jeudi 28 novembre 2019

France — échec du déboublement des classes de banlieues immigrées, sortir de la pensée magique sur l'école

Jusqu’où les nouvelles technologiques, et en particulier l’intelligence artificielle, pèseront-elles sur les métiers de demain ? Et surtout, comment adapter les formations et l’Éducation nationale devant ces bouleversements à venir ? La délégation sénatoriale aux entreprises s’est saisie de la question, en organisant ce 28 novembre une table ronde autour de différents acteurs. Parmi les profils retenus : le très médiatique chirurgien Laurent Alexandre, spécialiste de l’intelligence artificielle. Il n’a pas fait que déplorer l’insuffisance des budgets engagés, il a aussi tiré à boulets rouges sur l’école.

Le discours du scientifique, aux positions controversées, n’a pas failli à sa réputation de franc-parler. « Ce n’est pas politiquement correct et il n’est peut-être pas raisonnable de dire ça au Sénat », a-t-il prévenu d’emblée. « Plomin en Angleterre a montré que 64 % des différences de maîtrise de la lecture sont d’origine génétique et ne sont pas d’origine culturelles et environnementales comme on le pensait jusqu’à maintenant » Laurent Alexandre fait ici référence à une étude publiée en 2015 dans la revue Nature qui explique qu’environ 60 % des différences de résultats au bac britannique peuvent s’expliquer par des facteurs génétiques. Autrement dit, l’environnemental familial et culturel ne sont pas les premiers facteurs.

« Nous n’allons pas avoir de miracle »

Partant du constat de l’étude de Robert Plomin, Laurent Alexandre s’est engagé sur des perspectives très négatives dans le rattrapage français dans la course à l’innovation numérique. « Nous n’allons pas avoir de miracle pour compenser l’échec naturel de l’école et qui n’est pas de la faute de l’école ». Pour lui, aucune technologie « significative » n’est à notre disposition pour réduire les « inégalités intellectuelles ». « C’est un vrai problème dans une économie de la connaissance ».

Dénonçant la « pensée magique sur l’école » et appelant à « sortir des mensonges politiques en matière d’éducation », le chirurgien s’en est ensuite pris à ces « concepts tous plus foireux les uns que les autres ». « Tous codeurs, en imaginant qu’on allait permettre à tous les enfants d’apprendre le Python [un langage de programmation, NDLR] alors qu’il y a un enfant sur quatre ou sur cinq qui capable de faire du codage informatique. Le slogan “Tous codeurs” est aussi débile que tous astrophysiciens ou tous pilotes d’Airbus ou tous chirurgiens. C’est totalement irréaliste ».



Ces sombres perspectives et ce discours ont laissé quelques sénateurs et sénatrices sceptiques, voire pantois. « J’aurais aimé penser — mais je suis peut-être dans l’erreur, hein — que le fait de solliciter le cerveau humain dans l’apprentissage à apprendre, donc au niveau de l’éducation, pouvait le faire évoluer dans le bon sens », a réagi la sénatrice LR Catherine Fournier.

Le sénateur du groupe RDSE (à majorité radicale), Guillaume Arnell, s’est lui aussi montré gêné par le tableau dépeint par le scientifique. La réaction la plus virulente est venue du sénateur (communiste) Fabien Gay, pour qui le chiffre mis en avant par Laurent Alexandre est « extrêmement dangereux ». « Ça peut poser problème. Ce discours-là peut nous mettre face à une situation politique difficile. Je ne dis pas que nous sommes tous égaux […], mais vous vous arrêtez à la question génétique, mais vous ne dites pas qu’il y a aussi des aspects sociaux et culturels. Ça peut être laissé à interprétation. »

« On a caché l’échec des dédoublements des classes de CP », accuse Laurent Alexandre
Laurent Alexandre affirme avoir été « mal compris ». « La grandeur de l’humanité, c’est de casser les déterminismes génétiques et pas de les nier », martèle-t-il, appelant à investir « massivement » sur la recherche en pédagogie, comme la science l’a fait pour la recherche contre le cancer.

Plus tôt, il s’était également attaqué à la mesure phare du quinquennat en matière d’éducation : le dédoublement des classes de primaire dans les réseaux prioritaires d’éducation. « On a caché l’échec des dédoublements des classes de CP. Ça n’a fait progresser les enfants que de 0,07 et 0,13 écart-type. Ce n’est quasiment rien, malgré une dépense considérable. »

Des critiques que n’a pas laissées passer Charles Torossian, directeur de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, présent dans la salle. « Nous avons réduit de 8 % les élèves les plus en difficulté, de 12 % en maths. Ce n’est pas encore spectaculaire, mais laissez le temps aux mesures de s’installer », a répliqué ce représentant du ministère de l’Éducation nationale.

