jeudi 10 novembre 2011

Chèque éducation ou laisser l'argent aux parents ?

Le chèque éducation, aussi appelé bon scolaire, bon d'études ou chèque scolarité, est un système qui permet aux parents de financer directement l'école dans laquelle leur enfant sera scolarisé. Ils financent directement l'école de leur choix.

Milton Friedman a fait des chèques éducation un de ses principaux combats, en particulier dans Capitalisme et liberté (1962).

En France, les partisans de cette mesure se retrouvent d'une part dans les associations de parents et d'enseignants qui veulent promouvoir la liberté d'enseignement : SOS Éducation ou Créer son école. L'instauration du chèque scolaire a fait partie du programme de l'ADQ.

Toutefois, pour les libertariens, le chèque éducation est une demi-mesure, qui entérine la mainmise de l'État sur l'éducation. Il s'apparente à une tentative de « mimer » le marché plutôt que de laisser les acteurs décider réellement.

Pour William L. Anderson du Mises Institute : « Les bons scolaires ne sont rien d'autre qu'une autre forme du "socialisme de marché" d'Oskar Lange. Ils sont une tentative de "jouer au marché" en utilisant un matériel socialiste, quelque chose qui n'a pas réussi en Union soviétique et qui échouera à la fin ici ». 

Pour Murray Rothbard, les bons scolaires sont une extension de l'État-providence qui force les classes moyennes, ainsi que les personnes sans enfant ou celles qui éduquent leurs enfants à domicile, à subventionner aussi bien l'école publique que l'école privée : « De loin, le meilleur "chèque éducation", le seul dont on ait besoin, est le billet de banque gagné honnêtement, pas celui qu'on vole à autrui, même si autrui n'est qu'un simple contribuable. »

En outre, pour l'Alliance pour la séparation de l'école et de l'État, confier de l'argent du Trésor public, même indirec­tement, à des établissements privés et confes­sionnels ne pourra mener qu'à une emprise croissance du gouvernement sur les écoles non gouver­ne­mentales et, sans doute, sur le programme enseigné dans les écoles confes­sionnelles, de sorte que les écoles privées deviendront de plus en plus des copies conformes (plus chères) des écoles publiques. À noter que c'est déjà le cas au Québec dans les écoles  privées qu'elles soient subventionnées ou non. C'est ce qui conduit certaines personnes à prôner la fin du financement par l'État de l'éducation.

Enfin, pour certains le chèque éducation n'étant qu'une autre forme de subvention, comme l'éducation publique, on l'accorde à des groupes sociaux dont la contribution économique à la société est souvent déficitaire. Bénéficiant de cet effet d'aubaine, ces groupes ne perçoivent pas le prix de l'éducation de leur descendance souvent nombreuse. Pour les immigrants de pays où l'éducation est médiocre, il s'agit d'un bénéfice important et immédiat. La société subventionnerait de la sorte indirectement la naissance d'enfants dans des milieux qui accumulent souvent le plus de difficultés.

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Pas de bons points pour les classes hautes technologies ?


Démonter et remonter 25 chaînes de vélo en classe sans outils et sans se salir les doigts ? Disséquer une grenouille virtuelle sans scalpel ni paillasse ? Dialoguer en mandarin avec une collégienne de Fouilly-les-Oies ? Rien de plus facile ! Il suffit de faire appel aux TICE, ces technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement et de disposer d’autant d’ordinateurs que d’élèves. A la fin de la séance, le professeur, ou plutôt le moniteur, n’aura suscité aucune vocation de mécano, de chirurgien ou d’interprète, mais qu’importe, les élèves se seront fait plaisir.

Le récent rapport de la mission parlementaire « Réussir l’école numérique en 2012 » menée par Jean-Michel Fourgous est un véritable panégyrique de la « révolution numérique » qui va toucher tous les établissements scolaires. Car il ne s’agit plus d’apprendre à se servir d’un ordinateur, ce qui relève d’un simple savoir-faire, mais d’enseigner par le biais de ce nouvel outil. Il devrait donc être question de pédagogie, de savoirs, de méthodes, de connaissance, donc, in fine, de culture. Or il n’est question que d’investissements, de technologies, de matériels, de tests, de scores, d’information… Demain, par la grâce de l’informatique, tout sera parfait : manuels innovants, pratiques performantes, professeurs soulagés, parents conquis, élèves heureux, entreprises assurées de nouveaux marchés… La parfaite utopie, celle de Big Brother, est pour demain.

Faut-il, dans cette optique, penser que la technologie est LA réponse (notamment aux inégalités), et que les résultats aux tests suffisent à révéler la qualité de l’apprentissage ? Il semble bien que la réalité soit plus complexe.

