David Reimer (22 août 1965 - 5 mai 2004) était un Canadien né garçon et en bonne santé ; une circoncision mal faite lui valut l'ablation du pénis et, pensant que c'était le mieux à faire, on pratiqua une réassignation sexuelle et on l'éleva comme une fille. Avant l'adolescence de David, le psychologue John Money parlait de cette réassignation comme d'une réussite et y voyait la preuve que l'identité sexuelle est essentiellement due à l'éducation, mais à quinze ans David, devenu Brenda, voulut reprendre son identité masculine. Par la suite, il publia son histoire pour décourager de telles pratiques médicales. Il se suicida à l'âge de 38 ans.
David Reimer naquit à Winnipeg dans le Manitoba ; il avait un vrai jumeau, Brian, et son nom alors était Bruce. Quand ils eurent six mois, on s’inquiéta de voir que les deux garçons avaient des difficultés à uriner et on diagnostiqua un phimosis. Il fut donc décidé de les faire circoncire à l'âge de huit mois. On ne sait pas si des thérapies alternatives furent essayées. Le 27 avril 1966, le chirurgien Jean-Marie Huot et l'anesthésiste Max Cham pratiquèrent la circoncision à l'aide d'une machine à cautériser Bovie, alors que celle-ci n’était pas destinée à être utilisée sur les extrémités ni sur les organes génitaux. Le pénis de Bruce se retrouva irrémédiablement endommagé. On préféra alors ne pas faire circoncire Brian qui guérit fort bien sans traitement supplémentaire.
Les parents de Bruce, pensant à son bonheur futur et à sa vie sexuelle sans pénis, le conduisirent au Centre Médical Johns Hopkins à Baltimore pour soumettre son cas à John Money, un psychologue qui, dans le domaine du développement sexuel et de l'identité de genre, jouissait d’une réputation de pionnier fondée sur son travail avec des patients intersexués. Money était partisan de la théorie selon laquelle l'identité de genre est relativement plastique au cours de la première enfance et se développe essentiellement à la suite de l'apprentissage social qui la suit ; certains universitaires vers la fin des années 1960 croyaient que toutes les différences psychologiques et de comportement entre garçons et filles sont le résultat d’un apprentissage. Avec d'autres médecins qui travaillaient avec des petits enfants nés avec des organes sexuels anormaux, il croyait que, si un pénis ne peut pas être remplacé, un vagin fonctionnel peut être réalisé par une opération et que Bruce atteindrait mieux son épanouissement sexuel fonctionnel en tant que fille plutôt tant que garçon.
Ils persuadèrent ses parents qu'une réassignation sexuelle serait pour Bruce le plus profitable et, à l'âge de 22 mois, on lui enleva chirurgicalement les testicules. On l'éleva donc comme une fille et on lui donna le nom de « Brenda ». Le soutien psychologique après sa réassignation chirurgicale fut confié à John Money, qui continua à voir Brenda pendant plusieurs années, à la fois pour son traitement et pour écrire une étude. Cette réassignation était considérée comme un cas particulièrement intéressant pour tester le concept d'apprentissage social d'identité de genre et pour deux raisons. D'abord, Bruce/Brenda avait un frère jumeau, Brian, ce qui constituait un contrôle idéal puisque les deux enfants ne partageaient pas seulement leurs gènes et l'environnement familial, mais ils avaient également eu le même environnement intra-utérin. Ensuite, on se disait qu'il s'agissait de la première réassignation avec reconstruction exécutée sur un bébé garçon qui ne présentait aucune anomalie dans la différenciation sexuelle prénatale ou néo-natale.
Pendant plusieurs années, Money publia des rapports sur l'évolution de Brenda qu'il appelait « le cas John/Joan », décrivant chez elle un développement féminin apparemment réussi, et il utilisait cet exemple pour soutenir qu'une réassignation sexuelle avec reconstruction chirurgicale était parfaitement réalisable, même dans les cas où il n'y avait pas d'intersexuation. On donna des œstrogènes à Brenda quand elle atteignit l'adolescence pour provoquer le développement de sa poitrine. Et pourtant Brenda ressentait les visites à Baltimore comme des traumatismes plutôt que comme une thérapie, si bien que sa famille arrêta le suivi, mais John Money s'abstint de rien publier sur le cas qui pût laisser entendre que la réassignation n'avait pas été réussie.
Ce que Reimer écrivit deux décennies plus tard, en collaboration avec John Colapinto, nous montre comment, et contrairement à ce que prétendait Money, Brenda n'avait pas l'impression d'être une fille. Elle était victime de l'ostracisme et des brimades des autres enfants, et ni les jolies robes ni les hormones féminines ne la faisaient se sentir une femme. À l'âge de 13 ans, Brenda passa par une phase de dépression suicidaire et déclara à ses parents qu'elle se tuerait s'ils l'obligeaient encore à voir John Money. En 1980, les parents de Brenda lui apprirent la vérité sur sa réassignation sexuelle, sur les conseils de l'endocrinologue et du psychiatre de Brenda. Quand elle eut 15 ans, Brenda décida de reprendre une identité masculine et se fit appeler David. Après avoir appris à entretenir de nouvelles relations avec son ex-sœur, Brian commença à éprouver toute une série de troubles mentaux qui se développèrent plus tard en schizophrénie. À partir de 1997, David se soumit à un traitement pour inverser la réassignation, avec injections de testostérone, une double mastectomie et deux opérations de phalloplastie. Il se maria également avec une femme et devint le beau-père des trois enfants qu'elle avait.