À quel prix ? Pourquoi uniquement en banlieue immigrée ?

Voir aussi

Pourquoi l’éducation jouerait un rôle moins important qu’on ne le pense (résumé notamment des travaux de Plomin).

« L’école forme des enfants qui vont être laminés par l’intelligence artificielle »

Très faible impact du dédoublement très coûteux des classes en « banlieues difficiles »

Trop d’enfants turbulents ou pénibles classés « précoces » ou « doués » ?



Belgique — 60 % des députés flamands contre l'allongement des délais de l'avortement, 90 % des députés francophones pour

En Belgique, 90 % des députés francophones votent en faveur de l’allongement des délais de l’avortement alors que 60 % des députés flamands sont contre et que deux sondages indiqueraient que 65 à 75 % de la population francophone est contre ce énième projet de loi.


On assiste à une forte mobilisation en Belgique contre le ixième projet de loi bioéthique de libéralisation totale de l’avortement porté par une majorité dite « progressiste » de 60 % du parlement tandis qu’une lettre de 750 médecins et soignants opposés au projet de loi vient d’être publiée.

Après deux premiers votes reportés en commission parlementaire en deux semaines, les partis opposés viennent de réussir à le reporter une nouvelle fois d’une semaine, voire de deux.

Le Centre d’Action Laïque, à la pointe du lobby proavortement

Derrière ce ixième projet de loi proavortement, le très puissant lobby du Centre d’Action Laïque (CAL) qui en fait une croisade depuis des années. https://www.abortionright.eu/

Le Roi Baudouin avait mis sa couronne en jeu en 1990 sur cette question.

Cette fois, le CAL a rassemblé une majorité dite « progressiste » de 60 % des voix (90 députés sur 150), familles communistes-socialistes-vertes-libérales du nord et du sud du pays, composée de :
  • D’une part, 90 % des 59 députés francophones, soit tous les partis hormis le CdH (ex-social-chrétien devenu « humaniste ») et l’un ou l’autre député MR (centre libéral).
  •  D’autre part, une minorité de 40 % des 91 députés néerlandophones. En effet, la majorité flamande constituée de la NV-A (centre droit nationaliste), du CD&V (chrétien-démocrate) et du VB (droite nationaliste) s’oppose au projet de loi. À noter que les 2 candidats à la présidence du CD&V se sont clairement exprimés contre ce projet de loi et en font une condition à leur entrée dans un gouvernement.

Ainsi, alors que le projet de loi n’est même pas encore voté, la RTBF qui ne cache pas son parti-pris diffuse déjà des sujets pour préparer les femmes à cette nouvelle loi. Hier soir encore, un « débat  cqfd » sur la RTBF avec deux invités pro-IVG et des questions non pas liées au projet de loi, mais à l’amélioration des techniques et à la prise de décision des IVG. Par contre, en Flandre, les médias se montrent plus sceptiques, reflétant leur majorité hostile à ce projet de loi.

Réaction d’experts en humanité et la lettre des 750 médecins et soignants

Fait historique en Belgique ce mardi 26 novembre : une lettre ouverte a rassemblé 750 signatures de professionnels de la santé en 4 jours et a été publiée dans la presse : 27 gynécologues, 45 professeurs d’université, médecins et personnel soignant. (Lettre publiée simultanément dans 2 grands quotidiens belges : francophone, La Libre, et néerlandophone, De Morgen).

Les « 750 » demandent une pause sur ce sujet, a fortiori en l’absence d’un gouvernement avec une majorité assise. D’ailleurs, le CAL profite explicitement de l’absence de gouvernement pour « enfin faire passer cette loi qui pourrait être bloquée par un des partenaires de la future majorité ».

Le texte dépénalise complètement l’avortement aussi bien pour les femmes que pour les médecins, allonge à 18 semaines le délai dans lequel un avortement peut être pratiqué et réduit à 48 heures le délai de réflexion. « À 18 semaines, nous nous trouvons face à un être humain déjà formé », affirment ces signataires dans une tribune libre publiée mardi par le journal La Libre. « À l’heure où médecins et éducateurs s’efforcent d’éduquer les jeunes en les encourageant à vivre une sexualité responsable — pour eux-mêmes et pour les autres — l’allongement du délai légal à 18 semaines envoie un signal contre-productif de déresponsabilisation et banalisation », ajoutent-ils.

