vendredi 28 février 2025

Elon Musk et les organisations dites non gouvernementales mais qui sont massivement financées par l'État


Elon Musk au micro de Joe Rogan — Les ONG sont un véritable cauchemar. Et c'est un terme erroné car si on a une organisation non gouvernementale financée par le gouvernement, on est tout simplement en face d'une organisation financée par le gouvernement. C'est un oxymore.

Joe Rogan — Oui, c'est une échappatoire.

Elon Musk — Oui, en fait, les ONG financées par le gouvernement sont un moyen de faire des choses qui seraient illégales s'il s'agissait du gouvernement, mais qui sont en quelque sorte rendues légales si les fonds sont envoyés à une soi-disant organisation à but non lucratif. Mais ces organisations à but non lucratif sont ensuite utilisées, les gens retirent de l'argent de ces organisations à but non lucratif. Ils deviennent très riches grâce aux organisations à but non lucratif, ils se versent des sommes énormes par le biais de ces organisations.

Joe Rogan — C'est insensé. De voir que cela dure depuis si longtemps.

Elon Musk — C'est une gigantesque escroquerie. L'une des plus grandes, peut-être la plus grande escroquerie de tous les temps.

Joe Rogan — Et combien y a-t-il d'ONG ?

Elon Musk — Euh, je pense, un total d'ONG... probablement des millions. Mais en termes de grandes ONG, des dizaines de milliers. C'est une sorte de piratage du système. Lorsque quelqu'un parvient à créer une ONG pour une somme d'argent relativement modeste, George Soros est vraiment doué pour cela. George Soros est comme un « pirate » du système, il a compris comment pirater le système. C'est un génie de la médiation. Je veux dire, de nos jours, il est assez vieux, mais c'est un génie de de l'effet de levier. Il a donc compris qu'il était possible d'utiliser une petite somme d'argent pour créer une organisation à but non lucratif, puis de faire pression sur les politiciens pour qu'ils envoient une tonne d'argent à cette organisation à but non lucratif. Ainsi, vous pouvez prendre ce qui pourrait être un don de 10 millions de dollars à une organisation à but non lucratif pour la créer et la transformer en une ONG d'un milliard de dollars. Sans but lucratif est un mot bizarre, il s'agit simplement d'une organisation non gouvernementale que le gouvernement continue de financer chaque année. Elle portera un nom qui sonne bien, comme « Institut pour la paix » ou quelque chose comme ça. Mais en réalité, il s'agit d'une mine de pots-de-vin. 

Mali — Sous la pression financière de la junte militaire, les écoles catholiques menacent de fermer


Au Mali, une forme insidieuse de sécheresse frappe l’enseignement catholique qui risque d’être privé d’une manne indispensable à sa survie : la junte militaire au pouvoir a en effet confirmé son intention de geler toutes les subventions publiques accordées aux établissements catholiques dans le pays.

L’école catholique a su peu à peu se rendre indispensable dans le système éducatif malien. Les premiers établissements scolaires gérés par l’Église catholique ont été fondés entre 1889 et 1904 sur le sol de ce que l’on nommait alors le Soudan français, avec des institutions pionnières telles l’école de Kita, fondée le 15 mai 1889, et celles de Tombouctou et Ségou, créées respectivement en 1895 et 1896.

Ces établissements ont contribué à la formation intellectuelle, morale et spirituelle de nombreux jeunes Maliens, et cela indépendamment de leur appartenance religieuse. Étant donnée cette place prépondérante, une convention est signée en 1972 entre l’État malien et l’Église catholique : elle prévoit que l’État prenne en charge 80 % du salaire des enseignants des écoles catholiques.

Coup de tonnerre en 2024 : la junte militaire au gouvernement, qui ne cache pas ses sentiments anti-français, a annoncé son intention de suspendre cette subvention, invoquant des motifs allant de la crise économique au respect de la laïcité : « Compte tenu des restrictions budgétaires, il est difficile de subventionner certaines écoles au détriment d’autres », déclarait, il y a quelques mois, l’ancien premier ministre Choguel Kokalla Maïga.

Face à cette situation, les évêques du Mali avaient envisagé un temps de suspendre les activités pédagogiques pour l’année scolaire 2024-2025 dans les 138 écoles que compte le pays. Après une série d’âpres négociations, le gouvernement avait finalement décidé de reporter la suspension des subventions à l’année scolaire 2025-2026, permettant ainsi aux écoles de continuer à fonctionner pour l’année en cours.

Plus les semaines et les mois passent, plus la situation des écoles catholiques devient incertaine : « Nous sommes complètement dans le flou et notre grande question est : “Que se passera-t-il à la fin de l’année scolaire en cours ? Devrons-nous licencier les enseignants ? Quelles options s’offrent à nous afin de poursuivre notre mission éducative dans le pays ?” », s’interroge l’un des acteurs du projet éducatif au Mali, dans un rapport publié par l’organisme Aide à l’Église en Détresse (AED), le 20 janvier 2025.

Mais la fermeture envisagée, faute de financement, d’établissements catholiques estimés par la majorité musulmane pour la qualité de leur enseignement, interroge bien au-delà des seuls catholiques qui représentent à peine 2 % de la population malienne.

Car ces écoles constituent aussi un facteur de stabilité et de paix sociale, dans un pays en proie aux violences de toutes sortes : « Dans nos écoles, dès l’enseignement primaire, les enfants sont sensibilisés à la promotion de la paix et au respect des autres », souligne le rapport de l’AED.

À la tête du Mali depuis 2020, la junte militaire dirigée d’une main de fer par le général Assimi Goïta est confrontée au djihadisme et à une crise profonde : « La région se trouve à un carrefour important, où le fait de ne pas investir dans l’éducation aujourd’hui nuira au développement économique pendant des décennies », insistait pourtant la Banque mondiale dans un rapport de 2024 pointant du doigt le ralentissement économique préoccupant des États de l’Afrique subsaharienne.

Du côté de l’AED, l’urgence est de sensibiliser l’Occident : « la communauté internationale et les organisations de soutien doivent de toute urgence explorer des moyens d’aider les écoles catholiques du Mali afin qu’elles puissent poursuivre leur rôle essentiel dans la société », s’alarme Maria Lozano, responsable média de l’organisation catholique.


Sources : AED/Crux/ACI Africa

jeudi 27 février 2025

C'est quoi être de droite, conservateur, réactionnaire ? Éric Zemmour face à Laetitia Strauch-Bonart

LAETITIA STRAUCH-BONART & ÉRIC ZEMMOUR

« Faut-il être conservateur ou réactionnaire ? »

Dans son nouveau livre, « La Gratitude » (L’Observatoire), l’essayiste libéral-conservatrice fait le récit de sa trajectoire politique et donne sa définition de la droite.

