jeudi 13 juin 2019

AQED : « Éducation à domicile — Le nouveau projet de règlement est très mal avisé »

COMMUNIQUÉ de l’ASSOCIATION QUÉBÉCOISE POUR L’ÉDUCATION À DOMICILE (AQED) :

L’AQED comprend que le gouvernement ait à cœur la qualité de l’éducation de tous les enfants du Québec. L’AQED croit que la meilleure façon d’atteindre ce but est d’offrir une éducation sur mesure. Le projet de règlement qui vient modifier le premier règlement encadrant l’enseignement à la maison au Québec lui paraît donc, en ce sens, très mal avisé.

Dans son mémoire à ce sujet qu’il soumet au ministre de l’Éducation aujourd’hui, L’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED) reçoit positivement le fait que ce projet de règlement spécifie que les commissions scolaires doivent prendre les mesures nécessaires pour permettre la reconnaissance des unités pour lesquelles il n’y a pas d’examens ministériels. Par contre, les faits ne justifient pas la nécessité de modifier le règlement actuel pour augmenter le contrôle sur l’enseignement à la maison.

Ce projet brûle beaucoup d’étapes et son objectif n’est pas clair. Il n’aborde pas concrètement le problème des « écoles illégales » et un éventuel recours à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour régler les conflits d’enseignement à la maison n’est pas souhaitable. De plus, plusieurs études scientifiques sur l’impact d’interventions sur l’éducation à domicile nous font croire que ce règlement n’augmentera pas le taux de réussite éducative.

L’imposition d’examens va à l’encontre des meilleures pratiques en éducation et l’imposition de la Progression des apprentissages (PDA) du Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) n’est pas la seule façon valable d’offrir une éducation de qualité, ni la seule façon d’assurer qu’un enfant reçoive une éducation adéquate. D’ailleurs, la PDA n’est souvent pas appropriée pour les enfants ayant des défis particuliers. L’imposition des examens et de la PDA va aussi à l’encontre de certaines convictions morales. Il faut également noter que les familles n’ont pas le soutien nécessaire de l’État pour se conformer à ce règlement avec succès. Il est donc très probable qu’il mènera à plus de conflits, de dossiers à la DPJ, de judiciarisation de cas et d’échecs éducatifs.

L’AQED recommande de :

1. Réinstaurer la Table de concertation et commencer un processus de consultation avec les acteurs concernés pour clairement identifier les objectifs souhaités pour le programme d’enseignement à la maison au Québec, étudier les résultats de cette année de transition, documenter objectivement les lacunes s’il y en a et identifier différents moyens d’y remédier.

2. Retarder la mise en œuvre de ce projet de règlement au moins jusqu’à ce que le gouvernement développe des ressources comparables à celles de l’Alberta ou de la France pour soutenir les familles-éducatrices dans le suivi du PFÉQ : cours en ligne, cours à distance et/ou création et distribution aux familles de ressources (livres et ressources didactiques) qui couvrent 100 % du programme québécois.

3. Maintenir le choix du type d’évaluation, quitte à augmenter les critères d’évaluations pour les choix déjà disponibles, sans ajouter l’obligation de faire un type d’évaluation en particulier.

4. Ne pas imposer 100 % du contenu de chaque matière, mais identifier quels éléments du PFÉQ sont indispensables (par exemple : les compétences).

Le mémoire (très intéressant) est disponible à l’adresse suivante : http://bit.ly/MemoireAQED (105 pages)

Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED)
Noemi Berlus, directrice




Extraits du mémoire (105 pages)


Les faits ne justifient pas la nécessité de modifier le règlement actuel encadrant l’enseignement à la maison.

1. Ce projet de règlement est beaucoup trop hâtif et brûle beaucoup d’étapes

La mise en œuvre du premier règlement sur l’enseignement à la maison est encore très récente.

Ayant débutée en juillet 2018, elle n’a même pas encore eu la possibilité de faire ses preuves pour une année entière. D’ailleurs, cette première année devait en être une de transition. Le ministère avait assuré que ce serait une année d’ajustements de part et d’autre. Tout est nouveau, des exigences à remplir pour se conformer à la loi jusqu’à la mise en place de l’équipe à la DEM [Direction de l’enseignement à la maison]. Les commissions scolaires n’ont pas documenté les modalités, ni mis en œuvre tous les services auxquels les enfants éduqués à domicile ont droit. Les familles n’ont pas encore eu le temps de montrer le travail de toute une année, puisque les évaluations doivent être soumises pour le 15 juin.

La mise en vigueur de ce projet de règlement, sans consultation des instances prévues à cette fin et sans attendre la fin de la première année du règlement, est trop rapide. Aller de l’avant sans se fier aux avis des chercheurs, du Protecteur du citoyen, du Conseil supérieur de l’éducation (CSÉ) et sans aucune donnée objective entraînera assurément une mise en œuvre chaotique, remplie d’amertume et de non-coopération de la part des familles. (Voir l’annexe F : Historique de l’éducation à domicile au
Québec)


2. L’objectif de ce règlement n’est pas clair

Depuis la sortie de ce projet de règlement, l’AQED a seulement eu 30 minutes de discussion avec le ministre de l’Éducation. Cette courte conversation n’a pas permis à l’AQED de comprendre les buts ultimes de ce nouveau projet de règlement. La DEM et les autres interlocuteurs au ministère n’ont pas assez d’informations pour éclairer l’AQED et ne sont pas en mesure de répondre à nos questions.

Le gouvernement ne nous a pas trouvé d’autre interlocuteur pour répondre à nos questions. Le ministre a évoqué plusieurs raisons dans les médias : pour fermer les « écoles illégales », pour assurer que chaque enfant voie un minimum de matières, pour assurer la qualité de l’éducation, etc.

Ne connaissant pas les objectifs exacts, ni les critères de succès attendus, il est difficile de formuler des commentaires éclairés sur ce projet de règlement.

