eau nécessaire pour maintenir en bonne santé les grands prédateurs actifs implique des systèmes de filtration complexes pour éliminer les déchets et maintenir les niveaux d’oxygène — une technologie qui dépasse de loin les possibilités de la Rome impériale.
Bien sûr, si vous voulez de l’exactitude historique, « Pourquoi regardez-vous un film ? » demande Dame Mary. [Cela nous paraît un peu faible, les films ont un impact très important sur ce que l’on considère comme crédible, ils forment et déforment notre vision du monde contemporain et historique.] Le premier « Gladiateur » prenait beaucoup de libertés dramatiques. En outre, tous les films doivent condenser et simplifier. John le Carré a dit que transformer un livre en film équivalait à transformer « une vache en un cube Oxo » de bouillon de bœuf. Transformer un empire qui a duré un millénaire en un film de deux heures et demie est encore plus difficile. La nuance est inévitablement perdue. Par exemple, les Romains sont dépeints comme des assoiffés de sang, mais beaucoup d’entre eux détestaient l’arène : Sénèque, un philosophe romain, pensait que le simple fait d’y assister rendait l’homme plus « cruel et inhumain ».
Cependant, les problèmes de ce film sont plus profonds qu’une simple inexactitude. Les grands souverains romains ont remodelé Rome à leur convenance : Adrien a reconstruit le Panthéon, Titus a achevé le Colisée, Auguste a transformé la brique en marbre.
Les grands films font de même, remodelant la Rome de l’imagination. Il y a plus de vingt ans, Sir Ridley a changé la façon dont vous pensez à Rome. Ce film ne le fera pas. ■ (The Economist)
Autre critique de Gladiateur II (en vidéo) sans trop le déflorer :
Historiquement : vrai et le faux
Billet du 10 juillet 2024
Dans le prochain Gladiateur 2 de Ridley Scott qui devrait sortir à la fin 2024, selon Vanity Fair, « Denzel Washington joue le rôle d’un fringant homme d’affaires nommé Macrin (us). Denzel est un marchand d’armes qui fournit de la nourriture aux armées européennes, du vin et de l’huile, fabrique de l’acier, des lances, des armes, des canons et des catapultes. C’est donc un homme très riche. Au lieu d’avoir une écurie de chevaux de course, il a une écurie de gladiateurs. »
Mêmes couleurs beige que dans Napoléon, sans éclat, musique rap en anglais déplacée et moche, un empereur berbère noir et une trame qui semble, pour ce que l’on en peut juger de cette aguiche, une resucée du premier Gladiator.
Le film semble présenter une version condensée des années 211-217 apr. J.-C., au cours desquelles l’empereur Caracalla assassine son frère Geta pour s’emparer seul du pouvoir. Finalement, le tyrannique Caracalla tombera lui-même sous la coupe de l’ambitieux « marchand d’armes » Macrin (us). L’image semble montrer Macrin (us) en tant qu’empereur surveillant les batailles dans l’arène, et provient donc probablement du point culminant du film.
Ci-dessous un buste de l’empereur Macrin, sa famille était berbère.
Macrin est né en 164. Il était originaire de Césarée, la capitale de la province de Maurétanie Césarienne (Mauretania Caesariensis), qui se trouvait près de l’actuelle ville algérienne de Cherchell. Macrin était membre de l’ordre équestre. Il est possible que ses parents inconnus aient déjà été chevaliers, mais il est également possible qu’il ait été le premier à recevoir ce titre. Ce n’est que dans l’historiographie de l’Antiquité tardive que des détails sur sa prétendue ascension à partir d’un milieu extrêmement pauvre nous sont parvenus, mais ils sont peu crédibles. Il s’agit manifestement de calomnies destinées à le discréditer dans les milieux aristocratiques en le faisant passer pour un parvenu indigne. L’historien et sénateur contemporain Dion Cassius se contente de dire que Macrin était un Maure romanisé et que sa famille était « très modeste » et que Macrin avait l’oreille percée, comme c’était la tradition chez les Maures. Mais, comme Macrin a reçu l’éducation nécessaire et coûteuse pour sa future carrière, sa famille n’était probablement en réalité pas sans ressources.
Pièce de monnaie avec l’image de l’empereur Macrin. IMP C M OPEL SEV MACRINVS AVG soit Imperator Caesar Marcus Opellius Severus Macrinus Augustus. Empereur (commandant suprême) César Marc Opellius Sévère Macrin, Auguste (empereur).
Affiche soviétique de 1930 : « la religion est un poison, protégez vos enfants » avec église délabrée à gauche et l’école triomphante à droite. Notre choix d'illustration.
Scandale dans les médias : le ministère de l’Éducation a rendu public un rapport dénonçant les pratiques de 11 professeurs à l’école primaire [publique] Bedford, dans Côte-des-Neiges à Montréal. Violences physiques et psychologiques envers les élèves, application de méthodes jugées désuètes, intimidation envers certains collègues, etc.
Et malgré tout, j’y vois du bon dans cette histoire.
Rassurez-vous : je ne suis ni sadique ni illuminée. Je reconnais, évidemment, la majorité des évènements à Bedford comme mauvais. Et je compatis avec les élèves et les professeurs du « clan minoritaire », certains parfois eux aussi d’origine maghrébine. Tout de même, deux points positifs ont retenu mon attention.
