lundi 20 novembre 2017

Québec projet de loi 144 et son impact sur l'instruction à domicile

L’équipe juridique de la HSLDA a passé en revue les amendements qui ont été apportés dans le cadre des séances d’octobre dernier à l’Assemblée nationale. Il est important de noter que l’adoption de ce projet de loi, qui modifie la Loi sur l’instruction publique, n’est qu’une des étapes dans le processus de développement d’un cadre de travail législatif visant l’instruction à domicile. Il reste encore à rédiger le guide des « meilleures pratiques » destiné aux parents éducateurs ainsi que le règlement, lequel aura l’impact le plus important sur le plan pratique pour les familles qui instruisent leurs enfants à la maison au Québec.


D’ici la publication de ce guide et règlement, voici les points saillants de la nouvelle loi telle qu’analysée par la HSLDA :
  • L’article 15 (4) de la Loi sur l’instruction publique permettait auparavant à un élève d’être exempté de la fréquentation scolaire obligatoire s’il recevait une expérience éducative « équivalente à celle qui est dispensée à l’école ». L’article est reformulé en parlant maintenant d’un enfant qui « reçoit à la maison un enseignement approprié », plutôt que « équivalent », ce qui constitue un changement très positif pour la communauté de l’école-maison.
     
  • Pour se conformer aux standards d’un enseignement à la maison approprié, vous devez remplir les conditions suivantes selon l’article 15 (4) modifié de la Loi sur l’instruction publique :
     
    1. Le parent doit signaler son intention de faire l’école-maison par le moyen d’une lettre d’intention soumise au ministre et à la commission scolaire compétente (celle qui dessert l’école que l’enfant fréquenterait normalement). Les commissions scolaires reçoivent les notifications et s’assurent que les parents la fournissent. Le refus de se déclarer déclenchera l’implication des services sociaux (DPJ)
    2. Les parents doivent présenter et mettre en œuvre un projet d’apprentissage visant à instruire, socialiser et qualifier l’enfant, par le développement de compétences de base incluant la littératie, la numératie et la résolution de problème ainsi que par l’apprentissage de la langue française. Il n’est pas clair si la « mise en œuvre » par les parents exclus l’utilisation de précepteurs ou de tuteurs, ni pourquoi si c’était le cas.. Ce projet d’apprentissage sera soumis au ministre, lequel est chargé du suivi de l’école-maison. Nous prévoyons que le règlement établira de façon plus détaillée quel sera le processus mis en œuvre une fois que le plan d’apprentissage aura été soumis par les parents.
    3. Les parents doivent se conformer avec toute autre condition ou modalité déterminée par le gouvernement [!!!], incluant des détails supplémentaires au sujet du projet d’apprentissage, une évaluation annuelle de la progression de l’enfant ainsi qu’un processus pour composer avec les difficultés reliées au projet d’apprentissage ou à sa mise en œuvre. La nature exacte de l’évaluation annuelle n’a pas encore été déterminée, mais le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx a mentionné qu’une insistance sur des tests standardisés ne convient pas au contexte de l’école-maison, compte tenu des différences dans le plan d’apprentissage et le contenu du curriculum.
       
  • Le règlement précisera les normes relatives à l’école-maison, lesquelles indiqueront comment le ministre assurera le suivi de l’école-maison et de quelle façon la commission scolaire apportera son soutien à l’enfant. Lors du développement des normes réglementaires, le gouvernement devra tenir compte de l’enseignement qui est dispensé dans le système scolaire. Cette disposition implique donc quelques exigences minimales quant au contenu du règlement.
     
  • L’article 18.0.1 du projet de loi 144 initial, qui interdit d’agir de façon à compromettre la fréquentation scolaire de l’enfant, ne s’applique pas aux parents à l’égard de leurs enfants. De la même façon, les amendes qui peuvent être imposées lorsque la fréquentation scolaire de l’enfant est compromise ne s’appliquent pas non plus aux parents à l’égard de leurs enfants.
     
  • Le ministre de l’Éducation sera en mesure de vérifier les données provenant du ministère de la Santé afin de s’assurer du statut étudiant des enfants du Québec.
     
  • Le ministre peut établir un projet-pilote de formation à distance, lequel pourrait être avantageux pour les familles d’école-maison qui seraient intéressées par cette voie éducative.
     

