samedi 17 février 2024

L'Europe des grandes invasions germaniques

Les cinq leçons des grandes invasions par Michel de Jaeghere

Le temps n’est plus où l’union des Wisigoths, des Burgondes, des Francs et des Gallo-Romains face aux hordes d’Attila, aux champs Catalauniques, était racontée aux enfants des écoles comme le passage de témoin de la civilisation entre les élites de l’Antiquité finissante et les royaumes sur le point de naître de la dislocation de l’Empire romain ; où, la hache levée, Charles Martel apparaissait, dans la galerie des Batailles de Versailles, comme le symbole même de la résistance à l’islam qui avait permis à l’aventure de la France et à l’Europe médiévale de prendre leur envol ; où la conversion des rudes guerriers vikings au christianisme était présentée comme le coup de maître d’une Église qui était parvenue, en les civilisant, à transformer les peuples prédateurs de l’Europe chrétienne en auxiliaires de sa sécurité et en agents de son expansion et de son rayonnement. Le sujet est au contraire de ceux qui suscitent désormais la réserve inquiète des historiens. Soucieux d’éviter à-peu-près et anachronismes, instrumentalisations politiques ou manipulations, dans un contexte où notre continent est devenu la destination et la cible de l’immense vague migratoire venue des pays du tiers-monde, ils répugnent à ce que la question des grandes invasions soit laissée aux spéculations imprudentes d’un public ignorant des mille nuances qui la rendent spécifique, incomparable, irréductible aux trompeuses analogies par quoi chaque époque a tenté d’y trouver des leçons d’énergie ou des incitations à la résignation.

La précaution est légitime, mais décidément vaine. Impossible de convaincre les Français, les Européens, que ce moment où se joua le destin de leurs pères, où il ne parut tenir qu’à un fil que s’achève la grande aventure dont nous sommes issus, où surgit sur les ruines du monde antique l’immense mêlée d’où devait procéder l’Europe moderne et contemporaine, doive être étudié avec le même détachement que la migration du bruant des neiges ou du canard colvert. Car nul épisode ne paraît mieux répondre en réalité à la vocation donnée à l’histoire par Thucydide et Cicéron : aiguiser notre discernement en proposant des exemples qui, à défaut de nous fournir des certitudes (les faits ne se répètent jamais à l’identique), nous permettront de dessiner les grandes lignes d’un avenir incertain.

À la mort de Théodose Ier, en 395, l’Empire romain fut divisé entre ses fils de l’empereur défunt. Des divergences apparurent très vite entre les deux parties, notamment pour la possession de la Dacie et de la Macédoine.

De la vaste histoire de la déferlante des peuples qui provoqua la chute de l’Empire romain d’Occident et secoua le haut Moyen Âge jusqu’aux environs de l’an mille, se dégagent, de fait, au moins cinq leçons.

1. La première est qu’il est vain de croire que puisse subsister éternellement un espace de prospérité, où rayonnent les feux d’une brillante civilisation, entouré de zones d’anarchie et de chaos, où la vie tribale se conjugue avec la misère. L’Empire romain a pu tenir les Germains à distance aussi longtemps qu’ils ont végété comme une insignifiante poussière de peuples ; qu’ils ont conjugué l’atonie démographique à une inconsistance politique qui interdisait à chacune de leurs tribus d’oser affronter sa puissance. Il est entré en crise quand la multiplication des relations entre le monde romain et le Barbaricum — l’emploi de soldats germains comme auxiliaires, la circulation de l’or et des annones qui rétribuaient les mercenaires, les échanges commerciaux avec les provinces frontalières, les commandements accordés à quelques-uns de ses guerriers, l’éducation reçue, parfois, par certains rois barbares — a permis à certains de ses chefs de constituer des fédérations qui atteignaient la taille critique pour percer la frontière en même temps qu’ils faisaient naître, par les prestiges qu’ils avaient fait connaître, une irrésistible force d’attraction sur les peuples qui vivaient dans le sous-développement. Les historiens qui s’efforcent de nier tout caractère tragique à la première vague des invasions (IIIe-Ve siècle) insistent généralement sur l’importance des contacts qui avaient permis aux Germains de découvrir et d’envier le monde romain. Ils estiment que la fascination exercée par l’empire sur les Barbares, que manifeste l’empressement de leurs chefs à en singer les institutions en acceptant les titres de maîtres de la milice, de consuls, de patrices dont les gratifiaient les autorités romaines, disqualifie l’idée d’un choc de civilisations.

