vendredi 11 décembre 2020

Québec — loi 66 adoptée, la CAQ participe à l'anglicisation rapide de Montréal

Le Premier ministre du Québec, François Legault, qui passe parfois pour un nationaliste centriste, s’est félicité hier soir du passage de la loi 66 qui soutient massivement deux établissements anglophones déjà très subventionnés de Montréal.

Pour Frédéric Lacroix, auteur de Pourquoi la loi 101 est un échec :
L’inclusion dans ce projet de loi 66 d’un agrandissement princier pour Dawson et le don royal du Royal Victoria à McGill constitue le plus gros investissement direct dans l’anglicisation de Montréal depuis la construction du McGill University Health Center il y a 20 ans. L’investissement de 3,5 milliards dans le MUHC est en train d’effacer le français dans tout le sud-ouest de Montréal (Saint-Henri, etc). Cet investissement d’au moins 750 millions dans les deux institutions postsecondaires qui sont déjà les plus riches au Québec signifie la fin du français au centre-ville de Montréal dans les 20 prochaines années (parions qu’en fin de compte, les sommes investies dépasseront allègrement le milliard de dollars). Deux projets irresponsables et incompréhensibles. Nationaliste la CAQ ? Si l’on ignore les belles paroles et que l’on compte les sous, on ne peut pas distinguer entre la CAQ et le PLQ. En fait, la CAQ fait même actuellement PIRE que le PLQ. Il s’agit d’une véritable trahison linguistique de la part de ce parti qui était censé défendre nos intérêts. Mais l’adoption du PL66 n’est pas la fin. Elle sonne le début de la mobilisation. Il s’agit maintenant de faire payer le prix politique de cette décision à la CAQ.

Étudiants radicaux contre un professeur émérite de l’Université McGill

Des étudiants radicaux de l’université anglophone montréalaise McGill demandent à l’Université de retirer le titre de « professeur émérite » à un enseignant à la retraite pour des propos qu’ils jugent inappropriés.

« Le Moyen-Orient est un endroit où faire du mal et être cruel envers les autres est perçu comme une vertu et un devoir », a écrit le professeur Philip Carl Salzman, professeur émérite à la retraite du Département d’anthropologie de McGill et spécialiste du Moyen-Orient.

Cette phrase est tirée de l’article « Le Moyen-Orient : culture tribale et États prémodernes » publié par le professeur Salzman le 17 janvier 2020 sur la plateforme du Middle East Forum, un « think tank […] qui protège les valeurs occidentales des menaces du Moyen-Orient », selon ce que l’on peut lire sur ce site.

L’extrait de l’article a été repris par huit associations étudiantes de McGill, dont deux associations musulmanes et une propalestinienne, qui lui reprochent ces propos dans une lettre ouverte. Celle-ci a été publiée le 30 novembre sur le site de l’Association étudiante de l’Université McGill (SSMU), qui signe également le document.

« Salzman condamne le multiculturalisme, l’immigration, la parité des genres, l’égalité culturelle, la justice sociale et le mouvement Black Lives Matter, en plus de nier l’existence de la culture du viol et du racisme systémique », écrivent les étudiants, mettant en référence d’autres publications du professeur.

Les étudiants demandent le retrait de son statut de professeur émérite, qui lui donne, selon eux, de la crédibilité. Ils accusent du même coup l’Université de privilégier la liberté universitaire [comprendre ne pas censurer] au détriment « du droit des personnes musulmanes et des personnes racisées de se sentir en sécurité », affirment-ils.

« McGill maintient des structures qui protègent et légitimisent des dialogues racistes et islamophobes », écrivent-ils. Ils réclament également une révision de la Déclaration de la liberté académique de McGill, « transparente et centrée sur les besoins des étudiants ».

L’Université a répondu au Devoir par courriel sans préciser si elle entendait répondre aux requêtes des étudiants. « Si les universités protègent fermement la liberté universitaire pour des raisons importantes, aucun droit ou liberté n’est illimité. Les limites de la liberté universitaire à McGill sont fixées par les règlements et les politiques qui ont été élaborées, débattus et acceptés par nos organismes de gouvernance collectifs », écrit la responsable des communications, Cynthia Lee.

Présentation partiale des étudiants radicaux contestée

En entrevue au Devoir, le professeur Philip Carl Salzman ne nie pas avoir écrit ces propos, mais il affirme qu’il ne les formulerait pas tels que présentés par les étudiants. « Je ne “condamne pas la parité des genres”, je rapporte des différences scientifiques entre les hommes et les femmes autour du monde, dit-il. La question de la parité n’est pas évoquée, mais si elle l’était, je ne suis certainement pas contre. Je ne condamne pas non plus l’immigration, uniquement l’immigration illégale. Quant au multiculturalisme, j’appuie les positions officielles du Québec. Et ainsi de suite. »

Il se qualifie comme un « libéral classique », affirmant croire aux individus plutôt qu’aux catégories de personnes. « Bien sûr, je trouve cela irritant de me faire qualifier de raciste par des étudiants », ajoute-t-il.

