jeudi 25 mars 2010

Luc Phaneuf et Stéphanie Tremblay sur le cours ECR

Luc Phaneuf et Stéphanie Tremblay sont deux enseignants du cours ECR.

Stéphanie Tremblay est l'auteur d'un livre sur l'histoire de la déconfessionnalisation des écoles publiques québécoises et de l'imposition du cours d'éthique et de culture religieuse à toutes les écoles, publiques et privées, au Québec. Cet ouvrage publié chez Fides, maison qui se spécialisait autrefois dans les ouvrages catholiques et religieux, devait à l'origine s'intituler « École, religions et formation du citoyen : transformations au Québec (1996-2009) ». Titre assez transparent : l'école publique et donc l'État forment les citoyens, pas les parents, ni les autres corps intermédiaires.

L'ouvrage est paru avec de nombreux mois de retard, il devait paraître en octobre 2009, il n'est sorti qu'à la fin février 2010 avec un titre plus banal et assez typiquement québécois progressiste : « École et religions : genèse du nouveau pari québécois ». Pari, et non plus formation du citoyen. C'est beau, c'est enlevant un « pari » ! On comprend que, pour l'auteur ou les éditions Fides qui avaient déjà publié l'opuscule pro-ECR de Georges Leroux mais refusé le livre anti-ECR de Guy Durand, la suppression des cours de religion et l'imposition du programme ECR seraient une bonne chose.

Mlle Tremblay s'efforce de ne pas prendre position dans cette vidéo jusqu'au point de paraître insipide (on peut également la voir dans le même registre « neutre » dans cette autre vidéo). Or, il faut savoir que c'est une disciple de Micheline Milot qui a dirigé son mémoire de maîtrise déposé en juin 2008. La professeur Milot est l'une des premières théoriciennes de la laïcité multiculturaliste au Québec, cette sociologue a siégé à la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables et a participé au long processus de réflexion ayant conduit à la création du programme d’éthique et de culture religieuse, maintenant enseigné dans les écoles du Québec. Elle a rappelé avec émoi son rôle de pionnière dans le domaine : « J’ai commencé à parler de la nécessité d’un enseignement culturel des religions en 1982, quand j’étais étudiante à la maîtrise ».

Son mémoire n'ayant dérangé personne dans l'équipe de Micheline Milot et les cénacles multiculturalistes pro-ECR, Stéphanie Tremblay a reçu une des plus grosses bourses du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) pour faire son doctorat (105 000 $) sur le thème du Traitement du pluralisme religieux en contexte éducatif. Selon nos informations, plutôt que commencer aussi vite que possible son doctorat, Mlle Tremblay aurait décidé d'attendre un an avant de le commencer pour... donner le cours ECR ! C'est ainsi qu'elle aurait remplacé une enseignante en congé de maternité durant l'année scolaire passée (2008-2009).

Stéphanie Tremblay a beau dire qu'elle ne prend pas position dans la vidéo ci-dessous, elle le fait dans son livre en affirmant que la position « laïque intégrant le pluralisme religieux » (une nouvelle périphrase à ajouter au dictionnaire des synonymes de l'interculturalisme québécois) est la seule qui assure le respect des droits fondamentaux... Cette étudiant prend à nouveau position en conclusion de son ouvrage lorsqu'elle écrit que les critiques adressées au cours « mettent en relief le rôle majeur que le cours ÉCR est appelé à jouer dans une société comme la nôtre ». Georges Leroux le disait déjà plus clairement en déclarant que, grâce au cours ECR, « nos enfants seront meilleurs que nous arce qu'ils seront d'abord plus ouverts à la diversité religieuse et morale et plus investis dans un pluralisme normatif. Ils croiront qu'il est préférable d'être pluriel que d'être homogène » (3 mai 2007 devant les membres de la Fédération des établissements de l'enseignement privé).



Luc Phaneuf et Stéphanie Tremblay sur la chaîne catholique Sel + Lumière la fin de semaine passée


Le cas de Luc Phaneuf est plus complexe.

