samedi 6 septembre 2014

Lutte contre les stéréotypes : le règne de l'indistinct

L'écrivain Denis Tillinac revient sur la nomination de l'égérie de la lutte contre les stéréotypes sexués, Najat Belkacem, au poste de ministre de l'Éducation en France.

Il y a de la cohérence dans cette frénésie éradicatrice, avatar sénile de la “déconstruction” soixante-huitarde. Elle tétanise Hollande et Valls, qui n’y adhèrent pas mais n’ont plus beaucoup de billes dans leur sac à malice. D’où leur aval, par pur opportunisme, à une approche syncrétiste de la vie sociale qui mixerait les corps, les cœurs et les esprits dans l’enfer de l’indifférencié.

Ses sectateurs comptent sur l’école “républicaine” pour accommoder les loupiots à leur sauce androgyne. Avis aux instits et aux parents “normaux” : l’entreprise camoufle derrière des “ABCD de l’égalité” faussement anodins la négation du distinguo le plus fondamental de l’histoire humaine, celui qui a vertébré, fertilisé et enluminé toutes les civilisations : l’altérité du masculin et du féminin.

Les “stéréotypes” vilipendés par la gauche, il ne faut pas les détruire, mais les consolider. Il faut inculquer au petit garçon le respect de la féminité incarnée par sa mère, aux fins qu’en prenant de l’âge il comprenne le sens de la pudeur, de la galanterie et autres délicatesses sans l’usage desquelles il sera au mieux un goujat, au pire un prédateur. Il faut apprendre aux petites filles que leur avenir sera foncièrement différent de celui d’un garçon de leur âge, en sorte qu’à l’adolescence elles puissent assumer leur féminité sans y laisser des plumes. Ça ne les empêchera  pas d’entrer à Polytechnique si elles sont bonnes en maths.

Certes, les gosses ont déjà pigé à la maternelle qu’ils seront des mecs ou des nanas. Un zizi qui pointe son nez, ça ne peut pas s’occulter, même en affligeant son propriétaire d’une jupe et en lui offrant à Noël une poupée plutôt qu’une épée. À l’heure des premiers flirts, les plus godiches découvrent sous la couette que le désir de la minette et celui du dadais ne sont pas tissés sur la même trame. Tôt ou tard, ils mesureront la différence à l’aune de la maternité: neuf mois dans un ventre, ça fait un sacré bail, et les abdomens masculins ne s’arrondissent qu’avec le concours de la gastronomie lourde.

Reste qu’en dévaluant l’altérité dans les cervelles enfantines, on aggrave le désarmement des psychismes et on gâche par anticipation les noces immémoriales de l’animus et de l’anima. De Mars et Vénus. De la Vierge et de son Fils. De Tristan et d’Yseult. De Roméo et de Juliette. Du Même et de l’Autre.

Autant dire qu’on prémédite sciemment le règne des barbares dans le culte de l’indistinct, avec en perspective une guerre des sexes sans merci. Rien de moins. Qu’une jolie femme aux yeux de velours soit commise à cette vilaine tâche ne doit qu’inciter davantage à la vigilance : la fraction de la gauche dont Mme Vallaud-Belkacem a choisi d’être le porte-voix, par conviction ou par arrivisme, rêve de hâter l’avènement d’une variante molle et dans le vent du Meilleur des mondes de Huxley. Ça fait froid dans le dos.






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« Trop de parents ont perdu confiance en l'école »

La porte-parole du collectif Ensemble pour le bien commun, mère de trois enfants, agrégée de lettres modernes et ancien professeur en lycée, réagit à la nomination de Najat Vallaud-Belkacem comme ministre de l’Éducation en France. Nous pensons que son diagnostic aura des échos auprès des parents québécois.

Quel signal cette nomination envoie-t-elle aux parents ?

Un signal inquiétant, car elle n’a à son actif que des actions de promotion des revendications LGBT et de préparation des mentalités pour les faire accepter. L’épisode des « ABCD de l’égalité » est révélateur : l’intention affichée, c’était l’égalité homme/femme.

C’est malin, personne ne peut être contre l’égalité homme-femme. Sauf que les contenus pédagogiques promouvaient l’indifférenciation. L’objectif réel des « ABCD de l’égalité » et du dispositif qui va prendre leur suite, c’est de poser le premier terme d’un syllogisme qui consiste à dire : « Un homme et une femme, c’est pareil ; donc un père et une mère, c’est pareil ; donc on peut avoir deux pères ou deux mères. »

Plus largement, Najat Vallaud-Belkacem est représentative de la dimension libérale-libertaire de la gauche ; avec le refus des limites naturelles et biologiques et l’accroissement du marché des désirs à satisfaire, cette nouvelle gauche pactise avec un libéralisme radical.

