mercredi 6 août 2025

Une première peine adaptée aux criminels racisés au Québec (comprendre un an de moins car le coupable était noir)

Pour la première fois dans l’histoire judiciaire du Québec, une peine a été déterminée en s’appuyant sur l’analyse des facteurs systémiques, censément adaptée aux criminels racisés – surtout les Noirs. Cette démarche, qui existe déjà dans le reste du Canada, risque d’être de plus en plus utilisée dans les prochaines années.

Le cabinet du ministre québécois responsable de la Lutte contre le racisme, Christopher Skeete, a qualifié de « triste première » la prise en compte d’un rapport censément adapté aux « réalités » des criminels racisés (noirs en l'occurrence) dans la détermination d’une peine.  Bien que nous respections pleinement l’indépendance judiciaire, ce jugement soulève des questions fondamentales sur l’égalité des citoyens devant la justice. Créer deux classes de citoyens, selon leur origine, est préoccupant », a réagi le cabinet du ministre Skeete.

Dans une décision récente rendue fin juillet au palais de justice de Longueuil, la juge Magali Lepage a condamné l’accusé Frank Paris à 24 mois de prison dans une affaire de trafic de cannabis et de haschich. Ce dernier avait déjà plaidé coupable. Jusqu’ici, rien d’inhabituel, nous rassure la Presse de Montréal.



Or, pour déterminer sa peine, la juge a considéré la jurisprudence, une analyse de la preuve, une balance des facteurs [style du journaliste ! lire : a soupesé les facteurs] aggravants et atténuants… mais aussi une évaluation de l’impact de l’origine ethnique ou culturelle (EIOEC), une analyse particulière qui se penche sur le parcours personnel d’un criminel à travers la loupe des [prétendues] barrières systémiques auxquelles il a pu faire face.

Après la lecture de l’évaluation, la juge a décidé d’accepter la suggestion de [peine proposée par] la défense, presque un an plus courte que celle de la poursuite.

Il s’agit d’une première au Québec. Aucun juge québécois n’avait considéré une EIOEC dans la détermination d’une peine jusqu’au 28 juillet dernier. La décision risque donc de faire jurisprudence dans le contexte québécois. De telles procédures existent depuis 2014, ailleurs au Canada.

Qu’est-ce qu’une EIOEC ?


Une EIOEC est un rapport présentenciel [le jargon! calque de l'anglais « presentential », comprendre ici « préalable » à la sentence] d’experts qui est utilisé pour déterminer la peine d’une personne racisée – mais qui est surtout utilisé pour les personnes noires. Elle est donc déposée après qu’un accusé est reconnu coupable, mais avant que la peine soit déterminée.

Le rapport fait un examen exhaustif du parcours de l’accusé, avec une insistance sur les « réalités propres » aux personnes racisées, à la « discrimination systémique » qu’elles ont vécue et aux défis spécifiques auxquels elles sont plus exposées (plus bas taux de diplomation, plus grande proportion de familles monoparentales et de père absent, plus grand risque de vivre dans des quartiers défavorisés et criminalisés, etc.). [On ne comprend pas pourquoi les condamnés pauvres blancs ou issus de famille défavorisée n'ont pas droit aux mêmes égards... Mais bon la loi est égale pour tous... hmmm]

Pour le journal La Presse, on considère que ces facteurs, plus présents chez les Noirs, mènent plus facilement à la criminalité.

Comme tente de l’expliquer Me Valérie Black St-Laurent, avocate et directrice des opérations chez Jurigo, « l’objectif d’une EIOEC, c’est vraiment d’informer la Cour pour contextualiser le parcours de la personne qui se trouve devant elle et pour qu’elle puisse rendre une peine qui est juste » et individualisée, comme le prévoit le Code criminel.

« C’est individualisé, mais il reste que les statistiques montrent que tout le groupe des personnes noires est victime de discrimination », renchérit sans hésitation Karine Millaire, professeure adjointe à la faculté de droit de l’Université de Montréal.

« Il faut tenir compte du fait qu’il y a une surincarcération des personnes noires qui est issue du fait que notre système est aussi discriminatoire », prétend-elle.

Concrètement, ça s’articule comment ?