Elle dresse au passage un portrait critique d’Éric Zemmour, qu’elle classe dans la famille des « réactionnaires ». Devant les lecteurs du Figaro et du Figaro Magazine, le président de Reconquête a accepté de lui répondre.


Qu’est-ce qui distingue aujourd’hui la gauche de la droite ? Comment cette distinction a-t-elle évolué avec le temps ?

Laetitia STRAUCH-BONART – Ce qui les distingue, c’est le mot que j’ai choisi comme titre de mon livre : la gratitude. Bien sûr, c’est une simplification. Je ne prétends pas que tous les gens de gauche sont ingrats, ni que tous les gens de droite sont pleins de gratitude. Mais le terme de gratitude résume assez bien ce que nous sommes, à droite, quelle que soit la droite à laquelle nous appartenons. La gratitude, c’est d’abord l’idée qu’on a des devoirs avant d’avoir des droits, c’est la valorisation de l’effort avant la gratification immédiate, c’est l’idée aussi qu’on doit le confort de notre présent au passé, à ceux qui nous ont précédés, aux institutions qui nous entourent. Chacun d’entre nous naît dans un monde qui existe avant lui, et qui, en Occident, est un monde relativement ordonné, prospère, libre, raffiné. Au lieu de voir d’abord tout ce qui ne va pas dans ce monde, on devrait d’abord avoir de la gratitude envers tout ce qui va bien. Et il me semble qu’au contraire, la gauche, malheureusement, ordonne son programme politique autour du ressentiment, qui peut exister dans le coeur de chacun, et en fait un ressentiment collectif. Cela se traduit très concrètement par un certain nombre de politiques publiques, au premier plan la politique économique. Je n’ai pas l’impression que la gauche cherche à réduire la pauvreté : j’ai surtout l’impression qu’elle cherche à nuire aux riches et à promouvoir une politique fiscale confiscatoire, quel que soit son impact réel sur la pauvreté. Ce n’est qu’un exemple. L’opposé de la gratitude, c’est le ressentiment, le fait de ruminer tous les torts qu’on nous a faits et, au lieu d’oublier ou d’aller de l’avant – comme la droite le propose –, de s’enfermer dans la réclamation et la lamentation. Je ne prétends pas que toute la gauche soit ainsi, ni qu’elle l’ait toujours été ; je pense qu’il y a eu des périodes où la gauche était beaucoup plus courageuse et où elle voulait sincèrement aider les plus pauvres à sortir de leur condition. Mais aujourd’hui, je ne vois à gauche, sur les questions politiques, culturelles, économiques, que de l’amertume et très peu d’espoir.

Éric ZEMMOUR – Je n’aurais peut-être pas choisi ce mot. En revanche, je suis tout à fait d’accord avec ce que vous lui associez, quand vous dites par exemple que la droite, c’est sans doute le fait de reconnaître qu’on doit beaucoup à ceux qui nous ont précédés, quand la gauche au contraire les ignore, voire les dédaigne, voire les insulte – c’est une notation très juste.

En fait dans votre livre, il y a deux livres : il y a un livre sur l’histoire de la droite, très sérieux. Et puis, il y a le pamphlet contre moi, ou plutôt le pamphlet contre Éric Zemmour, parce que, en vérité, je ne m’y reconnais pas beaucoup. Il y a Dr Strauch et Mrs Bonart : il y a deux auteurs différents de ce livre. En somme, vous êtes une burkienne, comme Roger Scruton était un émule de Burke, et comme vous êtes une émule de Scruton. J’aime beaucoup le mot de Burke que vous citez : « Il faut chérir nos préjugés ». Je n’ai pas dit autre chose pendant toute ma campagne présidentielle, et on s’est moqué de moi, en m’accusant de passéisme, etc. Or, j’ai dit exactement ce que vous venez d’énoncer : nous devons avoir de la gratitude par rapport au passé et nous devons chérir nos préjugés, car ce sont eux qui garantissent notre liberté, notre culture, etc.

Dans le pamphlet que vous écrivez contre moi, vous êtes une autre personne. Vous êtes beaucoup plus passionnée, et le style, plus alerte, s’en ressent. En même temps, vous êtes beaucoup plus injuste, pour deux raisons. D’abord, vous faites la guerre en chambre, quand je la fais sur le champ de bataille. De même que, lorsque je regarde un match de football de l’équipe de France, je lui adresse mille critiques, mais je ne suis pas sur le terrain ; de même, vous me critiquez, mais je suis sur le terrain, et c’est moi qui me bats, qui me fais insulter, qui suis protégé par la police, qui suis menacé par les islamistes et les antifas qui passent à tabac les gens qui viennent à la signature de mes livres… Vous devriez plutôt me défendre, vous devriez témoigner en ma faveur ! Je suis convoqué par les juges toutes les semaines, on m’intente des procès pour chacun de mes propos. Où êtes-vous pour me défendre au nom de la liberté d’expression ? Je suis dans le feu de l’action, je suis sur le terrain, alors que vous n’êtes qu’en chambre à donner des bons et des mauvais points. C’est très facile. Ensuite, vous dites que je ne respecte pas les libertés. Apprenez que c’est moi qui les défends. En vérité, je considère, mais peut-être allez-vous me trouver prétentieux, que je me bats pour vous. Je me bats pour que vous puissiez continuer à me critiquer, à m’insulter, parce que quand nous serons l’un et l’autre détruits par l’alliance entre le wokisme et le grand remplacement, nous ne pourrons plus nous battre, nous ne pourrons plus nous opposer. Vous dites que je ne respecte pas les libertés, je me bats pour elles. Vous dites que je ne respecte pas la vérité historique, je la défends alors qu’elle m’est interdite. Une libérale comme vous ne peut me faire ces reproches.

