samedi 10 août 2024

Le Canada en 2024


La mairesse de Toronto Olivia Chow (au centre) au festival Caribana 2024. Olivia Chow est née le 24 mars 1957 à Hong Kong, a été une enseignante et femme politique de gauche (NPD)

La PM « conservatrice » de l'Alberta, Danielle Smith, veut doubler sa population d'ici 25 ans

Dans son allocution télévisée et son discours du Trône prononcés l’automne dernier, la Première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, avait déclaré que son gouvernement se préparait à plus que doubler la population de l’Alberta d’ici 2050, pour atteindre 10 millions d’habitants, soit trois millions de plus que ce que les autorités provinciales avaient prévu pour le milieu du siècle.

Elle souhaite également voir la population de Red Deer décupler. D’environ 106 000 aujourd’hui à un million d’habitants. (Red Deer se trouve sur la rivière du même nom, anciennement rivière du Daim-Rouge en français.)

Danielle Smith a récemment réitéré son ambition de doubler la population de sa province d’ici 2050 dans une vidéo (voir ci-dessous).

Pour que l’Alberta ait le poids politique qu’il mérite

Danielle Smith dans cette vidéo déclare : « Nous devons nous fixer un objectif ambitieux, à savoir doubler notre population. Nous devons être ce bastion de la liberté, les gens voudront venir ici et nous voulons les accueillir. Et nous voulons construire cet endroit de manière à ce que nous ayons le poids politique que nous méritons en Alberta. À l’heure actuelle, nous sommes traités comme un partenaire mineur par Ottawa. Et si nous finissons par avoir l’économie la plus forte et par doubler notre production de pétrole… »

Le taux de chômage en Alberta est déjà parmi les plus hauts au Canada 

À 7,1 %, le taux de chômage de l’Alberta est bien supérieur à la moyenne nationale qui se situe à 6,4 % et à celui du Québec à 5,7 %.

Notons que les immigrés récents (moins de 5 ans au Canada) ont un taux de chômage plus du double aux Canadiens nés au Canada.

 

Logements hors de prix

Le marché immobilier de l’Alberta est très cher, car il y a très peu de logements disponibles, manque conjugué à une forte demande et à une forte activité de vente. Pour mai 2024, le prix de référence des maisons en Alberta, soit 514 200 $, est le plus élevé jamais atteint, et il est en hausse de 9,3 % d’une année sur l’autre.

Augmentation de la population de 200 000 personnes en 2023 (+ 4,4 % de la population)


Les deux tiers des personnes qui viennent de s’installer en Alberta sont des immigrants.

Ces chiffres font suite à l’augmentation de la population de la province de 202 324 habitants en 2023 — soit environ deux fois la population de Red Deer — avec un taux de croissance de 4,4 %, le plus élevé depuis 1981.

L’augmentation de la population au cours du premier trimestre de 2024 est due aux résidents internationaux non permanents, qui représentent près de 60 % de l’immigration en Alberta.

« La différence, cette fois, c’est que l’Alberta, et en particulier Calgary, qui a été la plus grande ville d’immigrants en croissance au Canada, compte de nombreuses communautés établies d’immigrants qui ont migré ici au cours des dernières décennies », a-t-elle déclaré.

70 % des Albertains opposés à davantage d’immigration

Les immigrants au Canada en général soient plus nombreux que les gens au Québec (y compris donc les anglo-allophones de Montréal) à trouver que les cibles d’immigration sont trop élevées…
Le rejet le plus important vient de l’Ontario et de l’Alberta, à égalité, avec 70 % des personnes interrogées qui trouvent que les cibles d’immigration sont trop élevées.

Mais depuis quand en démocratie occidentale les politiciens écouteraient-ils leurs électeurs « racistes » ?

Les immigrés sont urbains et votent massivement pour la gauche (NPD, Libéraux)

Madame Danielle Smith a défendu une vision résolument souverainiste des pouvoirs de sa province. Elle a fait adopter à la fin 2022 une Loi sur la souveraineté et l'a invoquée un an plus tard pour s'opposer aux règles imposées par le gouvernement fédéral de Justin Trudeau sur l'électricité propre.

Il est cependant douteux qu'elle convertisse ces nouveaux venus en des souverainistes albertains conservateurs en assez grand nombre puisque ceux sont ne partagent pas les caractéristiques de ces électeurs conservateurs actuels : souvent ruraux, chrétiens et d'extraction européenne avec une solide tradition d'autonomie au sein de petites communautés.