Dans le cas de Frank Paris, le rapport rappelle qu’il a grandi sans son père et que la monoparentalité est beaucoup plus importante chez les Noirs du Canada que chez d’autres groupes. L’EIOEC soulève également son enfance à Côte-des-Neiges, à Montréal, un « quartier défavorisé caractérisé par la pauvreté et le crime », et où « il y avait du profilage racial ».

Sans faire de diagnostic, les autrices du rapport arguent aussi pour que soit considérée « la possibilité de syndrome post-traumatique (TSPT) » associé au « traumatisme intergénérationnel de l’esclavage » en Nouvelle-Écosse – d’où vient sa mère – dans l’appréciation du parcours de vie de M. Paris, et donc dans sa peine.

La Nouvelle-Écosse compte une population noire historique issue de l’esclavage [aboli il y a près de deux siècles]. Même s’il est né au Québec, les visites fréquentes de M. Paris dans la famille de sa mère « ont forgé une expérience d’homme noir diverse, enracinée dans les églises noires » de cette province, peut-on lire dans le rapport.

Le rapport relève aussi des moments précis de discrimination raciale subis par l’accusé, notamment lorsqu’il a été erronément détenu dans un centre pour migrants parce qu’on le croyait jamaïcain, malgré sa citoyenneté canadienne.

Dans sa décision, la juge écrit qu’après la lecture de l’EIOEC, « la Cour a décidé de réduire la sentence qui devrait être de 35 mois à une sentence de 24 mois », comme le voulait la défense – une peine déjà purgée en détention préventive. Elle a aussi ajouté une probation de trois ans.

« Nous devons apprendre. Nous devons nous adapter », écrit la juge Lepage.

Est-ce que cette démarche est aussi utilisée pour d’autres groupes ?

Oui. Le fondement même des EIOEC repose sur ce qui est fait avec les délinquants autochtones depuis plus d’un quart de siècle.

En 1999, l’arrêt R. c. Gladue de la Cour suprême du Canada énonce que les juges doivent considérer les « facteurs systémiques » distinctifs des Autochtones, notamment l’impact de la colonisation, lors de la détermination de la peine. C’est le début des rapports Gladue, qui jouent un rôle semblable à celui des EIOEC.

Dans sa décision, la juge Lepage a tenu à souligner que la démarche qui a mené à la peine réduite de M. Paris est « réminiscente des sentences adaptées aux besoins et enjeux » des Autochtones.

Il existe cependant une distinction entre ces procédures. Les juges ont l’obligation de considérer les rapports Gladue ; les mettre de côté constituerait une erreur de droit. Les EIOEC, elles, ne sont ni obligatoires ni codifiées. Elles sont plutôt traitées comme des opinions d’experts, au même titre que le serait une évaluation psychiatrique ou une analyse balistique.

Karine Millaire souligne que les Autochtones et les Noirs partagent des caractéristiques fondamentales. Historiquement, ce sont les deux groupes qui ont subi de l’esclavage au pays [euh, on y reviendra mais les autochtones étaient aussi esclavagistes et jusqu'au XIXe siècle en Colombie-Britannique!]. De manière plus contemporaine, ce sont les groupes ayant les plus importants enjeux de surincarcération – attribuables à la discrimination, selon la Cour suprême.

N’existe-t-il pas déjà des rapports présentenciels [préalables à la sentence] ?

Oui. « Même pour des personnes qui ne sont ni racisées ni autochtones, des rapports présentenciels (RPS) sont remplis tous les jours » pour permettre à la Cour d’avoir un portrait plus global des personnes devant elle, explique Me Black St-Laurent. On y évalue évidemment les agissements de l’accusé, mais aussi le « milieu sociodémographique dans lequel il évolue, le type d’emploi qu’il occupe », son entourage, son parcours, etc.

Or, « les RPS ne viennent souvent pas contextualiser les aspects systémiques et les enjeux institutionnels, et sont donc incomplets », argue Me Black St-Laurent. D’où la nécessité du processus formalisé de l’EIOEC, selon elle.

« Il faut défaire le mythe que ce sont des processus différents. Toute personne qui est condamnée pour sa détermination de la peine a ce droit de présenter tous les facteurs pertinents dans la prise en compte de son contexte. On ne se retrouve pas à créer un régime qui est hors-la-loi pour les personnes noires », allègue  Karine Millaire.