D’abord, petit point marginal, mais qui vaut tout de même la peine d’être soulevé : le rapport dénonce un enseignement plus traditionnel, qui utilise, par exemple, des cahiers plutôt que des Ipad. Ou encore qui met à l’étude les fables de la Fontaine. Traitez-moi de vieux jeu, mais pourquoi pas?
Ingérence islamiste
Cela dit, ce qui m’a surtout frappée dans cette histoire, c’est d’observer l’idéal de laïcité québécois confronté, voire contredit. Je ne me réjouis pas de l’ingérence islamiste dans nos écoles publiques. Ingérence qui s’est faite sentir soit directement, avec la visite de représentants de la mosquée; soit indirectement, à travers le refus d’enseigner l’éducation sexuelle, le choix de limiter la science ou encore l’interdiction pour les filles de jouer au soccer.
(Remarquez que ce n’est pas propre aux musulmans : j’ai habité en Italie et on me présumait lesbienne dès que je mentionnais être une joueuse de soccer. Ce que je ne suis pas, au risque de décevoir la gente féminine.)
Dans tous les cas, je m’oppose à l’influence islamiste dans nos écoles. Pas tant pour les conséquences potentielles, contrairement à la plupart des chroniqueurs, mais parce que je crois l’islam fondamentalement faux. Notamment, je pense que Mohamed est un faux prophète.
Mon désaccord intellectuel ne fait évidemment pas de moi une islamophobe, comme mon désaccord avec les athées ne me rend pas athéophobe.
L’illusion d’une école « neutre »
Mais revenons à nos moutons. Une école complètement imperméable à la religion, c’est une illusion. Quand j’entends les défenseurs de la laïcité soutenir que l’école ne doit enseigner que la « vérité scientifique », les mathématiques ou la grammaire, et ce, sans entrer dans la morale ou la religion, je sourcille.
Notre vision de la vie influence toute notre personne, tous nos choix, tous nos comportements. Peu importe que cette vision dépende d’une religion plus traditionnelle ou plus « séculière », comme l’est l’athéisme aujourd’hui.
Une école athée
Le ministre responsable de la laïcité, Jean-François Roberge, a déclaré dans les derniers jours que l’école devait être le rempart à l’obscurantisme religieux. D’accord, mais dire que le sexe est une catégorie sociale et qu’il se trouve sur un spectre infini, ce qui est enseigné présentement, ce n’est pas de l’obscurantisme ? Et faire comme si Dieu n’existait pas, c’est la vérité ultime ? Parce que nos écoles québécoises ne sont pas neutres, me semble-t-il, mais athées dans leur fonctionnement et leur contenu. La neutralité est un mirage.
Orienter un système d’éducation sans prendre position sur les questions fondamentales, c’est impossible. On doit proposer une vision de l’univers et de son origine, qu’on le fasse consciemment ou non.
Normalement, il vaudrait mieux le faire de façon consciente, pour éviter la double ignorance (croire savoir ce qu’on ne sait pas), situation dans laquelle se trouvent nos écoles en ce moment. Elles prétendent n’enseigner que « le savoir », sans aucun système de croyances en amont. Nos écoles, encore une fois, sont athées et l’athéisme, c’est une croyance.
Convertissez-vous les uns les autres
Certains chroniqueurs de droite demandent, en commentant l’histoire de Bedford, une assimilation des musulmans par le Québec. Or assimiler, c’est convertir.
En fait, tout le monde veut convertir tout le monde. C’est normal et même sain. Je me souviens encore d’une amie en philosophie. Après une longue journée de conférences, nous nous sommes retrouvées au restaurant. Au moment où j’allais croquer mon burger, elle me lance : « je pensais que tu étais une bonne personne ». S’ensuit une longue conversation pour me convertir au véganisme.
Je n’ai rien contre le véganisme. Mais si Dieu ne voulait pas qu’on mange les cochons, pourquoi il les a faits en bacon ?
Dans tous les cas, bien que j’avoue avoir été profondément ennuyée d’être dérangée pendant que je me sustentais, j’admire le courage et l’intérêt de mon amie pour ma pauvre personne. Bien sûr qu’elle a raison de vouloir me convertir si elle croit de tout son cœur au véganisme !
J’ai bien tenté de la convertir au christianisme, de mon côté. Il fallait bien que je lui rende la pareille et que je lui montre que je l’aime assez pour lui partager, moi aussi, mes convictions.
Rancard express religieux
Il existe toutes sortes de cafés, aujourd’hui. Des cafés pour faire de la poterie, pour flatter des chats, des cafés dans le noir, etc. Pourquoi pas un café de speed dating religieux?
Tu t’assois et tu places un écriteau devant toi : catholique, musulman, athée, végan, peu importe. Plutôt que de feindre que tout le monde peut se mettre d’accord dans la vie politique et éducative, même en ayant une vision du monde complètement à l’opposé, on devrait se confronter un peu plus les uns les autres. Pas derrière un écran, mais de manière plus traditionnelle : c’est-à-dire dans le blanc des yeux.