mardi 1 avril 2008

Résignation molle et confusion alambiquée des évêques catholiques du Québec

Louis O'Neil, professeur émérite à la faculté de théologie de l'Université Laval, a envoyé une lettre très intéressante au Devoir au sujet de la réaction si résignée et si molle des évêques catholiques du Québec face à la volonté du MELS d'imposer son cours de morale et de culture religieuse à tous les enfants dès six ans.

Résignation et confusion d'autant plus étonnantes que le Vatican s'est déjà prononcé sur les écoles « où toutes les croyances sont accueillies indifféremment et traitées de pair, comme si, pour ce qui regarde Dieu et les choses divines, il importait peu d'avoir ou non de saines doctrines, d’adopter la vérité ou l’erreur ». Il faut les fuir.

Relevons ici quelques extraits de la lettre du professeur O'Neil[1] :
Dans le dossier sur la place de l’enseignement religieux en milieu scolaire les évêques du Québec donnent l’impression de naviguer dans la brume.

[...]

Résignation et collaboration

En 1997, ceux qui ont assumé la charge de guides spirituels de l’Église du Québec ont laissé tomber un droit inscrit dans la Constitution de 1867, confirmé en 1982 et dûment inséré dans la Charte canadienne des droits et libertés (art.29) ; un droit qui garantissait la confessionnalité des établissements scolaires. En 2005, ils ont approuvé le projet de loi 95 qui supprimait l’enseignement religieux à l’école et ont placé leurs espoirs dans le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse, croyant y déceler des « orientations prometteuses ». Ils veulent s’en tenir désormais à une collaboration critique et vigilante avec le pouvoir politique, se permettant à l’occasion d’exprimer leur opinion sur certains aspects du nouveau programme, par exemple la difficile pratique de la neutralité ou encore le manque de préparation des enseignants. Pour le reste, ils s’en remettent au bon vouloir de la ministre de l’Éducation et de sa ténébreuse bureaucratie qui ne cesse de concocter réforme sur réforme.

Ça fait de la peine aux évêques

Les évêques reconnaissent que les parents ont le droit de revendiquer pour leurs enfants un enseignement religieux à l’école et regrettent que ce droit n’ait pas été respecté. Mais ils n’ont pas l’intention de se battre pour qu’il le soit.

[...]

Puisque le pouvoir politique a décidé de le supprimer, ils se contentent de dire que ça leur fait de la peine. Ils aimeraient néanmoins que la ministre de l’Éducation accorde un traitement de faveur aux établissements privés en permettant à ceux-ci d’insérer dans l’horaire des périodes d’enseignement religieux. Quant aux jeunes qui fréquentent le réseau public, ils les abandonnent à leur sort. Pour ceux-là, pas de chance d’avoir accès à un cours de culture chrétienne.

Céder aux sirènes du « dialogue » et des « orientations prometteuses »

Selon les évêques, une orientation prometteuse du nouveau cours, c’est de favoriser le vivre ensemble et l’ouverture aux les autres. Voilà, il est vrai, un objectif fort louable. Mais qu’est-ce donc qui empêchait le cours d’enseignement religieux en vigueur jusqu’ici, dont ils étaient responsables et qu’ils ont approuvé, de poursuivre ce même objectif ? Depuis quand faut-il passer par la neutralité et par le décorticage sociologique du phénomène religieux pour s’ouvrir aux autres ?

On aurait aimé d’autre part qu’ils nous fassent connaître plus explicitement leur opinion sur certains postulats de base qui sous-tendent le nouveau cours, par exemple : la raison pure qui scrute les croyances religieuses et a préséance sur elles ; le relativisme ; le pluralisme normatif ; la posture professionnelle ; le socio-constructivisme. Ces composantes font-elles partie des « orientations prometteuses » ? N’a-t-on pas raison de craindre que cet amalgame douteux n’alimente un vice de fond qui rend illusoires les gains espérés ? Est-il vrai qu’on doive attendre cinq ans avant d’évaluer la validité des fondements idéologiques qui ont inspiré la nouvelle construction pédagogique ?