Par ailleurs, des signes indiquent une forte différence entre le choix des partis francophones à 90 %  favorables au projet de loi et l’opinion publique (rappelons que l’élection n’a évidemment pas tourné autour de cette extension à l’avortement) :

  • 75 % des 1 600 votants d’un sondage RTL s’opposent à l’avortement à 18 semaines, 4,5 mois
  • 65 % des 7 783 votants sur la question du jour, le sondage de La Libre s’opposent à la nouvelle loi
Le député MR (Mouvement Réformateur, principal parti « de droite ») Michel De Maegd a prudemment retiré sa signature de la proposition de loi vendredi dernier pour temporiser

Les positionnements bioéthiques ne font cependant pas l’unanimité au sein des différents partis ayant déposé la proposition de loi.

La suite, une loi pour Noël ou pour le Carnaval ?

Le projet de loi est toujours en discussion à la commission de la chambre des députés. Une majorité le soutient, mais les opposants suscitent le nécessaire débat. Vers le 16 décembre, le projet de loi arrivera à la chambre. À ce moment, il suffira de l’accord de 50 députés sur 150 pour envoyer le projet à l’analyse du conseil d’État, ce qui prendra encore un peu de temps. D’ici là, peut-être aurons-nous un gouvernement belge ? Il se sera mis d’accord sur un programme commun. Il est possible que ce projet de loi ait été « avorté » dans ces négociations qui auront duré plus de 18 semaines si un des partis flamands opposés à cette extension est inclus dans cette coalition gouvernementale.

À noter l’éditorial de Francis Van de Woestyne (la Libre) qui dit notamment ceci :

Il est cependant regrettable que cette proposition (...) n’ait pas fait l’objet d’un très large débat entre parlementaires issus des dernières élections qui aurait permis, peut-être, de mieux cerner les enjeux éthiques, philosophiques, chirurgicaux de cette proposition. Aujourd’hui, le discours dominant impose l’idée que l’avortement est une intervention médicale ordinaire et que tout qui s’oppose à l’allongement du délai est, nécessairement, un conservateur, peu soucieux de l’intérêt des femmes. Ce serait une erreur de le croire. Car il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’un simple débat entre le monde laïque et les catholiques. La société est ici face à un débat de civilisation qui touche à la définition même de l’être en devenir. L’argument avancé par les tenants de cette proposition, soulignant qu’en Grande-Bretagne le délai est de 24semaines, est partial. Plus de la moitié des pays européens ont fixé la limite à 12 semaines. Dans les centres prénataux, en Belgique et ailleurs, on sauve les prématurés de plus de 24 semaines... Cette question mérite un vrai débat de fond, sans caricatures, de part et d’autre.
Rappelons qu’au Canada, une femme peut avorter son enfant jusqu’à quelques instants de sa naissance puisqu’aucune loi ne restreint les délais de l’avortement.

Source

mercredi 27 novembre 2019

Italie — Nouveau nadir démographique

La natalité connaît une nouvelle baisse en 2018. En témoigne le dernier rapport de l’Institut de la statistique italien (Istat) qui passe les naissances de l’année dernière à la loupe, jusqu’aux prénoms les plus diffusés selon la communauté d’origine des parents.

Ce n’est plus une surprise, l’Italie est un pays qui vieillit. C’est encore le cas en 2018 selon le dernier rapport de l’Istat « Natalité et fécondité de la population résidente ».

L’Istat a dénombré 439 747 naissances l’année dernière, soit 18 000 de moins qu’en 2017 et près de 140 000 de moins qu’il y a 10 ans. Parmi elles, 1 enfant sur 5 est né de parents étrangers au nord du pays (Roumains et Marocains en tête).

La plupart des naissances concernent des fratries qui s’agrandissent. Le nombre de premières naissances au sein des familles se réduit en effet d’année en année. Elles étaient 204 883 en 2018, soit près de 80 000 en moins qu’en 2008.

Le nombre d’enfants par femme baisse lui aussi : les Italiennes en ont 1,29, contre 1,59 au Québec (1,5 pour les francophones au Québec) et 1,87 en France selon l’Insee.

