vendredi 24 février 2012

« État ou parent, qui est le premier éducateur des enfants ? »

La CLÉ a écrit au Devoir et à la Presse :

La famille, dernière structure intermédiaire
entre l'État et l'individu, mise sous tutelle ?
À la lecture du jugement de la Cour suprême dans l’affaire ECR de Drummonville, la position de la juge Deschamps qui écrit l’opinion majoritaire pourrait se paraphraser ainsi : comme toute exposition à différentes religions comporte une certaine relativisation, « y a rien là ! »

D’un côté, un haussement d’épaules désabusé de la part de Mme Deschamps, de l’autre les expertises de quatre universitaires qu’aucun jugement ne réfute – ni même n’aborde – ainsi que sept intervenants en Cour suprême en faveur d’une exemption ou, dans le cas de l’Association canadienne des libertés civiles, pour qu’il revienne au gouvernement de faire la preuve que la liberté des parents n’était pas brimée.

Et c’est là que tout se joue : qui a le fardeau de la preuve quand l’État prescrit un cours traitant de valeurs philosophiques, religieuses et morales ? Celui qui impose ou celui qui s’oppose  ?

Pour la Coalition en éducation du Québec, le parent est le premier éducateur de ses enfants, l’école n’étant qu’un tuteur temporaire auquel il délègue l’éducation de son enfant. Ces principes de droit naturel sont inscrits dans de nombreux pactes internationaux ainsi que dans le Code civil du Québec. Dès lors, dès qu’un parent s’oppose pour des raisons de conscience à un cours, que cette demande n’est pas frivole (le cours ECR touche bien des questions de foi, de morale) et qu’il témoigne de sa foi sincère, il faut lui accorder l’exemption à moins que l’État prouve la nécessité de la lui refuser.

Le gouvernement du Québec était tellement peu sûr de convaincre le juge de première instance que l’accusation de relativisme était farfelue qu’il a convoqué un philosophe pour venir dire que le programme n’était pas relativiste, mais simplement « pluraliste normatif ». Le professeur Guy Durand, un des témoins experts des parents, a conclu pour sa part qu’en pratique, en classe, il n’y a pas de véritables différences entre ce pluralisme normatif et le relativisme. Le juge Dubois n’a évoqué aucun de ces deux experts dans son jugement pour ne citer qu’un théologien. En Cour suprême, les avocats gouvernementaux ne défendront plus cette expertise, probablement parce qu’elle va à l’encontre de la jurisprudence canadienne qui refuse de s’engager dans des débats théologiques entre membres d’une même religion. Il ne reste donc plus du jugement de première instance que l’affirmation sans justification que le juge Dubois ne voyait rien de mal au programme ECR alors qu’il avait lui-même décidé limiter la preuve à un seul manuel (contrairement au juge Dugré dans l'affaire Loyola). Une affaire de sensibilités donc, comme Madame Deschamps.