D'une part, parce qu'il condamne le cours ECR au niveau du primaire — ce qui ne transparaît pas dans la vidéo ci-dessus — et que ses déclarations sont multiples sur le sujet. C'est ainsi que, dans la vidéo ci-dessous qui ne date pourtant que d'il y a quelques mois, M. Phaneuf se rend bien compte que le cours ECR est instrumentalisé au niveau politique avec des visées multiculturalistes évidentes.



Dans la vidéo ci-dessous, M. Phaneuf comprend les réticences des parents catholiques qui ont des convictions très fortes (qu'ils ne qualifient pas « de purs et durs » ici) face à l'imposition du programme ECR. M. Phaneuf y reconnaît aussi que les prémisses du programme ECR sont que toutes les religions se valent et qu'il est normal que ce relativisme et la place consacrée à d'infimes minorités religieuses comme les spiritualités autochtones fassent réagir dans les chaumières.



Mais revenons sur la dernière apparition du théologien Phaneuf sur Sel & Lumière la fin de semaine passée et sur ses colonnes dans le NIC sur le même sujet.

M. Phaneuf y dit, pour résumer, que le cours n'est pas le monstre qu'on a voulu dépeindre, qu'entre les mains d'un bon professeur, avec de bonnes notes de cours, le cours peut être bénéfique et servir d'éveil spirituel à ces très nombreux jeunes qui auparavant n'entendaient pas parler de la religion. Comme il l'écrit dans le NIC du 21 mars : « Un prof convaincu et habile fera des miracles avec ce cours dans les consciences des jeunes, surtout les incroyants agnostiques. »

Rappelons que M. Phaneuf enseigne dans un collège privé (Stanislas) qui utilise le programme français de France comme Marie-de-France. Toutefois, Marie-de-France qui suit le même programme français ne donne pas le cours d'éthique et de culture religieuse en tant que tel, mais dit le donner de façon transversale dans ses cours de français et d'histoire. (Comparez les programme d'histoire français et québécois ! Voir aussi ici.)

Chose troublante, le cahier d'activités d'ECR de 3e (secondaire III/IV) que recommande Stanislas est Dialogue II - 3e année du 2e  cycle du secondaire — Éditions La pensée, collection Agora de Chantal Bertrand et Mélanie Dubois. Le fameux manuel « Françoise David » qui consacre plus de pages sur le féminisme que sur la description des grandes religions ! Le cahier ECR de 4e (secondaire II/III) prescrit est des mêmes auteurs qui se disent féministes et publié dans la même collection.

Mais reprenons les arguments de Luc Phaneuf :

  1. Ce n'est pas le monstre que l'on a dépeint — tous les critiques sérieux du programme ECR ont toujours déclaré qu'il y avait des points positifs au programme ECR, mais que globalement il y avait moyen de faire bien mieux autrement, car on pouvait légitiment adresser de nombreux reproches à ce programme.

  2. Sans le cours ECR beaucoup de jeunes n'auraient pas accès à la culture religieuse que ce cours offre : admettons, mais cela n'explique en rien la suppression de cours de religion ou l'imposition du cours ECR à tous y compris dans les établissements privés qui offrent déjà cette culture religieuse, mais de façon confessionnelle. Il suffisait d'améliorer le cours de morale et de maintenir le régime d'option.

  3. Il faut de bons professeurs : ce n'est pas le cas, ce n'était déjà pas le cas avec l'ancien cours confessionnel, on ne voit pas comment cela le serait spontanément avec un cours abordant encore plus de religions et qui exige désormais une position dite neutre — même dans le dialogue — ce que certains auteurs considèrent irréaliste ou de mauvais aloi : on n'enseigne pas des valeurs en n'étant pas un exemple et en laissant dialoguer des élèves sans les guider.

  4. Avec du bon matériel pédagogique : le problème est évident de l'aveu même de Luc Phaneuf, une bonne part du matériel pédagogique est mauvais. Qu'est-ce qui empêchera de l'utiliser ? En outre, il faudrait définir le bien et le mal ici. Des progressistes trouveront excellent qu'un manuel aborde plus les questions écologistes, féministes et celles liées à l'homoparentalité et à la « justice sociale » que les aspects religieux. Des parents conservateurs s'en insurgeront. Une saine conception du pluralisme devrait permettre de comprendre cela...