C’est passer à côté de l’essentiel. C’est parce qu’ils connaissaient et enviaient ses réalisations que les Barbares ont voulu pénétrer dans le monde romain, fût-ce au prix de la disparition des conditions matérielles et morales qui en avaient permis l’émergence : les échanges à longue distance assurés par la paix romaine et par les voies de communication, qui concouraient à la spécialisation des compétences et à l’émulation ; la richesse de la vie urbaine, qui avait fait de chaque cité — avant qu’elles ne se recroquevillent derrière les murailles qui protégeaient leur centre — un marché pour les produits manufacturés et les productions agri­coles autant qu’un foyer culturel ; la sécurité apportée par un droit qui s’appliquait à tous les hommes libres nés sur le même sol ; la tranquillité assurée par la présence d’une armée de métier aux ordres d’un seul gouvernement. Les Barbares n’entendaient pas tarir les sources de l’opulence du monde romain. Ils ne voulaient que s’emparer de ses richesses. Faute de partager les disciplines qui les avaient fait éclore, ils y mirent fin en même temps qu’ils provoquèrent, chez ceux de leurs congénères qui étaient restés dans le Barbaricum et qui ne bénéficiaient plus, du fait de sa dislocation, des échanges avec le monde romain, un recul du niveau de vie à des conditions proches de celles de la préhistoire. L’Empire romain est mort d’avoir renoncé (faute de moyens démographiques et militaires, faute d’énergie vitale) à coloniser des voisins auxquels il avait fait voir les lumières de sa civilisation sans les mettre en mesure d’être éclairés par elles.

2. La deuxième leçon est que, formidablement adaptée à la conquête et à l’expansion territoriale, la forme de l’empire multinational l’est moins à la défense. Elle permet à un peuple conquérant de puiser dans d’énormes ressources démographiques qui, concentrées en un même point d’attaque, rendent sa force irrésistible, et de financer son effort de guerre par les profits tirés de ses victoires. Elle débouche sur la formation d’une immense frontière qu’il est harassant et ruineux de défendre sans qu’un fort sentiment d’appartenance permette de mobiliser des populations adonnées aux arts de la paix et de bénéficier de leur ardeur patriotique pour sa protection. L’Empire romain avait fini par apparaître à ses habitants comme la forme inévitable, évidente, du gouvernement.

L’attachement qu’il suscitait était moins fondé sur la conviction d’être dépositaire d’un précieux héritage reçu des ancêtres et voué à être préservé et transmis à ses descendants que lié à une manière de vivre que la mise en œuvre des efforts humains et financiers qu’aurait rendue nécessaire sa défense aurait elle-même remise en question.

Les élites foncières et les populations préférèrent, dès lors, s’entendre avec les Barbares que donner leurs vies et leurs biens pour un empire devenu impuissant, et qui ne se manifestait qu’en la personne du collecteur d’impôts.

Il en alla de même face à la conquête arabe du Proche-Orient (où les divisions religieuses firent en outre préférer à certains évêques la domination musulmane à celle d’un empereur professant une foi divergente sur la nature de l’union hypostatique des trois personnes de la sainte Trinité, et devenu, partant, persécuteur de leur communauté), de l’Afrique du Nord et de l’Espagne. Pas plus que les envahisseurs germaniques, les combattants arabes ne représentèrent jamais des masses considérables. Ils s’imposèrent par la violence et obtinrent la soumission de majorités inaptes à prendre en main leur défense. Il en fut probablement ainsi (l’histoire est plus obscure) des Slaves dont les bandes guerrières vainquirent les troupes de l’Empire romain d’Orient : ils ne parvinrent à pérenniser leur domination sur les Balkans qu’en intégrant largement les peuples qu’ils avaient soumis dans leurs propres rangs.

Charlemagne avait reconstitué, par la guerre et par la conquête, une partie significative de l’ancien empire d’Occident. Il avait emmené son aristocratie guerroyer victorieusement en Germanie contre les Saxons et en Pannonie contre le royaume des Avars ; en Italie contre les Lombards ; il avait conduit des expéditions jusqu’en Bohême contre les Slaves, et fini par doubler la superficie du royaume hérité de son père. Ses successeurs se révélèrent pourtant incapables de faire face aux raids de pillage des Vikings, dont les destructions contribuèrent à hâter la dislocation du monde carolingien. Peter Heather a montré (Empires and Barbarians, 2009) que l’incapacité des rois francs à maintenir un système fiscal permettant de financer, comme l’avait fait longtemps l’Empire romain, une armée permanente les avait placés dans la dépendance de leurs grands, qu’ils pouvaient gratifier durant les périodes de conquête en leur donnant leur part de terres et de butin, mais qu’ils n’étaient, sans s’appauvrir eux-mêmes dangereusement en les récompensant avec leurs propres fonds, pas en mesure d’associer à une défense qui ne rapportait rien.