Son cas commença à être connu du monde entier en 1997 quand il raconta son histoire à Milton Diamond, professeur d’anatomie et de biologie reproductrice de l’université de Hawaï, qui réussit à obtenir de lui l'autorisation de la publier, afin de dissuader les médecins de traiter de la même façon d'autres bébés. Milton Diamond découvre la falsification et la dénonce. Money réplique et dénonce… une conspiration de l’extrême-droite et des mouvements anti-féministes ! Ses partisans épousent son délire : les vrais souvenirs de David sont présentés comme relevant du « syndrome des faux souvenirs »…
David rendit publique son histoire et, en décembre 1997, John Colapinto publia dans Rolling Stone Magazine un compte-rendu qui connut une large diffusion et eut un grand impact. Ils continuèrent en exposant l'affaire plus en détail dans un livre.
Bien que cette publication eût donné à David Reimer une sécurité financière plus grande, il connaissait beaucoup d'autres problèmes dans sa vie, entre autres une séparation d'avec sa femme, de graves difficultés avec ses parents et la mort de son frère jumeau Brian, en 2002, victime d'une combinaison toxique d'alcool et d'antidépresseurs. Son frère Brian aurait assisté (parfois nu pour comparer les appareils sexuels des jumeaux) pendant de nombreuses années aux travaux et séances de John Money sur son frère. Brian vit très mal l'annonce de la supercherie entretenue pendant 14 ans. David Reimer se suicida en 2004.
Silence de John Money qui avait publié Homme & Femme, Garçon & Fille en 1972 en racontant l’histoire qui prouvait selon lui la validité de ses hypothèses. Précisons, par ailleurs, que Money défendait la pédophilie[1][2] et stigmatisait l’hétérosexualité[1][2] comme une convention à déconstruire…
Notes
[1] Interview: John Money. PAIDIKA: The Journal of Paedophilia, Spring 1991, vol. 2, no. 3, p. 5.
[2] Cité en ligne dans John Colapinto, The True Story of John / Joan, Rolling Stone de décembre 1997 : pp. 54–97 (1re partie, 2e partie).
Voir aussi
De la violence de la théorie du genre à la négation du droit et de la réalité.
Le paradoxe de l'égalité entre les sexes c. la théorie du genre.
École québécoise : l'homoparentalité expliquée aux enfants du primaire par l'État
David Reimer naquit à Winnipeg dans le Manitoba ; il avait un vrai jumeau, Brian, et son nom alors était Bruce. Quand ils eurent six mois, on s’inquiéta de voir que les deux garçons avaient des difficultés à uriner et on diagnostiqua un phimosis. Il fut donc décidé de les faire circoncire à l'âge de huit mois. On ne sait pas si des thérapies alternatives furent essayées. Le 27 avril 1966, le chirurgien Jean-Marie Huot et l'anesthésiste Max Cham pratiquèrent la circoncision à l'aide d'une machine à cautériser Bovie, alors que celle-ci n’était pas destinée à être utilisée sur les extrémités ni sur les organes génitaux. Le pénis de Bruce se retrouva irrémédiablement endommagé. On préféra alors ne pas faire circoncire Brian qui guérit fort bien sans traitement supplémentaire.
Les parents de Bruce, pensant à son bonheur futur et à sa vie sexuelle sans pénis, le conduisirent au Centre Médical Johns Hopkins à Baltimore pour soumettre son cas à John Money, un psychologue qui, dans le domaine du développement sexuel et de l'identité de genre, jouissait d’une réputation de pionnier fondée sur son travail avec des patients intersexués. Money était partisan de la théorie selon laquelle l'identité de genre est relativement plastique au cours de la première enfance et se développe essentiellement à la suite de l'apprentissage social qui la suit ; certains universitaires vers la fin des années 1960 croyaient que toutes les différences psychologiques et de comportement entre garçons et filles sont le résultat d’un apprentissage. Avec d'autres médecins qui travaillaient avec des petits enfants nés avec des organes sexuels anormaux, il croyait que, si un pénis ne peut pas être remplacé, un vagin fonctionnel peut être réalisé par une opération et que Bruce atteindrait mieux son épanouissement sexuel fonctionnel en tant que fille plutôt tant que garçon.
Documentaire britannique sur la théorie de John Money et sa fatale mise en application sur Bruce/Brenda/David Reimer.