  5. Un professeur convaincu et habile fera des miracles, il éveillera la spiritualité des élèves. Deux problèmes ici :

    1. Et un professeur convaincu, habile agnostique ou athée fera-t-il lui aussi des miracles en semant le doute ? Il y a aussi les professeurs adeptes des spiritualités orientales ou autochtones et qui y reviennent sans cesse. Cela n'a rien d'étonnant, ni de contraire au programme, quand on se souvient que le programme officiel ne prescrit presque aucun contenu.

    2. Est-ce l'objectif du cours ? Est-ce qu'un professeur habile qui éveille les élèves adopte la posture neutre qu'exige ce cours ? Est-ce que le cours doit répondre à une quête de sens ? Pas selon Stéphanie Tremblay dans le même extrait vidéo.

  6. (silence), Luc Phaneuf ne parle plus de l'instrumentalisation politique du programme ECR.

  7. (silence), on remarquera que le professeur ne parle pas du dialogue compétence centrale, compétence où le professeur est réduit au rôle d'animateur neutre, où l'on apprend à respecter les opinions des autres, plutôt qu'autrui. Que fait-on de l'erreur ? Rien, sauf si l'énoncé est manifestement erroné ou enfreint le politiquement correct (constitue une « entrave au dialogue »). Autrement dit, il n'est pas sûr que la vérité politiquement ou religieusement incorrecte sera tolérée alors que des propos mal étayés — et sans doute faux — rabâchant le prêt-à-penser progressiste seront tolérés et même bien accueillis, car ils seront la preuve d'une « ouverture ».

  8. (silence), enfin le professeur Phaneuf n'aborde pas la nature même du programme dont le but explicite est « d’initier l’élève aux différentes cultures et aux différentes religions et de les présenter comme des manifestations de l’esprit créateur humain, tout aussi légitimes que la sienne » (rapport Proulx, p. 90). Bref, à un certain relativisme.
On comprend qu'un théologien comme Luc Phaneuf fait de son mieux avec un cours qu'on lui impose et que, s'il ne se conforme pas trop aux objectifs du cours et à la posture neutre prescrite, il peut guider ses élèves vers un éveil spirituel : il doit toutefois comprendre que son discours peut tromper les parents dont les enfants auront des professeurs fort différents, moins religieux, plus « neutres » et utiliseront des manuels et cahiers d'ECR très populaires.






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À nouveau un manque de consultations

Lettre ouverte de parent de la région de Sherbrooke parue dans la Tribune d'avant-hier.

À Madame Courchesne, ministre de l’Éducation et des Loisirs et des Sports

Je vous écris ce courriel pour vous faire part de mon opposition à la modification du calendrier scolaire.

Trop de décisions ont été prises par votre gouvernement sans que les gens aient été suffisamment consultés. Et cela, même lorsque la majorité de la population s'est prononcée contre, qu’il s’agisse de la réforme scolaire qu'on s'entête à appliquer même si elle est très fortement contestée ou de l'obligation d’assister au cours d’éthique et de culture religieuse, malgré le fait que deux sondages démontrent clairement que la population se prononce pour le libre choix.

Vivons-nous encore dans un Québec démocratique où la liberté de conscience est encore possible ? Vous demeurez insensible à nos récriminations. Et voilà que maintenant vous voulez modifier le calendrier scolaire sans véritable démarche pour consulter la population.

Je vous parle en tant que personne qui tient à ce qu'on respecte les grandes fêtes religieuses qui demeurent aujourd'hui des repères culturels pour la majorité d'entre nous. Nous avons besoin de repères identitaires, de repères historiques. Le Québec ne s'est pas formé sur un nuage. Des gens se sont battus pour leurs valeurs, pour leurs enfants, pour leur population.

Je parle aussi en tant que parent de quatre enfants qui sont des athlètes dans leurs sports respectifs. Les espaces de congé communs sont aussi des moments où les jeunes peuvent vivre l'excellence de leur sport à travers des compétitions et des tournois. N’êtes-vous pas aussi la ministre des Sports ?

Je ne comprends pas votre entêtement à ne pas écouter vos électeurs. Ne serait-il pas le temps de réagir positivement avant qu'il ne soit trop tard ?


Claudette Lavallée,
Sherbrooke






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