L. S.-B. – Concernant vos reproches, vous avez, comme on dit en anglais, « a skin in the game » : vos propos ont eu des effets très concrets sur votre vie personnelle. J’en suis désolée. Je ne prétends pas jouer dans la même cour que vous. simplement ce qui m’intéresse, c’est le débat intellectuel : s’il fallait être aussi en danger que vous pour pouvoir vous critiquer, bien peu le pourraient. Où voulez-vous que je mène la guerre ailleurs qu’en chambre ? Le mot de guerre est d’ailleurs un peu trop fort. Je vous réponds sur le thème de la guerre en chambre, parce que je ne veux pas donner l’impression de distribuer les bons et les mauvais points : je suis moi aussi imparfaite et peut-être y a-t-il des mauvais points à m’attribuer sur la forme. sur le fond, ma critique principale à votre égard, c’est que vous faites partie de la famille des réactionnaires. Quand je prononce ce mot, je ne cherche pas à vous disqualifier, comme on le fait aujourd’hui, par exemple en estimant que tous les gens que l’on considère trop à droite sont d’« extrême droite ». Ce genre de débat ne m’intéresse pas ; ce qui m’intéresse, c’est le contenu. Je considère que les réactionnaires, dans la lignée de Joseph de Maistre, Louis de Bonald ou encore Charles Maurras, sont des penseurs et des politiques qui n’ont pas accepté le monde tel qu’il était à leur époque, tel qu’il était en train de changer. La nouvelle donne de l’époque, c’était la naissance de l’individu, la sécularisation du pouvoir, des droits individuels, et les réactionnaires n’ont pas compris que le monde avait changé ; ils ont très longuement lutté, parce qu’ils pensaient que l’ancien monde, c’est-à-dire la monarchie absolue, pouvait et devait revenir. En cela, leur position était d’ailleurs assez esthétisante, ils étaient assez incapables de dire concrètement ce qu’ils voulaient faire et comment ils voulaient le faire. Alors, pourquoi est-ce que je vous rattache à cette pensée ? il y a une différence de degré évidente, vous n’êtes pas un réactionnaire à la Charles Maurras. seulement, il me semble que vous refusez d’accepter la France telle qu’elle est aujourd’hui, avec des choses qui peuvent déplaire : une France beaucoup plus diverse, par exemple, sur le plan ethnique, une France plus féminisée, une France qui ne ressemble pas à celle que vous avez l’air de chérir, celle de votre enfance. Or, ce n’est pas la position que la droite devrait adopter. La droite est le parti du réel, la droite doit prendre la France telle qu’elle est, sans insister sur tout ce qui ne va pas : la droite doit d’abord parler de ce qui va bien, et ensuite proposer des remèdes contre ce qui ne va pas. Cela rejoint une autre critique que je vous adresse : je considère que vous avez beaucoup de ressentiment – je parle de la personne publique, de l’intellectuel. si vous partagez avec la droite son pessimisme existentiel, que je partage également, vous faites l’erreur de ne pas contrebalancer celui-ci par l’espoir – ce que j’attendrais de quelqu’un de droite. Vous avez finalement une pensée assez désespérée. Or, j’insiste, on ne peut pas se contenter de la déploration de ce qui ne va pas.

E. Z. – Chaque fois que j’entends l’opposition entre réactionnaire et conservateur, je pense à la boutade de Chesterton, qui disait : « La grande affaire des progressistes est de faire des erreurs, et la grande affaire des conservateurs est d’empêcher les erreurs d’être corrigées. » C’est exactement ce que vous venez de dire. Que voulez-vous conserver, chère Madame ? En quarante ans, tout a été détruit. Vous parlez dans votre livre, par exemple, de l’école, du fait qu’il faudrait y réintroduire le latin, le mérite, la sélection : c’est exactement ce que j’ai dit pendant ma campagne présidentielle. La gauche vous qualifiera donc de fieffée réactionnaire. Vous allez plus loin. Vous parlez des femmes, de votre sensibilité, de votre combat entre attachement et émancipation – le combat de toutes les femmes modernes, que je comprends très bien –, mais vous écrivez que le mariage est une protection dont les femmes ont besoin. Ne me le dites pas à moi, mais aux féministes qui vont non seulement vous traiter de réactionnaire, mais quasiment de nazie. On est toujours le réactionnaire de quelqu’un. Quand il y a une telle ruine, je parlais de l’école, il ne faut pas conserver, il faut restaurer. Et donc forcément, vous passez pour un réactionnaire. Oui, je préfère l’école des années 1960 à l’école des années 2020. si vous voulez en faire la preuve, de mon côté réactionnaire, j’achète, je prends. si on redonnait l’école des années 1960 aux écoliers d’aujourd’hui, ils seraient beaucoup plus heureux que dans l’école d’aujourd’hui.

Laetitia Strauch-Bonart, vous défendez les libertés fondamentales, mais n’y a-t-il pas des moments où on doit revenir en arrière, notamment sur l’État de droit ?

L. S.-B. – pour moi, ce n’est pas revenir en arrière, c’est revenir à l’esprit du droit. Quand Montesquieu, par exemple, écrit que le pouvoir doit arrêter le pouvoir, il ne parle pas seulement du fait que les juges jouent un rôle de contre-pouvoir vis-à-vis du pouvoir législatif ou exécutif. il parle aussi du fait que l’exécutif et le législatif jouent un rôle de contrepouvoir vis-à-vis des juges. Aujourd’hui, le problème est là : il y a un manque d’équilibre des pouvoirs.

E. Z. – Vous acceptez donc l’idée que les juges aujourd’hui ont un pouvoir excessif et qu’il faut redonner du pouvoir à l’exécutif et au législatif contre ce que j’appelle le gouvernement des juges.

L. S.-B. – Oui, mais je n’emploie pas le terme de « gouvernement des juges » parce que je ne crois pas qu’il y ait une intention, dont l’extension de leurs pouvoirs procède. simplement, quand on donne plus de pouvoir à un organisme, il s’en sert. Je vous parais naïve, mais quand on ne voit pas systématiquement des intentions dans ce que l’on critique, on met bien plus de personnes de son côté. Or, il me semble que votre rhétorique vigoureuse vous empêche de toucher des gens qui pourraient penser comme vous, mais qui sont rebutés par ce que j’appelle une forme de maximalisme. Vous avez tendance à vouloir prendre le contrepied systématique des idées qui ne vous plaisent pas.

E. Z. – Oui, je tords le bâton dans l’autre sens.

L. S.-B. – Mais cela vous dessert, si je puis me permettre, parce que beaucoup de gens vous reprochent d’abord la formulation avant de vous reprocher le contenu de vos idées.

E. Z. – Nous allons tellement loin dans un sens que, pour combattre ces idées, il faut commencer par tordre le bâton dans l’autre sens. Et après, une fois que nous aurons tordu le bâton dans l’autre sens, si on y arrive, nous pourrons raffiner, nuancer. Mais il faut d’abord combattre. il y a une course de vitesse entre la politique et le combat des idées d’un côté et, de l’autre côté, des choses qui vont beaucoup plus vite que nous : la destruction de l’école, la destruction de l’économie, la désindustrialisation, la démographie, le grand remplacement, tout ça va beaucoup plus vite. Donc il faut absolument se battre, et se battre vigoureusement. On n’a pas le temps de faire des entrechats. Mon combat vise à sauver la civilisation que vous défendez. Vous pouvez penser que je le mène mal, mais je le mène avec tout mon coeur et toute mon énergie.