L’allongement des études et les effets de la crise économique impactent également les naissances. Les femmes font leur premier enfant plus tard, à 31,8 ans en moyenne en 2018, soit trois ans de plus qu’en 1995.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES

Années 2008, 2010, 2012 et 2014-2018


2008
2010
2012
2014
2015
2016
2017
 2018
Total naissances
576 659
561 944
534 186
502 596
485 780
473 438
458 151
439 747
Premiers enfants
283 922
274 750
262 836
244 646
230 778
227 412
214 267
204 883
Nés d’au moins un parent étranger
96 442
104 773
107 339
104 056
100 766
100 363
99 211
96 578
Nés de parents étrangers
72 472
78 082
79 894
75 067
72 096
69 379
67. 933
65 444
Nés de couples italiens
480 217
457 171
426 847
398 540
385 014
373 075
358 940
343 169
Nés hors mariage
112 849
123 420
132 379
138 680
139 611
141 757
141 608
141 979
Nés hors mariage (%)
19,6
22,0
24,8
27,6
28,7
29,9
30,9
32,3
Taux de fécondité
1,45
1,46
1,42
1,37
1,35
1,34
1,32
1,29
Âge moyen des mères à l’accouchement 
31,1
31,3
31,4
31,5
31,7
31,8
31,9
32,0
Taux de fécondité des femmes italiennes
1,34
1,34
1,29
1,29
1,27
1,26
1,24
1,21
Âge moyen des Italiennes à l’accouchement
31,7
31,9
32,0
32,1
32,3
32,4
32,5
32,5
Taux de fécondité des étrangères
2,65
2,43
2,37
1,97
1,94
1,97
1,98
1,94
Âge moyen des étrangères à l’accouchement
27,5
28,1
28,4
28,6
28,7
28,7
28,9
29,0

Une naissance sur trois hors mariage

Dans un contexte de diminution des naissances, les naissances hors mariage augmentent de plus de 29 000 par rapport à 2008 pour atteindre 141 979 enfants nés de parents non mariés en 2018. Leur poids relatif ne cesse de croître (32,3 % en 2018).

La Toscane se distingue avec 40,8 % de naissances hors mariage, tandis que dans le Nord-Est, la proportion la plus élevée est enregistrée à Bolzano près de l’Autriche avec 46,5 % de naissances hors mariage (la valeur la plus élevée au niveau national). Dans l’Italie méridionale, seuls 25,8 % des naissances sont hors mariage, les pourcentages les plus faibles étant ceux de la Basilicate (20,7 %) et de la Calabre (21,1 %).

Le nombre de naissances hors mariage quand les deux parents sont italiens est de 34,7 %. Le taux de naissance hors mariage est plus élevé dans le cas des couples mixtes si le père est étranger (36,6 %) ; alors que quand la mère est étrangère, la proportion est plus faible (27,2 %). C’est lorsque les deux parents sont étrangers que le taux est le plus bas avec 16,8 % de naissances hors mariage.

La contribution des étrangers à la natalité diminue

De 2012 à 2018, le nombre de naissances dont au moins un parent est étranger a diminué pour se fixer à 96 578, soit 22 % du total des naissances. Il s’agit d’une diminution de près de 11 000 naissances sur cette période et d’une réduction de plus de 2 600 unités au cours de la seule année 2018. Cette baisse est presque exclusivement attribuable à ceux nés des deux parents étrangers : ils sont tombés sous la barre de 70 000 pour la première fois en 2016 (69 379). Ces naissances se situent en 2018 à 65 444 (14,9 % du total des naissances), soit une baisse de près de 2 500 par rapport à 2017.

Les étrangers résidents, qui ont jusqu’à présent partiellement comblé le « manque » de la population féminine que l’on peut voir dans la structure d’âge des femmes italiennes, sont à leur tour rentrés dans une phase de « vieillissement » : la part des étrangers de 35-49 ans parmi le nombre total de citoyens étrangers est passée de 42,7 % au 1er janvier 2008 à 52,7 % au 1er janvier 2019.

Cette transformation est une conséquence de la dynamique migratoire de la dernière décennie. Les grandes régularisations de 2002 ont donné lieu, dans les années 2003-2004, à l’octroi d’environ 650 000 permis de séjour, largement traduits par un « boom » des inscriptions dans le registre des étrangers (plus de 1,1 million au total), qui a doublé la migration nette par rapport aux deux années précédentes.

Les femmes sans enfants augmentent de génération en génération

Au niveau national, la proportion de femmes sans enfants augmente constamment d’une génération à l’autre. Pour celles nées en 1978, à la fin de leur cycle de reproduction, ce taux aura doublé (22,5 %) par rapport à ce taux pour les femmes nées en 1950 (11,1 %).

Roumains et Chinois choisissent souvent des prénoms italiens

Francesco perd sa place de prénom préféré des Italiens, qu’il s’arrogeait depuis 2001. Il descend à la deuxième marche du podium, juste derrière Leonardo, alors qu’Alessandro devient le 3e prénom le plus donné en Italie. Côté filles, les prénoms les plus diffusés en 2018 sont Sofia, Giulia et Aurora.

