mardi 31 décembre 2024

Meilleurs vœux pour 2025 !

Que la liberté de choix en éducation croisse en 2025, que les parents et leurs enfants soient protégés du monopole éducatif des bureaucrates de l'État si c'est leur choix !














 
 

« En ouignant ». Ouigner en langue populaire du Québec, c'est protester, chialer, pleurnicher, se lamenter... Ouigner est une altération populaire de la prononciation de hogner, qui est le cri du cheval en colère. Il ne hennit plus, il hogne.

 

 

lundi 30 décembre 2024

S'envoyer des vœux de Nouvel An, une pratique antirépublicaine...sous la Révolution

On sait que les révolutionnaires de 1789 tentèrent d'interdire aux Français le vouvoiement et l'usage de Monsieur ou Madame. On sait moins que le parfum et le maquillage étaient suspects et qu'ils tentèrent aussi d'interdire socialement l'envoi de vœux de Nouvel An.

 Ainsi, le Secrétaire des républicains qui paraît sous la Révolution se donne comme mission non seulement d'imposer le tutoiement et de supprimer systématiquement les usages établis sous l'Ancien Régime. « Nous ne sommes plus au temps du cérémonial », explique son auteur, qui rappelle qu'il faut désormais cesser d'envoyer à ses parents des vœux de bonne année, « cette lettre ridicule et bizarre » dont la politesse ancienne faisait une obligation : « Je ne crois pas, écrit ainsi un fils à son père que tu sois fâché de ne plus [les] recevoir [...]. C'est un usage que le républicain doit annuler. Les bienfaits d'un père sont autrement [précieux]; il n'y a point de jour marqué pour lui témoigner la reconnaissance qui, dans un fils, doit être continuelle... » Et le père d'opiner, en réponse : « Combien d'hypocrisie ! Que de faux baisers ! Il faut que le vice n'ait plus de subterfuges, et la vertu n'a plus besoin d'époque ».

Ce qui, dans ce manuel de correspondance républicaine, semble n'être qu'une recommandation prend dans la vie quotidienne un tour parfois plus menaçant. Trois ans plus tard, la République proclamée, la célébration du Jour de l'an — qui correspondant au 12 nivôse dans le calendrier républicain — est interdite : « La mort à qui fera des visites ! » commentent les Goncourt, historiens aussi partiaux que perspicaces. « La mort à qui osera des compliments ! Et les gouvernants vont jusqu'à faire décacheter, ce jour-là, toutes les lettres à la poste, pour s'assurer si tous ont bien oublié le calendrier grégorien et les souhaits de bonne année ». Plus que des historiens, les frères Concourt sont des romanciers, et l'on sent qu'ils dramatisent à plaisir la situation. Pourtant, le fait est que ceux qui célèbrent le « Jour de l'an » sont désormais des suspects, comme le note un agent secret du ministre de l'Intérieur dans un rapport du 31 décembre 1793 : « L'Ancien Régime n'est pas encore supprimé dans les cœurs. On voir partout à Paris les trois quarts des citoyens s'apprêter pour souhaiter une bonne année. » Le lendemain, un autre mouchard, Rolin, confirme dans son rapport : « Les anciens préjugés ont bien de la peine à disparaître. On a remarqué que, quoique l'année [républicaine] soit déjà au quart, beaucoup de citoyens ne la considèrent encore que commençant en ce jour. Les visites ont existé presque comme de coutume dans les rues mêmes on a entendu des citoyens se souhaiter une bonne année » — ce qui est un comble, et une information qui mérite d'être rapportée au ministre. « Il faut du temps, conclut Rolin, pour oublier des préjugés, des habitudes que nous avons contractés en naissant ».

Source : Histoire de la politesse, de Frédéric Rouvillois, pp. 38-39.




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samedi 28 décembre 2024

Origine des cartes de vœux

Si l’usage des étrennes nous vient des Romains (les premiers qui aient sacrifié à la déesse Strena), celui des cartes de vœux agrémentées de quelques mots de politesse ou vierges de toute mention, et envoyées aux personnes avec qui l’on a eu commerce d’amitié ou d’affaires pendant l’année, est plus obscur.

Cette tradition d’envoyer ses vœux pour la nouvelle année serait, pour certains, venue du Moyen-Âge : les religieuses de certains ordres, séparées de leur famille, avaient le droit de leur écrire ce jour-là un petit mot. D’autres prétendent qu’il faut faire remonter cet usage à la Chine ancienne : les habitants du Céleste Empire envoyaient autrefois à leurs amis des feuilles de papier de riz dont la dimension devait être en rapport avec l’importance du destinataire. Ces feuilles pouvaient atteindre un à deux mètres de long.




Les Célestiaux se servaient bien avant nous de ces cartes autrefois dénommées cartes de visite ; seulement, chez eux, les cartes étaient de grandes feuilles de papier de riz, dont la dimension augmentait ou baissait suivant l’importance du destinataire et au milieu desquelles, avec des encres de plusieurs nuances, on écrivait les nom, prénoms et qualités de l’envoyeur. Il paraît que, quand la carte était à l’adresse d’un mandarin de 1re classe, elle avait la dimension d’un de nos devants de cheminée !

 
Carte de vœux pour l’année 1906

La distribution des cartes de vœux à Stuttgart, dans le Wurtemberg, était autrefois le prétexte d’une scène piquante : pendant l’après-midi du Premier de l’an, sur une place publique, se tient une sorte de foire ou de bourse aux cartes de visite. Tous les domestiques de bonne maison et tous les commissionnaires de la ville s’y donnent rendez-vous, et là, grimpé sur un banc ou sur une table, un héraut improvisé fait la criée des adresses.

À chaque nom proclamé, une nuée de cartes tombe dans un panier disposé à cet effet, et le représentant de la personne à laquelle ces cartes sont destinées peut en quelques minutes emporter son plein contingent. Chacun agit de même, et, au bout de peu d’instants, des centaines, des milliers de cartes sont parvenues à leur destination, sans que personne se soit fatigué les jambes.

L’usage des cartes de visite du Nouvel An est apparu assez tard chez nous. Jusqu’au XVIIe siècle, les visites se rendaient toujours en personne. On peut noter cependant, comme un acheminement vers les cartes, l’usage dont nous parle Lemierre dans son poème des Fastes et qui était courant vers le milieu du grand siècle. À cette époque, des industriels avaient monté diverses agences, qui, contre la modique somme de deux sols, mettaient à votre disposition un gentilhomme en sévère tenue noire, lequel, l’épée au côté, se chargeait d’aller présenter vos compliments à domicile ou d’inscrire votre nom à la porte du destinataire.