Les personnes nées à l'étranger étaient plus enclines à dire (en octobre 2019) que Justin Trudeau serait le meilleur premier ministre (41 %) que celles nées au Canada (33 %).
Ils tendent aussi à voter plus pour le NPD que le BQ ou le Parti vert.

Dans un sondage Abacus dans le cadre des élections provinciales de 2023 en Alberta, on note un fort clivage selon l'origine ethnique des électeurs. Le Parti conservateur albertain (UCP) menait par 11 points chez les Albertains blancs, tandis que le NPD (la gauche) menait par 31 points chez les Albertains racialisés.


Le même sondage de 2023 nous apprenait que le NPD de gauche avait une avance de 30 % dans la ville d'Edmonton (60 % contre 30 %), tandis que l'UCP conservateur était largement en tête à l'extérieur des deux plus grandes villes (57 % à l'UCP contre 40 % au NPD).

Madame Smith pense-t-elle vraiment qu'elle fera de ces millions d'immigrants (l'immense majorité « racialisée ») urbains des conservateurs et des souverainistes albertains ?

L'accroissement de la population n'assure pas la prospérité

L'accroissement de la population ne garantit en rien la prospérité, il suffit de regarder la Grande-Bretagne, la France avec une forte immigration ou même le Canada sous Trudeau où le PIB/habitant a diminué depuis 4 ans alors que l'immigration connaissait des sommets. À l'inverse, des pays peu peuplés comme la Suisse ou la Norvège sont prospères. 

Le PIB par habitant du Canada a diminué de 0,4 % par an depuis 2020 - le pire taux parmi les 50 premières économies développées du monde. Les nouveaux investissements et la croissance de l'emploi sont principalement le fait du gouvernement.

Les initiatives du secteur privé se limitent essentiellement au marché de l'immobilier, ce qui ne contribue guère à la productivité et à la prospérité. De nombreux jeunes n'ont pas les moyens d'acheter dans l'un des marchés immobiliers les plus chers du monde. Pressés de citer une réussite numérique, les Canadiens citent Shopify - mais le magasin en ligne est le seul nom technologique parmi les 10 plus grandes entreprises du pays, et ses actions s'échangent à la moitié de leur pic de 2021.

Danielle est immigrationniste, mais est-elle conservatrice ?

Danielle Smith envisage donc d’essayer de doubler la population de l’Alberta quasi exclusivement grâce à l’immigration, au lieu de se concentrer sur la réduction du coût de la vie, la réduction de la criminalité et l’incitation des Albertains à avoir plus d’enfants afin d'assurer une lente croissance démographique homogène.

En quoi, Danielle Smith est-elle conservatrice ? Que veut-elle conserver ?

Danielle Smith

La conservatrice Danielle Smith n’a aucun enfant. Cette absence de descendance avait été critiquée par d’autres conservateurs albertains qui mettaient en doute sa sincérité dans la défense des familles. Notons qu’elle et son second mari, David Moretta, qui se sont mariés en 2006, auraient eu l’intention d’avoir des enfants selon un communiqué émis par Danielle Smith. La déclaration indique que le couple a demandé l’aide d’une clinique de fertilité, mais que les traitements auraient été infructueux.

Controverses sur ses affirmations relatives à son ascendance

Mme Smith a fait des déclarations sur son ascendance qui ont été démenties par des généalogistes et par les archives de l’immigration canadienne.

Son arrière-grand-père paternel était Philipus Kolodnicki, dont le nom a été anglicisé en « Philip Smith » à son arrivée au Canada.

En octobre 2022, elle a affirmé que M. Kolodnicki avait quitté l’Ukraine après la Première Guerre mondiale, qui s’est achevée en 1918, pour échapper au communisme. Elle a déclaré que ses convictions politiques étaient « en grande partie nées d’une méfiance totale à l’égard du socialisme que mon arrière-grand-père a fui ». Dans un profil publié en 2012 dans le Globe and Mail, Mme Smith a affirmé que Kolodnicki était un immigrant ukrainien arrivé au Canada en 1915.

Les dossiers d’immigration examinés par le Toronto Star montrent que Kolodnicki est arrivé au Canada en 1913, avant la Première Guerre mondiale ou la Révolution d’octobre 1917. Kolodnicki a également indiqué que sa nation d’origine était l’Autriche et que sa race était la Ruthénie, un terme qui, à l’époque, désignait les ancêtres des Ukrainiens, des Biélorusses et des Rusyns modernes.