Prochaines dates importantes

1er janvier 2018 : Le comité de consultation sur l’école-maison dont se dotera le gouvernement sera mis en place d’ici cette date plutôt qu’à la date initiale qui était prévue, soit le 1er juillet 2018. Nous comptons voir dans ce comité des représentants des parents éducateurs, des groupes d’école-maison, des commissions scolaires et des chercheurs.

er juin 2018 : C’est d’ici cette date que doit être déterminé le règlement relatif à la Loi sur l’instruction publique, qui fournira plus de directives portant sur les exigences et normes à respecter de la part des parents éducateurs. Nous continuerons de travailler sur le contenu de ce règlement avec le gouvernement et les autres parties intéressées et nous vous tiendrons informés sur ce sujet de première importance.

1er juillet 2018 : C’est à cette date qu’entre en vigueur l’obligation des parents éducateurs de fournir une notification écrite confirmant leur intention d’instruire à la maison. Nous communiquerons avec vous amplement à l’avance en ce qui concerne vos nouvelles obligations exigées par la Loi sur l’instruction publique et par le règlement à venir.

1er juillet 2019 : C’est d’ici cette date que sera publié le guide du ministère de l’Éducation portant sur les bonnes pratiques de l’instruction à la maison, un guide auquel contribuera la communauté de l’instruction à domicile. Nous prévoyons que la HSLDA Canada ainsi que d’autres parties intéressées apporteront leur contribution à ce guide. La HSLDA reste en contact avec le bureau du ministère de l’Éducation et gardera nos membres informés à mesure que la situation se développera. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les appeler ou à leur écrire.

Geoffroy Lejeune : « Il est urgent de supprimer l'éducation sexuelle à l'école »

Pour Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction à Valeurs Actuelles : « Il est urgent de supprimer l’éducation sexuelle à l’école qui sert à lire, écrire, compter. C’est aux parents d’éduquer (...) Les mêmes qui voulaient imposer les ABCD de l’Égalité [la lutte contre les stéréotypes sexuels et “genrés”] sont en train de revenir avec les mêmes théories pour en venir à enseigner le genre. »

Source : LCI, 20 novembre 2017, 17 h 49




Japon — la sélection à l'entrée des universités

Jean-François Sabouret, directeur de recherche émérite au CNRS, présente le système de sélection à l’entrée à l’université mis en place au Japon, qui lui semble efficace pour promouvoir l’égalité des chances.

Au moment où le Japon s’ouvre à l’Occident, dans la seconde moitié du XIXe siècle, quelque 40 % de la population savaient lire et écrire. Le peuple apprenait surtout dans les écoles des temples bouddhistes (terakoya) et dans les écoles privées (shijuku). Jusqu’alors, ce qui correspondrait aujourd’hui à l’université était surtout réservé à la noblesse de sabre, serviteurs des chefs de fief (daimyo). Les samouraïs étaient aussi (… et surtout) des fonctionnaires des fiefs. Lors de l’ère Meiji (1868-1912) a été institué un système éducatif nouveau, même si des écoles de la période précédente ont été incorporées au nouveau système. La grande innovation vient de ce que l’entrée à l’université passait désormais par la réussite à un concours. Dans les faits, cette période de modernisation de l’ère Meiji a surtout vu les héritiers de l’ancienne noblesse passer ces concours.


La véritable révolution est arrivée durant l’occupation américaine (1945-1952) à la suite de la défaite japonaise. Une véritable course aux diplômes a été lancée. C’est tout un peuple qui est parti à l’assaut des lycées et des grandes universités avec pour credo « l’égalité des chances ». Aujourd’hui, 97 % d’une génération termine les études au lycée et obtient le parchemin du sotsugyo shosho. Ce « bac à la japonaise » [diplôme d’étude collégiale au Québec] est obtenu sur la base de la moyenne des compositions trimestrielles, faites sur table, tout au long des trois années de lycée. Les professeurs dont les élèves ont des résultats insuffisants donnent gratuitement des cours de rattrapage. L’important est la réussite du plus grand nombre et le système éducatif japonais du primaire au lycée a pour but de rassembler, de réunir et non de faire échouer.

Étudiant célèbre son succès à l’examen d’entrée à l’Université de Tokyo, l’une des plus prestigieuses du pays

La sélection véritable ne s’effectue qu’au moment des concours d’entrée dans les universités. Le Japon en compte 780 de cycle long (quatre ans et plus) et 350 de cycle court de deux ans. Dans le système universitaire japonais, il y a de la place pour tous. En réalité, les concours d’entrée sont très disputés pour les 30 premières universités parmi lesquelles on trouve de grandes universités nationales (Tokyo, Kyoto…), de grandes universités privées (Keio, créée en 1858, Waseda, etc.) et de grandes universités publiques (universités préfectorales ou municipales). Chaque université prépare et gère son concours alors que les facultés fixent le barème nécessaire pour intégrer l’institution. Dans les universités moins prisées, les étudiants sont plutôt recrutés sur dossier et entretiens personnalisés.
Confronté au raz de marée des candidats passant les épreuves des grandes universités, le ministère de l’Éducation et de la Recherche (Monkasho) a institué un « filtre » intermédiaire pour ne permettre l’accès aux concours des universités nationales et publiques qu’aux candidats ayant obtenu un certain nombre de points.