Les Italiens ne cherchent pas l’originalité à tout prix : les 30 prénoms les plus donnés couvrent quasiment 45 % de l’ensemble des prénoms attribués.

Les préférences des parents étrangers dans le choix des prénoms diffèrent selon la citoyenneté. La tendance à choisir un prénom italien pour leurs enfants est plus prononcée pour les communautés roumaine et chinoise. Ainsi, il est courant que les enfants roumains s’appellent Luca, Matteo ou Leonardo, mais aussi David et Gabriel ; les noms des filles roumaines sont Sofia, Sofia Maria, Emma, ​​Giulia et Maria.

Les enfants chinois s’appellent principalement Lonardo, Matteo, Leo et Andrea, mais aussi Kevin. Les noms des filles chinoises sont Emma, ​​Emily, Sofia, Gioia et Angela. Les enfants albanais inscrits au registre des naissances sont plus fréquemment appelés Aron, Noel et Liam, mais aussi Mattia et Matteo ; le prénom le plus courant chez les filles est Aurora, suivi d’Amelia, Emily, Emma et Noemi.

Un comportement opposé est observé chez les parents marocains, qui préfèrent pour leurs enfants des noms liés aux traditions de leur pays d’origine: notamment Amir, Adam, Rayan, Youssef et Imran et pour les enfants, Amira, Sara, Jannat, Nour et Malak pour les filles.


Économie — Éloge de l'inégalité : un livre qui commence bien puis tombe dans les clichés des années 80

Chronique d’Éric Zemmour sur le dernier ouvrage de Jean-Philippe Delsol, Éloge de l’inégalité, paru aux éditions Manitoba. 


Tout avait bien commencé. Le titre claquait comme une provocation stimulante. L’éloge de l’inégalité s’avouait en clin d’œil à l’éloge de la folie d’Érasme. Dès les premières pages, Jean-Philippe Delsol nuançait finement son approche : « L’égalité et l’inégalité peuvent toutes deux être bonnes ou perverses (…) C’est le dévoiement de l’égalité qui oblige à faire l’éloge de l’inégalité avec la mesure qui y sied. » Il s’attaquait avec une audace tranquille aux totems et tabous égalitaristes d’aujourd’hui, droits animaux, transhumanisme, conformisme, transparence ; il osait même déconstruire habilement la religion de notre époque, l’égalité entre hommes et femmes. Il démolissait avec une jubilation contagieuse les équations absconses et fausses de Piketty. Les références historiques s’accumulaient avec élégance, on passait de la Grèce antique aux Lumières. Sans oublier la phrase de Chateaubriand rituellement citée : « Les Français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. Or, l’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. »

Et puis, tout s’est détraqué peu à peu. L’avocat fiscaliste a percé sous l’érudit ; et l’Europe (l’auteur est le président d’un réseau pensant européen) a submergé la France. Delsol opposait Voltaire et Rousseau, 1789 et 1793, dans un manichéisme libéral daté, sans voir que l’égalité rousseauiste ne va pas sans un patriotisme exigeant, et que la Terreur est présente dès le 14 juillet 1789. Notre auteur ne peut s’empêcher de dénoncer l’égalité française, sous-produit de l’envie et de la jalousie, et d’exalter la liberté américaine, qui admire la réussite — ce qui expliquerait les destins divergents de nos deux Révolutions — alors qu’Hannah Arendt a reconnu elle-même que l’égalitarisme farouche de Robespierre et des siens venait de leur découverte de la misère des masses de l’époque, tandis que les élites américaines dirigeaient un immense pays de cocagne, où tous pouvaient prospérer, à l’exception des esclaves noirs dont ils ne se souciaient guère. Et quand elles s’en sont enfin souciées, cela a donné une guerre terrible…

