vendredi 30 juin 2017

Australie — Recrutement sur base de CV anonymisés augmente nombre d'hommes blancs sélectionnés

Selon une importante étude australienne, une politique de recrutement anonymisé visant à stimuler l’emploi des femmes et de minorités visibles sur le marché du travail peut déboucher sur des résultats contraires.

Le recrutement en aveugle signifie que les recruteurs ne peuvent pas distinguer le sexe des candidats à des postes à pourvoir parce que les détails susceptibles de dévoiler cette information ont été éliminés des CV.

Ce type de recrutement est parfois préféré aux quotas selon le sexe ou l'origine ethnique. Il a été adopté en Australie par Deloitte, Ernst and Young, la police de l’État de Victoria Police et la banque Westpac.

Dans le but d’éliminer le sexisme et le racisme dans le recrutement, des milliers de fonctionnaires ont été invités à choisir des recrues dont les CV avaient tous été dépouillés de toute mention à leur sexe et leur origine ethnique.

L’hypothèse derrière cette étude était que la direction embaucherait plus de femmes quand les recruteurs ne peuvent plus prendre en compte que les mérites professionnels des candidats.

Leurs choix ont été surveillés par des économistes comportementaux du service du Premier ministre — familièrement connu sous le nom de « l’unité coup de pouce » (appelée Nudge unit à Paris)

Le professeur Michael Hiscox, un universitaire de Harvard qui a supervisé le processus, a déclaré qu’il était surpris par les résultats et a exhorté à la prudence.

« Nous avons prévu que cela aurait un impact positif sur la diversité, ce qui rendait plus probable que les candidates et les personnes appartenant à des minorités ethniques soient retenues pour un entretien », a-t-il déclaré.

« Nous avons trouvé le contraire, l’anonymat réduit la probabilité que les femmes soient sélectionnées pour la liste restreinte de candidats retenus ».

Résultats de l'étude :
  • Le processus a révélé que l’attribution d’un nom masculin à un candidat les rendait 3,2 pour cent moins susceptibles d’obtenir un entretien d’embauche.
  • En ajoutant le nom d’une femme à un CV, le candidat était de 2,9 % plus susceptible d’avoir le pied à l’étrier.
  • Les hommes de minorités visibles étaient 5,8 % plus susceptibles d’être présélectionnés et les femmes appartenant à ces minorités étaient 8,6 % plus susceptibles d’être présélectionnées lorsqu’elles étaient identifiables par rapport aux CV anonymisés.
  • La discrimination positive était la plus notable pour les candidates féminines autochtones qui étaient 22,2 % plus susceptibles d’être présélectionnées lorsqu’elles étaient identifiables par rapport à des CV anonymes.
  • Il est intéressant de noter que les évaluateurs masculins discriminaient nettement plus souvent en faveur des candidats des minorités visibles que leurs homologues féminines. En outre, les recruteurs de 40 ans et plus discriminaient plus souvent en faveur des femmes et ces minorités que les plus jeunes.

« Nous devrions faire une pause et être très prudents avant d’utiliser cette méthode pour augmenter la diversité, car elle peut avoir l’effet inverse », a déclaré le professeur Hiscox.

Scandinavie — Les élèves immigrés non occidentaux à la peine (y compris la 3e génération)

Une étude a provoqué tout un émoi au royaume du Danemark il y a quelques semaines. Elle indique, en effet, que les enfants d’immigrés (les immigrés de deuxième génération) se placent professionnellement loin derrière leurs camarades danois de souche.

Les nouveaux chiffres montrent également que les enfants immigrés de la troisième génération (les petits-enfants d’immigrés) ne réussissent pas mieux, bien que ceux-ci et leurs parents soient nés et aient grandi dans ce pays.

À l’école primaire, l’année dernière, les garçons nés d’immigrants en provenance de pays non occidentaux avaient une moyenne de 5,6 sur une échelle de 13 points, soit le même résultat que les immigrés de troisième génération. Cette moyenne est inférieure de 1,3 point à celle des Danois ethniques. L’écart est le même pour les filles. L'écart entre les Danois de souche et les enfants issus de l'immigration ne se résorbe pas, même après trois générations.