Or, si l’on en croit les sources mêmes des avocats gouvernementaux, ces sensibilités sont sans importance. En effet, le Protocole de Tolède qui se penche précisément sur l’enseignement des religions dans les écoles publiques dit :
« Certains parents peuvent avoir des croyances religieuses ou non religieuses qui les amènent à s'opposer à exposer leurs enfants à d'autres interprétations de la réalité. Ainsi, l'enseignement des religions et des croyances peut-il être perçu comme un endoctrinement dans le relativisme ou la laïcité par certains croyants, ou comme un endoctrinement dans la religion par certains humanistes. Cela peut sembler malheureux ou mal avisé pour l'éducateur contemporain, mais les normes internationales excluent clairement « un pouvoir discrétionnaire de la part de l'État [y compris les fonctionnaires en éducation] pour déterminer si les croyances religieuses ou les moyens utilisés pour exprimer ces croyances sont légitimes. » En conséquence, l'objection de conscience à des cas particuliers de l'enseignement des religions et des croyances est précisément ce que le droit à la liberté de religion ou de conviction (et le droit parallèle des parents d'élever leurs enfants conformément à ces croyances) est censé protéger. »
Ignorant ces normes internationales, la juge Deschamps arrive à une conclusion inverse en faisant reposer tout le poids de la preuve sur les parents et en leur demandant de prouver l’inconstitutionnalité du programme ECR – alors qu’ils ne l’attaquaient pas ! – et de prouver que le programme empêche la transmission de la foi. Si la Cour n’avait pas agi ainsi, le fardeau du gouvernement aurait été très lourd, sans doute trop lourd. Il aurait dû, notamment, démontrer qu’ECR ne violait aucunement la liberté de religion parce que, tant dans sa conception que dans sa réalisation, il est parfaitement neutre (ce qui est impossible selon le protocole de Tolède); qu’il est parfaitement adapté aux besoins de tous les élèves et qu’il n’y pas de risque — sur 550 heures d'enseignement — de dérapages.

Mme Deschamps haussa donc les épaules, se dit non convaincue et déclara que s’opposer au programme c’était s’opposer au multiculturalisme officiel au Canada… Mais le pluralisme d’une société ne justifie en rien que l’État impose ou même expose chaque enfant à la diversité des repères et la pluralité des normes. Car si l’État est pluraliste, c’est précisément pour permettre la coexistence respectueuse et harmonieuse de personnes qui considèrent leurs valeurs et leur foi comme des absolus, et non pour faire de chacun un pluraliste normatif.

Deschamps enchaîne : un peu de dissonance est nécessaire à l’apprentissage de la « tolérance ». Quelle tolérance ? Les parents ne sont nullement opposés à la tolérance envers autrui. Leur religion demande d’aimer les autres comme soi-même. Si l’on peut parfaitement accepter que l’école et l’État enseignent la tolérance envers les autres, ils n’ont pas à se mêler d’inculquer une tolérance envers tous les systèmes religieux et moraux.

Enfin, Deschamps déclare que les parents peuvent éduquer leurs enfants à la maison même si l’école leur impose une « dissonance cognitive ». Ce genre de raisonnements permet plus facilement à un État jacobin d’ignorer les parents et d’imposer des programmes idéologiques. Les parents chrétiens sont bien conscients du rôle de l’école publique et de l’effet de cette « dissonance » sur la foi de leurs enfants. Selon une étude du Southern Baptist Council, 88 % des enfants de foyers protestants évangéliques éduqués à l’école publique quittent leur église à 18 ans pour ne jamais y revenir, alors que, selon la HSLDA, près des trois quarts des enfants de chrétiens éduqués à la maison continuent d’aller à l’église après 18 ans chaque semaine.

En renversant le fardeau de la preuve, en demandant de prouver l’inconstitutionnalité d’ECR, la Cour suprême a pipé les dés à l’avantage de l’État. En renonçant à protéger les parents dissidents, elle mine la primauté de plus en plus théorique de tous les parents dans l’éducation de leurs enfants, qu’ils soient religieux ou non. Cette prise de position peu prudente ne peut que léser des parents dissidents et isolés face à l'appareil d'État.


Voir aussi 

Alberta — correctivisme politique aigü imposé à la maison ?

Émission d'Isabelle Maréchal — Le débat sur le cours d'éthique et culture religieuse n'est pas terminé

Bock-Côté : La version tarte aux pommes du débat sur le programme ECR et la volonté thérapeutique

Prof. Paul Allen : debate far from over about Ethics and Religious Culture

Ethics and Religious Culture in Quebec: Canada’s Supreme Court has erred

Déclaration de Me Mark Phillips avocat de S.L. lors de la conférence de presse de ce jour

« Match nul » sur la constitutionnalité du programme ECR, entretemps Jésus, Superman même combat !




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Alberta — correctivisme politique aigu imposé à la maison ?