3. Ce règlement n’aborde pas le problème des « écoles illégales »

Puisque le projet de règlement ne mentionne les écoles illégales nulle part, il est difficile de comprendre en quoi il irait restreindre l’impact d’institutions particulières chez des enfants. Le ministre dit vouloir responsabiliser les parents2. Avec des centaines d’avis envoyés à la DEM par des familles issues de différentes communautés croyantes, les parents ont assumé leurs responsabilités.

Le gouvernement a maintenant la possibilité de faire un suivi direct de l’éducation de ces enfants, ainsi que de s’assurer qu’ils apprennent les mathématiques, le français, une seconde langue, les sciences et la technologie, le développement de la personne, les arts et l’univers social, tel qu’exigé dans le règlement actuel. Alors même que les commissions scolaires se disent satisfaites des résultats de la communauté juive hassidique aux examens, l’Association éducative juive pour l’enseignement à la maison (AEJEM) s’interroge sur l’intention du gouvernement avec ce projet de règlement.

Nous nous demandons aussi de quelles « écoles illégales » parle le ministre. Où sont‑elles ? Combien d’enfants y participent ? Quelles insuffisances dans leur éducation ont été décelées par le gouvernement ? Quelles questions ont été posées à la Table de concertation en matière d’enseignement à la maison pour essayer d’endiguer le problème ? Quels sont les moyens qui ont été utilisés pour mesurer clairement l’ampleur du problème, afin que l’on puisse également en juger ?
La grande majorité des familles-éducatrices ne font pas le choix de l’éducation à domicile pour desmotifs religieux (voir l’annexe D : Motivations des familleséducatrices). Si le projet de règlement vise à corriger ce problème, sa portée devrait être restreinte afin de s’assurer que les milliers de parents ‑éducateurs se conformant à la loi ne soient pas pénalisés.

4. Le recours à la DPJ pour régler les conflits d’éducation à domicile n’est pas souhaitable

Afin de mettre en œuvre un encadrement plus strict des familles ‑éducatrices, le ministre a évoqué le recours à nouveau à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans les dossiers d’enseignement à la maison. Pourtant, le règlement tel qu’il est appliqué actuellement n’encourage les signalements qu’en dernier recours, principalement grâce à la flexibilité offerte aux familles.

Comme le souligne le Protecteur du citoyen dans son rapport de 2015, en référence aux tactiques coercitives dont certaines commissions scolaires faisaient usage à l’époque (voir l’annexe F : Historique de l’éducation à domicile au Québec) : « des intervenants scolaires estiment que l’exercice obligatoire du signalement au DPJ dans certaines situations de scolarisation à la maison peut miner irrémédiablement le contexte de collaboration avec les parents… »

Il poursuit en soulignant qu’« à la lumière de ces constats, le Protecteur du citoyen s’interroge sur les effets non souhaités de l’évocation de l’obligation de signalement ou du recours effectif au signalement au DPJ comme moyen de prévenir ou de résoudre les conflits qui peuvent survenir entre les parents et les autorités scolaires. »

Également, il est à mentionner que, depuis janvier dernier, suite à l’application des modifications du projet de loi 99 modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, les parents ‑éducateurs peuvent être déclarés négligents (négligence éducative) simplement en ne respectant pas le règlement. Avant la modification, les parents devaient « assurer [la] scolarisation [de l’enfant] ». Maintenant, ils doivent s’assurer que « l’enfant reçoive une instruction adéquate et, le cas échéant, qu’il remplisse son obligation de fréquentation scolaire prévue à la Loi sur l’instruction publique (chapitre I‑ 13.3) ou à toute autre loi applicable. »

Avec l’avènement de ce nouveau projet de règlement, cette clause dans la Loi sur la protection de la jeunesse risquerait d’amener le seul fait de respecter réellement les besoins, le rythme et les intérêts de l’enfant comme étant une désobéissance à la loi. Par ailleurs, cette clause se trouve dans le même article (art. 38) de la Loi sur la protection de la jeunesse que la négligence physique et les abus sexuels.


En utilisant la DPJ comme moyen de prévenir ou de résoudre des conflits pédagogiques, on viendrait pratiquement classer les parents ‑éducateurs au même rang que des parents qui battent et abusent leurs enfants. Sans compter que les cas d’éducation à domicile viendraient utiliser des ressources déjà insuffisantes, lesquelles devraient plutôt être utilisées pour investiguer des cas d’enfants qui en ont vraiment besoin. Dans le cas des parents qui se prévalent de leur droit d’éduquer leur enfant, une relation d’égal à égal, des échanges et une collaboration seraient nettement plus profitables pour toutes les parties impliquées.

5. Ce règlement n’aboutira pas à plus de réussite éducative

Avec la sanction du PL 144, le Québec arrive en deuxième place des provinces canadiennes qui contrôle le plus les familles ‑éducatrices, même celles qui ne demandent pas de services ni de financement de l’État (voir l’annexe G : L’éducation à domicile dans les provinces canadiennes).

L’Ontario et la Colombie‑Britannique n’exigent aucun suivi par défaut des familles ‑éducatrices. Seuls les cas qui sont signalés sont examinés par les autorités scolaires. Par ce projet de règlement, le gouvernement témoigne du peu de confiance qu’il accorde au rôle de la famille voulant être partie intégrante du processus d’éducation de son enfant et remet en cause sa compétence à assurer les meilleures conditions de développement pour celui‑ci. L’insistance faite sur l’évaluation et la surveillance revient à envoyer aux parents le message qu’ils n’ont pas à cœur la qualité de l’éducation de leur enfant.

Les études démontrent que plus de contrôle de l’éducation à domicile n’entraîne pas plus de réussite des enfants, ni moins d’enfants qui sont éduqués à domicile. Le degré de réglementation gouvernementale n’a pas d’effet significatif sur la performance scolaire des enfants éduqués à domicile (voir l’annexe B : Impact de la régulation de l’État sur l’éducation à domicile selon la recherche).

