Joseph Facal revient sur la doxa immigrationniste qui sévit encore au Québec en s'appuyant notamment sur le livre de Benoît Dubreuil et Guillaume Marois dont nous avions déjà parlé.
« Tant le PQ que François Legault proposent de réduire le nombre d’immigrants au Québec, le temps de revoir en profondeur nos façons de faire. C’est très sage.
Ce n’est pas ce que pense Simon Prévost, le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Une hausse de l’immigration est « essentielle », disait-il la semaine dernière (La Presse, 16 septembre), pour contrer le vieillissement, la pénurie de main-d’œuvre et assurer notre prospérité. L’analyse, tranchait-il, ne permet « aucune autre conclusion ». Penser autrement, c’est (évidemment) être « frileux ».
On se demande bien à quelle « analyse » s’est livré M. Prévost, car le verdict de la science est radicalement différent du sien. Pour ceux qui ne se contentent pas d’asséner des affirmations gratuites, il est établi, ici comme ailleurs, que le seul impact démographique majeur de l’immigration est d’augmenter la population globale et d’en diversifier la composition.
Le vieillissement de la population est effectivement préoccupant parce qu’il augmentera la proportion de gens âgés qui ne travaillent pas, et donc la pression sur les travailleurs qui financent les services publics. Cependant, que le nombre d’immigrants reçus au Québec soit plus ou moins élevé de quelques milliers par année n’empêchera pas ce ratio retraités-travailleurs de doubler d’ici 2031.
L’immigration n’a qu’un effet très marginal sur la structure par âge de la population. Pourquoi ? Parce que le taux de fécondité des immigrants, leur espérance de vie et l’âge de leur départ à la retraite ne sont pas très différents du reste de la population. [Note du carnet : par sélection des immigrants (des diplômés le plus souvent) et de par le relatif faible nombre d'immigrants : il faudrait des masses encore plus nombreuses de jeunes immigrants féconds — probablement inemployables — pour que la population rajeunisse fortement.] De plus, la moitié des immigrants est composée d’accompagnateurs (parents âgés ou enfants) du demandeur principal.
Les politiciens, les journalistes et les lobbyistes peuvent bien placoter, mais des tas de démographes ont étudié la question dans plusieurs pays. Leurs conclusions sont si convergentes qu’on peut parler d’unanimité. On en retrouvera une excellente synthèse dans l’ouvrage de Marois et Dubreuil, Le Remède imaginaire (Boréal, 2011).
En fait :
« Quelle que soit la méthode adoptée, quel que soit le pays analysé, quelle que soit la période considérée, les résultats convergent tous vers la même conclusion : l’immigration n’exerce qu’un effet marginal, non significativement différent de zéro, sur l’évolution du revenu par habitant, du salaire et du taux de chômage » – Marc Termote, Cahiers québécois de démographie, vol. 1, 2002, p. 83.
[Note du carnet: pour certains économistes, l'immigration diminue les salaires par une offre plus grande de main d'œuvre souvent plus corvéable et moins bien payée que les autochtones. Rappelons aussi que le chômage chez les immigrés est nettement supérieur à celui des autochtones.]
L’immigration serait aussi requise, a-t-on souvent entendu, pour combler les 700 000 emplois vacants dans les prochaines années au Québec. On a inventé ce chiffre en additionnant les 460 000 départs à la retraite prévus et les 240 000 emplois créés par la croissance économique anticipée.
Ce chiffre n’a aucun fondement. Un emploi libéré ne crée pas automatiquement un emploi à combler. Le Prix Nobel Paul Krugman a souvent dénoncé ce sophisme qui laisse croire qu’il y aurait une quantité fixe et globale de travail à se partager. Une foule de facteurs est ici en cause : la technologie, la conjoncture économique, la concurrence pour les emplois dans certains domaines, les taux de chômage élevés chez les immigrants, etc.
À vrai dire :
« Pour la pénurie de main-d’œuvre, la solution numéro un reste la formation de la main-d’œuvre. Dans ce contexte-là, on peut toujours aller chercher des immigrants dans des domaines spécialisés, mais l’immigration ne règlera pas la pénurie de main-d’œuvre de façon générale », Carlos Leitao, économiste, Banque Laurentienne, 2008.
Plus largement,
« Le PIB global (…) est un critère non pertinent et trompeur dans l’évaluation de l’impact économique de l’immigration. La taille globale de l’économie n’est pas un indicateur de prospérité. L’analyse doit plutôt se concentrer sur les effets de l’immigration sur le revenu par tête de la population d’accueil ». – House of Lords, The Economic Impact of Immigration, 2008, p. 5.
Le Québec, qui a reçu 54 000 immigrants l’an dernier, peine déjà à intégrer le nombre actuel. À cet égard, le grand démographe Jaques Henripin notait en 2007 :
« selon mes calculs, compenser le déficit des naissances par l’immigration nécessiterait, à terme, l’accueil annuel de 70 000 à 80 000 étrangers ».
On peut certainement améliorer nos politiques actuelles. Mais c’est rêver en couleurs et nier toute la recherche sérieuse que de s’imaginer que l’immigration peut jouer un rôle « essentiel » pour solutionner nos problèmes économiques et démographiques. »
Voir aussi
Le Québec reçoit-il trop d'immigrants ? L'immigration profite-t-elle au PLQ ?
200 000 immigrants en 4 ans au Québec, bon pour le développement durable !?
L'Institut Fraser : la politique migratoire actuelle coûterait près de 20 milliards par année au Canada
Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)