samedi 2 novembre 2019

À parité de pouvoir d’achat, les enseignants québécois sont déjà mieux payés que ceux de la Finlande

Chronique de Mario Dumont sur l’ampleur des demandes syndicales des enseignants dérange même ceux qui seraient sympathiques à une amélioration de leur sort.

Les demandes syndicales des enseignants sont exagérées. Les propos de certains leaders syndicaux aussi. C’est malheureux. Un mauvais départ pour une négociation importante.

Je précise que j’appuie l’idée générale que cette négociation permette des améliorations réelles à leurs conditions de travail. C’est connu, le gouvernement jouit de marges de manœuvre. 

[Il faut comprendre par marges de manouvre qu’il a des surplus, notamment parce que nous payons nettement plus d’impôts que l’Ontario que les syndicats aiment utilisé comme base de comparaison pour les salaires...

Taux d’imposition marginale Québec
Revenus
Taux
43 790 $ ou moins
15 %
de 43 790 $ à 87 575 $
20 %
de 87 575 $ à 106 555 $
24 %
de 106 555 $
25,75 %


Taux d’imposition marginale Ontario

Revenus
Taux
43 906 $ ou moins
5,05 %
de 43 906 $ à 87 813 $
9, 15 %
de 87 813 $ à 150 000 $
11,16 %
de 150 000 $ à 220 000 $
12,16 %
supérieur à 220 000 $
13,16 %

Source

Il faut aussi rappeler, comme le fait l'Institut du Québec dans son rapport sur le sujet, que la rémunération des enseignants du Québec est déjà globalement avantageuse quand on la compare au salaire moyen des bacheliers universitaires québécois âgés entre 25 et 64 ans, considérant surtout que les enseignants bénéficient de la permanence, de plusieurs semaines de vacances annuelles et d’un régime de retraite à prestations déterminées. 

]
Cette ronde de discussions devrait permettre d’améliorer autant le salaire que les conditions de pratique des professeurs.

Ils exécutent un travail exigeant. Plusieurs d’entre eux le font dans des conditions difficiles et dans des milieux qui présentent beaucoup de défis. Pour un gouvernement et pour une société qui met en priorité l’éducation, quoi de plus normal que de bien traiter ceux qui en ont fait leur carrière.


Trop loin, excessif

Cette semaine, la FAE a mis la barre tellement haute que j’en perds mon préjugé favorable. Le salaire de départ qui passerait de 42 000 $ à 56 000 $. L’échelon maximal qui serait atteint après seulement 11 ans, plutôt que 17. Cet échelon maximal qui passerait de 82 000 $ à 92 000 $. Les demandes représentent au total plus de 20 % d’augmentation sur trois ans. Énorme. !

D’ailleurs, je dois candidement avouer que je ne pensais pas qu’un enseignant gagnait présentement au-dessus des 80 000 dollars par année. J’ai aussi réalisé que la majorité des gens furent étonnés dans mon entourage.

Le métier d’enseignant est certes demandant, je trouve quand même pas mal grotesque d’entendre le président de la FAE parler d’exploitation à 82 000 $ par année. « Tout ce qui est excessif est insignifiant », disait Talleyrand. Je crois que cela s’applique bien à la notion d’enseignants québécois prétendument « exploités ».



Si noir que ça ?

L’Institut du Québec, un institut de recherche économique, s’est penché sérieusement sur la situation des enseignants québécois. Sont-ils maltraités lorsqu’on prend la peine d’aller chercher des comparatifs ? La réponse est non. Peut-on faire mieux ? La réponse est oui.

Voici l’extrait exact : « La rémunération des enseignants du Québec est comparable à la moyenne de l’OCDE. À parité de pouvoir d’achat, les enseignants québécois sont mieux payés que ceux de la Finlande, mais moins bien rémunérés que ceux des Pays-Bas, de Singapour, de l’Ontario et de la moyenne canadienne. »

Par contre, parmi les pays qui payent mieux les enseignants, bon nombre sont aussi plus exigeants, que ce soit en matière d’évaluation ou de formation continue. 

[
Ajoutons que, pour ce carnet, la valeur de l'enseignement au Québec n'est pas optimale : il est peu diversifié (toutes les écoles doivent enseigner un identique programme gouvernemental y compris des matières controversées comme ECR) et davantage orienté vers une formation de citoyen du monde et des attitudes politiquement correctes qu'une culture nationale, encyclopédique ou scientifique (au choix). Voir Québec — La construction d'une nouvelle citoyenneté par l'école.]

À Singapour, les enseignants suivent 100 heures de formation par an pour se tenir au courant des dernières techniques alors que la pédagogie elle-même est « magistrale » et l'enseignant n'est en rien un simple animateur. Le gouvernement les paie bien aussi. Il accepte la nécessité de classes plus importantes (la moyenne est de 36 élèves contre 24 dans l’ensemble de l’OCDE et 12 dans les classes dédoublées des banlieues immigrées en France). Car mieux vaut avoir de grandes classes données par d’excellents enseignants que de plus petites aux mains de médiocres. Les enseignants qui cherchent de l’avancement sans devenir directeurs d’école peuvent devenir de « maîtres enseignants », responsables de la formation de leurs collègues. Les meilleurs enseignants obtiennent des affectations au ministère de l’Éducation et des primes importantes. Dans l’ensemble, les enseignants sont payés à peu près comme les diplômés dans le secteur privé. Les enseignants sont également soumis à de rigoureuses évaluations de performance annuelles.

]


Les syndicats d’enseignants aiment parfois rappeler que lors de la fondation de son parti, François Legault avait ouvert la porte à rehausser substantiellement leur rémunération. Il faut alors préciser que cela venait avec de nouvelles exigences en retour, notamment la formation d’un ordre professionnel. C’est un peu indécent de demander l’argent lorsqu’on a refusé catégoriquement les autres idées du nouveau pacte.

La présence de marge de manœuvre [surplus nés notamment d’impôts très élevés] semble avoir enivré certains chefs syndicaux. Du calme, le gouvernement ne laissera pas les syndiqués du secteur public partir avec la caisse. Ceux qui garderont l’appui du public amélioreront leur chance d’avoir leur part.


Voir aussi

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Singapour — Il est permis de copier : « Singapour privilégie la pédagogie traditionnelle où les enseignants donnent un cours magistral face à leur classe. Cela contraste avec la préférence de nombreux réformateurs qui privilégie un enseignement plus souple, plus « progressiste » dont le but est d’apprendre aux enfants à apprendre par eux-mêmes. Bien que les études internationales donnent à penser que l’enseignement magistral (« l’instruction directe ») est, en effet, un bon moyen de transmettre des connaissances, ses détracteurs soutiennent que la méthode de Singapour consiste à « bûcher et tuer » et qu’il produit de malheureux matheux sans imagination. Les parents s’inquiètent du stress que le système impose à leurs enfants et à eux-mêmes alors qu’ils convoient leurs enfants à des cours particuliers. [...] Singapour a obtenu des résultats en collaboration qui surpassaient ses excellents résultats en lecture et en sciences. Les élèves singapouriens se sont également déclarés heureux, plus que les élèves en Finlande, par exemple, un pays que les pédagogues présentent souvent (pour les mauvaises raisons selon Nathalie Bulle) comme une façon d’obtenir des résultats exceptionnels avec des méthodes plus « affectueuses » d’enseignement. »


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