L’imposition d’examens va à l’encontre des meilleures pratiques en éducation

L’imposition d’examens va à l’encontre des recommandations du CSE, du Protecteur du citoyen, des chercheurs et de nombreux enseignants, ainsi que de la jurisprudence canadienne. Cette pratique serait également inéquitable en comparaison à celles acceptées ailleurs dans le système scolaire québécois, puisque plusieurs écoles alternatives ont droit à des exemptions concernant certains examens ministériels ou ne sont pas tenues de transmettre les résultats des examens au ministère (voir l’annexe C : L’imposition d’examens va à l’encontre des meilleures pratiques en éducation et n’est pas une pratique équitable). Le Québec deviendrait la seule province canadienne à imposer les examens aux enfants qui sont éduqués à domicile. Dans ces circonstances, il serait difficile d’affirmer que ce règlement est proposé par souci d’équité et d’égalité, tel que mentionné dans le communiqué de presse du 27 mars.

La recherche s’entend pour dire que les examens ne sont pas l’outil à privilégier pour évaluer les apprentissages, et encore moins pour des apprentissages alternatifs. Insister sur les examens montre aussi un manque de confiance envers les employés du ministère et les enseignants de la province qui, dans le règlement actuel, étaient libres d’offrir des méthodes mieux adaptées pour évaluer les enfants éduqués à domicile, que ce soit en passant par une école privée, par une commission scolaire ou à leur propre titre.

Ici encore, nous nous questionnons sur le but d’imposer les examens ministériels. Est‑ce pour offrir de la rétroaction sur l’enseignement des parents ? La loi ne prévoit pas de rétroaction de la part de l’enseignant qui les corrige les examens13. Quelle serait la valeur ajoutée pour un parent de connaître la note que son enfant obtient à un examen, alors qu’il peut déjà en apprendre davantage par une évaluation individualisée effectuée par un enseignant ? Le résultat de l’examen va‑t‑il décider du sort de la poursuite du projet d’apprentissage ? Pourtant, on ne fait pas redoubler un enfant lorsqu’il échoue à un examen ministériel non diplômant. Les élèves de 6e année sont classés pour le secondaire bien avant la passation des épreuves ministérielles de fin d’année. Est‑ce pour préparer l’enfant à passer les examens de sanction des études ? Le gouvernement devrait dans ce cas plutôt reprendre les consultations afin de demander aux parents ce qu’il peut faire pour améliorer les chances que leurs enfants réussissent à ces examens. Il pourrait, par exemple, rendre disponible le matériel de préparation aux examens auxquels les parents ‑éducateurs n’ont présentement pas droit.

L’imposition de la Progression des apprentissages du Programme de formation de l’école québécoise n’est pas la seule façon valable d’offrir une éducation de qualité

1. La Progression des apprentissages n’est pas le seul et unique outil qui peut assurer qu’un enfant reçoive une éducation appropriée

L’obligation de suivre la PDA dans toutes les matières obligatoires des cinq domaines principaux du PFEQ (les seules matières optionnelles seraient celles des domaines des arts et du développement de la personne) par cycle, comme à l’école, ne revient pas simplement à assurer « l’acquisition de certains contenus minimaux », mais bien à imposer la quasi-intégralité du programme 14 scolaire au même rythme qu’à l’école (pour avoir une idée de la lourdeur de la PDA, voir l’annexe H : Aperçu de la Progression des apprentissages du Programme de formation de l’école québécoise).

Ceci rendrait non ‑conforme la façon d’enseigner de 100 % des familles ‑éducatrices de l’AQED (voir le sondage effectué auprès des membres de l’AQED dans l’annexe E : L’imposition de la progression des apprentissages et des examens va à l’encontre des chartes des droits et libertés), car aucune de nos familles ne dit suivre la PDA pour toutes les matières du PFEQ. Ce règlement revient donc à dire que toutes nos familles offrent une éducation inappropriée à leurs enfants. Ainsi, il ne concorde pas avec les déclarations du ministre qui affirme que « la grande majorité des parents qui font l’enseignement à la maison avec leurs enfants s’acquittent de cette tâche avec brio. Ces changements ne les affecteront pas », ni avec le rapport du Protecteur du citoyen qui souligne qu’il n’y pas de problèmes systématiques avec l’éducation à domicile.

Il importe de bien faire la différence entre le PFEQ et la PDA. Le PFEQ est un document ministériel qui définit les apprentissages essentiels à la formation des jeunes Québécois. Il se caractérise principalement par l’attention portée à la démarche d’apprentissage. Afin de leur donner tout leur sens, les savoirs sont d’abord et avant tout organisés sous forme de développement des compétences.

L’apprentissage y est défini comme étant un processus actif et continu de construction des savoirs. Pour sa part, la PDA est un document complémentaire au PFEQ. Bâtie autour de chacune des compétences, la PDA précise les connaissances que les élèves doivent acquérir au cours de chacune des années de scolarisation.

L’AQED n’est pas opposée au PFEQ ni à l’idée d’assurer un minimum d’apprentissages. Toutes les familles aspirent à beaucoup plus que le minimum. C’est l’imposition de la PDA comme seule vision valable de l’éducation qui pose problème. D’une part, 53 % des familles membres de l’AQED (source : sondage effectué auprès des membres de l’AQED en septembre 2017, avec 162 répondants) ont essayé l’école avant d’en sortir leurs enfants pour les éduquer à domicile. Elles savent que le système scolaire québécois ne fonctionne pas pour eux. D’autre part, en l’absence historique de ressources pédagogiques québécoises pour soutenir les familles (pas de cours en ligne, pas de cours à distance, pas de manuels couvrant 100 % du PFEQ et de la PDA), celles‑ci ont puisé dans une très grande variété de ressources et de courants pédagogiques pour développer des méthodes innovatrices adaptées aux besoins de leurs enfants. Ces méthodes ont fait leurs preuves. Malgré le fait qu’une plus largeproportion des enfants éduqués à domicile ont des besoins particuliers (voir le sondage effectué auprès des membres de l’AQED dans l’annexe E : L’imposition de la progression des apprentissages et des examens va à l’encontre des chartes des droits et libertés), les études indiquent que tous les enfants éduqués à domicile réussissent en moyenne aussi bien que ceux scolarisés en établissement.

