dimanche 7 avril 2019

Cinéma — « Guerre de classe » : quand mêmes les parents « métissés » fuient l'école publique et laïque

Critiques (deux avis se confrontent) :






Billet du 27 mars

Sofia et Paul emménagent dans une petite maison de banlieue. Elle, brillante avocate (forcément) d’origine magrébine, a grandi dans une cité proche.

Lui, Français de souche, batteur punk rock et anar dans l’âme, cultive un manque d’ambition de « looser » !


Comme tous les parents, ils veulent le meilleur pour leur fils Corentin, élève à Jean Jaurès, l’école primaire du quartier.

Mais lorsque tous ses copains désertent l’école publique pour l’institution catholique Saint Benoît, Corentin se sent seul.

Comment rester fidèle à l’école « républicaine » (comprendre laïque et publique, les autres n’étant pas royalistes...) quand votre enfant ne veut plus y mettre les pieds ?

Pris en étau entre leurs valeurs laïques et leurs inquiétudes parentales, Sofia et Paul vont voir leur couple mis à rude épreuve par la « lutte des classes ».



Enfants éduqués à la maison... adultes bien adaptés?

Un texte de Rachel Arseneault, ergothérapeute

Les familles qui font l’école-maison font souvent l’objet d’idées préconçues en ce qui concerne les résultats d’une telle approche à long terme. Notamment, on s’inquiète de la socialisation de ces jeunes, de leur niveau de connaissance, de leur taux de diplomation, de leur capacité d’intégration dans le système d’éducation et de leurs chances de réussite pour décrocher un emploi par la suite. Les médias ont tendance à véhiculer l’image d’enfants qui grandissent isolés, qui restent dépendants et renfermés parce qu’ils auraient été trop longtemps couvés par leurs parents et qui ne s’ajustent pas bien au stress ou aux contraintes de la vie adulte.


Mais est-ce vraiment le cas ? Et si on demandait aux jeunes et aux adultes eux-mêmes ?

Un sondage informel a été réalisé auprès d’une quarantaine d’adultes de partout au Québec qui ont fait l’école-maison quand ils étaient jeunes. Les témoignages recueillis pourraient vous surprendre ! Écoutons-les...

Les enfants d’école-maison, pas « socialisés » ?

On pourrait penser que les enfants n’ayant jamais fréquenté l’école ne développent pas les qualités interpersonnelles essentielles pour intégrer le système scolaire par la suite. Pourtant, selon l’expérience de ces enfants, l’école à domicile ne se limite pas à remplir des cahiers en restant à la maison… « On peut apprendre ailleurs que dans une salle de classe : dans les musées, en voyage, etc. On apprend le respect des autres et l’ouverture aux différentes cultures. » (Justine Villeneuve, 20 ans)

Les répondants au sondage ont vécu des expériences épanouissantes, riches en contacts sociaux et, de façon générale, ils ont su s’adapter tout à fait adéquatement au milieu scolaire, avec parfois quelques ajustements nécessaires. Ils rapportent avoir eu de la facilité à s’intégrer socialement et à se faire des amis.

« La première fois que j’ai mis les pieds dans une école, c’était pour mon cours de conduite, que je faisais en même temps que ma 1re année à l’université ! Tout ce que je peux dire, c’est que je n’ai eu aucun problème à suivre le reste de la classe, à me faire des amis, etc. » (Kateri Bernier, 26 ans)

Anne Jisca Gaucher, 35 ans, a commencé l’école-maison en 1re secondaire. Elle a dû refaire en survol plusieurs années, car les bases acquises à l’école n’étaient pas solides ou suffisantes. Elle a obtenu de bons résultats ensuite et a pu être admise dans un collège sans problème.