À partir de 2012, Mme Smith a affirmé publiquement qu’elle avait des racines cherokees grâce à son arrière-arrière-grand-mère, Mary Frances Crowe. Mme Smith a également affirmé que Mme Crowe avait été victime de la Piste des larmes et déplacée de force au Kansas dans les années 1830. Une enquête d’APTN National News a examiné les registres de recensement américains et a découvert que Mme Crowe était née en 1870 en Géorgie, environ 20 ans après que le gouvernement américain a forcé les Cherokees à quitter leur terre natale.

Kathy Griffin, généalogiste cherokee du Texas qui a travaillé avec APTN, n’a pas trouvé de preuve que les ancêtres de Smith étaient membres des tribus historiques cherokee, notamment la Bande orientale des Indiens cherokee, la Bande unie Keetoowah des Indiens cherokee de l’Oklahoma ou la Nation cherokee. Les ancêtres de Smith ne figuraient pas non plus sur le Dawes Roll, un registre américain répertoriant les membres des tribus Cherokee, Creek, Choctaw, Chickasaw et Seminole.

À la suite du reportage d’APTN, l’attaché de presse de Mme Smith a déclaré que cette dernière n’avait pas fait de « recherches approfondies sur ses ancêtres » et qu’elle avait « entendu parler de son héritage par ses proches ».

Le gouvernement turc veut prendre le contrôle des écoles françaises en Turquie (m à j)

La Turquie interdit avec effet immédiat toute nouvelle inscription dans les classes primaires et maternelles des écoles françaises du pays, a annoncé samedi le ministère de l'Éducation. Aux termes d'un accord intérimaire intervenu après « de longues négociations », indique le ministère dans un communiqué, « aucun nouvel étudiant turc ne sera inscrit dans les écoles mentionnées jusqu'à ce qu'un accord international prévoyant un statut juridique soit conclu ».

«Dans ce contexte, aucun nouvel élève turc ne sera inscrit dans les classes de maternelle et de première année des écoles primaires Charles De Gaulle à Ankara et Pierre Loti à Istanbul », poursuit le ministère. Le ministère turc précise également que la mesure prend un effet rétroactif « à partir du 1er janvier 2024, pour couvrir l'année scolaire 2024-2025 et au-delà. De même, aucun nouvel élève ne sera admis dans les classes intermédiaires ».

À moins d'un mois de la rentrée scolaire le 3 septembre, cette décision du gouvernement turc n'a pas encore été communiquée aux parents d'élèves turcs qui représentent l'écrasante majorité des inscrits dans ces deux établissements.

Surveillance et inspection

Le ministère prévient également que « la liste des élèves turcs scolarisés et les informations sur les écoles labellisées par l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger (Aefe) seront remises à notre Ministère avant la rentrée prochaine». «Jusqu'à ce que ces écoles obtiennent » un statut légal, les cours de langue turque, culture turque, littérature turque, histoire et géographie turques « ne pourront être dispensés que par des enseignants citoyens de la République de Turquie nommés par notre Ministère », précise le communiqué. Il prévient en outre que les programmes et contenus de ces écoles « seront surveillés et inspectés par les fonctionnaires » du ministère et de l'État.

Par ailleurs, le ministère indique qu'un « accord global de coopération éducative, incluant l'enseignement du turc pour les étudiants turcs résidant en France« est en cours de négociations, et appelle à »poursuivre les négociations pour le finaliser dans les plus brefs délais ».

Après des « mois de négociations », selon l'ambassade de France à Ankara, le ton était subitement monté mi-juillet avec le ministre de l’Éducation Yusuf Tekin qui avait dénoncé « l'arrogance » de la France qui « ne daigne pas nous prendre comme interlocuteur ». « Nous ne sommes pas comme les pays que vous avez colonisés. Nous sommes un État souverain. Vous devez donc agir selon nos conditions si vous voulez enseigner ici », avait-il mis en garde.


Billet originel du 18 juillet

Lycée Pierre Loti d'Istamboul
 
 Le ministère turc de l'Éducation a intensifié sa surveillance des écoles françaises en Turquie à la suite du refus de la France d'autoriser la fondation turque Maarif d'y ouvrir des écoles, selon plusieurs sources.

Maarif, qui a été créée avant la tentative de coup d'État du 15 juillet 2016 par le biais d'une loi adoptée par le parlement turc, a cherché à fermer les établissements d'enseignement créés par les adeptes du mouvement religieux Gülen depuis le putsch avorté, dans le cadre de la politique étrangère du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir en Turquie, qui qualifie le mouvement d'organisation terroriste et l'accuse d'avoir orchestré le coup d'État raté.