Son féminisme ne vous convainc pas ?

Malgré son sourire, elle a une conception du féminisme très étriquée ; c’est un féminisme des quotas. Dans la loi sur l’égalité femmes-hommes, par exemple, elle a réduit le congé parental quand il est pris par la mère seule et non par les deux parents : c’est une intrusion dans l’intimité des familles. L’État n’a pas à prescrire un fonctionnement normatif dans les soins à donner aux enfants ou la répartition des tâches ménagères.

On veut nous faire marcher au pas de l’oie ! J’aurais préféré des mesures qui permettent effectivement aux mères de travailler, comme l’ouverture de nouvelles crèches.

Sa nomination n’est-elle pas dans la logique de l’évolution d’une école qui se préoccupe plus d’égalité que de transmission ?

Oui, et c’est mettre les problèmes dans le mauvais ordre : l’égalité ne se décrète pas, elle est le fruit d’une éducation réussie. Aujourd’hui, on demande à l’école à peu près tout : faire des écocitoyens, « changer les mentalités », amener les élèves à s’interroger sur leur orientation et leur identité sexuelle… à peu près tout, sauf l’essentiel, qui est d’apprendre, de transmettre et de travailler. Or c’est bien par l’instruction et par l’effort que l’on peut atteindre l’objectif d’égalité.

Si l’égalité a pris toute la place, n’est-ce pas justement parce que la gauche a un problème avec la notion même de transmission ?

Oui, mais pas seulement. La pensée de gauche souffre de quatre contresens.

Le premier porte sur la transmission : il faut assumer que la relation du maître à l’élève est asymétrique ; la transmission du savoir est une chance pour l’élève et non une contrainte.

Le second porte sur le respect : que faut-il dire aux élèves ? Le respect que vous devez témoigner à vos camarades, ce n’est pas à raison de leur appartenance à telle ou telle catégorie, c’est à raison de votre responsabilité de créer du lien avec votre prochain, quels que soient par ailleurs ses traits distinctifs. La pensée de gauche fonctionne par segments de population : avec des programmes scolaires de lutte contre l’homophobie, les élèves apprendront peut-être que c’est mal de chahuter leurs petits camarades qui leur semblent efféminés (sans être homosexuels pour autant d’ailleurs !), mais alors les incivilités se déporteront sur ceux qui sont trop gros, ou sur ceux qui deviennent des souffre-douleur, parce qu’ils sont plus petits ou plus faibles. Mais si l’on demande aux élèves de pratiquer la vertu de gentillesse avec leur prochain parce qu’il est leur camarade, et pour cette seule raison, c’est beaucoup plus efficace. Dans le privé, la relation avec les parents et les élèves est aussi différente…

C’est le troisième contresens, en effet, sur le principe de subsidiarité. Sur les sujets qui touchent à l’intimité des enfants, donc évidemment en matière de sexualité, l’école ne devrait pas s’arroger le monopole de la parole légitime. Parce que, sur ces sujets-là, tout est fonction du degré de maturité de l’enfant, et les parents sont les mieux placés pour le connaître.

Dernier contresens, enfin, la volonté d’avoir des résultats uniformisés par classe d’âge alors que tous les élèves n’ont pas la même maturité ni les mêmes appétences. La tendance lourde de ces dernières années est celle d’une translation des élèves du public vers le privé, pour ceux qui le peuvent du moins. C’est un camouflet pour l’enseignement public. Or la caractéristique des établissements privés, c’est justement qu’on y valorise la transmission, la gentillesse envers les camarades, on y considère les parents comme les premiers éducateurs de leurs enfants, et les élèves bénéficient d’une attention individualisée. Et tout cela à moindre coût : les effectifs d’enseignants dans les établissements catholiques sont restés stables depuis cinq ans, alors qu’ils comptent 25 000 élèves de plus dans la même période et que les subventions publiques n’entrent que pour moitié dans leur budget.

Le succès du privé ne traduit-il pas surtout la crise de confiance envers une école qui, comme le disait Vincent Peillon, veut arracher les enfants à l’influence de leurs parents ?

De fait, trop de parents ont perdu confiance. Il faut méditer l’épisode des journées de retrait de l’école. Quoi que l’on ait pu dire de son initiatrice ou de certaines outrances, ça a été une réaction instinctive des parents. Des gens qui n’auraient peut-être pas été capables de déjouer les pièges sémantiques de Mme Vallaud-Belkacem, mais qui ont senti au fond d’eux qu’il y avait dans ces « ABCD de l’égalité » non pas des grands principes généraux et sympathiques, mais des éléments fondamentalement malsains. Quel désaveu pour l’école publique que ce vaste mouvement de désobéissance civile !

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