mardi 27 mai 2014

Euthanasie – Recours aux tribunaux du Québec

Une requête en jugement déclaratoire est en voie d'être déposée à la Cour Supérieure du Québec, district de Montréal. Les requérants sont Mme Lisa D'Amico, citoyenne handicapée, et le Dr Paul J. Saba, médecin de famille. Cette requête les oppose au Procureur général du Québec et met en cause le Procureur général du Canada, afin de faire déclarer que :

  1. L'euthanasie d'un être humain par son médecin, notion plus connue au Québec sous l'euphémisme d'« aide médicale à mourir », n'est pas un soin ;
  2. Le Québec n'a donc pas compétence pour légiférer en la matière ;
  3. L'euthanasie est contraire aux Chartes canadienne et québécoise des droits fondamentaux, au Code criminel canadien, au Code Civil du Québec, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec, ainsi qu'au Code de déontologie des médecins du Québec et à la Loi Constitutionnelle de 1867 ;
  4. Il est impossible de constater au Québec un consentement libre et éclairé des patients concernés par l'euthanasie en raison de leur vulnérabilité accentuée découlant du manque de ressources en matière de soins appropriés, en raison de leur état de santé et du manquement à l'accès universel aux soins palliatifs à toutes les personnes qui en ont besoin, notamment pour apaiser les souffrances ;
  5. Il est impossible et incompatible de confier la vérification des conditions de l'euthanasie et le geste létal aux seuls médecins, qui transgresseraient leur code déontologie et la loi criminelle fédérale.

Madame D'Amico a un intérêt personnel à agir en affirmant craindre que l'insuffisance des moyens en soins et en services sociaux au Québec ne la place en situation de grande vulnérabilité, en l'incitant à accepter l'euthanasie en raison de l'évolution de sa condition. Le Dr Saba estime qu'il n'est pas possible de demander à un médecin de pratiquer l'euthanasie sur un patient. Il rappelle deux principes qui sont parmi les fondements de la pratique de la médecine :

·        En premier lieu, l'adage primum non nocere, qui peut se traduire comme étant « le devoir de ne rien faire qui puisse nuire à l'état du patient ». L'administration d'une injection létale, lorsqu'il y a d'autres options moins agressives et dangereuses, est contraire aux principes d'une saine pratique de la médecine.

        Deuxièmement, l'idée du bien commun ou celle du Bon Samaritain, devrait assurer l'ensemble de la population que les soins autorisés ne vont pas nuire à ses proches. Cette notion doit guider le médecin afin de protéger les intérêts de l'ensemble de la population. Dans ce sens, l'euthanasie va causer des décès inadmissibles et que l'on peut éviter : celui des personnes qui seront euthanasiées à cause d'erreurs de diagnostic et de pronostic.

Selon la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, l'euthanasie est un geste qui consiste à causer délibérément la mort d'une autre personne pour mettre fin à ses souffrances. La médecine palliative n'inclue pas la pratique de l'euthanasie. Les soins palliatifs appropriés ne sont pas offerts de façon égale sur tout le territoire québécois ni dans tous les établissements de soins et ne sont offerts qu'à des taux variant de 20 à 60 % selon les régions et les types de maladies (Rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, mars 2012, page 26). Une majorité de patients n'y a donc pas accès et ne sera donc pas en mesure de faire un véritable choix libre et éclairé. Cette requête soulève une question d'intérêt public. Il existe un risque réel de danger immédiat que la légalisation de l'euthanasie conduise à mettre fin rapidement, sans balises sérieuses, à la vie des personnes les plus vulnérables de notre société, au premier rang desquelles figurent les personnes handicapées. L'expérience de la Belgique a démontré qu'il y a des dérapages avec 32 % des personnes euthanasiées sans leur consentement ou celui de leurs familles (Physician-assisted deaths under the euthanasia law in Belgium: a population based survey, Journal de l'Association médicale canadienne, édition du 15 juin 2010). Des changements récents à la loi Belge donne maintenant aux personnes dépressives et aux enfants l'accès à l'euthanasie. Ces situations ne sont pas à la hauteur des valeurs fondamentales de notre pays. L'euthanasie est un accroc à la Déclaration sur l'euthanasie de l'Association médicale mondiale – représentant 9 millions de médecins dans 100 pays, dont plusieurs du Canada – qui stipule ce qui suit : « L'euthanasie, c'est-à-dire mettre fin à la vie d'un patient par un acte délibéré, même à sa demande ou à celle de ses proches, est contraire à l'éthique… et doit être condamnée par la profession médicale. » Et par résolution : « L'Association médicale mondiale encourage vivement toutes les associations médicales nationales et les médecins à refuser de participer à un acte d'euthanasie, même si la loi nationale l'autorise ou la décriminalise dans certaines situations. » L'Assemblée nationale du Québec leur ayant fait la sourde oreille, les demandeurs font maintenant appel aux tribunaux où ils sont confiants d'être entendus quant au projet de loi 52, dont les articles prévoyant l'euthanasie ne respectent pas notre constitution ni nos valeurs fondamentales, l'euthanasie ne constituant pas un soin médical.

La requête en jugement déclaratoire (33 pages en PDF)




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