L. S.-B. – Je n’en doute pas. Je souhaite simplement vous prodiguer un conseil. Le problème, par exemple, de la notion de « grand remplacement », ce n’est pas tant la base factuelle, qui dépend de la façon dont on considère les choses, c’est le terme même. Vous voyez bien que c’est un terme complètement désespérant, parce que vous dites qu’il ne sert à rien de se battre, que c’est terminé, que la France est morte. À vous entendre, ça fait vingt ans que la France est morte. Mais elle n’est pas morte puisque nous sommes encore là. Le grand remplacement est un signal de désespoir.

E. Z. – C’est tout le contraire.

L. S.-B. – beaucoup de gens l’entendent comme moi. On est ici en désaccord sur la forme, qui est in fine indissociable du fond. Laetitia Strauch-Bonart, alors que les droites qui triomphent dans la plupart des pays occidentaux sont plutôt des droites radicales, n’est-ce pas vous qui êtes réactionnaire finalement ?

Est-ce que l’époque n’est pas à une certaine forme de radicalité ?

L. S.-B. – C’est une question que je me pose souvent. J’ai l’impression d’être en effet un peu hors du temps.

E. Z. – Votre ami Guizot était déjà hors du temps lui-même à son époque, parce que déjà il croyait qu’on allait faire la révolution anglaise de 1688. Vous devriez faire un cercle.

L. S.-B. – On appelle cela les libéraux ! Je précise tout de même que la France doit beaucoup à Guizot, notamment l’école publique. Aujourd’hui, on vit un moment de radicalité, je pense que les États-Unis, notamment, ont besoin de cette radicalité. Mais cela ne correspond tout simplement pas à mon caractère.

E. Z. – Et la France plus encore.

L. S.-B. – C’est possible. peut-être que j’appartiens à une espèce en voie de disparition, mais ma conviction, c’est que les gens comme moi pourront être utiles dans vingt ans. Une fois qu’on sera passés par la radicalité, on aura besoin d’un peu de nuance.

E. Z. – si on gagne. Alors, je serais ravi d’entendre vos nuances. par ailleurs, vous n’appartenez pas à un temps révolu. simplement, il y a dans la vie intellectuelle et dans la vie politique des moments différents qui impliquent des caractères différents, qui ne sont pas les mêmes en temps de paix qu’en temps de guerre. pourquoi l’époque est-elle à la radicalité ? parce que, quand les peuples comprennent qu’ils vont mourir, ils ont un sentiment de panique qui les pousse à empêcher leur mort d’advenir.

L. S.-B. – Vous avez vu, lors de cette campagne présidentielle, que vos idées n’avaient pas trouvé l’écho que vous espériez, du moins dans les urnes. N’est-ce pas le signe qu’il y a quelque chose à changer, soit dans le contenu de ce que vous proposez, soit dans la forme ?

E. Z. – Les urnes ne mentent pas ; le peuple a tranché. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’analyse qu’on fait du score que j’ai obtenu. Je ne pense pas que ce sont mes idées ni même la façon dont je les ai défendues qui sont en cause. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas fait d’erreur. Ce qui m’a coûté cher, c’est qu’à partir de la guerre en Ukraine, la campagne a été bouleversée. Je ne pouvais plus parler de grand remplacement à partir du moment où on a effrayé les citoyens avec une guerre nucléaire et l’arrivée des chars russes à paris. Là, les vieux partis, les vieilles ficelles ont repris le dessus. Mais je maintiens que nous sommes dans une situation urgente, parce que la démographie va vite, que l’effondrement scolaire va encore plus vite et qu’il faudrait donc redresser tout ça encore plus vite. La seule chose que j’essaye de vous faire comprendre, c’est qu’on ne peut pas combattre la gauche à fleurets mouchetés. Alors peut-être ai-je des torts, peut-être suis-je parfois maladroit ou excessif ; c’est mon tempérament, qui n’est que celui d’un barbare romanisé. Quitte à passer pour radoteur, je vous redirai que je me bats pour les gens comme vous, parce que nous sommes d’accord sur tous les thèmes qui vous tiennent à cœur. toutefois, je suis en première ligne et j’espère qu’un jour vous éprouverez de la gratitude envers moi. ■


L'immigration de masse mène à la densification de masse et à la perte de qualité de vie


La densification de masse n'est pas la bonne solution pour résoudre la crise du logement au Canada

Dans les villes et villages du Canada, les militants du logement font pression pour densifier les quartiers unifamiliaux en révisant les codes de zonage. Cette démarche alimente les tensions et les batailles autour du caractère communautaire, tout en ne s'attaquant pas à la cause fondamentale de la crise du logement au Canada : la croissance démographique insoutenable induite par l'immigration.

À Saanich, une municipalité située à l'extrémité sud de l'île de Vancouver, le gouvernement local tente de faire passer un projet de densification connu sous le nom de « Quadra McKenzie Plan ». Le projet de plan d'octobre 2024 prévoit que des tours de 12 à 18 étages seront autorisées dans les principaux carrefours et que des bâtiments de six étages seront autorisés dans les rues secondaires où se trouvent actuellement des maisons unifamiliales.

La réaction du public ne s'est pas fait attendre. Une pétition visant à stopper le plan de densification a rapidement recueilli plus de 4 000 signatures. Un groupe de citoyens, baptisé Save Our Saanich (SOS), s'est constitué pour s'opposer à ce plan qui, selon lui, « modifiera Saanich de manière méconnaissable et pour toujours ». Le groupe est favorable à un rezonage « prudent, réfléchi et bien planifié », mais affirme qu'une densification incontrôlée entraînera « la destruction massive de nos maisons, de nos quartiers et des zones écologiquement importantes ». 

 En avril de l'année dernière, des centaines de Calgariens ont assisté à une réunion chargée d'émotion au sujet d'un projet de loi sur le « rezonage général » qui mettait fin au zonage unifamilial dans la ville et autorisait les duplex et les quadruplex sur les terrains unifamiliaux. La question n'est toujours pas réglée, car un groupe de 300 habitants de Calgary continue de mener une bataille juridique contre cette mesure.

Peu de villes canadiennes sont épargnées par les batailles de zonage. Dans presque tous les cas, les projets de loi visant à modifier radicalement le zonage des zones suburbaines entraînent acrimonie et dissension dans leur sillage - alors que les deux camps avancent leurs arguments respectifs.