On croit lire les ouvrages des années 1980 de Cohen-Tanugi qui nous vantaient le modèle inégalitaire américain, régenté par l’État de droit, bien supérieur à notre État colbertiste et niveleur. Sauf que depuis lors, des décennies ont passé et on a vu. Delsol ne peut plus nous vanter les mérites du « ruissellement » des riches vers les pauvres et pourtant il le fait ! Il ne peut plus faire l’éloge du libre-échange comme seule condition de la croissance économique. On a envie de lui rappeler que la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle, l’Allemagne et les États-Unis au XIXe siècle, la France à la fin de ce même XIXe, jusqu’au Japon dans les années 1950 et la Chine au début du XXIe siècle, se sont développés parce qu’elles se protégeaient à l’abri de droits de douane élevés. Notre auteur s’empêtre alors dans un tissu inextricable de contradictions : il vante la « common decency » d’Orwell (mode de vie décent et digne des gens modestes) tout en nous disant le plus grand bien du « ruissellement ». Il cite longuement la belle tirade de Péguy sur le travail bien fait des ouvriers de l’ancien temps, que la révolution industrielle a tué, tout en exaltant celle-ci. Il nous ressert la légende des inventeurs de la Silicon Valley, au fond de leur garage, en oubliant que, selon le bon mot cité souvent à Washington, leur garage était installé sur le porte-avions de l’armée américaine. Il ose même prétendre que la condition des ouvriers dans les usines du XIXe siècle était meilleure que celle des paysans à la même époque. En visite à Londres, en 1820, Stendhal notait pourtant : « Le travail exorbitant et accablant de l’ouvrier anglais nous venge de Waterloo et de quatre coalitions. » [Financées par l’Angleterre pour mener la guerre à la France à l’époque napoléonienne pour « maintenir l’équilibre européen », comprendre empêcher l’apparition d’un rival continental à l’Angleterre.] Pour Delsol, c’est la redistribution sociale d’après-guerre qui a fini par tuer la croissance dans les pays européens, alors que c’est le système de sécurité sociale qui est une des causes de la croissance des Trente glorieuses ; et que les travaux du Prix Nobel d’économie, Maurice Allais, ont démontré que c’est l’ouverture excessive de nos économies, à partir des années 1970, qui avait causé la baisse de la croissance et la montée du chômage.

D’ailleurs, au détour d’une phrase, notre auteur reconnaît à demi-mot que « la mondialisation a entraîné la stagnation des salaires des non-qualifiés aux États-Unis et le chômage en France » et que « les trop grandes inégalités peuvent générer des incompréhensions immenses et dangereuses ».

Mais tout à sa dénonciation légitime de l’égalitarisme, Delsol ne voit pas que c’est son cher marché mondialisé qui éradique les différences et nous transforme en ces consommateurs sans racines qu’il déteste ; que c’est son « État de droit » tant respecté qui, transformé depuis bien longtemps en gouvernement des juges par une gauche habile, impose la société diversitaire et féministe qu’il dénonce. Il en est resté au monde tocquevillien qui craint la dictature des majorités et organise le respect des minorités, sans voir que nous vivons aujourd’hui sous la tyrannie des minorités.

Sa conclusion est séduisante et même touchante : Delsol nous dit qu’au-delà d’une légitime égalité des chances, l’égalité doit se réfugier sous l’aile bienfaisante et protectrice de l’amour : « L’amour donne et son don n’est pas mépris, il égalise sans heurter celui qui reçoit ; il fait communier, être ensemble, celui qui donne et celui qui reçoit, ce qui est peut-être le summum de l’égalité ». Les lecteurs du Figaro qui me font l’honneur de suivre régulièrement cette chronique se souviennent sans doute du livre Éros Capital de François De Smet (éd. Climats), qui décrivait avec une grande finesse ce qu’il appelait « l’échange économico-sexuel ». Dans cet ouvrage iconoclaste, notre auteur raillait un Occident qui avait imposé le règne de l’argent et de l’inégalité dans tous les domaines et qui, par compensation, avait forgé le mythe de l’amour pur de tout rapport de force et de tout intérêt, alors que les autres civilisations n’ignoraient nullement, elles, que ce mythe occidental était nul et non avenu. Faire pour l’amour, l’éloge de l’inégalité, voilà ce qui aurait été vraiment audacieux !

Un éloge de l’inégalité iconoclaste et audacieux. Dommage qu’il tourne vite à un éloge du libéralisme plus traditionnel, voire contre-productif.


ÉLOGE DE L’INÉGALITÉ
de Jean-Philippe Delsol,
aux éditions Manitoba,
206 pp.,
19,50 €.

Suisse — Enfants privés de chants religieux à l'école

Afin de ne pas froisser les autres communautés religieuses, la direction d’un établissement scolaire a décidé d’effacer des chants de Noël de son répertoire.

À l’approche du spectacle de fin d’année, que les élèves présenteront à leurs familles le 20 décembre prochain, la direction d’une école primaire de Wil (canton de Saint-Gall) a pris une décision qui a étonné ses enseignants. Ces derniers ont été informés il y a quelques jours que trois chants de l’Avent ne seraient plus présentés « par respect pour les autres cultures et religions. »


Les textes supprimés, célébrant la naissance du petit Jésus, se trouvent dans le livre de chants officiels des écoles du canton de Saint-Gall : « Go Tell It on the Mountain » [Va le dire sur la montagne], « Fröhliche Weihnacht überall » [Joyeux Noël partout] et « S’gröschte Gschänk » [Le plus grand cadeau].
 