Décourager les parents, geste peu élégant

Les parents inquiets ou mécontents pourront revendiquer le droit d’exemption que leur reconnaît la loi. Mais les évêques estiment qu’on ne doit exercer ce droit qu’avec circonspection et aimeraient plutôt qu’on fasse confiance à l’appareil bureaucratique qui a concocté le nouveau cours. Mais vu que les parents ne peuvent compter sur leurs leaders religieux pour défendre leurs droits, il est bien normal que plusieurs d’entre eux recourent à d’autres moyens à partir du moment où ils estiment que le nouvel enseignement va à l’encontre de leurs convictions. Il apparaît peu élégant, dans une telle conjoncture, de vouloir les dissuader de contester.

[...]

Unicité du laïcisme québécois

Jadis directeur du journal Le Devoir et ancien ministre de l’Éducation, Claude Ryan rappelait, lors d’une conférence prononcée le 8 juin 1999, que « le droit à un enseignement religieux confessionnel dans les écoles publiques est reconnu dans la majorité des pays d’Europe occidentale. Cet enseignement est obligatoire en Allemagne, en Finlande, en Irlande, en Norvège et en Autriche. Il est offert sur une base optionnelle dans les écoles publiques de Belgique, d’Italie, de Pologne, d’Espagne et de Hongrie ». Et il ajoutait : « À ma connaissance, ces pays ne considèrent pas que leur législation scolaire est contraire aux chartes des droits. Je ne sache pas non plus qu’ils aient été trouvés en défaut à cet égard par les tribunaux compétents. Dans la perspective d’une conception pluraliste de la liberté, il y aurait davantage lieu de s’inquiéter à mon avis d’une politique qui, au nom d’objectifs sociétaux, viserait à imposer à tout le monde un modèle unique d’école publique et à bannir la religion de cette école ou à ne l’y tolérer que sous des formes diluées ».

[1] Les intertitres sont de nous.

Roumanie – la religion est de retour à l’école

Résumé et traduction d’un article de Raluca Popescu du 3 mars 2008

Bucarest – À la suite de discussions prolongées qui ont soulevé la passion au sein de la société civile et dans le clergé orthodoxe le plus convaincu, la religion remporte une victoire en Roumanie : elle demeurera une option du programme scolaire jusqu’en 12e année. Le ministère de l'Éducation avait, à l'origine, décidé de supprimer la religion du programme scolaire du lycée, mais cette décision fut mal accueillie par les représentants de l'Église orthodoxe et par diverses associations civiles.

Mihaela Sociu, conseillère auprès du ministère de l'Éducation, de la recherche et de la jeunesse (MECT) a déclaré que les parents et les étudiants pourront décider s’ils veulent étudier la religion ou non. Elle a ajouté qu'aucun élève ne sera pénalisé s’il refuse de suivre la classe de religion et que cette matière n’entrerait pas en ligne de compte dans le calcul de la note moyenne générale. Par ailleurs, le Ministère organisera des classes de culture générale ou encore d'autres classes de remplacement.

Le patriarche Daniel a déclaré qu'une éducation privée de dimension spirituelle à l'âge de l'adolescence ne pouvait qu’être incomplète. Le patriarche Daniel a également proposé que les symboles religieux de toutes les églises doivent être étudiés dans les écoles pour que des élèves les connaissent mieux. « La religion propose les modèles valables de bonté et de sainteté dans un monde de plus en plus individualiste » a conclu Sa Béatitude. Le représentant de la religion judaïque, le rabbin Sorin Rosen Slomo, a précisé qu'il avait proposé aux représentants de l'Église orthodoxe l'introduction de l'étude de l'histoire de la religion dans les écoles. L'Église catholique a opté pour la réouverture d’écoles confessionnelles subventionnées par l’État.