L’étude a été réalisée pour le Jyllands Posten à partir des chiffres de Statistiques Danemark.

L’ancien directeur de Statistiques Danemark, Jan Plovsing, estime que les chiffres sont fiables, bien que l’échantillon soit réduit (395 enfants pour l’année dernière). Les chiffres des examens des années précédentes indiquent la même tendance : « Il est très inquiétant de voir que l’intégration fonctionne aussi mal, comme le montrent ces chiffres. »

Les immigrés non occidentaux au Danemark, même à la troisième génération, s’en sortent nettement moins bien que les Danois d’origine et ne font pas mieux que leurs parents de la seconde génération avec une moyenne de 5,8 pour les filles et 5,2 pour les garçons, soient à peine assez pour réussir.

Statistiques Danemark commentait les résultats de la sorte : « l’échantillon de notre base de données de descendants d’immigrés est encore petit [258 élèves aux examens de fin d’école élémentaire], il sera donc intéressant de suivre leur parcours jusqu’à 16 ans, mais les chiffres indiquent qu’il n’y a pas de différence dans les moyennes scolaires entre les enfants de la deuxième génération immigrée et leurs parents. Même si la troisième génération a au moins un parent né au Danemark. » (Page 123 du rapport « Immigrants au Danemark 2014 »).

On trouvera ci-dessous la moyenne des résultats aux examens de fin d’école primaire des quatre dernières années. Les résultats sont donnés pour les garçons et les filles de quatre groupes : Danois de souche, élève immigré, élève de la seconde génération immigrée et ceux de la troisième génération.

Résultats aux examens de fin d’école primaire
 (8 = bien, 7 = satisfaisant, 6 = passable, 5 = échec)

AnnéeGarçonsFille
 Danois 1re
 générat. 
2e
 générat. 
3e
 générat. 
 Danoises 1re
 générat. 
2e
 générat. 
3e
 générat. 
20136,64,85,25,37,35,45,85,8
20146,64,95,25,17,35,45,85,7
20156,85,25,55,37,65,76,26,0
20166,95,05,65,67,75,66,36,3

Selon une étude du réseau pensant (think tank) DEA de 2014, les résultats à l’école primaire sont de bons prédicteurs des résultats par la suite : « Il existe un lien clair entre les notes obtenues à l’école primaire et secondaire et la transition vers l’enseignement supérieur. Les élèves avec de bons résultats à l’école réussissent mieux comme étudiants post-secondaires que les élèves ayant obtenu de faibles notes [...] En général, nombre d’élèves ayant des notes mauvaises à l’école primaire ont de la difficulté à obtenir un diplôme post-secondaire. » En outre, comme le soulignait le journal Politiken en février 2015, selon une étude de l’EVA, de mauvais résultats à l’école secondaire sont liés à un plus haut d’abandon dans l’enseignement supérieur.

L’immigration non occidentale au Danemark : un coût de 6,5 milliards $/an

Le ministère des Finances danois a récemment annoncé que l’immigration non occidentale coûtait 6,5 milliards de dollars canadiens par an au Trésor danois. Les chiffres ne prennent en compte que les données disponibles jusqu’en 2014, c’est-à-dire avant la forte hausse de demandeurs d’asile en 2015 et début 2016. Ce montant comprend 3 milliards liés au coût de la deuxième et à la troisième génération qui pour l’instant présente des dépenses puisqu’ils fréquentent les écoles maternelles, primaires, secondaires, mais qui devraient contribuer par la suite au Trésor danois. Pour Morten Uhrskov Jensen dans les colonnes du Jyllands Posten, il n’est pas évident au vu des faibles résultats de ces fils d'immigrés que cette future contribution au Trésor danois sera nette. Morten Uhrskov Jensen s'inquiète de la fabrication d'une nouveau prolératiat au Danemark.