Le mouvement Gülen, une initiative civique mondiale inspirée par les idées du religieux musulman Fethullah Gülen, nie fermement toute implication dans le putsch manqué et toute activité terroriste.

À ce jour, la fondation Maarif a repris des centaines d'écoles dans le monde entier qui avaient été créées par des adeptes du mouvement Gülen dans le cadre des mesures de répression prises par le gouvernement à l'encontre de ce groupe.

Elle est désormais la seule organisation habilitée à ouvrir des écoles dans un pays étranger au nom de la République de Turquie. Elle gère des écoles pour tous les groupes d'âge, de la maternelle à l'université.

Le journaliste Nuray Babacan a écrit sur le site d'information Gazete Pencere que les inspections du ministère turc de l'éducation dans les écoles françaises d'Ankara et d'Istanbul ont atteint un niveau tel qu'elles perturbent l'éducation des élèves. Ces actions sont considérées comme des représailles après l'échec de la tentative de la Fondation Maarif d'établir des écoles en France.

Babacan indique dans son article que le gouvernement turc, sous l'administration de l'AKP, a pris pour cible des établissements français, notamment l'école Charles de Gaulle à Ankara et le lycée Pierre Loti à Istanbul. Les écoles ont dû s'acquitter d'amendes et d'ingérences dans leurs programmes sous couvert d'inspections.

"Cela va au-delà des inspections régulières ; le gouvernement s'immisce maintenant dans les programmes scolaires", écrit M. Babacan. "Ce problème a commencé lorsque les tentatives de la Turquie d'ouvrir des écoles en France ont été bloquées. Aujourd'hui, des pressions sont exercées sur les écoles françaises, exigeant qu'elles incluent des cours de religion et d'éthique, qu'elles suivent le programme turc et qu'elles emploient des enseignants turcs.

Ce développement s'inscrit dans une tendance plus large de détérioration des relations entre la Turquie et la France, qui ont connu des relations diplomatiques fluctuantes. Cette situation a suscité l'inquiétude des élèves et de leurs parents. Des parents français et turcs ont demandé au ministre turc des affaires étrangères, Hakan Fidan, d'intervenir et de chercher une solution diplomatique.

Fidan devrait aborder cette question lors de sa prochaine visite en France, où les discussions devraient se concentrer sur la résolution du problème avant le début de la nouvelle année universitaire en septembre.

Ces dernières années, la Fondation Maarif a reçu un soutien financier substantiel de la part du gouvernement turc. Depuis sa création, la fondation a pris le contrôle de 216 écoles dans 44 pays et prévoit d'en reprendre d'autres.

Malgré l'importance des fonds alloués à Maarif, ses détracteurs estiment que ces ressources devraient être affectées à la résolution des problèmes éducatifs nationaux, tels que les classes surchargées et le nombre insuffisant de nominations d'enseignants.

La résistance du gouvernement français à l'expansion de la Fondation Maarif est en partie due aux inquiétudes concernant l'imposition de l'éducation religieuse, qui contredit le strict système d'éducation laïque de la France. En réponse, la pression accrue exercée par la Turquie sur les écoles françaises à l'intérieur de ses frontières a suscité des critiques pour avoir potentiellement politisé l'éducation et affecté le bien-être des élèves et de leurs familles.Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.

Déjà en 2020

Déjà en 2020, le quotidien Yeni Safak, proche du pouvoir islamo-conservateur, avait consacré des articles remettant en cause le statut des lycées Charles-de-Gaulle, à Ankara, et Pierre-Loti, à Istanbul, qui accueillent au total 2 300 élèves. « On se demande bien comment cette école illégale [Charles-de-Gaulle], qui n’a rien à voir avec la législation turque et n’a pas le statut d’école privée, a pu inscrire des étudiants turcs », avait écrit le journal, le 8 septembre 2020.

Renommés pour la qualité de leur enseignement, les deux lycées qui préparent au baccalauréat français comptent de nombreux élèves turcs francophones – près de 70 %, pour Pierre-Loti. Dépendants de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), Charles-de-Gaulle et Pierre-Loti ne sont pas enregistrés en tant qu’établissements internationaux. Au regard de la loi turque, ils n’ont pas d’existence légale. Paris estime, pour sa part, que ses écoles « à but non lucratif » sont soumises à la législation française. Conscient de la fragilité de ce statut – qui touche de nombreux établissements français ailleurs dans le monde – la France a créé, il y a sept ans, un groupe de travail avec la Turquie, regroupant des diplomates et des spécialistes des ministères de l’éducation, pour trouver un compromis.