Mais un temps vint où le gentilhomme lui-même fut remplacé par la carte de visite. Cela se passa sous Louis XIV, dans les dernières années de son règne, comme l’atteste ce sonnet-logogriphe du bon La Monnoye :

Souvent, quoique léger, je lasse qui me porte ;
Un mot de ma façon vaut un ample discours ;
J’ai sous Louis-le-Grand commencé d’avoir cours,
Mince, long, plat, étroit, d’une étoffe peu forte.
Les doigts les moins savants me traitent de la sorte ;
Sous mille noms divers, je parais tous les jours ;
Aux valets étonnés je suis d’un grand secours ;
Le Louvre ne voit pas ma figure à sa porte.

Une grossière main vient la plupart du temps
Me prendre de la main des plus honnêtes gens.
Civil, officieux, je suis né pour la ville.
Dans le plus dur hiver, j’ai le dos toujours nu,
Et, quoique fort commode, à peine m’a-t-on vu
Qu’aussitôt négligé je deviens inutile.


Les Révolutionnaires abolirent en décembre 1791 la coutume du Jour de l’An. Elle ne fut rétablie que six ans après, en 1797. Nos pères conscrits, qui ne barguignaient pas avec les délinquants, avaient décrété la peine de mort contre quiconque ferait des visites, même de simples souhaits de jour de l’An. Le cabinet noir fonctionnait, ce jour-là, pour toutes les correspondances sans distinction. On ouvrait les lettres à la poste pour voir si elles ne contenaient pas des compliments.

Et pourquoi cette levée de boucliers contre la plus innocente des coutumes ? Le Moniteur va nous le dire. Il y avait séance à la Convention. Un député, nommé La Bletterie, escalada tout à coup la tribune. « Citoyens, s’écria-t-il, assez d’hypocrisie ! Tout le monde sait que le Jour de l’An est un jour de fausses démonstrations, de frivoles cliquetis de joues, de fatigantes et avilissantes courbettes... »
Bonne année 1921

Il continua longtemps sur ce ton. Le lendemain, renchérissant sur ces déclarations ampoulées, le sapeur Audoin, rédacteur du Journal universel, répondit cette phrase mémorable : « Le Jour de l’An est supprimé : c’est fort bien. Qu’aucun citoyen, ce jour-là, ne s’avise de baiser la main d’une femme, parce qu’en se courbant, il perdrait l’attitude mâle et fière que doit avoir tout bon patriote ! » Le sapeur Audoin prêchait d’exemple. Cet homme, disent ses contemporains, était une vraie barre de fer. Il voulait que tous les bons patriotes fussent comme lui ; il ne les imaginait que verticaux et rectilignes.

Mais enfin le sapeur Audoin et son compère La Bletterie n’obtinrent sur la tradition qu’une victoire éphémère. Ni le calendrier républicain ni les fêtes instituées par la Convention pour symboliser l’ère nouvelle ne réussirent à prévaloir contre des habitudes plusieurs fois séculaires. Les institutions révolutionnaires tombèrent avec les temps héroïques qui les avaient enfantées. Le Premier de l’an fut rétabli. Il dure encore.


Voir aussi

S’envoyer des vœux de Nouvel An, une pratique antirépublicaine...


vendredi 27 décembre 2024

États-Unis : un couple homosexuel condamné à 100 ans de prison pour avoir violé leurs enfants adoptifs

Selon le New York Post, le couple, issu d'une banlieue aisée d'Atlanta, forçait les jeunes garçons à avoir des relations sexuelles avec eux.

En Géorgie, un couple d'hommes homosexuels a été reconnu coupable d'abus sexuels sur leurs deux fils adoptifs. Ils ont écopé de 100 ans de prison.

Prénommés William et Zachary Zulock et âgés de 34 et 36 ans, les deux hommes ont chacun été condamnés l'équivalent d'un siècle de prison sans possibilité de libération conditionnelle, a annoncé le bureau du procureur du comté de Walton. Les Zulocks avaient adopté les garçons auprès d'un organisme chrétien (!) spécialisé dans les besoins spéciaux.

La « famille » Zulock
 

«Des désirs extrêmement sombres»

Et le procureur Randy McGinley d'ajouter : «Ces deux accusés ont véritablement créé une maison des horreurs et ont placé leurs désirs extrêmement sombres au-dessus de tout et de tout le monde.» Ce même procureur qui s'est empressé de relever que «la détermination constatée chez [les] deux jeunes victimes au cours des deux dernières années est vraiment inspirante».

Et pour cause, les sévices subis par les deux enfants dépassent l'entendement. Selon le New York Post, le couple, issu d'une banlieue aisée d'Atlanta, forçait les jeunes garçons à avoir des relations sexuelles avec eux. Le tout en filmant leurs ébats à des fins pédopornographiques.

Et comble de l'horreur, les deux hommes se vantaient de leurs abus auprès de connaissances. L'une d'entre elles avouait à la police avoir reçu le message immonde «je vais baiser mon fils ce soir», suivi d'images du mineur maltraité. Mais ce n'est pas tout. Les bourreaux auraient aussi utilisé les réseaux sociaux pour proposer leurs enfants à des hommes issus d'un réseau pédophile local.
Dénoncés par un pédophile

Nouvel abus qui conduira la police jusqu'au couple. Un membre du réseau avouant aux enquêteurs que William et Zachary Zulock produisaient des vidéos pédopornographiques avec de jeunes garçons.

Durant leur procès, les deux hommes ont plaidé coupables aux accusations de pédophilie aggravée, de sodomie aggravée et d'exploitation sexuelle d'enfants.

Voir aussi
 
 
 
 
Les accusations d’attouchements sur de jeunes garçons mineurs se multiplient

Luc Ferry : la « pensée 68 » était globalement favorable à la pédophilie

La gauche intellectuelle progressiste et la pédophilie, retour sur une histoire trouble

Canada — La pédophilie  : une orientation sexuelle comme l’hétérosexualité pour des experts

Juger la vie privée de Simone de Beauvoir  (Elle a eu une relation avec une élève de 15 ans qui lui aurait valu son congédiement du lycée Molière à la fin des années 30. On relate aussi ses relations amoureuses avec de jeunes femmes qui étaient aussi ses étudiantes, qu’elle « rabattait » ensuite vers son compagnon Jean-Paul Sartre. En 2008, la Britannique Carole Seymour-Jones, auteure du livre A Dangerous Liaison, décrivait le comportement de Beauvoir comme un « abus d’enfant » se rapprochant de la « pédophilie ». En 2015, dans Simone de Beauvoir et les femmes, Marie-Jo Bonnet qualifiait de « contrat pervers » le modus operandi entre Beauvoir et Sartre. Le blogueur du Journal de Montréal Normand Lester accuse quant à lui Beauvoir d’être une « prédatrice sexuelle ».)