« Ultimement, c’est le même pouvoir discrétionnaire du juge de tenir compte de la situation de la personne. Mais la situation est que, si on est racisé, on fait partie d’un groupe qui vit du racisme systémique. » [par définition circulaire dirait-on, racisme systémique dont les effets seraient séculaires voir l'invocation à l'esclavage en Nouvelle-Écosse]. 

Source : La Presse

Laïcisme — Défendre la signification « profonde et commune » du parvis d'une basilique en y interdisant les prières catholiques ?

Au Québec, le christianisme se trouve entre le marteau et l’enclume, entre le laïcisme et l’islam, je ne saurais dire lequel est le marteau et lequel est l’enclume, mais cela n’a pas une grande importance, le christianisme est coincé entre les deux.

Tout récemment, dimanche dernier en fait, une manifestation contre les prières de rues islamiques a eu lieu devant la Basilique Notre-Dame de Montréal, son message cependant, ne s’arrêtait pas aux seules prières de rues islamiques, il demandait au gouvernement l’interdiction de toute prière publique...

En effet, lors de cette manifestation, la militante laïque d’origine iranienne, Mandana Javan, déclarait devant la foule d’une centaine de personnes que « Depuis plusieurs mois, ce lieu emblématique devient le théâtre de prosélyte ostentatoire, sans égard pour la signification profonde et commune de cet espace », avant d’appeler plus loin le gouvernement à interdire la prière sur la place publique, rapporte Le Devoir.

L’événement a attiré divers groupes et individus, tel que Nouvelle Alliance ou La Meute, on pouvait voir dans la foule un homme qui tenait une pancarte disant « Le Québec restera chrétien ». On comprend que ce qui unissait ces gens (malgré les dissociations d’usage, mises en avant par certains) c’était la défense du symbole que représente la basilique et la Place d’Armes au milieu de laquelle est sise la magnifique statue de Paul Chomedey de Maisonneuve, un symbole fort du Québec, face aux provocations des prières islamiques qui ont fréquemment lieu devant le vénérable bâtiment.

On comprend aisément le motif, mais le remède proposé est-il le bon ?

On voit mal comment on peut défendre la signification « profonde et commune » de ce lieu en bannissant de la place publique, en même temps que l’islam, ce qui en fait partie.

En effet, c’est ce catholicisme prosélyte (oh ! le vilain adjectif que j’emploie...) qui a présidé à la fondation de Montréal, alors Ville-Marie, une ville qui devait être le tremplin de l’évangélisation des Autochtones en Amérique du Nord. Oui, c’est dans le but de fonder une ville missionnaire que Paul Chomedey de Maisonneuve a été envoyé.

Or, vous ne pouvez pas défendre la signification « profonde et commune » d’un lieu aussi emblématique en prétendant entraver par la bande ce même catholicisme prosélytique. C’est une position intenable. Quid des processions de la Fête-Dieu, des chemins de croix du Vendredi Saint et des pèlerinages ?

Qu’on me pardonne, d’ailleurs, de souligner que ce n’est pas en empêchant les musulmans de prier dans la rue que vous allez empêcher la propagation de l’islam. Ce n’est pas en empêchant la manifestation d’un symptôme que vous allez en empêcher la cause.

Du reste, le motif invoqué par le gouvernement pour envisager d’interdire la prière publique, « On ne souhaite pas voir des prières dans les rues », est très peu élevé pour une interdiction aussi large : le peuple ne le souhaite pas ; les gens en ont assez — depuis quand est-ce qu’on fait des lois sur de simples sentiments ? Qu’on revienne avec des raisons plus sérieuses et avec des solutions qui visent précisément leur objectif et on pourra en parler sérieusement. La politique actuelle semble malheureusement ne devoir être menée qu’à l'aune des sentiments, ce qui ne présage rien de bon dans bien des domaines.