Rachel Mathieu, 19 ans, raconte son cheminement : « À la maison, mes parents m’ont appris à garder une éthique de travail exemplaire, à gérer mon attitude et mes émotions envers les autres et à faire preuve de compassion. Quand je suis entrée à l’école secondaire à l’âge de 13 ans, l’adaptation a été difficile, mais depuis, j’ai une grande facilité à m’adapter à différents contextes et situations. Je vois donc cette étape de ma vie comme un apprentissage qui m’a beaucoup aidée. »

Thomas Couture, 20 ans, a intégré le système d’éducation en 1re secondaire. « J’étais stressé, mais ça s’est bien passé ». Thomas a suivi une formation en électromécanique et travaille maintenant comme technicien en automatisation au travail.

Obtiennent-ils un diplôme ?

Pour la quarantaine de répondants au sondage, les avenues empruntées après leurs études secondaires étaient nombreuses et variées, tout comme les domaines d’études en cours ou les diplômes acquis : attestation d’études collégiales en éducation à l’enfance, baccalauréat en traduction, formation en herboristerie, maîtrise en philosophie, diplôme d’études professionnelles en secrétariat, technique en audioprothèse, doctorat en ostéopathie, baccalauréat en cours au conservatoire de musique, formation continue dans le domaine agricole, baccalauréat en sciences comptables, certificat en sciences sociales, diplôme technique en documentation, certificat en gestion de l’information numérique, technique en gestion de projets en communications graphiques, etc.

Selon le Centre canadien pour l’école-maison (CCHE, 2009), les diplômés de l’école-maison détiennent en plus grande proportion un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat que la population générale.

« Mon expérience d’école-maison m’a permis de développer une immense autonomie d’apprentissage, la confiance en moi et une grande curiosité que je garde encore à ce jour. J’ai obtenu mon baccalauréat en sciences infirmières en mai 2018 et je travaille comme infirmière clinicienne depuis. » (Anne-Marie Légaré, 24 ans)

« J’ai obtenu un diplôme d’études collégiales en sciences de la nature. J’ai ensuite terminé un baccalauréat en mathématiques. Je termine présentement une maîtrise en mathématiques pures, concentration enseignement des mathématiques. Je fais du tutorat en mathématiques depuis 8 ans, je suis également auxiliaire d’enseignement et chargée de cours à l’université et tutrice externe au cégep. » (Amélie Compagna, 27 ans)

Décrocher un emploi après avoir fait l’école-maison ?

Il semble que le fait d’avoir étudié hors du système scolaire ne limite pas les chances pour les jeunes d’école-maison de poursuivre une carrière ni de trouver un emploi, au contraire. Selon certaines études américaines, ces jeunes seraient même recherchés par les employeurs pour leur sens de l’initiative, leur créativité, leur flexibilité et leur esprit d’entrepreneuriat.

« Je suis propriétaire de l’entreprise que j’ai démarrée il y a 4 ans, à l’âge de 17 ans, et je suis auteure de romans que j’espère publier bientôt. J’ai aussi travaillé de façon saisonnière pour différentes entreprises et je n’ai eu aucun problème à m’intégrer dans les équipes et à gérer les différents types de travail. L’éducation à domicile m’a aidée à vaincre mes faiblesses et à apprendre concrètement à gérer les problèmes du quotidien de la vie adulte. » (Rosalie Villeneuve, 21 ans)

« En postsecondaire, j’ai étudié en administration et en traduction. J’ai eu une entreprise de détail pendant quelques années et par la suite je suis devenue professeure d’anglais, langue seconde, à l’école aux adultes. Depuis 2009, je gère une agence de traduction et je suis également productrice maraîchère pour notre ferme en démarrage. » (Rachel Connolly, 38 ans)

« Mon intégration au cégep et à l’université a été très facile. Je suis présentement adjointe administrative de direction dans une entreprise de construction. Je n’ai jamais eu de problème à me trouver un emploi ni à le garder. Mes employeurs ont toujours été très satisfaits de mon travail. » (Esther, 25 ans)

Sont-ils bien préparés à la vie adulte ?