Face aux grandes invasions, le seul exemple significatif et durable de reconquête fut donné en définitive par les petits royaumes chrétiens du nord de la péninsule Ibérique, qui s’appuyèrent sur leur isolement même pour nourrir un sentiment identitaire qui allait, au terme de longs siècles, leur permettre de reprendre possession de l’Espagne et d’en chasser les musulmans.

3. La troisième leçon tient au caractère déterminant, essentiel, que joue la religion pour la définition des relations qui s’établissent, au lendemain d’une conquête, entre populations soumises et conquérants.

En Europe, c’est parce que les Barbares avaient été convertis, avant même leur irruption dans le monde romain, au christianisme (fût-ce sous la forme de l’hérésie arienne) que leur domination ne se traduisit pas par un changement brutal de civilisation spirituelle.

C’est l’Église catholique, maintenue dans ses positions, qui, par son organisation en diocèses, calqués sur les cités qui avaient formé le maillage du monde romain et pris en main par les représentants de l’ancienne aristocratie foncière, assura après la chute de l’empire d’Occident la continuité de l’encadrement des populations et la sauvegarde de son unité morale avec l’émergence progressive du primat du pontife romain ; c’est elle qui en fit survivre la langue et en transmit le patrimoine culturel dans ses évêchés, ses écoles, ses monastères.

C’est la conversion de Clovis au catholicisme romain qui était, dès alors, la religion dominante des populations de la Gaule qui permit, par mariage, la rapide fusion en un seul peuple des Francs et des Gallo-Romains. Il en fut de même au VIe siècle en Espagne wisigothique avec le passage du roi arien Récarède au catholicisme (589), qui ouvrit la voie à l’union des élites barbares avec l’aristocratie ibérique en même temps qu’à la fondation, par l’évêque Isidore de Séville, d’un sentiment patriotique enraciné dans la fidélité à l’héritage romain. C’est encore la conversion au christianisme (912) qui fit du viking Rollon la souche de la dynastie qui devait régner pacifiquement sur la Normandie avant l’Angleterre. C’est la prédication chrétienne de Cyrille et Méthode qui provoqua, par imitation de Byzance, l’émergence des premiers États slaves et leur introduction dans le concert européen, comme c’est sur la propagation de la foi vers l’est que s’appuya l’empereur Otton Ier pour assimiler ses conquêtes et consolider les frontières de l’empire dont il avait entrepris la restauration, ou Étienne de Hongrie pour donner aux Magyars un État national calqué sur le modèle carolingien.

C’est au contraire parce que les cavaliers arabes étaient portés par une religion conquérante, qui semblait leur avoir procuré des succès militaires éclatants en leur permettant de vaincre successivement les Perses et les Romains d’Orient, que leur conquête du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord se traduisit par l’éradication de la civilisation romano-chrétienne, dont ils ne récupérèrent que les savoir-faire matériels (l’art de la construction, les thermes, les jardins, la partie pratique du patrimoine littéraire de l’Antiquité), mais dont ils firent disparaître au profit de l’arabe les langues, tandis que les peuples autochtones étaient sommés de choisir entre la conversion ou la réduction à un statut humiliant, et que les modes de vie et de pensée étaient remodelés à l’aune du Coran.

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4. La quatrième leçon est qu’« il n’est de richesse que d’hommes », selon le mot de Jean Bodin : la cause profonde de l’impuissance de l’Empire romain face aux invasions pourtant limitées des Barbares tient à la faiblesse de sa population (sans doute moins de 25 millions d’habitants au Ve siècle pour l’ensemble de l’empire d’Occident, étendu de l’Angleterre au Maroc et au Rhin [et au Danube jusqu'à Serbie], d’où procéda son incapacité à entretenir et former les armées considérables qui auraient été nécessaires pour défendre son interminable frontière. Les mêmes observations peuvent être faites à l’égard de la submersion des Balkans, dévastés par les guerres et les invasions, lors de la grande migration des Slaves. La terre appartient aux vivants.