Des pères échaudés

Selon un F.*, un enseignant souhaitant garder l’anonymat, cette décision intervient après plusieurs incidents ayant eu lieu les années précédentes. Il y a deux ans, un père s’était levé pendant le concert, se plaignant du choix des chansons. Selon lui, les textes s’adressaient davantage aux chrétiens qu’aux musulmans. Un autre spectateur, de confession non musulmane, avait également perturbé le concert de l’année dernière pour évoquer le même « problème ». « Cette décision a été probablement prise, car un nouveau directeur vient d’être nommé. Il souhaite sûrement commencer sa carrière d’un bon pied », continue F*.


« Un programme davantage équilibré »

Le responsable de l’éducation de la ville, Tobias Mattes, a également validé cette décision. « Nous planifions la fête en équipe. Il y a aussi beaucoup de discussions sur la façon dont nous pouvons tous nous impliquer. Le programme devrait davantage être équilibré ».

Incompréhension du côté d’organisations islamiques

Contacté par 20 Minuten, Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques de Suisse, encourage les écoles à ne rien changer à leurs habitudes : « De notre point de vue, il est très regrettable que dans un pays chrétien, il n’y ait plus de chants de cette confession. »

Selon lui, la décision de la direction de l’école témoigne de l’ignorance de l’Islam, car dans de nombreux pays à majorité musulmane, les magasins sont décorés avec des trucs de Noël afin de satisfaire leurs clients chrétiens.


mardi 26 novembre 2019

Certificats de francisation de complaisance émis par des établissements anglophones du Québec ?

De forts soupçons de fraudes dans le programme de l’expérience québécoise (PEQ) ont conduit à une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). « L’intégrité » du système d’immigration économique du Québec serait menacée, selon le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

Au cours des dernières années, de supposés « documents faux ou trompeurs » ont été répertoriés par le MIFI. Ce dernier a évoqué ces allégations dans des rapports et notes qui ont été déposés dans le cadre d’une affaire judiciaire concernant le ministère de l’Immigration.

Ces fameux « documents » mis de l’avant sont en réalité des attestations qui permettaient à des étudiants étrangers de postuler au Programme de l’expérience québécoise (PEQ), qu’a voulu récemment réformer le ministre Simon Jolin-Barrette.

Elles servaient à prouver leur connaissance avancée du français, une des conditions nécessaires pour bénéficier de cette voie rapide vers l’immigration permanente.

Concrètement, des centaines de personnes, au minimum, ont affirmé connaître la langue française, par l’intermédiaire d’un cours suivi au Québec. Mais selon le ministère de l’Immigration, la réalité était tout autre.

Le ministre Jolin-Barrette, qui s’est entretenu avec Radio-Canada sur ce sujet, reconnaît officiellement une « situation problématique » qui menace « l’intégrité » de ce programme. Il promet « d’agir » dans les prochaines semaines.

Des signalements dès 2016

Dès 2016 on retrouve la trace des premiers soupçons.

Des fonctionnaires du ministère de l’Immigration, en contact téléphonique avec des candidats au PEQ pour des questions administratives, s’aperçoivent que leur interlocuteur, dans certains cas, ne parle pas, ou peu, français alors qu’une des conditions d’accès au PEQ est précisément de pouvoir parler français.

Les doutes augmentent sensiblement avec la réception d’informations provenant des forces de l’ordre.

Dès septembre 2016, l’UPAC prévient le MIFI et décide d’ouvrir une enquête. Des « dénonciations » et des « signalements » arrivent alors aux oreilles ministérielles.

Ces différents éléments sont également mentionnés dans un mémoire du ministre Jolin-Barrette, présenté au Conseil des ministres le 17 septembre dernier, qu’a pu consulter Radio-Canada. Dans ce texte, le député de Borduas y évoque l’ensemble des mesures d’immigration qu’il compte officialiser quelques semaines plus tard.

Sept candidats interrogés sur dix ne parlent pas ou peu français

À la suite de ces avertissements policiers, dans le but de « s’assurer de l’intégrité du PEQ », le MIFI a convoqué 1301 personnes en entrevue entre le 22 novembre 2016 et le 8 mai 2019, afin de « vérifier le niveau de compétence en français en production orale ». Résultat : « Plus de 68 % des candidats rencontrés n’ont pas démontré le niveau de compétences en français à l’oral requis au PEQ et n’ont donc pas été sélectionnés », selon ce rapport du ministre Jolin-Barrette.