Un enfant sur cinq né au Danemark est désormais d’origine immigrée

La question de l'intégration est devenue plus pressante au Danemark, alors que la proportion de bébés nés de mère immigrée au Danemark a augmenté de façon spectaculaire en dix ans, principalement en raison de l’arrivée d’immigrants syriens. L’année dernière, 61 614 enfants sont nés dans ce pays du nord de l’Europe - 21,6 pour cent d’entre eux (soit un sur cinq) à une mère immigrée ou issue de l’immigration. La grande majorité, 18,5 pour cent, est née d’immigrée de première génération. Il y a encore une dizaine d’années en 2007, la proportion était de 13,5 pour cent, révèlent des chiffres de Statistiques Denmark rapportés par le Kristeligt Dagblad.

Enfants qui ne parlent pas ou peu le danois envoyés d’autorité en maternelle ou perte d’allocations

Afin de faciliter l’intégration des jeunes immigrés, le gouvernement danois a de nouveau renforcé les lois d’intégration en janvier 2017 et cessera de distribuer des allocations aux parents qui refusent d’envoyer leurs enfants en bas âge à des cours de langue. Les enfants de trois ans issus de familles immigrantes qui ne fréquentent pas l’école maternelle doivent passer un test de langue. Les enfants qui ne savent pas ce que le gouvernement appelle une « connaissance appropriée du danois pour leur âge » sont désormais tenus d’aller à l’école maternelle et d’y recevoir une formation linguistique supplémentaire sous peine de suspension des allocations versées par l’État à leurs parents.

Le Danemark n’est pas le seul pays scandinave confronté aux difficultés suscitées par une forme immigration non occidentale. L’intégration des enfants de migrants se révèle également être un énorme défi.

La Suède aussi

C’est ainsi qu’aux termes d’une étude du Groupe d’experts suédois sur les finances publiques (ESO), l’intégration des immigrés s’est même dégradée de manière spectaculaire depuis 1998 en Suède. S’appuyant sur les résultats scolaires des enfants de migrants à l’âge de 16 ans, ce rapport constate que le taux de réussite à la fin de la dernière année de la scolarisation obligatoire (jusqu’à 16 ans) est passé de 70 % en 1998 à 50 % en 2014.

La détérioration se constate avant tout parmi les élèves qui sont arrivés en Suède à sept ans révolus. En effet, si l’on considère le groupe de ceux arrivés avant l’âge de sept ans, les statistiques sont très semblables à celles de l’année 1998. Chez les autres, ceux qui sont entrés en Suède plus tard pour commencer leur scolarité suédoise au-delà des petites classes de l’école primaire, les résultats se dégradent de plus en plus.

Écolières à Malmö (Sud de la Suède, en face du Danemark)


La moitié des élèves immigrés entrés à l’école suédoise après l’âge de six ans en échec scolaire

Selon Hans Grönqvist, professeur associé d’économie à l’université d’Uppsala, l’un des auteurs du rapport, cela s’explique ainsi : « Ceux qui sont arrivés au cours de ces dernières années étaient notablement plus âgés à la rentrée en Suède, ce qui signifie qu’ils ont moins de temps pour atteindre les objectifs de l’école ».

La langue y est-elle pour quelque chose ? Ou le manque de bases scolaires suffisantes ? Dans les deux cas, la statistique est parlante. Car si des jeunes qui passent des heures en immersion dans le système scolaire suédois ne parviennent pas à se mettre à niveau, que dire de leurs parents et plus largement des migrants adultes, qui arrivent sans connaissances du suédois et qui sont sans doute moins adaptables que des adolescents ? On ne peut que craindre de grandes difficultés d’insertion dans le monde du travail.

L’étude révèle également des différences selon les pays d’origine de ces jeunes migrants. Ce sont les adolescents en provenance d’Afrique qui s’en sortent le moins bien à la fin du « 9e niveau » de l’école secondaire, ainsi que les élèves arrivés en tant que mineurs non accompagnés — un groupe toujours plus important. Parmi ces derniers, seuls 20 à 30 % ont un niveau suffisant à 16 ans en suédois, anglais et mathématiques.

Les mauvais résultats des migrants à l’école en Suède liés à l’âge d’arrivée

Grönqvist explique cela par leur âge moyen relativement élevé lors de l’arrivée en Suède de ces mineurs non accompagnés : ils ont en moyenne un peu moins de 12 ans, tandis que pour l’ensemble des enfants de migrants, la moyenne est de huit ans et demi.