5. La cinquième leçon est seule consolante. Elle est que nulle fatalité ne gouverne l’histoire. Celle de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge fut ponctuée par le surgissement de personnalités exceptionnelles, de Stilicon à Bélisaire, d’Aetius à Justinien. Tous n’ont pas obtenu des succès pérennes. Chacun s’est pourtant efforcé, un instant, de suspendre le temps pour faire face à une situation qui semblait promettre leur monde à la disparition. Philosophe néoplatonicien, lettré, diplomate, poète, le jeune Synésios de Cyrène avait suscité en 399, à Constantinople, une révolution de palais d’où avait émergé une violente réaction antigermanique qui avait éloigné de l’empire d’Orient la menace alors imminente d’une rapide submersion. Lui-même avait combattu, les armes à la main, à Cyrène, les incursions des tribus nomades qui harcelaient sa patrie. Il mourut, devenu évêque, adonné aux œuvres de charité tandis que semblait s’écrouler l’Occident. Resserré sur ses terres de vieille implantation hellénique et associant les prestiges de la romanité à la réalité d’un État grec enté sur la profession du christianisme orthodoxe, l’Empire byzantin ferait face, après lui, aux vagues successives des invasions pendant plus de mille ans.


18 février 1839 — Pendaison des patriotes du Bas-Canada par les Britanniques

Extrait du film 15 Février 1839 relatant la pendaison de cinq patriotes cette journée-là dont Marie Thomas Chevalier de Lorimier et Charles Hindelang. Film québécois produit par le cinéaste indépendantiste Pierre Falardeau.

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23 juillet 1840 — Sanction royale de l’Acte d’union du Haut-Canada et du Bas-Canada


Le célèbre écrivain Jules Verne a écrit un roman portant sur la rébellion des Patriotes intitulé Famille-Sans-Nom. Écrit en 1887 le livre illustre la vie d'une famille du Bas-Canada pendant la rébellion des Patriotes. Le roman est paru en édition grand format illustré chez Hetzel en 1889, en deux parties. En parlant de la période de 1837-1838, Jules Verne voulait rappeler à ses compatriotes les problèmes qu'avait la communauté française au Québec à l'époque de la sortie de son livre, en 1888. [Plus de détails]

Illustration ci-contre tirée de cet ouvrage.

Étude sur la diversité, l'équité et l'inclusion : ce type d'enseignement n'est « pas étayé par des preuves empiriques »

Un rapport universitaire sur l’enseignement en diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) révèle que ce type d’enseignement conduit « à des préjugés plus importants, voire à des préjudices ».

Dans un rapport publié par la Fondation Aristote pour les politiques publiques, David Haskell (photo du 3 octobre 2019 à Toronto) a passé en revue sept études tirées de périodiques scientifiques de premier plan, dont certaines méta-analyses portant sur des centaines d’expériences.

Rien ne prouve que les initiatives en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) réduisent les préjugés, et elles pourraient même les accroître, affirme un professeur canadien qui a examiné des décennies de recherche pour un nouveau rapport.

« Les partisans de l’enseignement de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) soutiennent hardiment que “ça marche”. En d’autres termes, ils affirment que ces cours sont efficaces et qu’ils permettent de modifier les comportements dans un sens positif. Cette affirmation n’est pas étayée par des preuves empiriques », a déclaré l’auteur de l’étude, David Haskell, professeur à l’université Laurier, dans un communiqué de presse annonçant ses conclusions. « Il existe des preuves empiriques évidentes que certains aspects de ces programmes de DEI entraînent des préjugés plus importants, voire des préjudices ».

 Pour M. Haskell, l’adoption généralisée d’initiatives de DEI sans un examen approfondi de leur efficacité sur le lieu de travail est tout aussi préoccupante.

« L’enseignement de la DEI est désormais solidement ancré à tous les niveaux de notre système éducatif, de la maternelle à l’université », a déclaré M. Haskell.  « Les concepts fondamentaux de l’enseignement, tels que le “privilège blanc” et les “préjugés implicites”, sont présentés comme des vérités établies. Mais la recherche montre que ces concepts ne sont pas ancrés dans des preuves empiriques solides. Ironiquement, les organisations publiques que nous avons chargées de fournir des connaissances factuelles font, sur ce front, le contraire ».

Dans un rapport publié par la Fondation Aristote pour les politiques publiques, M. Haskell a passé en revue sept études tirées de revues scientifiques de premier plan, dont certaines méta-analyses portant sur des centaines d’expériences.