Il y a peu d’études effectuées spécifiquement sur le sujet des enfants à besoins particuliers mais, d’après les études qui existent, on peut conclure qu’une des raisons de cette réussite est qu’ils soient en mesure de recevoir à la maison une éducation individualisée et adaptée à leur rythme individuel d’apprentissage.

Par ailleurs, « [l]es études de Richman et al. (1990) et Wartes (1990) ont observé peu ou pas de relation entre le niveau de structure et les résultats académiques. Richman et al. (1990) concluent que les décisions politiques visant à imposer un programme structuré ou un nombre minimum requis d’heures d’enseignement formel par semaine n’obtiennent pas de support empirique. La conclusion de Richman et al. (1990) concernant le nombre d’heures d’enseignement formel est également confirmée par l’étude de Ray (1994) qui n’a pas obtenu de corrélation entre le temps passé à des activités d’enseignement formel et le rendement scolaire des jeunes éduqués à domicile ».

Le règlement actuellement en vigueur fait déjà du Québec la deuxième province la plus contraignante en matière d’éducation à domicile (voir l’annexe G : L’éducation à domicile dans les provinces canadiennes). Avec l’obligation de respecter la PDA dans la quasi‑totalité des matières du PFEQ, il n’est pas juste d’affirmer que « ce nouveau cadre réglementaire respecte la souplesse que commande cette forme d’enseignement » ni que « les parents ayant fait le choix de l’éducation à domicile pour leur enfant pourront mettre en œuvre un projet d’apprentissage personnalisé ». Bien au contraire, il vient enlever la possibilité de personnaliser l’enseignement aux besoins de l’enfant et retirer tout sens au principe d’éducation alternative auquel aspire l’éducation à domicile.

2. La Progression des apprentissages du Programme de formation de l’école québécoise n’est pas appropriée pour les enfants ayant des défis particuliers

L’imposition de la PDA et des examens qui y sont associés va également contre le meilleur intérêt des centaines d’enfants qui ont été retirés de l’école, soit parce qu’ils y étaient en détresse ou en échec constant, soit faute de services appropriés. Dans certains cas, c’est l’école elle‑même qui a exigé ou fortement suggéré le retrait scolaire de l’enfant, poussant les parents à choisir l’éducation à domicile pour une durée indéterminée, même si cela ne figurait pas dans les projets familiaux.

L’école n’étant pas adaptée et manquant de ressources pour les enfants ayant des défis particuliers, les exigences de ce règlement viennent ajouter au fardeau des parents qui ont déjà dû en prendre beaucoup sur leurs épaules pour assurer une éducation de qualité à leurs enfants.

Dans un sondage des membres de l’AQED, plus des deux tiers ont rapporté avoir des enfants présentant une douance, un handicap ou des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (voir le sondage effectué auprès des membres de l’AQED dans l’annexe E : L’imposition de la progression des apprentissages et des examens va à l’encontre des chartes des droits et libertés). Or, dans un document de synthèse d’avril 2018 sur les services aux élèves HDAA dans les écoles publiques, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) « estime que le meilleur intérêt des élèves HDAA ne peut se concrétiser dans le cadre qui régit actuellement les services qui sont destinés à ces derniers. »

Avec des temps d’attente de plusieurs années avant d’avoir accès à des professionnels (psychologue, orthopédagogue, etc.) dans le système scolaire, beaucoup de parents choisissent l’éducation à domicile pour adapter l’éducation aux difficultés de l’enfant. Qu’arrivera‑t‑il si un enfant à défi particulier, avec ou sans diagnostic officiel, n’arrive pas à suivre les exigences de la PDA ou échoue à un examen ? Le règlement devrait plutôt garantir qu’un enfant dont un parent soupçonne qu’il a un défi particulier puisse recevoir une éducation qui tient en compte ses besoins et capacités de manière individualisée.

De plus, le règlement devrait garantir qu’il lui soit accordé des exemptions ou des mesures d’adaptation pour la passation de toutes les épreuves requises (y compris pour la sanction des études), selon l’évaluation individualisée de ses besoins et capacités, tout en tenant compte du contexte d’évaluation.

3. L’imposition des examens et de la Progression des apprentissages va à l’encontre des convictions morales de nombreux parents

Selon une étude de Christine Brabant (2004), les motivations pour faire l’éducation 25 à domicile sont variées et chaque famille a habituellement plusieurs raisons de le faire. Au Québec, ce mouvement est surtout basé sur une nouvelle vision de la vie familiale, sur un regard critique de l’éducation en milieu scolaire, sur le souci de répondre aux besoins spécifiques de l’enfant, de même que sur le caractère novateur des pratiques éducatives alternatives remettant en question les modes traditionnels d’apprentissage. Beaucoup de parents sont contre le fait de se faire imposer un rôle auprès de leurs propres enfants dans leur propre maison et de devoir forcer les enfants à se soumettre à des examens (qui, pour certains, sont anxiogènes) alors qu’ils essaient d’encourager un esprit entrepreneurial et d’autonomie. Les parents sont contre l’idée de devoir faire subir les examens et des apprentissages spécifiques à des périodes précises, d’autant plus que ce serait sans le consentement de leurs enfants.