Les partisans de la densification soulignent à juste titre que l'offre et la demande de logements ne sont manifestement pas en phase - qui pourrait ne pas être d'accord avec eux sur ce point ? D'un autre côté, de nombreux habitants de rues unifamiliales tranquilles et verdoyantes éprouvent un profond sentiment d'attachement à leur quartier. Lors des auditions sur le zonage, ils expriment leur désir de vieillir sur place, dans le quartier qu'ils aiment, et peut-être de transmettre leur maison à leurs enfants. Ils craignent, à juste titre, que la déréglementation du zonage ne transforme des communautés qui leur sont chères en autant d'aubaines pour les promoteurs et les spéculateurs.

Il s'avère que le logement est l'un des rares problèmes politiques pour lesquels nous pouvons avoir le beurre et l'argent du beurre. Nous pouvons résoudre la crise du logement au Canada sans déréglementation importante du zonage - en satisfaisant les défenseurs du logement et les propriétaires de maisons individuelles - en mettant fin à la déréglementation de notre système d'immigration.


La croissance démographique entraîne la nécessité de construire des logements. Dans les pays où la croissance est alimentée par des taux de natalité élevés, le seul recours est d'investir dans l'expansion du parc de logements. Mais au Canada, 97,6 % de notre croissance était due à l'immigration en 2023. Nous avons donc le luxe de pouvoir augmenter ou diminuer notre croissance d'un simple coup de plume du ministre de l'Immigration.

Le gouvernement fédéral a déjà adopté cette démarche dans une certaine mesure, en réduisant le nombre de résidents temporaires et permanents. Mais la réduction de l'immigration à Ottawa a été présentée comme une mesure visant à « suspendre la croissance de la population à court terme » avant de revenir à une croissance plus forte à long terme. En d'autres termes, une fois que nous aurons construit suffisamment de logements pour répondre à la croissance démographique massive de ces dernières années, nous nous lancerons dans un autre cycle de croissance important - à l'infini.

Certaines villes ne peuvent tout simplement pas s'étendre vers l'extérieur - Vancouver est bordée par d'imposantes montagnes et des terres agricoles de premier choix spécialement zonées, tandis que Toronto est entourée par la fameuse ceinture verte protégée par la loi. Même Calgary, entourée d'une infinité d'hectares d'espace, est contrainte de densifier ; elle ne peut pas construire des banlieues assez rapidement pour faire face à une croissance fulgurante. La poursuite de l'expansion rapide de la population entraînera une densification massive d'une grande partie du paysage suburbain du Canada.

Nous devons choisir. Voulons-nous que la maison individuelle avec jardin soit une option pour les générations futures ? Dans ce cas, nous devons inverser notre politique qui consiste à utiliser l'immigration pour accroître radicalement la population.

Source : Dominion Review

Censure — Les autorités françaises ferment la très populaire chaîne de télé C8

Les Adieux du très populaire animateur de C8 William Leymergie:




Billet du 21 février

C8, abréviation de Canal 8, est une chaîne de télévision généraliste nationale privée française créée le 31 mars 2005 sur la TNT par le groupe Bolloré. Elle fait partie du groupe Canal+. Le 19 février, le Conseil d’État a confirmé la décision de l’Arcom portant sur la clôture de C8 et NRJ 12. Cette fermeture, qui intervient au lendemain du discours de J.D. Vance, justifie ses attaques sur le déclin de la liberté d’expression en Europe, alerte l’essayiste Nicolas Bouzou dans l'article ci-dessous paru dans
Le Figaro jeudi 20 février. C.est un centriste européiste bon teint qui critique,  comme on le verra, les « influenceurs trumpo-poutinistes ». Sa dénonciation de cette fermeture d'autorité de C8 est d'autant plus intéressante qu'elle ne vient pas de la droite identitaire.

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste. Il a fondé le cabinet d’études économiques Asterès. Dernier livre paru:La Civilisation de la peur (XO Éditions, 2024).

Il y a de nombreux arguments pour critiquer le  retrait de C8 de la TNT . D’ailleurs, il suffit de regarder sur les réseaux sociaux la mine moqueuse et réjouie de nos petits révolutionnaires insoumis [LFI, l'extrême gauche française] pour être certains que la décision de l’Arcom n’était pas la bonne. Ces députés font honte au pays et on s’en passerait volontiers, mais leur présence a au moins un avantage : quand on a la chance de disposer de deux boussoles (intellectuelle et morale) qui indiquent le sud avec un tel degré de fiabilité, on aurait tort de ne pas s’en servir.

Mais il y a évidemment plus grave dans cette affaire que de donner des points aux Insoumis. Dans  son adresse à la conférence de Munich  la semaine dernière, le vice-président américain J.D. Vance a affirmé que la liberté d’expression déclinait en Europe relativement aux États-Unis. Vance semblait en faire un argument justifiant un éloignement idéologique entre les États-Unis et l’Europe et un rapprochement entre les États-Unis et la Russie. Cette assertion est absurde comme peut en témoigner quiconque participe au débat public dans notre continent et en Amérique du Nord. Certes, la liberté d’expression est légalement garantie aux États-Unis, mais, dans les faits, bon courage si vous voulez vous moquer de la religion, souligner la menace islamiste ou parler de sexe. La vérité, c’est que ces sujets restent tabous alors qu’en France, on les évoque à longueur de journée, et fort heureusement ! Il est donc particulièrement regrettable que la France, en fermant une chaîne comme C8, donne un argument au pouvoir trumpiste qui, désormais énamouré de Poutine, cherche à déstabiliser l’Europe par tous les moyens de communication possibles.

Ainsi, sur les réseaux sociaux, les influenceurs poutino-trumpistes s’en donnent à cœur joie, et instrumentalisent la fermeture de C8 pour faire croire qu’une dictature à la russe protège davantage la liberté d’expression qu’un pays libéral comme la France. C’est absurde mais les régulateurs de tous poils seraient bien inspirés de faire très attention à leurs décisions  dans ce contexte particulier  et de brider leurs instincts policiers. La présidence Trump nous fait entrer dans une ère de compétition géostratégique inédite depuis 1945. Le couple Trump/Musk s’assoit sur l’État de droit, ayant bien pris soin de neutraliser (au moins en partie) les contre-pouvoirs comme la Cour suprême et de terroriser les médias par l’insulte et la diffamation. Quant à la Russie, elle reste une dictature classique où la liberté d’expression peut s’exercer tant qu’elle ne contrarie pas le pouvoir. La France, par comparaison, est un pays où personne ne se prive de dénigrer à longueur de journée le gouvernement et le président, l’insulte outrancière dans les médias étant un sport national. C’est souvent exaspérant mais il s’agit d’un acquis à protéger contre toutes les tentatives de censure.