La révolution sexuelle des années 60, la pédophilie et les prêtres modernes 

Allemagne — Garçons orphelins sous la tutelle de pédophiles

Grande-Bretagne — 83 suspects de pédophilie… dans le football 

La Russie sanctionne Twitter pour manque de filtrage des contenus pédopornographiques ou faisant l’apologie de drogues ou du suicide  

jeudi 26 décembre 2024

La langue des thèses universitaires devient de plus en plus impénétrable (surtout dans les sciences humaines et sociales)

Les universitaires sont depuis longtemps accusés d’écrire dans un jargon incompréhensible. L’histoire récente d’Amelia Mary Louks, une chercheuse qui a déclenché une tempête sur les médias sociaux avec un message anodin sur 𝕏 célébrant la fin de sa thèse de doctorat, constitue un exemple édifiant. Si le sujet de recherche de Mlle Louks (« l’éthique olfactive » — la politique de l’odorat) a attiré l’attention des critiques en ligne, c’est le résumé verbeux de sa thèse qui a suscité leur courroux. En deux semaines, le message a été relayé par plus de 21 000 personnes et a été consulté plus de 100 millions de fois.


Les réactions étaient suscitées par le langage abscons utilisé dans ce résumé. Le manque de clarté explique la critique. Les travaux de recherche sont devenus de plus en plus difficiles à lire, en particulier dans le domaine des sciences humaines et sociales. Bien que les auteurs puissent affirmer que leurs travaux sont destinés à un public d’experts, une grande partie du grand public soupçonne certains universitaires d’utiliser un charabia pour camoufler le fait qu’ils n’ont rien d’utile à dire. La tendance à une prose plus opaque n’apaise guère ce soupçon.

Pour suivre l’évolution de la rédaction universitaire dans le temps, The Economist a analysé 347 000 résumés de thèse publiés entre 1812 et 2023. L’ensemble des données a été produit par la British Library et représente la majorité des thèses de doctorat en langue anglaise soutenues dans les universités britanniques. L’hebdomadaire a examiné chaque résumé à l’aide du test de facilité de lecture de Flesch, qui mesure la longueur des phrases et des mots pour évaluer la lisibilité. Un résultat de 100 indique en gros que les passages peuvent être compris par une personne ayant terminé la 4e année du primaire aux États-Unis (CM1 en France) généralement âgée de 9 ou 10 ans, tandis qu’un score inférieur à 30 est considéré comme très difficile à lire. Un article moyen du New York Times obtient un score d’environ 50 alors que le « Reader’s Digest » a un indice de lisibilité d’environ 65. La « Harvard Law Review » a un score général de lisibilité dans la trentaine. Le score de lisibilité le plus élevé (le plus facile) possible est de 121,22, mais seulement si chaque phrase se compose d’un seul mot d’une syllabe. Alors qu’Amazon place le texte anglais de « Moby Dick » à 57,98. Une phrase particulièrement longue sur les requins au chapitre 64 a une cote de lisibilité de -146,77.

De l’« allylation asymétrique des aldéhydes » aux « fondements pneumatologiques et apocalyptiques de l’eschatologie », les résumés des thèses de doctorat exhalent un parfum d’érudition indéniable. Nous avons constaté que, dans toutes les disciplines, les résumés sont devenus plus difficiles à lire au cours des 80 dernières années. C’est dans les sciences humaines et sociales que le changement est le plus marqué (voir le graphique), les scores moyens de Flesch passant d’environ 37 dans les années 1940 à 18 dans les années 2020. À partir des années 1990, ces domaines sont passés d’une lisibilité nettement supérieure à celle des sciences naturelles — comme on pouvait s’y attendre — à une complexité accrue. Le résumé de Mme Louks a obtenu une note de 15 pour la facilité de lecture, ce qui reste plus lisible qu’un tiers des résumés de thèses analysés.

D’autres études sur la rédaction universitaire aboutissent à des conclusions similaires : le jargon scientifique et les acronymes sont de plus en plus fréquents. Les auteurs ne sont pas les seuls responsables. La spécialisation et les progrès technologiques exigent une terminologie plus précise et une thèse de doctorat couvre souvent certains des sujets de recherche des plus obscurs. Avec des millions de vues, Mme Louks pourrait revendiquer l’un des résumés de thèse de doctorat les plus lus de tous les temps. Elle a depuis posté : « Je suis ravie d’avoir en quelque sorte doté tout le monde d’une nouvelle terminologie et de nouveaux cadres de travail ! » Mais au-delà de l’intérêt croissant pour l’éthique olfactive, la tendance à l’illisibilité des écrits académiques est déplorable. Une prose claire serait une bouffée d’air frais.

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Canulars embarrassants : revues « savantes » dupées par de fausses études adoptant des mots clés à la mode

Fraude délibérée aurait plombé deux décennies de recherche sur Alzheimer

Une nouvelle étude nous apprend par ailleurs, la même semaine, qu’il n’y aurait aucun lien entre la dépression et la sérotonine. Cette découverte remet en cause l’efficacité de nombreux antidépresseurs.

Comment la science se trompe.... Dans The Economist du 26 octobre, un dossier sur l’évolution du système mondial de recherche scientifique : « How science goes wrong ». On y apprend notamment qu’un nombre important et croissant de publications souffrent de biais statistiques ou défauts méthodologiques qui devraient inciter à la prudence sur les conclusions, quand il ne s’agit pas d’erreurs pures et simples. 

« Des coraux plus résistants à la chaleur » ou des études précédentes peu fiables et alarmistes ?  La menace stéréotypée n’expliquerait pas la différence de résultats entre les sexes en mathématiques (suite) 

Mythe : le traitement de l’« hystérie » féminine à l’époque victorienne 

Expert en désinformation accusé d'avoir utilisé l'IA pour faire une déclaration inexacte devant un tribunal

Recherche — Failles dans le mécanisme de relecture par des pairs

Comment publier un article scientifique en 2020 

Reproduction d’études marketing — Jusqu’à présent (2022), seules 3 tentatives de réplication sur 34 (8,8 %) en marketing ont réussi sans ambiguïté.

Wikipédia, des militants y manipulent

Médecin refuse de publier une étude montrant l’inefficacité des bloqueurs de puberté sur la santé mentale des jeunes

Si la Terre est dégradée, c’est la faute de l’homme blanc, chrétien et hétérosexuel, selon un cours de l’Université de Liège

Étude : Les Blancs qui soutiennent la diversité préfèrent éviter la diversité

Aujourd’hui, 93 % des élèves n’atteignent même pas le niveau médian de 1987

France — Jargon et structuralisme contreproductifs en français au lycée ?

La responsable en chef de la diversité à Harvard accusée de plagiat et de manipulation de données

« L’élite diplômée croit mériter son succès et ne se sent désormais aucun devoir »

 « Le wokisme, un opium des intellectuels »

Le polythéisme antique était-il synonyme de tolérance religieuse ?