L’intérêt des enfants est une considération primordiale dans toutes les décisions les concernant : on doit répondre à leurs besoins spécifiques, tenir compte de leurs opinions et respecter leurs droits. Selon l’article 12 de la Convention relative aux droits des enfants de l’Organisation des Nations unies (ONU), à laquelle le gouvernement du Québec est officiellement lié depuis le 9 décembre 1991, et ratifiée le 13 décembre 1991 par le Canada avec l’approbation des provinces :

« 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

Aussi, selon l’article 34 du code civil du Québec :

« Le tribunal doit, chaque fois qu’il est saisi d’une demande mettant en jeu l’intérêt d’un enfant, lui donner la possibilité d’être entendu si son âge et son discernement le permettent. »

Dès l’âge de 14 ans (et même plus jeune, si on juge que l’enfant est assez « mature » et comprend les enjeux), les enfants ont le droit de consentir ou refuser tout type de soin de santé, que ces soins soient requis par leur état de santé ou non. Si les parents souhaitent aller à l’encontre de cette décision, ils doivent obtenir l’autorisation d’un tribunal.

À la lumière de ce contexte, comment peut‑on justifier d’imposer un cursus scolaire unique et des examens ministériels à des jeunes sans leur consentement ? Les enfants capables de discernement devraient avoir le droit d’être entendus à ce sujet et leur opinion devrait être dûment prise en considération (voir l’annexe I : Les enfants expriment leur opinion).

Les familles n’ont pas le soutien nécessaire de l’État pour suivre le règlement avec succès

Le manque de ressources pédagogiques pour soutenir les efforts des familles ‑éducatrices rend encore plus déraisonnable l’obligation de suivre la PDA du Québec et inéquitable l’obligation de subir des examens. Les ressources prévues dans la loi ne sont pas au rendez‑vous. Malgré la possibilité de projets pilotes permis par le projet de loi 144 (PL 144), il n’y a présentement aucun cours à distance disponible pour les familles qui veulent suivre la totalité du PFEQ. La recommandation du Protecteur du citoyen de considérer l’ouverture des cours en ligne, présentement réservés aux adultes, aux moins de 16 ans ne semble pas avoir été retenue, et le projet pilote autorisé avec le passage du PL 144 n’a pas encore été mis en place. Le guide des meilleures pratiques en enseignement à la maison, prévu en juillet 2019 par le PL 144, n’a pas encore été publié.

Avec ce projet de règlement, un parent qui utilise des cours en ligne de l’Ontario, un choix qu’il pourrait faire par manque de ressources au Québec, ne serait pas certain de suivre la PDA de l’école québécoise et pourrait donc être considéré comme fournissant une éducation inappropriée à son enfant. Il n’y a pas de service d’enseignement du PFEQ à distance. Les parents qui suivent présentement le programme du Centre national d’enseignement à distance (CNED), un établissement français administré par le ministère de l’Éducation nationale et offrant des cours à distance ou en ligne se conformant au programme national de la France, devront maintenant essayer de l’adapter ou rechercher parmi les ressources incomplètes disponibles au Québec pour le remplacer ou le compléter.

Au Québec, il n’y a pas de manuel couvrant parfaitement le PFEQ offert aux familles. Le parent doit investir beaucoup de temps pour faire l’analyse de livres, les comparer aux exigences du programme et trouver d’autres ressources pour combler les lacunes. Il doit possiblement investir des sommes d’argent dans l’achat de matériel, souvent très coûteux (les corrigés et guides de l’enseignant coûtent en général entre 200 $ et 400 $ chacun), qui réponde aux exigences particulières du PFEQ, alors que ce dernier lui a été imposé et qu’aucune indemnisation n’est offerte.

Les familles n’ont pas non plus accès aux ressources de préparations aux examens. Les organisations comme le Department of Education English Language Arts (DEELA), la Banque d’instruments de mesure (BIM) et, selon nos membres, les commissions scolaires, refusent de vendre ou de partager leur matériel de préparation aux examens aux parents, sous prétexte que ces parents pourraient revendre les réponses à des enfants scolarisés.

Plusieurs commissions scolaires ne donnent pas accès à leur matériel et à leurs autres ressources en ligne, car leurs licences et les conventions collectives ne leur permettent pas de partager ces ressources avec des gens à l’extérieur de l’école. Les enseignants ont accès aux examens des années précédentes et ainsi peuvent mieux prévoir les questions qui seront posées dans les examens afin de préparer leurs élèves en conséquence. Mais ces examens ne sont pas partagés avec les parents qui font l’éducation à domicile.

Même les ressources prévues dans le règlement tardent à arriver. D’après notre demande d’accès à l’information auprès de celles‑ci, peu de commissions scolaires ont publié leurs modalités pour l’utilisation des services et la majorité des parents n’ont pas reçu les services qu’ils demandaient. Certaines familles rapportent même s’être fait refuser des manuels par manque de disponibilité. Le Québec ne prévoit aucune ressource financière directement offerte aux familles pour les soutenir dans le suivi du PFEQ. Pourtant, les familles qui suivent le programme provincial dans d’autres grandes provinces canadiennes reçoivent un financement de l’état comme incitatif, ou encore des remboursements pour l’achat de leur matériel pédagogique (par exemple en Alberta et en Colombie‑Britannique — voir l’annexe G : L’éducation à domicile dans les provinces canadiennes). Sans guide des bonnes pratiques, sans consignes précises et sans ressources, les parents ont fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension cette année, car ils gardaient à l’esprit que celle‑ci en était une de transition. Ils sont maintenant déçus, voire choqués, par ce projet d’un deuxième règlement. Malgré l’esprit d’ouverture et de collaboration manifesté par les parents, le gouvernement ajoute des mesures encore plus coercitives à leur égard.