Dans un contexte où l’islamisme nous attaque, où la Russie nous menace et où  les États-Unis nous lâchent , l’Union européenne doit jouer son rôle historique : être, aux yeux du monde, le continent de la liberté et du droit tout en se protégeant. Il y a beaucoup à faire en ce sens. Nous devons limiter nos dépenses sociales pour les réinjecter dans notre défense, nous devons investir massivement dans le nucléaire pour disposer de l’énergie décarbonée dont nous avons besoin, nous devons libérer l’innovation pour laisser grandir nos entreprises, nous devons alléger toutes les contraintes qui pèsent sur les entreprises pour les amener à produire davantage… Cet objectif de puissance doit se réaliser en sanctuarisant la liberté d’expression et jamais en la limitant car une démocratie n’est jamais forte des armes de ses adversaires. Prouvons à Trump et à Poutine que la liberté n’est pas l’instrument des faibles mais un attribut de la puissance.

Allemagne — petite victoire du centre droit, forte progression de la droite identitaire (m à j. vote des musulmans)

De nombreux partis s’imaginent à tort que les musulmans d’Allemagne n’ont pas une grande influence sur le résultat des élections.

Un sondage réalisé par le Forschungsgruppe Wahlen (FGW) le jour des élections montre le comportement électoral des musulmans en Allemagne.

Le succès électoral de Die Linke (ex-communistes) est en grande partie dû aux musulmans. Le SPD (socialistes et le BSW [gauche anti-guerre, anti-immigrationiste] seraient encore plus faibles sans les musulmans.

Selon le sondage réalisé par le Forschungsgruppe Wahlen [FGW] le jour des élections:

  • 29 % des musulmans auraient voté pour Die Linke [anciens communistes],
  • 28 % pour le SPD [socialistes],
  • 16 % pour le BSW,
  • 12 % pour la CDU/CSU [centre droit],
  • 6 % pour l’AfD [droite identitaire] et
  • 4 % aux Verts.

Le vote musulman pour le FDP serait de 0 % [arrondi].

Les musulmans votent résolument à gauche. Die Linke [ancien communiste] et le SPD [socialiste] récolteraient ensemble 57 % des votes musulmans. Les Verts [écologistes de gauche] et le FDP [libéraux] n’entreraient pas au Bundestag. La coalition rouge-rouge [c.-à-d. communiste + socialiste] obtiendrait ainsi une majorité des deux tiers auprès des musulmans. Mais le BSW, qui a échoué de peu à entrer au Bundestag avec seulement 4,9 %, obtient lui aussi des résultats supérieurs à la moyenne auprès des musulmans.

Les musulmans représentent environ 7 % de la population totale. Plus de 3 millions de musulmans sont des citoyens allemands, dont on estime que 2,6 millions ont le droit de vote. Des études ont montré que le taux de participation des Allemands issus de l’immigration était par le passé d’environ 65 % [2021].


Vote des musulmans en 2025
 
Les musulmans représenteraient ainsi 4,2 % de l’électorat. Si l’on se base sur le chiffre moyen de 2021, le vote des musulmans représenterait  :
  • 11,2 % des voix pour Die Linke [ex-communiste],
  • 10,9 % des voix pour BSW [gauche anti-immigration, anti-guerre],
  • 5,8 % des voix pour le SPD [socialistes].

Ce sont surtout les positions des partis sur la guerre à Gaza et la montée en puissance de l’AfD qui auront été importantes pour les musulmans.

Die Linke, BSW et SPD ont un taux d’adhésion supérieur à la moyenne parmi les musulmans. La CDU/CSU, les Verts, l’AfD et le FDP sont bien en dessous de la moyenne nationale auprès des musulmans. Les Verts ont perdu massivement leur confiance.

Autre fait intéressant : l’AfD est certes extrêmement en dessous de la moyenne chez les musulmans, mais on peut voir qu’une partie des musulmans adhère à ce parti.

Il n’est pas possible de faire une comparaison claire entre 2025 et 2021 en ce qui concerne le comportement électoral des musulmans.

Vote des Turcs en 2021

En 2021, de telles données n’ont pas été collectées. Mais il y a une grande intersection avec les Allemands d’origine turque. En 2021, 39 % d’entre eux avaient voté SPD à Duisbourg. Avec 13 %, Die Linke était certes aussi plus forte que la moyenne, mais pas au niveau de 2025. Les Verts avaient encore obtenu un bon résultat et la CDU avait également obtenu un score convenable. En résumé : les Verts, le FDP et la CDU ont perdu une grande partie de leur influence auprès des Turcs et des musulmans.


 

Billet du 23 février

La CDU [centre droit], menée par Friedrich Merz, a obtenu 28,5 % des suffrages lors des élections législatives anticipées, dimanche, selon des projections sorties des urnes. Elle pointe loin devant les sociaux-démocrates du sortant Olaf Scholz [16,5 %]. Le parti de droite identitaire l’AfD se classe deuxième [20,7 %] en forte progression [en 2021, 10,3 %]. Le BSW de Sahra Wagenknecht [gauche, anti-immigration, antiguerre en Ukraine] a échoué de peu à franchir la barre des 5 pour cent : selon la Commission électorale fédérale, le BSW a obtenu 4,972 pour cent des scrutins.


 Vote selon le sexe [masculin en foncé, féminin en clair].

Comment lire : 11 % des hommes votent Verts [Grüne], 12 % des femmes.

 Vote selon l’âge

La CDU et son candidat, Friedrich Merz, avaient appelé à un « changement clair » pour l’Allemagne : les chrétiens-démocrates ont été à moitié écoutés. La famille de la droite traditionnelle allemande a remporté les élections législatives, dimanche, mettant fin comme elle le souhaitait à trois années d’une coalition gouvernementale de gauche chaotique. Cette victoire lui donne a priori la main pour diriger un futur gouvernement et mener en ce sens les futures négociations.

Mais le résultat obtenu, inférieur à 30 % des suffrages, et bien qu’en hausse de 5 points par rapport à 2021, laisse un goût amer au centre, qui ressort plutôt esseulé dans un paysage politique désormais fragmenté où poussent les partis plus radicaux, et en particulier l’AfD. Et avec des partenaires eux-mêmes fragilisés : bien qu’incontournables pour former un gouvernement de coalition, les sociaux-démocrates [SPD] subissent une défaite historique. Un résultat « amer », a reconnu le chancelier Scholz, lourdement sanctionné pour sa gestion. Désavoué, il rejoindra le Bundestag comme simple député.