Pour l’historien Stéphane Ratti dans l'article ci-dessous, la «tolérance» romaine à l’égard des pratiques religieuses relève en partie d’une construction postérieure. Rome moquait et punissait même sévèrement les cultes qui lui étaient étrangers. Stéphane Ratti  est professeur émérite d’histoire de l’Antiquité tardive à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté. Son dernier ouvrage: Histoire Auguste et autres historiens païens, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2022.

Observer une réelle tolérance religieuse serait, dit-on, le meilleur moyen d’éviter les diverses tensions qui traversent les sociétés occidentales contemporaines. Il y a un peu moins de dix ans, en 2016, l’intérêt suscité par un ouvrage qui semblait dans son titre proposer, sous la plume de l’universitaire italien Maurizio Bettini, un Éloge du polythéisme, a conduit un peu vite la critique qui a rendu compte de l’ouvrage à célébrer les vertus du paganisme ancien comme s’il s’agissait d’un antidote magique aux fanatismes monothéistes. Or, il convient, même si, dans le contexte actuel, on saisit bien les enjeux, de nuancer les choses et de relativiser la tolérance des Anciens afin de mieux comprendre la véritable nature du paganisme gréco-romain.

Commençons par les sources latines anciennes afin de mettre un terme à un malentendu : la notion de tolérance est inconnue du monde gréco-romain, y compris de l’Antiquité tardive après la victoire du christianisme au IVe siècle. La notion n’existait pas et aucun mot n’existe en latin pour dire la tolérance. En effet, Cicéron n’emploie qu’une seule fois le mot tolerantia — il semble bien, en outre, que ce soit la première apparition de ce mot dans l’histoire de la littérature latine, un mot qui réapparaît plus tard chez Pétrone pour qualifier la complaisance des courtisanes — lequel mot désigne, dans un passage qui propose une définition du stoïcisme, la force de caractère qui permet de supporter l’adversité. Chez les Romains de l’époque classique tolerantia est synonyme de toleratio, l’endurance. Sous l’Empire, le philosophe Sénèque n’emploie le mot tolerantia qu’à cinq reprises dans toute son œuvre et, chez lui, comme chez Cicéron, il s’agit de la vertu qui permet au sage de demeurer ferme en face de l’adversité, une vertu parfois aussi désignée par les termes de constantia, aequanimitas, patientia ou encore perpessio.

Romains massacrent les druides et brûlent leurs bois consacrés au Ier siècle comme le décrit Tacite

On ne se battait pas dans l’Antiquité pour des raisons religieuses. La chose demeure vraie jusqu’aux persécutions contre les chrétiens aux IIIe et au début du IVe siècle, à l’époque de l’empereur Dioclétien, puis, après l’édit de tolérance de Constantin en 313 jusqu’à la fin du IVe siècle, à l’époque où l’on observe à nouveau d’importantes violences religieuses lors du conflit entre païens et chrétiens, par exemple la destruction du temple de Sérapis à Alexandrie en 392 ou le meurtre de la philosophe néoplatonicienne Hypatie en 415. Cette relative indifférence à la religion de l’autre, une spécificité de l’Antiquité pendant des siècles jusqu’au IVe siècle, s’explique par le fait que, ni en Grèce ni à Rome, le paganisme n’est un choix ou un engagement, et ce pour une raison simple : on était païen comme on respirait autour de soi l’air méditerranéen, sur les bords du Mare nostrum ou plus loin dans les terres. On ne pouvait être rien d’autre que païen et d’ailleurs ce dernier mot n’existait même pas en latin (sauf sous la forme pagani qui désignait les paysans dans les villages ou pagi) : inutile de nommer ce qu’on était naturellement. Imaginons qu’aujourd’hui on veuille faire du paganisme une religion parmi d’autres, la décision apparaîtrait ipso facto comme un choix décidé par ses adeptes, ce qui ôterait incontinent à la nouvelle religion son innocence naturelle et primitive. On ne saurait aujourd’hui être païen qu’en vertu d’un choix et d’un refus – celui des grands monothéismes –, ce qui n’était pas le cas, et pour cause, dans l’Antiquité.

Le paganisme était, dit-on, polythéiste et par conséquent tolérant. Même l’éminent historien Paul Veyne le pensait, allant jusqu’à écrire, il est vrai dans un article de vulgarisation simplifiant quelque peu sa pensée, que « le monde antique avait vécu dans une tolérance universelle, comparable à celle des sectes hindouistes entre elles ». Dire le paganisme antique polythéiste et tolérant, c’est pourtant aller deux fois trop vite en besogne. La pluralité infinie des dieux du paganisme est sous-entendue par le préfixe grec, polu, mais une polyphonie n’est pas constituée d’un nombre infini de voix. Hésiode comptait certes, dans Les Travaux et les Jours, 30 000 dieux. Mais le caractère innombrable des dieux païens est aussi un mythe né des caricatures peintes par les chrétiens : c’est saint Augustin, dans les premiers livres de La Cité de Dieu, vers 413-415, notamment les livres IV et VI, qui a brocardé, à partir d’emprunts déformés et mal intentionnés à Varron, le nombre extravagant des dieux païens. Si on ajoute, comme le faisait saint Augustin, que les païens avaient en outre un dieu spécialisé dans les accouchements, un autre pour faire tomber la fièvre, d’autres encore pour veiller sur les bornes de propriété ou encore sur les égouts, on est sûr de son effet. On n’oubliera jamais que saint Augustin était non seulement un brillant rhéteur mais aussi maître en l’art de la satire : on décrédibilise le paganisme en infantilisant ses adeptes. C’était l’objectif du maître-livre de l’évêque d’Hippone. Combien de dieux connaissait réellement un Romain ordinaire ?

La question est celle-ci : les Romains étaient-ils tolérants en matière religieuse ? Bien sûr les Romains ont accepté d’importer à Rome des dieux étrangers, Cybèle, la déesse phrygienne de l’Ida, importée à Rome en 204 avant J.-C., en étant l’exemple le plus fameux à défaut d’être le plus représentatif, mais on pourrait aussi citer Mithra ou Isis, sans parler des dieux grecs. Les Romains « importaient » des dieux, mais ce verbe est inadéquat : ils les « romanisaient » plutôt, les débaptisaient même parfois (on sait que Jules César, dans La Guerre des Gaules, appelle tous les dieux gaulois de noms latins) et surtout les faisaient « leurs ». Et c’était d’ailleurs une cérémonie religieuse qui permettait de faire du dieu d’une cité ennemie vaincue un dieu romain désormais non plus hostile mais ami, la procédure de l’euocatio. Scipion Émilien, par exemple, promit à la divinité de Carthage, en 146 avant J.-C., de lui offrir un sanctuaire en terre romaine. Nous possédons, grâce à l’un des derniers écrivains païens de Rome, Macrobe, actif au début du Ve siècle, le texte poétique, datant du IIe siècle avant J.-C., de la prière par laquelle on suppliait les dieux de l’ennemi de quitter leur panthéon d’origine pour migrer dans celui des dieux romains. La cérémonie, en outre, était strictement encadrée par les prêtres d’un collège spécialisé. Pour éviter d’ailleurs que l’ennemi ne fasse de même avec les divinités romaines la divinité Roma portait un nom secret, jalousement gardé. La supposée tolérance romaine passait donc par un filtre institutionnel, patriotique et religieux et n’avait pas de caractère systématique ni le visage accueillant d’une tolérance idéalisée par certains de nos contemporains.