Ce projet de règlement mènera à plus de conflits, de dossiers à la DPJ, de judiciarisation de cas et d’échec éducatifs
 1. Le gouvernement ne peut mettre en œuvre ce règlement sans la coopération des parents

Sans la collaboration des parents, il sera difficile, voire impossible, pour le gouvernement de mettre en œuvre ce projet de règlement. Selon le rapport du Protecteur du citoyen, « dans un contexte de suivi de projets de scolarisation à la maison, l’information requise ne peut être recueillie qu’avec la collaboration des parents ». Les parents ‑éducateurs perçoivent ce projet de règlement comme une action pour les forcer à agir à l’encontre de leurs convictions et de leurs droits. Plutôt que d’user de coercition, le gouvernement aurait avantage à travailler en collaboration avec les familles ‑éducatrices.

Malgré leurs inquiétudes, ces dernières ont fait preuve de bonne volonté depuis la mise en œuvre du premier règlement, mais cela pourrait radicalement changer. Même avec un croisement de données avec la Régie de l’assurance‑maladie du Québec (RAMQ), des parents déterminés pourraient arriver à échapper au système (voir annexe B : Impact de la régulation de l’État sur l’éducation à domicile selon la recherche).

L’obligation de faire des examens ministériels est une proposition qui est diamétralement opposée à l’avis du Protecteur du citoyen, qui croit qu’une « réflexion approfondie devrait être menée sur les moyens permettant d’évaluer l’enseignement reçu et l’expérience éducative vécue par les enfants scolarisés à la maison, notamment sur l’usage du portfolio. Il s’agit de réfléchir à la mise en place de conditions permettant de collecter, avec la collaboration des parents, l’information requise pour s’assurer que le droit à l’éducation de ces enfants soit respecté. Le Protecteur du citoyen constate que la possibilité pour les intervenants scolaires d’offrir aux parents un choix parmi différents moyens d’évaluation favoriserait la collaboration et renforcerait leur capacité à évaluer ». Afin qu’une évaluation soit réellement représentative des apprentissages acquis par les enfants, il importe qu’elle soit adaptée à ce qui a été enseigné et à la manière dont cela a été enseigné. Sinon, l’évaluation perd toute signification réelle. L’implication des parents ne peut donc être mise de côté puisque ce sont eux qui fournissent l’expérience éducative individualisée selon les besoins de leurs enfants et qui sont les mieux placés pour connaître le mode d’évaluation qui est le plus approprié pour eux.

2. Ce règlement entraînera plus d’échecs

Avec un règlement qui risque de permettre de juger la pratique de la majorité des familles ‑éducatrices comme étant inadéquate et avec un manque de ressources complètes conformes au PFEQ, le gouvernement est‑il prêt à juger que tout programme qui déroge de la PDA ne permet pas d’offrir une éducation appropriée ? Le gouvernement veut‑il utiliser les ressources de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et de la justice pour aller régler des problèmes d’ordre pédagogique ? Le gouvernement s’attend‑il à ce que ces enfants fassent du mieux qu’ils peuvent à des examens quand ni eux ni leurs parents ne voient l’utilité de cet outil inadapté ? Sans ressources, sans guide et sans motivation, des milliers d’enfants seront voués à l’échec. Des centaines d’adolescents choisiront de simplement décrocher au lieu d’essayer de trouver des façons différentes d’apprendre. Que fera le ministre devant un constat massif d’échec des enfants aux examens ? Arrivera‑t‑il à la conclusion que le Protecteur du citoyen et lui‑même avaient tort de dire qu’il n’y avait pas de problème systématique dans l’éducation à domicile et que la majorité des parents s’acquittent très bien de leur tâche, ou va‑t‑il reconnaître ce que disent les chercheurs, le CSE et les écoles alternatives, c’est‑à‑dire que l’outil, et non pas l’apprenant, est mal adapté ?

Recommandations générales

Pour éviter le retour à un climat désastreux et pour soutenir la réussite d’enfants déjà marginalisés, le projet de règlement devrait être modifié. Voici ce que l’AQED recommande :

1. Réinstaurer la Table de concertation immédiatement et commencer un processus de consultation avec les acteurs concernés pour clairement identifier les objectifs souhaités pour le programme d’enseignement à la maison au Québec, étudier les résultats de cette année de transition, documenter objectivement les lacunes s’il y en a et identifier différents moyens d’y remédier.

2. Retarder la mise en œuvre de ce projet de règlement au moins jusqu’à ce que le gouvernement développe des ressources comparables à celles de l’Alberta ou de la France pour soutenir les familles ‑éducatrices dans le suivi du PFEQ : cours en ligne, cours à distance et/ou création et distribution aux familles de ressources (livres et ressources didactiques) qui couvrent 100 % du programme québécois. (Voir l’annexe A : Réactions et recommandations par article).

3. Maintenir le choix du type d’évaluation, quitte à augmenter les critères d’évaluations pour les choix déjà disponibles, sans ajouter l’obligation de faire un type d’évaluation en particulier.

4. Ne pas imposer 100 % du contenu de la PDA pour chaque matière, mais identifier quels éléments du PFEQ sont indispensables (par exemple les compétences plutôt que les connaissances) dans chacune des matières afin de permettre une flexibilité aux parents pour continuer à aborder le reste des domaines d’apprentissages de façon plus adaptée.


Le projet de règlement du ministre Roberge : tout n’est pas terminé!

Il y a un mois la HSLDA publiait ce billet sur le projet de règlement du ministre du monopole de l'Éducation, Roberge:


La fin de semaine dernière vient de marquer la fin de la période des 45 jours prévus par la loi avant que ne puisse être adopté le projet de Règlement modifiant le Règlement sur l’enseignement à la maison. Maintenant que cette période est terminée, quelle sera la suite des événements?