Le scrutin a été marqué par une énorme participation [84 %]. La campagne électorale s’est déroulée dans un climat d’anxiété et de doute marqué par trois attaques terroristes commises par des réfugiés en situation illégale et l’irruption sur la scène diplomatique du nouveau gouvernement américain. Ce dernier a brutalement mis en cause la sécurité dont bénéficie le pays depuis quatre-vingts ans. Pire, Washington, par l’entremise du vice-président JD Vance et du milliardaire Elon Musk, avait appelé à voter pour l’AfD, l’ennemi juré des partis patrimoniaux allemands.

Même si l’impact exact sur le scrutin de ces récents événements demeure incertain, il reste que la droite identitaire [AfD] a doublé son score par rapport à 2021, remportant plus de 20 % des suffrages. Comme le soulignait l’explosion de joie dans l’état-major du parti à 18 heures, c’est bien elle la principale bénéficiaire de cette élection. À défaut de pouvoir gouverner, car boycottée par les partis traditionnels, elle devient, avec ses 150 députés, la première force d’opposition au Bundestag. Ce sera une opposition « constructive », a promis sa chef de file, Alice Weidel, qui a déjà les yeux rivés sur le scrutin de 2029.

Les jeunes électeurs se sont massivement tournés vers l’extrême gauche [Die Linke] et la droite nationaliste [AfD]. Les partis centristes établis de droite [Union] et travaillistes [SPD] ne semblent) plus que l’ombre d’eux-mêmes. 

Si l’on se contente de regarder où l’AfD arrive en tête, ce n’est que dans l’ancienne RDA, ce qui donne l’impression que la montée du parti est un phénomène limité à l’ancienne RDA.

Cela peut rassurer les partisans de la classe dirigeante établie, mais il s’agit simplement d’un artifice lié à l’utilisation d’une mesure discontinue. En réalité, bien qu’il y ait des hauts et des bas, il existe une tendance positive claire en faveur de l’AfD partout en Allemagne, qui commence simplement à un niveau plus élevé à l’Est.

Cette tendance finira par faire basculer certaines régions dans le bleu à l’Ouest, tout comme cela s’est produit en France avec le FN/RN, où les gens avaient également l’habitude de dire que sa montée était limitée à certaines régions parce qu’ils utilisaient la même métrique discontinue, jusqu’à ce que ce ne soit pas le cas. Ils commettaient la même erreur que les commentateurs commettent aujourd’hui à propos de l’Allemagne.

Cela ne se produira probablement non seulement en Allemagne, mais aussi ou déjà dans le reste de l’Europe, et ce pour la même raison principale dans tous les cas, à savoir que les gens sont furieux de l’immigration et que les responsables de la classe dirigeante actuelle continuent de les ignorer.

Il n’y aura sans doute pas d’exception. Il y a quelques décennies on disait que l’Espagne était censée montrer que cette tendance était loin d’être une fatalité parce qu’il n’y avait pas de parti anti-immigration, mais aujourd’hui Vox est solidement implanté dans le paysage politique.

Le commentariat estampillé parle maintenant de l’Irlande, mais cela ne durera probablement pas non plus. Tout pays qui semble être une exception à l’heure actuelle s’avérera ne plus l’être une fois que l’immigration atteint un certain niveau. C’est une loi d’airain de la politique, qui ne se limite même pas à l’Europe, mais comme les « progressistes » tiennent au dogme de l’immigration, ils refusent de s’en rendre compte.

Cette incapacité des élites européennes à se remettre en question et à considérer que les gens ont peut-être des raisons légitimes d’être mécontents au sujet de l’immigration, explique sans doute pourquoi ces mêmes « élites » tentent de se rassurer en se livrant à des sophismes tels que l’utilisation de métriques discontinues pour étudier la montée des partis censés être d’extrême droite et s’accrochent à de sottes théories telles que celle qui explique cette montée par la désinformation russe.
 
 

Australie — les universités font les frais de la lutte contre la crise du logement





Vaches à lait pour les uns, boucs émissaires responsables de la crise du logement pour les autres, les étudiants étrangers sont actuellement au cœur d’une bataille opposant les universités australiennes à leur gouvernement. Si l’Australie, sur le plan économique, doit toujours l’essentiel de sa prospérité à ses matières premières, l’éducation est également un secteur crucial : il a rapporté plus de 30 milliards d’euros (45 milliards de dollars canadiens) l’année dernière.

Il faut dire que les universités australiennes accueillent une quantité phénoménale d’étudiants étrangers. Ceux-ci n’ont jamais été aussi nombreux que l’année dernière : plus de 555 000 sont entrés sur le territoire en 2023, portant à près de 1 million le nombre d’étudiants étrangers présents en Australie, venus essentiellement de Chine (22 %), d’inde (17 %), du Népal (8 %), des Philippines et du Vietnam (5 %), selon les statistiques du ministère de l’éducation. Il s’agit là du principal contingent d’immigrés en Australie et une manne considérable pour les universités, pour qui les onéreux frais de scolarité versés par ces étudiants étrangers peuvent représenter 20 % à 40 % de leur budget. Ainsi, au sein du « groupe des 8 », rassemblant les universités les plus prestigieuses du pays, « les étrangers représentent entre 30 % et 40 % des élèves », selon Nico Louw, chef économiste du Menzies Research Centre, un laboratoire d’idées affilié au Parti libéral.

Le problème, c’est que le gouvernement travailliste a commencé à tarir cette manne. Sommé par l’opposition d’agir pour juguler l’immigration, accusée d’aggraver la crise du logement - les loyers ont augmenté de 9,4 % en moyenne dans les grandes villes australiennes - il a annoncé plusieurs mesures destinées à réduire significativement le nombre d’étudiants étrangers. Le prix du visa a ainsi plus que doublé, passant de 437 euros à 987 euros en juillet dernier, et les candidats doivent par ailleurs désormais prouver qu’ils ont au moins 18000 euros sur leur compte en banque. Un filtre financier très efficace : les demandes de visa en juillet et en août ont ainsi diminué de moitié en glissement annuel.

Résultat, plusieurs universités vont voir leurs revenus fondre, et annoncent d’ores et déjà des coupes radicales dans leur budget. C’est le cas de l’Australian National University (ANU) à Canberra, qui prévoit pour 2024 un déficit de 130 millions d’euros et potentiellement, des centaines de suppressions de postes. «Le gouvernement et l’opposition sont engagés dans un combat visant à démontrer qui est le plus dur en matière d’immigration et ils le font sur notre dos, déplore Luke Sheehy, le président de Universities Australia. On a déjà 60 000 étudiants de moins qui sont arrivés en Australie au cours des six premiers mois de l’année, ce qui met en péril au moins 1 400 emplois dans le secteur universitaire. » Selon le représentant de la filière, ce tarissement du vivier estudiantin représente un manque à gagner de 2,5 milliards d’euros pour l’ensemble de l’économie australienne.