Nous n'avons pas trouvé de documentaire en français (rien dans les archives de Radio Canada)
Ils persuadèrent ses parents qu'une réassignation sexuelle serait pour Bruce le plus profitable et, à l'âge de 22 mois, on lui enleva chirurgicalement les testicules. On l'éleva donc comme une fille et on lui donna le nom de « Brenda ». Le soutien psychologique après sa réassignation chirurgicale fut confié à John Money, qui continua à voir Brenda pendant plusieurs années, à la fois pour son traitement et pour écrire une étude. Cette réassignation était considérée comme un cas particulièrement intéressant pour tester le concept d'apprentissage social d'identité de genre et pour deux raisons. D'abord, Bruce/Brenda avait un frère jumeau, Brian, ce qui constituait un contrôle idéal puisque les deux enfants ne partageaient pas seulement leurs gènes et l'environnement familial, mais ils avaient également eu le même environnement intra-utérin. Ensuite, on se disait qu'il s'agissait de la première réassignation avec reconstruction exécutée sur un bébé garçon qui ne présentait aucune anomalie dans la différenciation sexuelle prénatale ou néo-natale.
Pendant plusieurs années, Money publia des rapports sur l'évolution de Brenda qu'il appelait « le cas John/Joan », décrivant chez elle un développement féminin apparemment réussi, et il utilisait cet exemple pour soutenir qu'une réassignation sexuelle avec reconstruction chirurgicale était parfaitement réalisable, même dans les cas où il n'y avait pas d'intersexuation. On donna des œstrogènes à Brenda quand elle atteignit l'adolescence pour provoquer le développement de sa poitrine. Et pourtant Brenda ressentait les visites à Baltimore comme des traumatismes plutôt que comme une thérapie, si bien que sa famille arrêta le suivi, mais John Money s'abstint de rien publier sur le cas qui pût laisser entendre que la réassignation n'avait pas été réussie.
Ce que Reimer écrivit deux décennies plus tard, en collaboration avec John Colapinto, nous montre comment, et contrairement à ce que prétendait Money, Brenda n'avait pas l'impression d'être une fille. Elle était victime de l'ostracisme et des brimades des autres enfants, et ni les jolies robes ni les hormones féminines ne la faisaient se sentir une femme. À l'âge de 13 ans, Brenda passa par une phase de dépression suicidaire et déclara à ses parents qu'elle se tuerait s'ils l'obligeaient encore à voir John Money. En 1980, les parents de Brenda lui apprirent la vérité sur sa réassignation sexuelle, sur les conseils de l'endocrinologue et du psychiatre de Brenda. Quand elle eut 15 ans, Brenda décida de reprendre une identité masculine et se fit appeler David. Après avoir appris à entretenir de nouvelles relations avec son ex-sœur, Brian commença à éprouver toute une série de troubles mentaux qui se développèrent plus tard en schizophrénie. À partir de 1997, David se soumit à un traitement pour inverser la réassignation, avec injections de testostérone, une double mastectomie et deux opérations de phalloplastie. Il se maria également avec une femme et devint le beau-père des trois enfants qu'elle avait.
Livre de Colapinto en allemand Nous n'avons pas trouvé de traduction en français |
David rendit publique son histoire et, en décembre 1997, John Colapinto publia dans Rolling Stone Magazine un compte-rendu qui connut une large diffusion et eut un grand impact. Ils continuèrent en exposant l'affaire plus en détail dans un livre.
Bien que cette publication eût donné à David Reimer une sécurité financière plus grande, il connaissait beaucoup d'autres problèmes dans sa vie, entre autres une séparation d'avec sa femme, de graves difficultés avec ses parents et la mort de son frère jumeau Brian, en 2002, victime d'une combinaison toxique d'alcool et d'antidépresseurs. Son frère Brian aurait assisté (parfois nu pour comparer les appareils sexuels des jumeaux) pendant de nombreuses années aux travaux et séances de John Money sur son frère. Brian vit très mal l'annonce de la supercherie entretenue pendant 14 ans. David Reimer se suicida en 2004.
Silence de John Money qui avait publié Homme & Femme, Garçon & Fille en 1972 en racontant l’histoire qui prouvait selon lui la validité de ses hypothèses. Précisons, par ailleurs, que Money défendait la pédophilie[1][2] et stigmatisait l’hétérosexualité[1][2] comme une convention à déconstruire…
Notes
[1] Interview: John Money. PAIDIKA: The Journal of Paedophilia, Spring 1991, vol. 2, no. 3, p. 5.
[2] Cité en ligne dans John Colapinto, The True Story of John / Joan, Rolling Stone de décembre 1997 : pp. 54–97 (1re partie, 2e partie).
Voir aussi
De la violence de la théorie du genre à la négation du droit et de la réalité.
Le paradoxe de l'égalité entre les sexes c. la théorie du genre.
École québécoise : l'homoparentalité expliquée aux enfants du primaire par l'État
Violences conjugales : les hommes battus oubliés en France comme au Québec ?
Après les drogues et le SIDA, le tabou des violences dans les couples homosexuels
La campagne gouvernementale sur la violence faite aux femmes que désirait Mme David
Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)