La plupart des adultes questionnés estiment que l’éducation à la maison les a bien préparés à faire face aux exigences de la vie adulte.

Katerine Charbonneau, 35 ans, une femme pétillante de vie, est certainement un exemple de « succès » de l’école-maison. Après avoir fait ses études primaires et secondaires entièrement à la maison, Katerine a passé pour la première fois des examens pour obtenir son diplôme d’études secondaires. Elle a ensuite poursuivi ses études collégiales, puis universitaires, pour compléter son diplôme de médecine familiale en 2011. Elle pratique maintenant comme médecin de famille en Abitibi. « J’ai beaucoup aimé mon expérience d’école-maison. En tant qu’adulte, j’ai conservé comme principe de vie celui d’être un “lifelong learner” (apprenant perpétuel). Mes parents se sont beaucoup investis pour que je devienne une adulte responsable, impliquée et consciencieuse. »

Heidi J., 21 ans, rapporte qu’elle a vraiment aimé faire l’école à la maison. « Ça nous apprend à être organisés et responsables. Il n’y a pas de perte de temps en classe. J’ai appris à cuisiner dès un jeune âge, ce qui a de beaucoup facilité ma transition à la vie d’appartement. »

« J’ai reçu tout ce dont j’avais besoin pour me préparer à la vie adulte avec un bagage plus riche que mes camarades du même âge. Je me considère choyée d’avoir reçu cette éducation ! » (Kimberly Fournier, 27 ans)

L’école-maison, une expérience positive ou non, globalement ?

Pour la très grande majorité des répondants, l’expérience des apprentissages en famille s’est avérée un franc succès. Ils en parlent de façon très positive et ne changeraient rien à leur cheminement ! « L’école-maison m’a permis d’apprendre à mon propre rythme. J’ai adoré ! » (Alex Saumure, 22 ans.) Plusieurs remercient leurs parents de leur avoir permis d’explorer leurs intérêts et d’étudier à leur vitesse. Ils apprécient particulièrement d’avoir pu prendre des initiatives et d’avoir pu s’instruire de façon autodidacte, souvent plus rapidement qu’à l’école. « L’école à la maison m’a permis d’apprendre à aimer apprendre ! » (Thomas Picard, 18 ans)

Félix Gauthier-Mamaril, 24 ans, a intégré le système d’éducation au niveau universitaire et il est détenteur d’une maîtrise en philosophie. Un des points forts de son éducation à la maison a été « l’encadrement intellectuel encourageant une pensée autonome, libre et critique ».

Pour plusieurs jeunes, comme A-L. Godfrey, l’école-maison a été l’occasion de voyager. Manouka Douillard, 19 ans, raconte qu’elle a voyagé énormément avec ses parents et qu’elle est ainsi devenue parfaitement bilingue. S. C., 18 ans, a pu apprendre à lire et à écrire en anglais dès sa première année, ce qu’il considère comme un avantage.

Nicolas Houle, 19 ans, affirme : « Être élevé en dehors du moule m’a ouvert les yeux sur plusieurs aspects de la vie. Si je me fie à mes amis qui ont eu le même parcours que moi, ils sont tous autant satisfaits que moi d’avoir fait l’école-maison. Je crois que cette pratique devrait être favorisée au Québec. »

À la lumière de ces témoignages, il est peut-être temps, comme société, de revoir l’idée que nous nous faisons des enfants éduqués à domicile. C’est un parcours certes différent de celui suivi par la majorité des jeunes Québécois, mais qui gagnerait à être mieux connu pour tous les fruits qu’il porte chez les jeunes qui vivent cette expérience unique!

À la lumière de ces témoignages, il est peut-être temps, comme société, de revoir l’idée que nous nous faisons des enfants éduqués à domicile. C’est un parcours certes différent de celui suivi par la majorité des jeunes Québécois, mais qui gagnerait à être mieux connu pour tous les fruits qu’il porte chez les jeunes qui vivent cette expérience unique!

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