Interdictions, punitions et moqueries des cultes étrangers

Plusieurs épisodes dans l’histoire prouvent plutôt, et au contraire des idées reçues, l’intolérance de Rome envers les cultes étrangers. La crise la plus fameuse est celle que déclencha, en 186 avant J.-C., la découverte de pratiques secrètes associées au culte de Dionysos et qui provoqua le scandale des Bacchanales, connu pour nous par le fameux et fort détaillé récit de Tite-Live, scandale à la suite duquel le Sénat de Rome prononça de lourdes condamnations et engagea pour de longues années une féroce et systématique persécution contre les adeptes du culte de Dionysos soupçonnés, pour simplifier, de complot contre l’État et de licence morale. Les limites de la tolérance religieuse ne s’imposaient pas uniquement en temps de guerre mais aussi dans les contextes de crise politique. Sous l’Empire, Auguste, réprima le culte d’Isis tout en réorganisant profondément la religion romaine. Mécène, son conseiller, poussa le prince à la sévérité la plus grande envers les cultes étrangers selon le témoignage de l’historien grec Dion Cassius : « … que les fauteurs des cérémonies étrangères soient haïs et punis par toi, non seulement en vue des dieux, attendu que, lorsqu’on les méprise, il n’est rien autre chose dont on puisse faire cas ; mais aussi parce que l’introduction de nouvelles divinités engage beaucoup de citoyens à obéir à d’autres lois ; de là des conjurations, des coalitions et des associations que ne comporte en aucune façon un gouvernement monarchique ». L’empereur Tibère reprocha aux Gaulois la pratique de sacrifices humains (mentionnés par Tacite) et les fit interdire en même temps qu’il s’attaqua aux pratiques druidiques, ainsi que nous l’apprend Pline l’Ancien. Tibère encore, à la suite d’Auguste, voulut éteindre le culte d’Isis, fit brûler les vêtements et objets sacrés de ses adeptes et exila les Juifs en les menaçant d’une « servitude perpétuelle » aux dires de Suétone. L’empereur Claude, enfin, si l’on se fie à la thèse de Jérôme Carcopino, fit fermer la basilique souterraine de la Porte Majeure, à Rome, au motif que le culte pythagoricien représentait un danger religieux peut-être lié au fait que les stucs qui ornaient les plafonds et les murs de cette « église païenne » célébraient l’immortalité de la poétesse Sappho, un destin — l’apothéose — en principe réservé aux princes de l’Empire.

On le constate, bien avant les persécutions contre les païens, ni la liberté religieuse ni la tolérance à l’égard des cultes étrangers n’étaient, la plupart du temps, garanties à Rome. Bien avant ces persécutions l’étrangeté de certains cultes venus d’ailleurs suscitait incompréhension et moqueries. C’était le cas des divinités égyptiennes pourvues de têtes d’animaux ou encore des premiers chrétiens, caricaturés au IIe siècle, à Rome, comme adorateurs d’un dieu à tête d’âne, ainsi que le montre le célèbre graffito d’Alaxamenos, retrouvé sur le Palatin. À cette date la question du refus de la part des chrétiens de sacrifier en l’honneur de l’empereur ne se posait pas encore, seule l’étrangeté de ce culte nouveau dont on calomniait les croyances dérangeait.

Quant à la tolérance du paganisme impérial romain à l’égard du monothéisme chrétien, on sait bien ce qu’il en fut : si elle a été à de longues périodes la règle (en gros pendant les deux premiers siècles de l’Empire), elle s’est affaiblie en face de « l’entêtement » des chrétiens, pour parler comme Marc Aurèle dans ses Pensées pour lui-même et a tourné à la persécution lors de brefs et relativement limités épisodes paroxystiques, sous l’empereur Dioclétien, entre 303 et 311 notamment. Le paganisme institutionnel romain n’a pas pu indéfiniment tolérer une croyance religieuse qui niait le caractère sacré du principe impérial, celui de la personne même du prince.

Le paganisme, religion révélée

Les Romains, enfin, auraient-ils pu être tolérants par indifférence religieuse ? Il est, en effet, un aspect du polythéisme gréco-romain qui est particulièrement difficile à appréhender : c’est ce qu’on pourrait appeler, après Lucien Jerphagnon, le coefficient personnel de leur adhésion à la transcendance divine. On a généralement, à la suite de travaux des chercheurs américains notamment, suiveurs d’Alan Cameron, remis en question à la fin du siècle dernier « la croyance » des Anciens en leurs mythes : tout à leurs occupations commerciales, sociales et militaires, les Romains n’auraient réellement cru ni en leur mythologie ni en l’existence de leurs dieux, mais n’auraient eu qu’un goût d’antiquaires pour les textes de leur littérature ou même, au pire, fait semblant d’y croire. À vrai dire, on le sait, Cicéron déjà racontait qu’un prêtre païen, à Rome, ne pouvait en croiser un autre sur le forum sans échanger un sourire de connivence. C’est là, en réalité, largement caricaturer la complexité des mentalités anciennes et faire fi de ces poèmes funéraires gravés sur les tombeaux et qui donnaient ce conseil aux passants : « Croyez les mythes d’antan ! ».

Pour expliquer la tolérance des Romains, qui, on l’a compris, n’avait rien d’aussi solide qu’on le dit, on a souvent avancé que le paganisme n’était point une religion révélée et que les Anciens n’appuyaient leur croyance sur aucun livre sacré. Ils ne pouvaient donc nourrir aucune foi, tout juste respectaient-ils un formalisme ritualiste qu’on nomme parfois orthopraxie. C’est oublier que ce mot même de foi vient du latin fides. C’est négliger surtout toute une tradition intellectuelle et philosophique, celle de l’hermétisme et du néoplatonisme. Ces deux courants, sous l’Empire romain, du IIe au IVe siècles, ont nourri les grands esprits. Ils ont surtout inspiré toute une série d’ouvrages, la plupart en grec, qui forment comme la bible du paganisme. Ce sont des recueils « de sagesses révélées » selon la formule du grand savant chrétien André-Jean Festugière qui n’avait pas hésité à donner au magnifique livre qu’il leur consacra un titre révélateur, La Révélation d’Hermès Trismégiste. La dernière tentative de réhabilitation d’un paganisme d’État fut menée au IVe siècle par l’empereur Julien (361-363), auxquels les chrétiens revanchards donnèrent par la suite le cruel surnom de « l’Apostat ». Or Julien avait ressenti la nécessité, pour soutenir son entreprise politique et religieuse, de l’appuyer sur un catéchisme : il demanda à son ami le philosophe Saloustios, afin d’édifier la population, de rédiger un bref manuel du parfait païen. Nous avons la chance de posséder encore ce traité Des dieux et du monde qui résume ce qu’il faut savoir sur le sujet. Le paganisme était donc lui aussi une religion révélée, fondée sur des livres. Il était même la seule pensée à identifier absolument la culture livresque antique, des poèmes homériques aux traités néoplatoniciens de Plotin, Porphyre et Jamblique, en passant par Virgile, ce qu’on appelle la paideia, avec le trésor de l’enseignement des dieux.
 