Le ministère a donc créé en 1977 une institution indépendante (le Centre national des examens d’entrée à l’université), très rentable d’ailleurs, qui est dédiée uniquement à la préparation d’un examen national sur le modèle américain du savoir de type à choix multiple (QCM). L’examen est payant (65 euros) et est corrigé par des machines. Les Japonais apprécient ce mode de correction qui élimine au maximum le facteur de la subjectivité, selon eux. 500 000 candidats se sont ainsi présentés l’an dernier aux épreuves du Centre national des examens. Pour pouvoir se présenter ainsi à la faculté la plus prestigieuse de l’université la plus renommée, la faculté de droit de l’université de Tokyo, il faut totaliser environ 60 % des points sur un total maximum de 900. Le candidat qui n’a pas obtenu le nombre de points requis peut soit passer le concours d’une université moins exigeante, soit préparer à nouveau le concours pour l’année suivante (ichiro). Les deux épreuves, celles du QCM et celle du concours proprement dit, sont additionnées pour le classement final.

L’université de Tokyo a un numerus clausus (3 100 places en première année). Après le premier filtre de l’examen national de type QCM, la pression « n’est plus » que de quatre candidats pour une place disponible. Il y a donc trois seuils à franchir pour intégrer une grande université : le « bac à la japonaise », l’examen du Centre national d’examens et enfin le concours d’entrée proprement dit à l’université. Les grandes entreprises, la haute administration, les grandes maisons de commerce, les journaux et les chaînes de télévision nationales proposent des postes aux diplômés des grandes universités.

Cette ouverture hiérarchisée de l’université a eu pour conséquence le développement rapide d’institutions privées, de « boîtes à concours », les juku et les yobiko (environ 50 000). Il est pratiquement impossible aujourd’hui de réussir à intégrer une université renommée sans avoir préparé consciencieusement les concours dans ces « gymnases du savoir », qui peuvent faire penser à nos classes préparatoires.

En moyenne, un candidat devra passer cinq concours d’entrée, le cinquième (appelé suberidome, littéralement « antidérapant »), le plus facile, a pour fonction de sécuriser une inscription dans une université située à une place honorable dans la hiérarchie des universités. Les frais de préparation aux concours dans les écoles parallèles, les frais d’examen et de concours d’entrée dans les universités, les frais d’inscription et de cours (9400 $ canadiens pour celle de Tokyo, 14 000 $ canadiens pour les universités privées comme Keio) représentent des sommes importantes pour les familles, mais les Japonais acceptent le verdict des concours parce que le système est exigeant, mais transparent. Il n’y a pas d’autres moyens pour entrer à l’université de Tokyo que de réussir le concours ouvert à tous. Au Japon, les concours restent des garants de l’égalité des chances et de la qualité de la formation.

Source : Le Figaro

Pour une pédagogie de l’admiration

Chronique de Mathieu Bock-Côté dans Le Figaro. Mathieu Bock-Côté, sociologue et chargé de cours à HEC Montréal. Il a publié « Le Multiculturalisme comme religion politique » (Éditions du Cerf, 2016)

Pourquoi nos enfants sortent-ils de l’école ignorants ? Cette question posée en 2008 par l’essayiste québécois Patrick Moreau dans un pamphlet qui avait eu un bel écho traverse l’ensemble des sociétés occidentales. Car elle témoigne d’une angoisse intime qui touche à la possibilité même de la transmission culturelle dans un monde qui en est de moins en moins capable et qui n’a peut-être même plus le désir d’offrir à l’homme des repères anthropologiques. Le sentiment qui domine, c’est celui d’un effondrement scolaire dont la langue française et la connaissance historique sont les premières victimes, comme si l’école avait été la cible d’une déconstruction que personne n’a vraiment su arrêter, même s’ils furent nombreux à sonner l’alarme. Chaque époque doit peut-être aller au bout de sa propre bêtise avant d’accepter qu’on en fasse le bilan.