Selon lui, si les étudiants ne sont pas d’accord avec ses propos, ils n’ont qu’à en faire la démonstration comme des universitaires, soit en avançant des arguments et en présentant des faits.

Bien qu’il soit en désaccord avec l’idée même d’être censuré par des étudiants, il estime que ces derniers ne font que reproduire ce qu’on leur a appris. « Je ne suis pas au centre de l’histoire ici, je suis plutôt un personnage secondaire, affirme-t-il. Ce qui est vraiment important, c’est la façon dont les étudiants pensent, ce qu’ils veulent accomplir et la façon dont ils souhaitent que l’université fonctionne. Je crois qu’ils sont sur la mauvaise voie, mais ils n’ont rien inventé. Ils l’ont appris par des professeurs radicaux. Ils répètent ce qu’on leur a appris, ils croient en des concepts qu’ils ont appris dans les livres qu’on leur a fait lire. Il faut regarder du côté des professeurs radicaux et extrémistes. Ils sont nombreux, et pas seulement à McGill, mais dans toutes les universités de l’Amérique du Nord. »

Le professeur poursuit sa réflexion en disant qu’il n’y a pas une semaine où un enseignant ne se fait pas accuser d’avoir tenu des propos vexatoires par des étudiants. « C’est un mouvement pour faire taire les opinions avec lesquelles ils ne sont pas d’accord, dit le professeur. Je me demande, lance-t-il avec une pointe d’ironie dans la voix : est-ce que les étudiants recommandent qu’on annule leur diplôme ou leurs crédits si on n’aime pas ce qu’ils disent et ce qu’ils écrivent ? Est-ce que ça fait partie de leurs recommandations également ? »

Le professeur fait une comparaison avec l’Union soviétique et la Chine communiste. « Je ne crois pas que l’on doive aller dans cette direction », affirme-t-il.

« Promotion de la discrimination »

Mais il ne s’agit pas de censure, affirme Ayo Ogunremy, vice-président de l’Association étudiante de McGill, en entrevue au Devoir. « Nous ne suggérons pas de censurer ses propos, nous demandons à notre université de reconnaître la nature blessante de ses propos et le fait que ceux-ci ne sont pas à la hauteur des standards universitaires », raisons pour lesquelles l’Association lui demande de retirer au professeur Salzman son titre honorifique. [Il s’agit bien évidemment de faire condamner ces propos afin d’ôter de la crédibilité au professeur, ne plus l’inviter, etc. Bref, en pratique le censurer.]

Est-ce que ce sont bien des propos qui ne sont pas à la hauteur des standards de l’université ou est-ce que ce sont des propos qui leur déplaisent ? M. Ogunremy hésite au bout du fil. « Les deux sont en jeu puisque nous tentons d’amener notre université à répondre à ce problème. Mais oui, c’est à propos de quelque chose avec lequel nous ne sommes pas d’accord, et nous croyons qu’il est légitime de prendre des actions par rapport à certaines choses […] notamment lorsqu’il est question de faire la promotion de la discrimination. »

Quant à savoir si les étudiants devraient également perdre leurs crédits s’ils écrivent des propos qui déplaisent, M. Ogunremy estime que c’est déjà en partie le cas, puisque s’ils soutiennent des propos qui ne sont pas à la hauteur des attentes dans leurs travaux, ils vont échouer. « Si un étudiant avait écrit ce que ce professeur a écrit, il aurait sûrement échoué à son cours », estime-t-il.

Titre honorifique

Philippe Carl Salzman ne semble pas trop s’émouvoir à l’idée qu’on puisse lui retirer son titre de professeur émérite. « C’est un petit titre honorifique, répond-il. Il n’y a aucun privilège qui y est associé. Je ne suis pas payé pour ça. Je suis retraité, alors je n’ai plus grand-chose à perdre, une des raisons pour lesquelles je peux écrire ce qui me plaît. »

Pourtant, avoue-t-il, ça lui ferait un petit pincement au cœur de perdre son titre : pas tant pour lui que pour le message que ça envoie. « Ce serait très triste pour l’Université de faire quelque chose d’aussi inapproprié. Je serais triste davantage pour l’Université que pour moi-même. Car que je signe mes articles avec le titre de professeur émérite d’anthropologie ou avec celui de professeur émérite annulé d’anthropologie, ça ne fait pas une très grande différence ! »