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Afficher le nom des proscrits, c'est ainsi que mourut Cicéron en 43 av. J.-C.

Le télé-enseignement ? C’est très surfait, nous dit Platon

mardi 24 décembre 2024

Joyeux Noël 2024 !



Venez, divin messie
 
Gaudete

The trumpet shall sound

Entre le bœuf et l'âne gris
 

Adeste fideles !

 
O du Fröhliche, o du selige !

Noël nouvelet

Ihr Kinderlein kommet !

Et lux in tenebris

Minuit, chrétiens !
Es ist ein Ros' entsprungen

Messe de minuit pour Noël de Charpentier

Nȣel huron de Jean de Brébeuf (sur l'air d'Une Jeune Fillette)

lundi 23 décembre 2024

Le Noël tourmenté des chrétiens d'Orient

Dans un Proche-Orient troublé par les guerres et l’incertitude politique, la crise économique frappe sans distinction toutes les communautés et, selon Le Figaro Magazine, les convie à une solidarité active, mâtinée de ferveur religieuse. Reportage auprès des chrétiens du Liban et de Syrie qui vivent Noël, entre peur et espoir, comme une nouvelle naissance.

En Syrie, l’humour est un trésor national ; une étincelle qui s’allume dans les conversations de rue ou de salon, en toutes circonstances

Bachar est parti ! Bon débarras ! Nous sommes libres ! s’exclame un robuste gaillard en écartant les bras. Nous pouvons enfin discuter de politique en public, mais… nous n’avons rien à en dire ! » L’hilarité secoue les corps engourdis de ceux qui font la queue devant la boulangerie dans le matin frais de Damas. Ouf, l’humour syrien est resté intact. C’est un trésor national ; une étincelle qui s’allume dans les conversations de rue ou de salon. L’incertitude du nouveau pouvoir, la guerre, les crises ne l’ont pas abîmé. Le regard plongeant dans la longue rue qui mène à la mosquée des Omeyyades, Alsan reprend : « Nous devons renoncer à nous venger. Les criminels du régime sont déjà hantés par leur mauvaise conscience. Un jour, nous ferons justice. La priorité, c’est de reconstruire notre économie en ruine », poursuit ce chrétien, père de quatre enfants, mécanicien sans clients.

Le muezzin chante, les cloches d’une église voisine tintent. Quelques coups de feu s’entendent au loin, rafales d’enthousiasme ou règlements de comptes : personne ne réagit. Ces dernières semaines, une ferveur inédite habite le pays. Les rassemblements ne sont plus réprimés par les armes, les enfants, les femmes, les vieillards se prennent en photo sur les ronds-points, avec des drapeaux, des rebelles, des kalachnikovs, dans toutes les positions, voilées ou pas, en jean mince ou en treillis.

FLEUR D’ORANGER

Chaque matin, au lever du jour, une soixantaine de fidèles se pressent vers la messe de l’une des églises du quartier de Tabbalé. Devant, un menuisier funéraire au visage blanchi astique un cercueil. Les effluves de fleur d’oranger de la boulangerie voisine flottent dans la rue. « Dommage de mourir sans avoir vu la Syrie renaître, marmonne-t-il en nettoyant la croix qui surmonte la planche de bois. Ces quinze dernières années ont été une descente en enfer pour nous tous. Pas d’argent, pas de paix, pas d’espoir. » Les morts dont on a retrouvé les restes dans les charniers autour des prisons vont désormais pouvoir être enterrés. Le combat pour la liberté ou la justice qui les a tués semble enfin avoir porté ses fruits. « C’est un signe, clame un paroissien melkite à l’air rusé. Bachar a fui le jour où Notre-Dame de Paris rouvrait, et où on fêtait l’Immaculée Conception. »

Lors de l’Angélus, récité depuis la chapelle de la Casa Santa Marta et retransmis sur les écrans géants de la place Saint-Pierre, le pape François a de nouveau parlé de Gaza : « Je pense avec douleur à tant de cruauté, aux enfants mitraillés, aux bombardements d’écoles et d’hôpitaux »

ÈRE NOUVELLE

Près du grand sapin de Noël illuminé entre deux coupures de courant, trois jeunes garçons s’exclament : « Bachar s’est envolé ! Bachar s’est envolé ! » en mimant des ailes avec leurs bras. Le soulagement qui se perçoit depuis deux semaines dans le pays augure une renaissance propre à l’esprit de Noël. Dans ce pays épuisé par treize ans de guerre civile, hanté par la disparition de près de 150 000 personnes, la mort de 500 000 autres et le départ de 6 millions de Syriens en exil, une timide dynamique point. Après un demi-siècle de tyrannie politique, sous le soleil hivernal orangé qui éclairait déjà Jésus de Nazareth, né à 225 kilomètres de là, une ère s’ouvre. « Bachar est parti avec sa famille en emportant tout l’argent de notre pays. Il nous a trahis. C’est un médiocre », marmonne Maha, en baissant la voix par réflexe quand elle aborde un sujet politique. Dans la rue qui mène au sanctuaire de la conversion de saint Paul, les murs ont-ils toujours des oreilles ?

Bombardé par les Israéliens…

Une famille ressort de sa voiture pour nous parler. Le fils, chirurgien-dentiste âgé de 27 ans, se rend à la messe chaque jour. Il professe sa foi devant ses parents et sa sœur, dont les grands yeux noirs sont maquillés de khôl : « Nous sommes entre les mains de Dieu. Plus que jamais. On ne pense pas à demain. Il faut lui faire confiance, lui seul sait où nous mener. » Les quatre membres de cette famille prennent soin, dans leurs réponses, d’associer leur sort de chrétiens à celui de leurs amis musulmans. C’est une ascèse, et un pli hérité du régime laïc qui plaçait l’adhésion à la nation au-dessus de l’appartenance religieuse. Ici, depuis un demi-siècle, les écoles ont intégré des élèves de toutes les confessions, permettant aux générations de se familiariser entre elles. Les congrégations chrétiennes ont contribué à ce legs que la Syrie partage avec le Liban voisin : financées par leur ordre et par des associations d’Église, comme l’Œuvre d’Orient, les écoles sont restées abordables et ouvertes au plus grand nombre d’élèves musulmans. En Syrie, depuis la nationalisation de l’enseignement en 1969 par Hafez el-Assad, on dénombre encore une trentaine d’écoles privées confessionnelles chrétiennes. Depuis quinze ans, toutefois, le niveau scolaire s’est effondré et de nombreux enfants sont déscolarisés. Au Liban, le taux est inverse : 320 écoles chrétiennes scolarisent 20 % des élèves libanais.