D’aucuns (voir liens ci-dessous) rendent l’afflux d’immigrés responsable de la chute de la Suède vers le bas du tableau d’honneur des évaluations PISA qui comparent les résultats scolaires de 34 pays. En mathématiques, elle est désormais à la 28e place, et elle fait à peine mieux pour la lecture et les sciences : 27e. L’OCDE, qui organise ces tests, a constaté qu’en Suède 48 % des élèves immigrés n’atteignent pas le niveau minimum en mathématiques, contre 22 % des autochtones.

À cela, il faut ajouter la désaffection des professeurs suédois pour les zones à forte densité immigrée. À Malmö par exemple, 42 % de la population est d’origine étrangère — et près d’un professeur sur cinq a quitté la zone l’an dernier pour aller enseigner ailleurs. Même le syndicat des enseignants, peu suspect de xénophobie, reconnaît que certaines écoles sont devenues trop dangereuses pour les enseignants en raison du taux de violence et de délinquance que l’on constate.


Sources : Jyllands Posten, Jyllands Posten, Kristeligt Dagblad, ESO.

Voir aussi

Suède — La baisse du niveau scolaire en partie imputable à l’immigration ?

Suède — Échec de l’intégration des immigrés, ce n’est pas faute de moyens ou de bons sentiments

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France — La désolation d’une correctrice du bac face à la médiocrité des copies

Dans un billet publié sur Facebook, une correctrice du bac de français se désole du niveau des copies et de l’obligation qui lui est faite d’augmenter les notes. Son message a été partagé des milliers de fois.

L’auteur, Audrey, est professeur de français. Dans ce texte, l’enseignante, qui a 55 copies du bac 2017 à corriger, se désole du niveau des copies et surtout que les notes soient augmentées de manière artificielle. Elle décide alors de refuser de « cautionner » les consignes qui lui ont été données d’atteindre la moyenne sur l’ensemble des copies qu’elle corrige. « Vous distribuerez vous-mêmes, en haut lieu, les notes qui arrangent votre politique » écrit l’enseignante. Découvrez l’intégralité de son message.

« C’est affligeant de médiocrité »

« Je corrige des copies de l’écrit du bac de français pour des séries technologiques. C’est affligeant de médiocrité. Dans 90 % des cas les méthodes ne sont pas appliquées, les réponses ne sont pas trouvées, les textes ne sont pas compris, les outils d’analyse ne sont pas connus, pas utilisés, l’expression est déplorable avec beaucoup de phrases sans verbe, l’orthographe est un lointain souvenir d’une autre époque, les majuscules... un soldat inconnu.

Sincèrement je jette les points, histoire d’en mettre. Parce qu’il faut le savoir, la commission d’entente EXIGE que mon paquet de 55 copies dont certaines font 15 lignes ait 10 de moyenne.

“Je choisis de mettre les notes que ces malheureuses copies valent”
Audrey
Notes seront augmentées de toute façon

Si je n’atteins pas ce quota, mes notes seront augmentées. Alors à quoi bon ? À quoi bon passer plus de temps sur une copie que l’élève lui-même ? À quoi bon toute l’année transmettre conseils, leçons, connaissances ? À quoi bon exiger rigueur et culture ? Et surtout comment faire comprendre que ce lynchage du niveau du bac affaiblit nos jeunes pour l’avenir ? Pour les exigences de concours et de métiers où, oui, c’est dingue non, il faut savoir écrire, raisonner et analyser. Pauvre France... Pauvre éducation...

Alors je fais mon choix. Je ne joue pas. Je ne cautionne pas. Je choisis de mettre les notes que ces malheureuses copies valent. Vous distribuerez vous-mêmes, en haut lieu, les notes qui arrangent votre politique. La bienveillance n’est pas le mensonge. Votre grand leurre se fera sans moi ».