Du bulletin d'information de la HSLDA Canada.

« La nouvelle loi en éducation en Alberta (projet de loi numéro 2) imposerait aux parents une rectitude politique dans leurs propres foyers lorsqu'ils enseignent à leurs enfants. Plus rigoureuse, cette nouvelle législation ferait en sorte que tout ce qui relève de l'école-maison, incluant le matériel utilisé et l'approche éducative privilégiée, devrait se conformer à ces exigences. Pour l'essentiel, cette disposition soumettrait les parents albertains à la loi provinciale sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act) dans leur rapport avec leurs enfants et ce, dans leur propre foyer. De plus, ce projet de loi requiert une telle approche afin de promouvoir la compréhension et le respect tel qu'établi par la Alberta Human Rights Act: la même loi qui a été responsable de la répression de presque toutes les formes d'expression religieuse ayant été débattue devant le Tribunal des droits de la personne. Comment donc un parent pourra-t-il lire la Bible à ses enfants, prier ou leur partager ses propres croyances religieuses sans craindre la police de la rectitude politique?

(traduction non officielle des articles de loi pertinents)

1(1)(x) « école » se réfère à un environnement structuré pour l'apprentissage à l'aide d'un programme d'études offert à l'élève par
(iv) un parent qui lui fournit un programme d'éducation à la maison, ou...

Diversité et respect

16 Tous les cours et les programmes d'études offerts, ainsi que le matériel pédagogique utilisé dans une école, doivent refléter la nature et l'héritage diverses de la société en Alberta, promouvoir la compréhension et le respect d'autrui, et honorer et respecter la Charte canadienne des droits et libertés et la Alberta Human Rights Act.

Ceci est inacceptable pour les familles faisant l'école-maison en Alberta, à qui nous avons demandé d'agir en communiquant avec les représentants de leur Assemblée législative. Ces modifications franchissent rapidement les différents paliers du gouvernement et chaque journée compte. Deux solutions seraient envisageables: que les familles faisant l'école-maison soient spécifiquement exemptées pour ce qui concerne l'article 16 du Projet de loi numéro 2, ou encore que la définition du mot « école » soit modifiée pour exclure les familles faisant l'instruction à domicile. »

Impossible de dire que l'homosexualité est un péché

Contacté mercredi soir par LifeSite, Donna McColl, la porte-parole du ministre de l'Éducation de l'Alberta Lukaszuk Thomas, a déclaré que « Quelle que soit la nature de la scolarité —instruction à la maison, école privée, école catholique - nous ne tolérons pas un manque de respect envers les différences ».

« Vous pouvez affirmer l'idéologie familiale dans votre vie de famille, vous ne pouvez pas le faire dans le cadre d'un programme éducatif donné à la maison », a-t-elle ajouté.

Réagissant à ces remarques, Paul Faris de la HSLDA a déclaré que le ministère de l'Education « a clairement l'intention de violer les conversations privées des familles dans leurs propres foyers. » « Il faut craindre et s'opposer à un gouvernement de ce type qui tente de contrôler ainsi nos vies personnelles», a-t-il ajouté.

Impact de la décision de la Cour suprême sur ECR en... Alberta

Dans la première entrevue, la porte-parole du ministère de l'Éducation a justifié la position du gouvernement albertain à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada vendredi passé. Décision qui confirmait le refus d'accorder une exemption par le gouvernement du Québec à une famille de Drummondville opposée au controversé cours d'éthique et de culture religieuse.

« Vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision unanime sur - il s'agit de S.L. c. La Commission scolaire des Chênes 2012 - et c'est la même chose, l'article 16 [de la loi albertaine citée ci-dessus] doit s'appliquer à tout le monde, y compris les familles qui instruisent leurs enfants à domicile », d'ajouter Mme McColl.

Voir aussi

« État ou parent, qui est le premier éducateur des enfants ? »





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