BAB TOUMA DÉSERTÉ

Abandonné par ses résidents chrétiens dès les premiers jours de la guerre civile, le quartier de Bab Touma, considéré comme l’un des plus charmants et pittoresques de la capitale, où culminent une dizaine de clochers, est vide. Certaines écoles n’ont pas rouvert, faute d’élèves. Les commerçants, dépourvus de clients et d’électricité, ont restreint leur activité : touristes, étudiants, visiteurs qui affluaient au début du siècle ont disparu, livrant les ruelles aux chats. Les résidents sont partis s’installer au Canada, en Autriche, en Australie, en France. Certains ont vendu leur maison. Ces dernières années, la rumeur courait que les palais traditionnels de Bab Charqi et de Bab Touma avaient été bradés à de riches Iraniens, alliés du régime de Bachar el-Assad. Au détour d’un encorbellement, on entend des chants s’échapper d’un couvent des sœurs de Mère Teresa. Là, des effluves d’encens indiquent une chapelle animée. Les portes de l’église melkite ferment après la liturgie : ici, des irréductibles prient Jésus sans trêve depuis près de deux mille ans. Derrière le sanctuaire de saint Paul, une sœur franciscaine qui a vécu dans les camps de réfugiés d’Idlib accueille les familles arrivées de province dans son hostellerie. Celles-ci viennent chercher leurs proches dans les cellules de Saydnaya et dans les hôpitaux avoisinant les sinistres prisons ou bien pour suivre des traitements médicaux auprès d’un spécialiste. « L’islam de Syrie, c’est le meilleur de tous, constate-t-elle. Les musulmans d’ici sont habitués à vivre avec tout le monde. À Idlib, ils provenaient de beaucoup de pays, et ils se battaient entre eux. » Le moteur d’un avion vrombit au-dessus de la capitale. Dans le sanctuaire, Nicolas ne cache pas son effroi. Rien n’apaise ses inquiétudes de bombardements israéliens comme celles concernant le sort des minorités kurdes, alaouites, chrétiennes : « Habibi, qu’est-ce qui nous attend ? De quoi l’avenir est-il fait ? » gémit-il.

dimanche 22 décembre 2024

Le père, assassin de sa femme et ses deux enfants, se dit trans et « une très bonne mère »

Le père assassin se décrit comme une « très bonne mère » Al Ballouz tourmente la famille de Synthia Bussières qu'il a assassinée ainsi que leurs deux enfants.

Mohamed Al Ballouz faisant un clin d’œil à la caméra de surveillance avant de se rendre chez lui, le soir des meurtres

Mohamed Al Ballouz persiste et signe dans son infamie : après avoir poignardé sa conjointe, assassiné ses deux fils et s’être posée en victime, la meurtrière trans a profité de son ultime tribune mercredi pour cracher sur Synthia Bussières et tourmenter la mère de celle-ci de la pire des façons, selon le journal La Presse de Montréal. (Synthia est la graphie « originale » de ce prénom qui est grec et qui devrait s'écrire Cynthia, c'est à dire originaire du mont Cynthe à Délos, Cynthia ou Cynthie le surnom d'Artémis/Diane qui serait née et était honorée sur le mont Cynthe).

Mohamed Al Ballouz – qui se prétend désormais être une femme – a tenu des propos « odieux » et « diffamatoires » à l’égard de sa victime Synthia Bussières.

Les proches de Synthia Bussières, victime de M. Al Ballouz lui ont rendu hommage mercredi.

Le chef du parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre, en tête dans les sondages alors que des élections semblent proches, s'est prononcé sur cette affaire (voir ci-contre). Il a affirmé que, lorsqu'il sera Premier ministre, il n'y aura plus d'homme détenus dans les prisons pour femmes.

La prison à vie attend Al Ballouz pour les meurtres de sa conjointe et de leurs deux fils.

« Je vous donne ce que [Synthia] aurait vraiment voulu vous dire, vraiment. J’ai respecté [sa mère] plus que Synthia l’a fait. C’est sincère. Synthia Bussières souhaitait la mort de sa mère. Elle la détestait à un très haut point où… », a déclaré le meurtrier qui se dit femme avant de se faire couper par le juge Éric Downs.

Le juge lui a ensuite interdit de reprendre la parole en raison des propos « diffamatoires et calomnieux » contenus dans sa lettre.

« Ça reste la vérité, monsieur le juge », a répliqué Al Ballouz.

Ses propos incendiaires ont semé la consternation dans la salle d’audience bondée du palais de justice de Longueuil.

À peine une heure plus tôt, Sylvie Guertin, la mère de Synthia Bussières, avait rendu hommage à sa fille. Elle avait décrit la souffrance « indescriptible » qui l’habite depuis deux ans.

La mère et grand-mère des victimes, Sylvie Guertin, désemparée.

« Votre douleur est incommensurable. Vous êtes extrêmement forte. Vous êtes victime trois fois, et aussi d’un processus qui a été très difficile. Je vous souhaite la paix », lui a ensuite dit le juge Downs, très compatissant.

« Une femme extrêmement vulnérable et sans défense »

Mohamed Al Ballouz – qui s’identifie maintenant comme une femme – a été reconnue coupable lundi du meurtre au second degré de sa conjointe et des meurtres prémédités de ses fils Zac, 2 ans, et Eliam, 5 ans.

Synthia Bussières avec ses deux fils, Zac, 2 ans, et Eliam, 5 ans, également assassinés. (En d'autres circonstances, il faudrait parler de tous ces trois prénoms « originaux » et de cette banderole en anglais.)

Al Ballouz a écopé automatiquement de la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans pour les meurtres de ses fils.

Parmi les 23 coups de couteau infligés à Synthia Bussières, une blessure glace le sang : sa bouche a été coupée de quelques centimètres à chaque extrémité. Une blessure qui s’apparente au « sourire de Glasgow », rendu célèbre par le personnage du Joker.

Pendant le procès, l’accusée a tourmenté les proches de ses victimes à plus d’une reprise, allant jusqu'à assigner une vingtaine d’amis, collègues et proches de Synthia Bussières à témoigner pour sa défense, dont Sylvie Guertin. Au début du procès, l’accusée a même tenté d’empêcher la mère de Synthia d’assister au procès comme il envisageait de la faire témoigner, contre son gré.