Des Chinois et des Indiens visés

Selon des notes internes produites par le ministère de l’Immigration, la « majorité » des étudiants étrangers n’ayant pas le niveau requis en français, malgré une attestation disant pourtant le contraire, proviennent de Chine et d’Inde. Plusieurs sources confidentielles ont rapporté ces mêmes allégations.

Après avoir vu leur dossier refusé, une cinquantaine de ressortissants étrangers ont contesté cette décision devant les tribunaux. Ils ont notamment dénoncé le procédé utilisé par le gouvernement, qui les aurait convoqués sans les informer d’un test oral de français à venir. Habituellement, aucune entrevue n’est prévue dans le cadre du PEQ.

Pour justifier ces pratiques, une responsable du ministère, qui occupait le poste de coordonnatrice du PEQ, a mis de l’avant les soupçons policiers. Son témoignage figure dans les documents déposés dans cette procédure judiciaire.

« L’UPAC nous a dit : “Il y a des voies de contournement, il y a probablement de la fraude dans vos dossiers” », a-t-elle déclaré, dans le cadre d’un interrogatoire réalisé à la fin de 2017.

Au dire de cette employée du MIFI, une première série d’entrevues a démontré à la fin de 2016 que « 95 % » des candidats « n’avaient pas le niveau demandé ». Un interprète français-mandarin-cantonais a même été requis à plusieurs reprises, est-il précisé dans une autre note présentée devant la justice.

Dans un jugement publié en décembre 2018, la Cour supérieure a finalement tranché en faveur des plaignants, en expliquant notamment que « le procédé utilisé par le ministère » ne serait pas adéquat en fonction des règles en vigueur.

Le MIFI a porté cette décision en appel et aucun autre jugement n’a encore été rendu.

Des établissements anglophones cités

Des agents frontaliers, au poste canado-américain de Saint-Bernard-de-Lacolle, ont eux aussi averti le MIFI, après s’être retrouvés face à des candidats à l’immigration ne parlant pas français.

Selon l’interrogatoire de cette responsable du MIFI, des « voyages organisés » ont même été menés à cette frontière pour faire « le tour du poteau ». Cette pratique consiste à sortir du territoire canadien, avant d’y rentrer immédiatement, afin de valider un nouveau visa.
Les agents des services frontaliers doivent poser des questions aux candidats avant de leur délivrer un document, et ils pouvaient constater à ce moment-là que les candidats ne parlaient pas français, n’étaient pas en mesure de répondre à des questions de base en français.

Extrait de l’interrogatoire d’une responsable du MIFI, le 27 novembre 2017

Les rapports déposés par le MIFI dans le cadre de cette procédure judiciaire entre le ministère et des candidats à l’immigration citent différents établissements scolaires, principalement anglophones, qui ont accueilli des étudiants étrangers ayant postulé au PEQ. En revanche, aucune mention concernant leur implication ou non dans ce dossier n’y est faite.

Toujours selon les documents produits en cour, des « écarts significatifs entre l’attestation délivrée et la capacité réelle des élèves » concernant leur maîtrise de la langue française sont indiqués dans une note datée d’avril 2017, avec des candidats provenant des commissions scolaires English-Montréal, qui a été mise sous tutelle début novembre, Lester-B.-Pearson et New Frontiers.

Le Collège Matrix, à Montréal, et le Cégep de la Gaspésie et des Îles sont également cités dans un autre rapport déposé en cour, dont l’objet fait part de « stratagèmes menaçant l’intégrité » de plusieurs programmes d’immigration du Québec.

Il y est entre autres question de « dénonciations d’agences d’enquête officielles » visant la « véracité » des « attestations de réussite scolaire », mais aussi de la « fréquentation scolaire des étudiants étrangers inscrits dans ces établissements » et de « l’authenticité des compétences acquises par les candidats ».

Il est difficile de déterminer un nombre précis de dossiers touchés par ces soupçons. Au total, entre 2016 et 2018, 1807 personnes ont utilisé ce type d’attestation pour postuler au PEQ, un nombre en nette diminution au fil du temps.

1204 diplômés avec une attestation de réussite d’un cours de français intermédiaire avancé en 2016
417 en 2017
186 en 2018

Par l’intermédiaire du PEQ, près de 40 000 personnes ont pu immigrer au Québec depuis 2016.


Source : la SRC