La théorie pédagogique à l’origine de ce désastre était ancrée dans un progressisme militant exprimant un jugement sévère sur le monde occidental : fondamentalement, ce dernier aurait été coupable d’avoir aliéné l’être humain et d’avoir persécuté différentes minorités refoulées dans les marges. On connaît la liste des reproches : notre héritage serait contaminé par le racisme, le sexisme et l’homophobie et d’autres tares du même genre. Dès lors, pourquoi le transmettre ? Pourquoi ne pas faire table rase et permettre à l’enfant de faire l’expérience d’une subjectivité créatrice et spontanée en le libérant de la culture générale, assimilée à un gavage inutile ? L’homme s’émanciperait et se désaliénerait par un travail de déconstruction et trouverait son salut dans la désincarnation, comme s’il devait rêver d’un retour à sa nudité originelle.

Dans cette perspective, le progressisme pédagogique a renversé la mission de l’école : non seulement elle ne devait plus transmettre la culture, mais elle devait l’empêcher de contaminer l’enfant en l’imperméabilisant contre le passé. L’école devenait le laboratoire idéologique d’un monde nouveau, et l’enfant y serait traité comme un cobaye sur lequel on multipliera les expérimentations pédagogiques. Sa mission devenait révolutionnaire. On a humilié les savoirs classiques en les décrétant périmés ou élitistes. C’est le mauvais sort réservé aux langues anciennes. On a poussé au mépris de l’histoire : il ne s’agissait plus d’une aventure humaine à laquelle il fallait se joindre, mais d’un musée des horreurs qu’il fallait désormais observer avec une fascination dégoûtée. Quant aux grandes œuvres de la littérature, on ne s’y penchera souvent que pour dépister les préjugés du monde d’hier et autres stéréotypes. Pour parler comme Alain Finkielkraut, nous avons cultivé une psychologie de l’ingratitude.

C’est dans cet esprit qu’on a assisté aussi, ces dernières années, à une forme de messianisme technologique, particulièrement présent dans le Nouveau Monde. La thèse était la suivante : les nouvelles technologies rendraient possible une forme d’éducation consacrant l’autonomie radicale de l’élève, qui pourrait ainsi construire son propre savoir sans avoir à passer par la médiation d’un instituteur, qui verra sa fonction déclassée symboliquement : il ne sera plus qu’un accompagnateur dans une classe démocratique et égalitaire. On mise de plus en plus sur une pédagogie centrée sur les nombreux écrans qui colonisent nos vies : on croit ainsi parler le langage des jeunes, qu’il ne faudrait jamais dépayser. On justifiera cette révolution des méthodes pédagogiques en disant que l’école doit rattraper son époque et s’adapter à un monde en changement.

On comprend alors l’effroi suscité par un Jean-Michel Blanquer à l’Éducation nationale dans les cénacles progressistes qui aiment le présenter comme un affreux réactionnaire tout simplement parce qu’il ne cache pas son désir de renouer avec l’humanisme pédagogique. La peur de revenir en arrière hante les hypermodernes, qui y voient une forme de rechute dans les temps maudits de la tradition. Il ne vient pas à leur esprit que ceux qui se tournent vers le monde d’hier sans hargne en se demandant de quelle manière il peut nous éclairer y cherchent moins une société idéale à restaurer que des permanences anthropologiques et existentielles témoignant de constantes essentielles de la condition humaine. Il s’agit moins, de ce point de vue, de retrouver l’école d’hier que l’école de toujours et ce qui n’aurait pas dû être sacrifié au moment de la démocratisation de l’éducation.

Le travail de Jean-Michel Blanquer fascine, parce qu’il affirme une chose simple : il est possible de reconstruire ce qui a été déconstruit. C’est un rapport au monde qu’il faut retrouver — on pourrait même parler d’une disposition philosophique où la bibliothèque et ce qu’elle représente jouera un rôle central : le silence, la concentration, la méditation sur les œuvres représentent la possibilité de la vie intérieure. Et c’est justement parce que les nouvelles technologies colonisent agressivement notre existence qu’il faudrait sanctuariser l’école contre elles. C’est dans un tel environnement que la culture peut véritablement être transmise pour ce qu’elle est : un dialogue avec la part éternelle de l’homme telle qu’elle se dévoile dans la diversité des époques et des œuvres de l’esprit. On l’a oublié, mais l’autorité du professeur vient d’abord de la grandeur du patrimoine de l’humanité qu’il doit transmettre. N’est-ce pas ce qu’on pourrait appeler une pédagogie de l’admiration qui éduque à la beauté du monde ?

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