En effet, ces TICE ne sont pas nées d’hier, et nos édiles se gardent bien de se référer aux nombreuses études qui, outre-Atlantique, remettent en cause cet outil magico-pédagogique que serait l’ordinateur en classe. Que disent ces études ?

— que les scores ne sont pas à la hauteur des investissements : ainsi, dès 2005, le district scolaire pilote de Kyrene en Arizona a investi 33 millions de dollars pour moderniser ses écoles, en les équipant de tableaux interactifs et d’ordinateurs. Or, depuis 2005, les scores du district aux tests nationaux en lecture et mathématiques stagnent, alors même que les résultats des élèves de l’État d’Arizona ont augmenté (New York Times, 04/09/2011).

— Que l’on ne sait pas très bien mesurer l’efficacité réelle des TICE, faute d’avoir conçu de bons outils d’évaluation. Si le QCM classique n’est pas la meilleure façon d’évaluer les compétences acquises devant un ordinateur, ne devient-il pas urgent d’engager une réflexion sur ces tests ?

—  Que l’argent étant une ressource limitée, les budgets alloués au numérique le sont au détriment d’autres options, tels les cours de musique, d’art ou d’éducation physique.

—  Que cette surenchère technologique profite plus aux fournisseurs qu’aux enseignants et aux élèves. Aux États-Unis, la vente de logiciels éducatifs pour les classes a représenté 1,89 milliard de dollars en 2010. On estime que les dépenses en matériel représenteraient cinq fois ce montant. En retour, les enseignants sont moins nombreux, moins bien payés et moins bien considérés. (voir « Une salle de classe sans prof » , in Courrier international, 14/03/2011).

—  Enfin et surtout, que les élèves apprennent mieux en interaction avec un professeur : ils peuvent formuler leur pensée dans leur propre langage, hasarder des hypothèses et recevoir des récompenses plus élevées que le simple « OK, bravo » émis par la machine.

Ces réflexions sur l’utilisation des nouvelles technologies éducatives ont le mérite de poser la question de notre rapport à la technologie. Tout ce qui est lent et compliqué n’a pas sa place sur le petit écran, que ce soit celui de la télévision ou de l’ordinateur. Celui-ci découpe les tâches en petites unités distinctes les unes des autres, reliées par le bouton « suivant » ; les menus déroulants rendent difficile tout retour en arrière, toute comparaison avec d’autres sources, mais cela importe peu dans une logique linéaire où le mieux est toujours devant…

« Quand j’ai un vers latin dans la tête, je tape quelques mots [sur l’écran] et tout arrive : le poème, l’Énéide, le livre IV… Imaginez le temps qu’il faudrait pour retrouver tout cela dans les livres ! Je ne mets plus les pieds en bibliothèque » écrit Michel Serres (« Petite Poucette, la génération mutante », in Libération, 03/09/2011). Certes. Mais si Michel Serres a encore des vers latins dans la tête, ce n’est pas à ses compétences en informatique qu’il le doit, mais bien à ses professeurs de latin ou aux heures passées dans les livres.

Aujourd’hui, selon une étude de l’association Sauver les lettres, un grand nombre de lycéens de 1re S [équivalent première de cégep spécialisation scientifique] ignorent la différence entre « or » et « donc » ! De plus, comme le remarque Michel Desmurget (TV Lobotomie, Max Milo, 2011), les étudiants ne savent ni définir les mots clefs pertinents ni hiérarchiser les sources d’information, limitant ainsi leurs capacités à mener des recherches de fond sur internet. Pour les générations nées avec l’informatique « grand public », la maîtrise de l’outil est loin d’être correcte.

Que devient le pédagogue quand tous les élèves de la classe sont rivés à leur écran ? Il n’est plus, comme le veut l’étymologie, « celui qui mène les enfants », qui les conduit sur le chemin du savoir, qui les motive, qui les aide à se surpasser. Les TICE emploieront, d’une part, des spécialistes en chambre qui concocteront des programmes et, d’autre part, des « moniteurs », voire des surveillants, plus formés pour rebrancher une souris que pour expliquer le carré de l’hypoténuse ou la religion romaine archaïque. Plus de maître fascinant par son savoir, passionné et passionnant. Plus d’élèves prometteurs ou turbulents, non plus. Seront-ils pour autant de simples machines programmées pour appuyer sur « Vrai » ou « Faux », puis sur « Suivant » ? Pour reproduire des contenus formatés par un inconnu ? On en viendrait à espérer que les crédits ne suivront pas!

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