Chine — L'année dernière, il y avait 12 millions d'élèves de maternelle de moins qu'en 2021


Il y a moins de trois ans, Mme Jiang rangeait des jouets et chantait des comptines comme éducatrice dans une crèche à Pékin. Elle se souvient que les parents frappaient à la porte pour inscrire leurs enfants. Cela est devenu de plus en plus rare, jusqu'à ce que Mme Jiang se retrouve l'année dernière à distribuer des prospectus pour la crèche pendant ses pauses déjeuner. Elle a compris que l'avenir était scellé. En mai dernier, Mme Jiang a décidé de se tourner vers un secteur offrant de meilleures perspectives de croissance : les maisons de retraite. « Il est plus facile de s'occuper de personnes âgées que de jeunes enfants », estime-t-elle. Et ses compétences en matière de loisirs créatifs et de jeux lui sont très utiles.

Entre 2017 et 2022, le taux de fécondité total de la Chine, c'est-à-dire le nombre de naissances par femme, est passé de 1,8 à 1 [1,2 selon la Banque mondiale]. Ce chiffre est bien inférieur au taux de remplacement de 2,1, qui permet de maintenir la population à un niveau stable. Afin de stimuler les naissances, la Chine vient d'annoncer des subventions de 3 600 yuans (500 dollars) par an pour chaque enfant de moins de trois ans. Mais cette chute a déjà des répercussions sur les crèches. De 2021 à 2024, le nombre d'élèves dans les écoles maternelles est passé de 48 millions à 36 millions, selon les données officielles. Environ 42 000 des 295 000 écoles maternelles ont fermé leurs portes, et 360 000 des 3,2 millions d'enseignants du préscolaire ont quitté leur emploi.

Il y a toutefois une lueur d'espoir pour ceux qui ont su s'adapter. Alors que le nombre d'enfants âgés de trois à six ans fréquentant les crèches en Chine passera de 49 millions à 35 millions au cours des cinq prochaines années, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus passera de 211 millions à 256 millions pendant cette même période, selon les projections de l'ONU, et continuera d'augmenter. La Chine a cruellement besoin de plus de personnel pour s'occuper d'eux. En 2021, elle ne comptait qu'un demi-million de travailleurs sociaux certifiés, selon le Quotidien du Peuple, organe officiel du Parti communiste chinois.

 Cela représente seulement 0,27 travailleur social pour 100 personnes âgées de 65 ans et plus, un chiffre extrêmement bas. (La même année, le chiffre moyen pour l'OCDE, un club regroupant principalement des pays riches, était de 5,7.) Les universités ont également lancé des diplômes en soins aux personnes âgées pour aider. La première promotion d'étudiants a obtenu son diplôme l'année dernière, apparemment très demandé.

Tout cela a motivé une certaine Mme Wu à ouvrir sa propre maison de retraite dans le Jiangxi en 2023, après avoir travaillé pendant des années dans des crèches. Elle compte neuf résidents qui paient 2 600 yuans (360 dollars) par mois pour y séjourner. Selon elle, les perspectives pour le secteur des soins sont prometteuses. À l'heure actuelle, les personnes vivant dans des maisons de retraite ont plusieurs enfants, mais celles nées dans les années 70 et 80 n'ont pour la plupart qu'un seul enfant, ce qui signifie qu'elles auront moins de personnes pour s'occuper d'elles lorsqu'elles vieilliront. Mme Wu reçoit presque tous les jours des demandes de renseignements de la part de clients potentiels. Elle en a également reçu quelques-unes de la part d'éducateurs de crèche qui souhaitent suivre son exemple.

Le gouvernement apprécie les établissements « à usage mixte » où jeunes et personnes âgées sont pris en charge. L'année dernière, à Chongqing, dans le centre de la Chine, par exemple, un étage vide d'une crèche a été transformé en « centre de soins pour personnes âgées », selon un rapport local. Il disposait d'installations pour le sport (tables de ping-pong) et les arts (tables de calligraphie), et lorsque les éducateurs de la crèche étaient libres, ils enseignaient aux personnes âgées. Un journal publié par la Commission nationale pour le développement et la réforme, le principal organisme de planification économique de Chine, a appelé les gouvernements locaux à accorder des subventions et des avantages fiscaux à ce type de projets. Et les personnes âgées apprécient la compagnie des jeunes ; certains grands-parents déposent même leurs petits-enfants à la crèche avant de se rendre à leur étage.