Le ministre de l’éducation et ses collègues doivent maintenant revoir le texte déposé le 27 mars dernier, à la lumière des commentaires reçus au cours des dernières semaines de la part des parents éducateurs, des associations, des professionnels de l’éducation et des autres intéressés. Suite à cela, le projet de règlement pourrait être modifié puis adopté au cours des prochaines semaines ou des prochains mois. Contrairement à un projet de loi, un projet de règlement n’est pas voté à l’assemblée nationale et ne requiert pas de débat devant le parlement élu. La décision finale revient donc au ministère de l’Éducation et c’est pourquoi la mobilisation des parents éducateurs est d’une importance capitale. De nombreux règlements sont en effet adoptés en ne bénéficiant que de peu de visibilité alors qu’ils affectent les citoyens autant ̶ sinon plus ̶ que les lois elles-mêmes.

Les dernières semaine ont été particulièrement intéressantes, alors que le mouvement de l’école-maison a été présent comme jamais auparavant dans différents médias. À ce chapitre, soulignons le travail exceptionnel de Manon Fortin (HSLDA Canada), Patrice Boileau (ACPEQ) et Noémi Berlus (AQED) qui ont profité de toutes les tribunes disponibles pour défendre la cause des parents éducateurs du Québec. Merci à vous!

Nous voulons également remercier nos membres, les membres des différentes associations d’école-maison et les familles qui font l’école-maison partout au Québec. Votre mobilisation a eu un impact sur le déroulement des événements. Par le biais de courriels, de lettres, d’appels téléphoniques et de rencontres avec vos députés, vous avez expliqué les mérites de la voie éducative que vous avez choisie et la menace que représente l’initiative du gouvernement actuel. Cette mobilisation a poussé entre autres les députées Marwah Rizqy (du parti Libéral) et Christine Labrie (de Québec Solidaire) à se rallier à la cause. Démontrant une très bonne connaissance du dossier et une grande ouverture à la diversité, elles ont toutes deux questionné le ministre Roberge au sujet de son projet de règlement et ont même pris la parole au cours de la manifestation qui s’est déroulée le 7 mai dernier à Québec, prenant ainsi ouvertement position en faveur des parents éducateurs.

L’équipe de la HSLDA s’est quant à elle affairée à conseiller et soutenir activement ses membres pour la défense de leurs droits. Nous avons également soumis nos recommandations au ministre de l’Éducation et avons rencontré tout récemment le ministre de la Justice, lequel est chargé d’examiner le projet de règlement afin de s’assurer de sa légalité, de son harmonisation avec les lois et règlements en vigueur, de sa conformité juridique avec le but recherché, de la cohérence de ses dispositions et de la qualité de sa rédaction.

Tout n’est pas terminé!

Bien que les 45 jours soient maintenant écoulés depuis le dépôt du projet de règlement, nous vous encourageons à continuer de communiquer avec vos différents députés, à rédiger des lettres ouvertes, à communiquer avec des journalistes, à organiser des manifestations pacifiques et des activités de sensibilisation pour le public. Chaque homme ou femme politique, chaque journaliste et chaque citoyen mieux informé sur la pertinence et la beauté de l’école-maison contribue à renforcer le mouvement.

Plusieurs mémoires et commentaires ont été rédigés à l’intention du ministre, de la part d’organisations et de citoyens ayant différentes perspectives. D’ailleurs, le Protecteur du citoyen vient tout juste de publier un excellent commentaire au sujet du projet de règlement. Il y remarque que nous n’avons pas une connaissance suffisante de l’impact de la réglementation actuelle et qu’il est donc prématuré de la modifier. Le Protecteur du citoyen recommande donc au ministre de reporter à plus tard les modifications prévues au projet de règlement et, d’ici là, de consulter les parents éducateurs, les intervenants du réseau scolaire et des spécialistes. Nous vous encourageons à partager ce document avec vos députés et de leur demander de solliciter une réponse du ministre.

En cette période décisive pour les parents éducateurs du Québec, la HSLDA Canada est à vos côtés et déploie tous les efforts possibles afin que les événements actuels mènent à un dénouement positif. Nous vous tiendrons informés de tout nouveau développement lié au projet de règlement et sommes toujours à votre disposition si vous avez des questions.

Le ministre Roberge : « l’État québécois veillerait plus que jamais à ce que chaque jeune reçoive une éducation adéquate. »

Dans un entretien, le ministre Roberge a affirmé que « l’État québécois veillerait plus que jamais à ce que chaque jeune reçoive une éducation adéquate. »

Le ministre Roberge devant un parent qui l’implore, la réponse sera NON.

En ce sens, le ministre a soutenu qu’il n’avait rien contre les écoles privées dotées d’une certaine mission confessionnelle, mais qu’il ne « fallait pas que la transmission de la foi empêche tout le reste » et « entre en compétition » avec le programme d’enseignement régulier.

Enseigner tout le programme du Monopole

Sur ce point, Jean-François Roberge a rappelé que, même si un enfant était éduqué dans une école privée ou encore à la maison, ce dernier devait absolument se faire enseigner le programme du ministère de l’Éducation dans son entièreté, et ce, peu importe les croyances. Bref, le ministère veut imposer son monopole pédagogique, peu importe les croyances des parents (et s’ils ne sont pas contents qu’ils se ruinent à contester le monopole d’État, voir les procès contre ECR).

« Faire le choix de l’école à la maison, c’est permis, c’est correct. C’est permis partout en Occident, mais, au Québec, on lève la barre. [Hmmm. On y brime la liberté pédagogique des parents, oui !] On dit : “c’est correct, vous pouvez faire ce choix-là, mais attention, c’est une grande responsabilité que vous prenez comme parent” », a-t-il insisté.