Lycée Charles-de-Gaulle d'Ankara



« Prétendu génocide arménien »

Ankara ne voit pas d'un bon œil le fait que ces établissements échappent à sa supervision. « Aucun officiel ne peut contrôler ces écoles illégales », déplorait Yeni Safak dans son édition du 3 septembre 2020, jugeant sulfureux le contenu des manuels scolaires. « On dit que le prétendu génocide arménien est enseigné aux étudiants turcs qui suivent ces cours. » Empêcher les familles turques d'y envoyer leurs enfants sera difficile à réaliser, pour ne pas dire impossible. D'autant que certains des éditorialistes parmi les plus acharnés à critiquer la France et ses écoles ont, eux-mêmes, leurs enfants sur les bancs de Pierre-Loti.

Le ton de la presse s'est déjà fait menaçant. Des mesures de rétorsion sont évoquées, qui vont de la fermeture des établissements concernés à des représailles à caractère financier. « Évasion fiscale ! Les écoles françaises n'ont pas payé un sou d'impôt », affirmait Yeni Safak dans son article du 8 septembre 2020, en soulignant l'existence de droits d'inscription élevés. Au contraire, Paris souligne que les établissements ne jouissent pas d'un statut fiscal privilégié. Le 7 septembre 2020, en une seule journée, deux tentatives de « visite » avait eu lieu dans ces établissements, de la part de d'officiers de la voirie d'Istanbul, prétendant enquêter sur des travaux, et de jeunes hommes se prétendant agents de l'ONU.

Les établissements catholiques francophones de Turquie

Depuis plus de 150 ans, les établissements catholiques francophones de Turquie forment une partie de la jeunesse de ce pays. Ils ont été fondés par des congrégations françaises au dix-neuvième siècle pour répondre à des besoins de scolarisation des familles étrangères installées au Levant. Il en reste six aujourd’hui, cinq à Istanbul et un à Izmir. Ils portent le nom de Saints, d’ailleurs, on les appelle : « Les Saints ». Saint Joseph (à Istanbul et à Izmir), Saint-Benoît, Saint-Michel, Sainte-Pulchérie et Notre-Dame de Sion.

Leur particularité est d’enseigner le programme turc [ce n'est pas le cas d'autres Lycée comme celui Pierre Loti d'Istanbul ou de Charles-de-Gaulle d'Ankara qui enseignent le programme français], en langue française pour une grande partie des disciplines, hormis, par exemple, la langue turque, l’anglais et l’histoire. Dans ces établissements, qui sont des lycées, les enseignants sont turcs, ne parlant pas français, pour un tiers, turcs francophones pour un tiers et français, venant de l’enseignement public ou de l’enseignement catholique pour le dernier tiers. Cette cohabitation de cultures différentes est extrêmement riche sur un plan professionnel, surtout dans des établissements où le travail en équipe est la règle.

Pour un professeur français qui arrive dans cet univers, où c’est lui l’étranger, il faut s’accoutumer à d’autres habitudes relationnelles, au risque de commettre des indélicatesses. Beaucoup de choses sont différentes dans la relation aux élèves, aux familles, aux collègues, à la direction. Il faut également s’accoutumer à d’autres pratiques professionnelles qui peuvent surprendre au départ. Par exemple, les enseignants de ces établissements doivent assurer des heures de présence sur la cour de récréation pour renforcer la proximité avec les élèves dans un autre cadre que celui de la classe. Ils ont également une heure fixée dans leur emploi du temps hebdomadaire pour recevoir les familles.

Contrairement à l’origine, aujourd’hui, tous les élèves sont turcs. Leurs familles les inscrivent dans ces établissements, après la réussite à un concours, à cause de leur excellent niveau de réussite aux examens. Afin de pouvoir suivre les quatre années de lycée en français, les élèves doivent suivre une année préparatoire de renforcement linguistique avec vingt-cinq heures par semaine d’apprentissage de cette langue. L’ouverture linguistique et culturelle de ces établissements donnent la possibilité aux élèves qui le souhaitent de poursuivre leurs études dans des universités étrangères.

Outre leur excellence académique, les « Saint » sont aussi des promoteurs de la culture française, en lien avec la diplomatie française. De très nombreuses activités culturelles sont proposées : expositions, conférences, pièces de théâtre, concerts... De plus, de grands évènements thématiques sont organisés dans les établissements : Printemps du numérique, Modèle des Nations-Unies, Prix littéraires...

 

Lycée Notre-Dame de Sion, Mustafa Kemal Atatürk y inscrivit ses filles adoptives.