Une prof « extraordinaire »


Qui est Audrey ? Une professeur de français qualifiée de « géniale » par une collègue et très appréciée. Elody, qui se présente comme l’une de ses anciennes élèves, a tenu à rendre hommage à son ancien professeur de français avec un message : « Voici un petit texte, pour vous parler d’une femme que j’ai toujours appréciée. Je parle de ma prof de français : une femme en or, qui a du cœur et elle le fait ressentir dans son travail. Elle a toujours su nous aider dans tous les domaines, que ce soit en cours ou en privé, elle m’a guidée et beaucoup aidée. Je l’admire, car c’est une femme extraordinaire. »

Soutiens sur la Toile

L’initiative de l’enseignante a reçu un grand nom nombre de soutiens à en croire divers commentaires laissés sur les partages du billet Facebook. « J’approuve votre liberté de “noter” et continuez comme cela ! » ou encore « Bravo pour l’honnêteté... Il faut tellement y croire pour être enseignant de nos jours » faisaient partie des encouragements des utilisateurs du réseau social.

D’autres ont préféré commenter le fond du texte, en donnant souvent raison à son auteur. Ainsi, une certaine Béatrice fulminait : « C’est honteux ! Je préfèrerais ne pas savoir... Mettre la moyenne à des copies qui ne méritent pas la moitié... À quoi servent donc les exams ? Honteux ! Et pour les concours idem ? »

Tandis qu’un internaute nommé Babbaloo poussait plus loin l’analyse : « Elle est où, la France des lumières, de l’expression, de l’éloquence, des connaissances... La France est devenue la risée du monde occidental par son rétrécissement d’esprit, la dégradation de la morale et aujourd’hui un recul spectaculaire du niveau scolaire/académique. C’est affligeant, il faut faire quelque chose, maintenant… »


Comment l'Islande a désintoxé ses ados en quelques années

À la fin des années 1990, une série d’enquêtes sociales met au jour la dérive des jeunes Islandais. À l’époque, plus de 40 % des ados de 15 et 16 ans déclarent avoir bu au cours du mois précédent, un sur quatre fume et 17 % reconnaissent avoir déjà consommé du cannabis — un taux comptant alors parmi les plus élevés d’Europe.

« Les chiffres étaient inacceptables », analyse aujourd’hui le sociologue Helgi Gunnlaugsson. « Ç’a été un choc, mais surtout un déclic ».

Le nombre d’adolescents qui boivent, fument ou se droguent a chuté au cours des 20 dernières années. Le pourcentage qui a pris du cannabis est passé de 17 % à 7 % en 18 années.

« Quiconque marchait dans les rues de Reykjavik (à cette époque) le vendredi ou le samedi soir aurait eu peur ! Les adolescents déambulaient ivres, désagréables, ils étaient bruyants... Cela semblait même dangereux. Toute la société s’est inquiétée, pas seulement les parents », relève Harvey Milkman, professeur de psychologie à Denver et impliqué dans le projet depuis ses prémices.

Sous l’impulsion de Jon Sigfusson, directeur du Centre islandais pour la recherche et l’analyse sociale (Rannsóknamiðstöðin Rannsóknir og greining, R og G), le gouvernement lance en février 1997 un programme appelé « Une Islande sans drogue », renommé ultérieurement « Les jeunes en Islande ».

Sa clé de voûte : des questionnaires anonymes soumis aux écoliers et collégiens, qui permettent une véritable radiographie d’une génération. « Quand avez-vous bu pour la dernière fois ? Avez-vous déjà été ivre ? Avez-vous déjà essayé de fumer ? Si oui, à quelle fréquence fumez-vous ? Combien de temps passez-vous avec vos parents ? À quelles activités participez-vous ? »

Mobilisation générale, couvre-feu, hausse de l’âge de la majorité civile

En 1998, autorités et travailleurs sociaux estiment avoir recueilli suffisamment d’informations pour décréter la mobilisation générale.

Un couvre-feu frappe les mineurs de 13 à 16 ans qui ont encore aujourd’hui interdiction d’être dehors après 22 h, avec la permission de minuit du 1er mai au 1er septembre — quand il fait encore jour très tard le soir. La majorité civile est portée de 16 à 18 ans, la vente de tabac interdite aux moins de 18 ans et l’achat d’alcool illégal avant 20 ans.