Malgré les affirmations des partisans de la DEI selon lesquelles ce type d’enseignement permet d’obtenir de meilleurs résultats et une plus grande compréhension, l’analyse documentaire de l’universitaire de l’Université Laurier a permis de trouver des preuves suggérant le contraire. L’une des études mentionnées par M. Haskell, menée par des chercheurs de l’université de Toronto, a révélé que les campagnes conçues pour « exercer une forte pression sur les gens pour qu’ils n’aient pas de préjugés se sont retournées contre eux, entraînant des niveaux accrus de sectarisme ».

La formation diversitaire dans la pratique : Agressive et justifiée par des « preuves » circulaires

Pour « prouver » l’efficacité de l’enseignement de la DEI, les partisans de cette méthode se réfèrent souvent à des enquêtes menées avant et après les ateliers, qui montrent qu’à l’issue de la formation, les participants sont beaucoup plus susceptibles de formuler des réponses qui concordent avec les idées des partisans diversitaires. En d’autres termes, une personne qui suit la formation peut, par la suite, réciter ce qu’on lui a dit. Dans ces témoignages, il est rarement mentionné que, pour de nombreux participants, la sécurité de l’emploi et l’avancement de la carrière dépendent des « bonnes » réponses données.

Ce type de méthodologie a suscité des critiques et s’est avéré peu fiable. Dans un article paru en 2022, Patricia Devine et Tory Ash, chercheurs en psychologie, ont conclu, après avoir passé en revue la bibliographie sur l’enseignement de la DEI, que les spécialistes de la formation à la diversité « utilisent trop souvent des mesures indirectes de réussite qui sont très loin des types de résultats solides et conséquents auxquels prétendent les objectifs de ces formations ».

Un décalage entre les affirmations de la DEI et les résultats de la DEI : tour dhorizon de la recherche

Un article de référence, « Les stéréotypes sur le retour », publié il y a trois décennies, a montré que les tentatives de « suppression des pensées indésirables […] sont susceptibles de réapparaître par la suite avec davantage de force que si elles n’avaient jamais été réprimées ».

Selon M. Haskell, l’accent mis par la DEI sur l’inclusion et la diversité nuit paradoxalement à la compréhension mutuelle. Un article portant sur l’enseignement du privilège blanc a révélé que les étudiants n’éprouvaient pas de compassion pour les minorités visibles défavorisées et qu’ils pouvaient au contraire « réduire la sympathie et augmenter le ressentiment… à l’égard des Blancs qui luttent contre la pauvreté ».

Les méta-analyses montrent également l’incapacité de la DEI à produire des « changements de comportement positifs et durables ».

Dans certains cas, la sécurité de l’emploi et l’avancement professionnel des participants dépendaient des « bonnes » réponses qu’ils donnaient, ce qui pouvait fausser les résultats, écrit M. Haskell.

M. Haskell cite des méta-analyses s’appuyant sur des centaines d’études pour mettre en évidence les lacunes de la DEI. « Bien que ces études fassent état de conclusions optimistes, nous identifions des indications troublantes de biais de publication susceptibles d’exagérer les effets », a écrit une équipe de chercheurs dans une méta-analyse de 2021 publiée dans l’Annual Review of Psychology.

La même étude a été citée par Jesse Singal, un journaliste américain, qui a cherché à savoir si les initiatives de DEI aidaient les personnes de différentes origines à mieux se comprendre. Selon Jesse Singal, l’« industrie a explosé » à la suite du meurtre de George Floyd et de la popularité croissante de Black Lives Matter. Rien qu’en 2020, l’industrie a dépassé les 3 milliards de dollars américains.

Le rapport de M. Haskell affirme que les initiatives de DEI vont souvent à l’encontre de la mission qu’elles se sont fixée, à savoir rassembler des personnes d’origines diverses. « Ce qu’ils enseignent s’est avéré diviser la société : la preuve empirique en est évidente », a déclaré M. Haskell.

Le rapport est publié moins d’un an après le suicide de Richard Bilkzto, un enseignant du Conseil scolaire du district de Toronto (TDSB), à la suite d’un atelier DEI au cours duquel il avait été ostracisé pour avoir défié l’instructeur Kike Ojo-Thompson.

La famille de M. Bilkszto a accusé Mme Ojo-Thompson et son entreprise, l’Institut KOJO, d’avoir détruit la réputation de cet enseignant estimé.

« Malheureusement, le stress et les effets de ces incidents ont continué à affecter Richard. La semaine dernière, il a succombé à cette détresse », affirmait un communiqué publié par l’avocate Lisa Bildy à la suite de son décès. « Sa famille et ses amis ont été ébranlés et ont souhaité avoir la chance de le convaincre qu’il était aimé, respecté et nécessaire ici. »

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