Selon l’agence de presse roumaine Rador, une étude de l'ONU conclut que, dans 46 pays parmi les 70 ayant répondu à son enquête, la Constitution ou la loi garantit le droit à une éducation religieuse. Il serait intéressant de savoir si le Québec a répondu à cette enquête. Toujours selon celle-ci, un pays sur cinq interdirait l’étude de la religion à l’école. Dans 35 pays, l'éducation religieuse est permise dès l'éducation primaire. Seuls neuf pays cités dans cette étude rendent obligatoire l’étude de la religion. Dans 30 autres pays, son étude est facultative.

Un nouveau carnet consacré au programme d'Éthique et de culture religieuse

On nous informe du lancement d'un nouveau blogue consacré au programme d'Éthique et de culture religieuse. On y présente des analyses permettent de réfléchir sur la nature du programme proposé et sur la manière dont il est mis en œuvre. Dernier article en ligne : « Les consultations 2005-2007 démontrent-elles l’appui de la population pour l’ÉCR ? »

Le Mouvement laïque québécois se dit profondément en désaccord avec le nouveau programme d'Éthique et culture religieuse

Le Mouvement laïque québécois se dit profondément en désaccord avec le nouveau programme d'Éthique et culture religieuse. Invité à soumettre son avis par le Comité des affaires religieuses, il estime la composante « culture religieuse » confondante et conflictuelle.

On trouvera ici les raisons de ce désaccord. Pour le lecteur pressé, voici, en bref, les raisons de son désaccord :
  1. Le programme ÉCR ne permet pas de faire des apprentissages enracinés dans la réalité du jeune.
  2. Le programme ÉCR ne permet pas de faire des apprentissages enracinés dans la culture québécoise.
  3. Le programme ÉCR ne respecte pas la liberté de conscience et de religion des élèves.
  4. Le programme ÉCR ne respectera probablement pas la liberté de conscience et de religion des enseignantes et des enseignants.
  5. Le programme ÉCR ne favorise pas le vivre-ensemble.
  6. Le programme ÉCR ne permettra probablement pas l'ouverture à la diversité religieuse par la découverte (au primaire) et l'analyse (au secondaire) des principales caractéristiques de différentes traditions religieuses et de ce qu'elles auraient en commun.
  7. Le programme ÉCR ne permet pas de se situer de façon réfléchie au regard des religions et des nouveaux mouvements religieux.
  8. Le programme ÉCR ne permet pas du tout de prendre en compte les représentations du monde et de l'être humain qui sont d'un autre ordre que religieux (représentations séculières).
  9. Le programme ÉCR ne permet pas la reconnaissance de l'autre et le développement d'attitudes appropriées à l'égard de la diversité religieuse (respect, tolérance, ouverture au dialogue).
  10. Le programme ÉCR ne permet absolument pas la reconnaissance des personnes qui interprètent la réalité autrement qu'à travers le prisme des religions.
  11. Le programme ÉCR devrait susciter des réactions négatives chez les divers groupes religieux.
En conclusion le MLQ déclare :« Nous souhaitons que disparaisse la composante de culture religieuse des programmes du primaire et du secondaire, car cette partie de la matière risque de générer de nombreux conflits et ne correspond certainement pas au niveau de maturité des enfants et des adolescents. [...] Nous pensons que des cours d'éthique et aptitude au dialogue tout au long du primaire et du secondaire seraient suffisants pour assurer l'instruction commune des jeunes. Des cours de culture religieuse pourraient cependant être offerts comme cours à option en 4e et 5e secondaires lorsque les jeunes ont la maturité suffisante pour assumer un tel apprentissage et mener les réflexions importantes qui en découlent nécessairement. »

Et si, dès le début, il existait tout simplement un choix, plutôt qu'un cours obligatoire pour tous qui ne pourra que déplaire à un groupe ou l'autre. Quoi ? De la tolérance et un choix ?