Puis, au procès, Al Ballouz a décrit Synthia Bussières comme une meurtrière « qui avait perdu la tête ». Selon cette version, c’est Synthia qui aurait tué ses enfants avant d’orchestrer une mise en scène machiavélique pour incriminer Al Ballouz et tenter de le tuer.

Une amie proche de Synthia Bussières l’a plutôt dépeinte mercredi comme une femme « merveilleuse avec un cœur en or ».

« Tous ceux qui ont eu l’honneur de croiser son chemin ont senti la façon dont elle nous faisait sentir spéciaux. Elle était loyale envers ceux qu’elle aimait », a dit Maria Odorisio.

« Une très bonne mère »

Quand ce fut son tour de s’exprimer, Al Ballouz a eu l'affront de se décrire comme une « très bonne mère ». En septembre 2022, le père a pourtant froidement assassiné ses garçons avec un oreiller pendant leur sommeil. Des meurtres prémédités. Ça ne l’a pas empêchée mercredi de se dépeindre comme une « soccer mom » et une « tennis mom » [en anglais?].

Al Ballouz a aussi insisté sur son droit d’être en « harmonie » avec sa prétendue identité de genre. « J’ai droit d’être moi, d’être une femme », a affirmé celui qui prétend avoir changé de genre pendant le processus judiciaire.

Aussi, est-il détenu depuis à la prison pour femmes Leclerc. Il a aussi amorcé les procédures légales pour modifier son identité de genre et se nommer officiellement Levana Ballouz. Il purgera sa peine dans un pénitencier pour femmes, car monsieur s’identifie désormais comme femme.

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Un homme dans une prison pour femmes! Plusieurs détenues ont été agressées par des hommes qui se disaient femmes!

La Roumanie (après la Géorgie) : « laboratoire de la post-démocratie »

1ere partie:

2e partie

La Roumanie, laboratoire de la post-démocratie, texte de Bock-Côté paru dans Le Figaro le 21 décembre 2024.

Le 24 novembre, les Roumains, à la surprise générale, conduisaient au second tour de leur élection présidentielle Calin Georgescu, un candidat antisystème, classé à l’« extrême droite » par les médias occidentaux, et surtout accusé de se désolidariser partiellement de la guerre en Ukraine (il était pour cela accusé d’être prorusse), qui obtenait 23% des voix. Mais la plus grande surprise vint le 6 décembre, quand la Cour constitutionnelle roumaine décida d’annuler le second tour de l’élection, qui devait se tenir deux jours plus tard.

L’argument avancé par la Cour constitutionnelle avait de quoi surprendre. Même si aucune fraude ne semblait identifiable, le processus électoral aurait été déréglé par la Russie, à travers une manipulation du réseau social Tiktok, en favorisant par ses algorithmes Georgescu. C’est à tout le moins ce qu’affirmèrent les services de renseignements roumains. C’est dans cet esprit que la Commission européenne a annoncé le 17 décembre une procédure contre Tiktok, dans l’esprit du Digital Services Act. Ursula von der Leyen s’en est félicitée, au nom de la « protection de nos démocraties ». Dans la presse occidentale, le récit de la salutaire annulation d’une élection piratée s’est vite imposé.

Pour peu qu’on situe cette annulation électorale à l’échelle de la dernière décennie, elle ne surprendra pas vraiment. En 2016, la victoire surprise du Brexit avait désemparé la nomenklatura européenne. Elle avait voulu y voir le fruit d’une manipulation indirecte du référendum par Cambridge Analytica. Une semblable explication fut mobilisée quelques mois plus tard, avec la première victoire de Trump, fruit apparemment d’une opération russe. Un récit commençait à s’imprimer dans le débat public : les peuples qui votent mal, c’est-à-dire qui se dérobent aux injonctions idéologiques de l’oligarchie, le font parce qu’ils sont manipulés de l’extérieur. S’ils étaient correctement informés, ils seraient vaccinés contre le dérapage populiste.

Ce serait un parti rival de Georgescu, le PNL, qui aurait effectué le battage médiatique sur TikTok, pas la Russie...

C’est dans ce contexte qu’on a vu se développer une volonté explicite de contrôler les réseaux sociaux, qui avaient permis aux préférences populaires de prendre forme à l’extérieur des filtres et des pratiques d’encadrement du système médiatique officiel. D’ailleurs, en janvier 2024, à Davos, Ursula von der Leyen a déclaré que la désinformation était le premier péril de notre temps. On a toutefois compris assez rapidement que l’oligarchie nomme désinformation toute mise en récit de l’actualité qui contredit le grand récit mondialiste et diversitaire. Toute mise en récit qui heurte l’idéologie dominante sera jugée désinformatrice et haineuse.

D’ailleurs, l’argument utilisé pour annuler l’élection roumaine ressemble beaucoup à l’argument utilisé pour délégitimer la récente victoire de Donald Trump, qui serait due essentiellement à la force de frappe de X et au rôle joué par Elon Musk dans la campagne. Il est toutefois plus facile d’annuler une élection dans les Carpates que sur les rives du Potomac. De ce point de vue, l’annulation de l’élection en Roumanie a valeur de test, et ce pays s’est transformé en laboratoire d’une gouvernance postdémocratique, sous la tutelle européiste. On y verra aussi un rappel à l’ordre.

Car telle est la question : une fois que le peuple a mal voté malgré des consignes claires, que faire ? Comme le racontait dans ses Mémoires Boris Johnson, les élites britanniques ont tout fait pour que le vote pour le Brexit soit privé de conséquences concrètes. De même, la radicalisation du front républicain aux dernières élections législatives françaises correspondait à un détournement interne et à une reprise en main du système électoral par un cartel de partis voulant à tout prix empêcher l’arrivée au pouvoir du camp national. La logique du cordon sanitaire appliquée en Allemagne conjuguée aux menaces d’interdiction de l’afd est de même nature.

Nous assistons partout en Occident à la radicalisation des techniques de neutralisation des mécanismes démocratiques. Le système, pour peu qu’on le nomme ainsi, ne se cache plus. En Roumanie, il a voulu faire un exemple, et rien n’interdit de croire qu’il frappera encore, en cas de nouvelles victoires populistes. La comparaison entre L’UE et L’URSS s’impose à nouveau. Tout comme au temps de la doctrine Brejnev, les pays y appartenant sont autonomes dans la mesure où ils ne s’éloignent pas d’un certain périmètre idéologique, qui se rétrécit (multiculturalisme, immigrationnisme, néoféminisme, gouvernement des juges, etc.) et qui se réclame de l’état de droit. De même, on ne se désolidarise pas, même à la marge, de la vision stratégique de l’otan, comme on ne sortait pas du pacte de Varsovie.

Confessons néanmoins notre perplexité. Ailleurs, on présenterait de telles manœuvres comme un coup d’État. En Europe, on veut y voir aujourd’hui une entreprise de sauvetage de la démocratie.