En Islande, par ailleurs, les cigarettes sont invisibles sur les étalages, leur prix est parmi les plus élevés d’Europe, avec un prix moyen de 9 euros le paquet, et comme dans la majorité des pays nordiques, l’alcool est vendu dans des magasins d’État et taxé à plus de 80 %.

Le programme encourage de son côté la pratique du sport. Dans la capitale islandaise, chaque famille dispose d’une enveloppe annuelle de 35 000 couronnes (environ 380 $) par enfant de 6 à 18 ans pour l’exercice d’une activité extrascolaire.

Certains, ici, y voient un des facteurs expliquant l’essor du foot sur la petite île de l’Atlantique Nord et le parcours exceptionnel de son équipe à l’Euro-2016, où elle ne s’est inclinée qu’en quart de finale face à la France.

La petite Islande (340 000 habitants) bat l’Angleterre (55 millions) à l’Euro 2016

Pêche, soccer et jeux de quilles

À bientôt 15 ans, Kristjan Johannesson affirme n’avoir jamais bu une goutte d’alcool, ni touché une cigarette.

Sur les murs de sa chambre, il expose fièrement ses exploits à la pêche ou au foot. Sur le terrain synthétique de Breidholt, au sud de Reykjavik, il tape le ballon cinq fois par semaine. « C’est un plaisir de jouer au foot surtout avec mes amis, on s’éclate ».

Avec son catogan à la Zlatan Ibrahimovic, son idole, il vient tout juste d’être sélectionné avec l’équipe nationale des moins de 16 ans.

À l’âge où nombre d’adolescents s’enferment dans leur chambre, Kristjan passe le plus de temps possible avec ses parents.

Car les concepteurs du programme islandais prônent « plus de proximité, d’attention et de partage » au sein de la famille, explique Jon Sigfusson, le directeur du R og G.

Conscients du mal et appuyés par les structures scolaires, nombre de parents ont suivi ces recommandations.

« Nous faisons plus de choses avec nos enfants que par le passé », reconnaît ainsi Asdis, la mère de Kristjan, qui apprécie particulièrement les parties de quilles avec son fils.

Le programme a vite porté ses fruits, réduisant les problèmes de moitié en seulement huit ans, explique Jon Sigfusson. Et près de vingt ans après son lancement, la table est renversée : le pourcentage des jeunes déclarant avoir bu au cours du mois précédent a chuté à 5 %, les fumeurs réguliers sont seulement 3 % et 7 % avouent avoir consommé du cannabis.

Si l’amélioration suit une tendance européenne accréditée par les enquêtes ESPAD (European School Project on Alcohol and other Drugs [ne publie qu’en anglais...]), il n’y a qu’en Islande qu’elle prend de telles proportions.

Chaque famille dispose d’une enveloppe annuelle d’environ 380 $ par enfant de 6 à 18 ans pour l’exercice d’une activité extrascolaire.

Depuis 2006, 35 municipalités à travers 17 pays — en majorité en Europe — ont participé à un projet européen inspiré des questionnaires du modèle islandais et visant à étudier les pratiques des jeunes, explique Jon Sigfusson. Parmi les participants à cette initiative intitulée « Youth in Europe » figure notamment la ville de Tarragone, en Espagne.

Mais des mesures radicales telles que celles prises par l’Islande sont, elles, encore rares à l’étranger.

L’Islande ne compte que 340 000 habitants, l’équivalent de la population de Nice, dans le sud de la France ou de la ville de Gatineau dans l'Ouest du Québec en face d'Ottawa. Il est peut-être « techniquement beaucoup plus compliqué » de mobiliser la communauté quand l’échelle est beaucoup plus importante, relève le sociologue Helgi Gunnlaugsson, selon qui ce n’est toutefois « pas impossible ».

L’Islande a en outre « un état d’esprit » propice, dit-il : dans ce pays, on est convaincu qu’« on peut changer les choses pour faire mieux ».


Comment la petite Islande au climat ingrat est devenue une mini-puissance footballistique (construction de nombreuses salles de football intérieur, nombreux entraîneurs, caractère industrieux, équipe et partisans qui se connaissent).
Vidéo en anglais, sous-titrée en français. 12 min.

Source : Le Vif, Mosaic Science, IcelandMonitor