Aucune preuve du manque de qualité

Dans le dernier épisode, monté en épingle par Roberge car caricatural et donc utile pour lui, qui implique des parents membres d’une secte très minoritaire et étrange, rien n’indique dans les propos du ministre ou les dépêches de presse que les enfants étaient mauvais en français, en mathématiques, qu’ils réussiraient mal des épreuves scolaires organisées par des tiers compétents. Ni bien sûr que les jeunes formés par cette école (désormais privée de son permis) s’intégraient mal dans la vie professionnelle comme jeunes adultes. Non, il semble que les problèmes sont idéologiques en raison de « valeurs religieuses ». Évidemment, le ministre Roberge se drape de sa toge de protecteur de l’éducation de qualité auxquels tous les enfants du Québec auraient droit pour imposer cette fermeture d'école. L’astuce est grosse. Rappelons que les écoles publiques du Québec connaissent un taux de décrochage alarmant, qu’elles forment trop d’analphabètes fonctionnels, si l’on en croît, M. Roberge, quand il était encore dans l’opposition...

Le diagnostic de M. Roberge candidat... Ministre, il veut désormais que les parents imitent cette école qui diplôme des « analphabètes » ?

Contradiction ?

L’instituteur devenu ministre du Monopole de l’Éducation prétend que les jeunes du Québec reçoivent une éducation adéquate en suivant « l’entièreté » du programme du Monopole. Est-il permis encore de penser que ce n’est pas nécessairement vrai ? En quoi est-ce un programme de qualité ? Un programme qui ne transmet pourtant que très peu de culture générale, mais beaucoup d’idéologie. Parce que M. Roberge le dit ? Est-ce que l’imposition d’ECR, auquel Roberge tient mordicus, fait partie de cette « éducation adéquate » ?

On ne nous ôtera pas de l’esprit que Roberge, qui ne semble pas tolérer l’idée que des programmes équivalents ou meilleurs puissent exister en parallèle à celui de son ministère, est fort rigide et arrogant sur ce sujet. Pourquoi ne mentionne-t-il donc jamais la possibilité d’équivalence de programmes scolaires ?


Voir aussi

L’école à la maison du professeur idéaliste

Un État tatillon en éducation est-ce mieux ?

Québec — le programme ECR serait là pour de bon selon le ministre Roberge

Pétition en faveur de l’instruction à la maison menacée par le règlement Roberge

Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques

Histoire — l'ex­clusion des femmes du suffrage fut davantage le fait de l'idéologie progressiste que de la pensée réactionnaire.


Texte de l’historien Jean-Marc Albert paru dans Valeurs actuelles du 13 juin 2019 :

Si les femmes ont obtenu le droit de vote plus tardivement en France qu’ailleurs, c’est en raison d’une idéologie révolutionnaire qui les considérait comme des « êtres » politiquement inachevés.

Il y a 75 ans, les femmes [en France] obtenaient le droit de vote. Alors que nombre de pays l’avaient déjà adopté, la France demeurait une exception longtemps imputée au conservatisme des élites. À y regarder de près, l’ex­clusion des femmes du suffrage fut davantage le fait de l’idéologie progressiste que de la pensée réactionnaire. 

La Révolution émancipa à tel point l’homme qu’elle en oublia les femmes. Ainsi, en 1793, Amar annonce devant des conventionnels ravis qu’il « n’est pas possible que les femmes exercent les droits politiques ». Il ne fait que reprendre un discours misogyne auquel médecins et pen­seurs du XVIIIe siècle ont donné leur caution. S’éloignant des interprétations chrétiennes, les Lumières convoquent un fondement naturel [Note du carnet : et l’Antiquité gréco-romaine] pour dévaloriser les femmes. La révo­lution inscrit en droit ce consensus : la fragilité de leurs corps les rend incapables de voter. Les mouvements révolutionnaires du XIXe siècle sont hos­tiles aux revendications féministes considérant qu’elles affai­blissent., par scissiparité, la lutte des classes. Pour combattre la misère des femmes, il faut s’attaquer au capitalisme, non aux « droits » masculins. La Révolution faite, les inégalités tomberont d’elles-mêmes. En 1848, le socialiste Proudhon, estimant que « le ménage et la famille » sont le « sanctuaire » des femmes, porte une hostilité à ce droit qui imprime long­temps la pensée de gauche. En se politisant., les féministes endossent toutes ces contradictions. Elles se sentent d’ailleurs trahies par la révolution de 1848 qui voit le suffrage universel masculin restauré.

Le moteur révolutionnaire de l’histoire reste viril. Après 1871, les républicains au pouvoir excluent les femmes des lieux politiques en les renvoyant à leur fonction maternelle. Dans l’esprit de Ferry, leur ins­truction n’est pas de. destinée à en faire un sujet autonome, mais seulement à les « émanciper » de l’Église et à produire les mères de futurs républicains. 

C’est dans les milieux conservateurs que la question res­surgit après-guerre. La catholique Pologne octroie le suf­frage féminin en 1918. Le pape Benoît XV y est favorable. La Chambre des députés [de France], à droite, vote en ce sens, mais le Sénat, radical [de gauche donc] bloque ce choix en 1922. Les groupes chrétiens se déploient pour ce droit. La Ligue féminine d’action catho­lique, forte de ses 2 millions d’adhérentes, insiste sur la complémentarité des rôles au sein du couple en refusant de sacrifier le respect de la mater­nité à l’exigence de droits poli­tiques. À gauche, on dénonce une lubie de femmes aisées indifférentes aux luttes sociales. Les syndicats, surtout la CGT, rechignent à leur faire une place. En 1944, l’Assemblée consultative d’Alger veut « récompenser » les femmes issues de la Résistance. D’ultimes arguties contre une surreprésentation féminine du vote en raison du grand nombre de prisonniers n’empêchent pas les femmes de s’exprimer le 29 avril 1945.

La vision barrésienne du « suffrage des morts » l’emporte. Une victoire qui ne doit rien aux féministes.

Ce n’est donc pas une vision réactionnaire des femmes qui explique ce « retard » français, mais une idéologie révo­lutionnaire au nom de laquelle elles sont perçues comme des « êtres » politiquement inachevés pour pouvoir voter en toute autonomie. Les progressistes ont eu raison de craindre le vote des femmes, en 1945, elles votèrent de manière plus conservatrice que les hommes.