Les enseignants sont unanimes et remarquent que le niveau en mathématiques des enfants ukrainiens réfugiés, scolarisés dans les écoles françaises, est supérieur à celui des Français.
« Les élèves ukrainiens sont nettement plus à l’aise en mathématiques au collège que les élèves français », assure à BFMTV.com Pierre Priouret, professeur de mathématiques à Toulouse et responsable du groupe mathématiques au Snes-FSU.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, près de 10 000 enfants ukrainiens arrivés en France ont été scolarisés dans des établissements français. Parmi les académies qui accueillent le plus grand nombre de ces élèves : celles de Nice, Versailles, la Normandie ou encore Créteil.
« Tous mes collègues du second degré qui ont des élèves ukrainiens en classe sont unanimes pour dire qu’ils sont plus performants. » Pierre Priouret évoque même un écart de niveau « significatif » sur certains exercices.
« Il y a une maîtrise opératoire indiscutable, des automatismes que n’ont pas les élèves français, poursuit-il. Quand on leur demande de calculer, de manipuler des nombres, ils ont beaucoup moins de lacunes. Si l’on veut faire une comparaison, ce sont les mêmes réflexes qu’un pianiste qui fait ses gammes. »
Le classement Pisa
Mais dans le cas d’un problème ou d’un exposé qui nécessite la compréhension d’un énoncé en français, l’écart avec les élèves français se resserre. « C’est alors difficile de savoir ce qui relève de leur niveau réel ou de la barrière de la langue », explique Pierre Priouret, le représentant des enseignants.
Dans la dernière enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), organisée tous les trois ans par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France obtient des résultats supérieurs à l’Ukraine avec 493 points en compréhension de l’écrit et 495 points en mathématiques.
Les élèves ukrainiens obtiennent en effet des résultats inférieurs et légèrement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE : 466 points en compréhension de l’écrit — la moyenne est de 487 — et 453 en mathématiques — pour une moyenne de 489 points.
[Voir PISA évaluerait-il plus l'intelligence que les acquis ? et Nathalie Bulle sur le modèle finlandais et les tests PISA]
« Ils ont un an d’avance »
Dans le premier degré, les élèves ukrainiens semblent pourtant particulièrement à l’aise du point de vue des compétences scolaires. En témoigne Marianne (dont le prénom a été changé à sa demande) qui est depuis vingt ans enseignante en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A).
Un dispositif qui permet aux élèves étrangers d’être inscrits dans une classe ordinaire tout en bénéficiant d’un enseignement renforcé en français, comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale. Marianne a ainsi pris en charge des enfants ukrainiens âgés de 11 ans. Elle estime qu’ils ont « un an d’avance ».
« Ils ont un niveau supérieur non seulement en mathématiques, mais aussi dans la maîtrise de leur langue », affirme à BFMTV.com cette spécialiste de l’enseignement du français comme langue étrangère. « On parle assez souvent du niveau des élèves qui entrent au collège pour savoir que ce n’est pas le cas des petits Français. »
« Rarement vu des élèves qui réussissent aussi bien »
Marianne, comme tous les enseignants d’UPE2A, est ainsi chargée d’évaluer ces élèves, de les tester — notamment dans leur langue — pour savoir dans quelle classe les positionner dans le système français. Elle assure avoir « rarement vu des élèves qui réussissent aussi bien ».
« Ce sont des enfants qui devraient être en CM2 [5e primaire] et qu’on envoie en CM2 mais ils ont un niveau de 6e en mathématiques. Ils sont même plus autonomes là où des petits Français lèveraient la main. »
Quant à la barrière de la langue, c’est presque un détail, estime Marianne. « Ce n’est pas parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue que ce sont des élèves en difficulté. L’apprentissage du français, ça peut aller très vite, c’est l’affaire de quelques mois. » Notamment parce qu’ils parlent déjà plusieurs langues, l’ukrainien et le russe. « J’en ai rencontré qui parlaient mieux anglais que moi », s’amuse l’enseignante.
Pas assez de moyens
Marianne remarque également que ces enfants arrivent en France avec des réflexes d’apprentissages et des codes scolaires proches des nôtres. « Ils ont l’attitude, le comportement, un mode de travail efficace. A contrario, j’ai déjà eu des enfants érythréens de 10 ans qui n’étaient jamais allés à l’école, ça n’a rien à voir. »
Mais cette enseignante tient à tirer la sonnette d’alarme. Notamment parce que nombre de ces élèves ukrainiens ne pourront pas bénéficier des neuf heures hebdomadaires de cours de français auxquelles ils ont pourtant droit, faute de moyens humains.
« C’est impossible, nous ne sommes pas assez nombreux, dénonce cette enseignante. Sans compter que les derniers enfants arrivés sont et seront encore plus traumatisés. Ils auront la tête encombrés avec tout ce qu’ils ont vu. Nous ne pourrons pas être là pour les accompagner. »
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