Un chiffre « largement exagéré », selon Abul Rizvi, ancien secrétaire général adjoint du ministère de l’immigration. «Si vous regardez le nombre d’étudiants étrangers entrés sur le territoire en 2023 sur un graphique, c’est le mont Everest ! C’est un niveau phénoménal qui n’était pas soutenable et il est certain que le gouvernement le ramènerait à un seuil plus bas, en l’occurrence, à celui d’il y a un an ou deux, donc ce n’est pas non plus radical. » Il concède toutefois que les universités ont été maltraitées par les gouvernements successifs ces dernières années : « Pendant la pandémie, elles ont énormément souffert de la fermeture des frontières, et sans aucune raison valable, elles ont été exclues du dispositif de chômage partiel mis en place par le gouvernement. »

Scott Morrison, l’ancien Premier ministre, a, par la suite, levé toutes les restrictions sur le travail appliquées aux visas étudiants «et significativement augmenté la part de ses détenteurs qui en fait travaillaient plutôt que d’étudier». En fin d’année dernière, la tentative du gouvernement d’instaurer un quota sur les visas étudiants, limitant à 270 000 par an les entrées sur le territoire, avait été bloquée au Parlement par les Verts, et de façon plus surprenante, par le Parti libéral, qui pourtant ne cesse de tancer les travaillistes pour leur soi-disant gestion incontrôlée de l’immigration. À la place, le gouvernement a fait adopter une autre mesure le mois dernier, qui consiste à ralentir le processus de délivrance des visas.

[Impact sur la qualité de l'enseignement]

Dans tous les cas, l’économiste Nico Louw regrette que la solution retenue ne soit pas plus précise. « C’est au niveau des filières et non pas des universités qu’il faut imposer des limites, car quand on regarde dans le détail, pour certaines d’entre elles, il y a 70%, voire 80% d’étudiants étrangers, et cela a forcément un impact sur la façon qu’ont les professeurs d’enseigner et donc sur la qualité de l’éducation dispensée. »

S’il y est personnellement assez peu confronté, Romain Fathi, professeur d’histoire à l’ANU, le confirme. « Quand je suis arrivé en Australie il y a quinze ans, le niveau de maîtrise de l’anglais était bien supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Et pour certains de mes collègues, qui ont beaucoup d’étudiants étrangers, ça peut être très compliqué. » Il note par ailleurs que la dépendance financière accrue de ces derniers produit un « effet pervers ». « On n’est plus dans une relation de prof à élève mais plutôt de vendeur de diplôme à client. Ces étudiants peuvent donc imposer certaines exigences, par exemple, qu’il y ait moins d’examens, et plutôt des devoirs maison. »

D’ici les élections fédérales, qui se tiendront au plus tard le 17 mai, les questions liées au pouvoir d’achat et à l’accès au logement seront centrales.

Source  : Le Figaro

Québec impose un plafond d'étudiants étrangers aux établissements d'enseignement supérieur

Le Québec s’apprête à restreindre l’accès des étudiants étrangers à son réseau d’enseignement supérieur.
 

Étudiants du collège privé LaSalle

Après s’être octroyé le pouvoir de limiter leur nombre, le gouvernement Legault met en œuvre sa décision : les demandes de certificats d’acceptation du Québec (CAQ), indispensables à l’obtention d’un permis d’études, seront réduites de 20 %. Attribués au nombre de 156 647 en 2024, ces certificats ne seront plus que 124 760 en 2025, chaque établissement se voyant imposer un quota.

Établissements privés servant souvent de passerelle à l’immigration permanente visés

Cette réduction frappe d’abord les établissements privés, en particulier les formations menant à une attestation d’études collégiales (AEC). La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, déplore que ces formations de courte durée — en administration, courtage immobilier ou design, entre autres — servent trop souvent de passerelle vers la résidence permanente. Certains collèges, tels que LaSalle, Ellis, Universel et l’Institut Teccart, figurent parmi ceux qui accueillent le plus d’étudiants étrangers et sont directement visés.


Des protections ciblées pour certains programmes

Le gouvernement fait toutefois exception pour les formations dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de l’éducation, ainsi que pour certains programmes spécialisés en région, notamment en aviation. En revanche, le nombre d’étudiants étrangers dans les formations techniques et préuniversitaires sera figé au niveau de 2024, une mesure provisoire d’un an, en attendant une refonte plus large de la politique d’immigration temporaire.

Le gouvernement Legault veut prendre en considération sa planification pluriannuelle de l’immigration — qui inclura pour la première fois l’immigration temporaire — pour définir les seuils pour les trois prochaines années dans le milieu de l’enseignement.

« La première étape, c’est de freiner cette croissance qu’on a eue au cours des dernières années, pour toute la pression que ça crée sur les services publics, sur le logement [des étudiants] dans mon cas », illustre la ministre. Le nombre d’étudiants étrangers ayant un permis d’études valide a explosé au Québec de 2014 à 2023, passant de 50 000 à 120 000, une hausse de 140 %, selon le gouvernement.

Les universités également concernées

À l’instar des cégeps, les universités ne subiront pas de réduction stricte, mais verront leur nombre d’admissions stabilisé au niveau de 2024, année où une baisse avait déjà été constatée sous l’effet des restrictions fédérales. La ministre se défend de toute atteinte à l’autonomie des établissements, affirmant qu’ils conserveront la gestion de leurs quotas.

Alors que les cégeps et universités s’étaient opposés à ces réformes, le gouvernement maintient le cap. Il invite désormais les établissements à participer aux consultations sur l’immigration prévues ce printemps, tout en soulignant la nécessité de mieux sélectionner les étudiants pour assurer leur venue effective au Québec.

mercredi 26 février 2025

Lexique de la Macronie et de l'extrême centre

Samuel Fitoussi dans Le Figaro s’est procuré un document ultra-secret : le dictionnaire que reçoivent tous les politiciens du bloc central pour les aider à communiquer dans les médias. Le voici en exclusivité.

Réduire la dépense publique. Annuler une baisse d’impôt.
Justice sociale. Augmenter les impôts.
Transition écologique. Augmenter beaucoup les impôts.
Rassurer nos créanciers. Augmenter beaucoup beaucoup les impôts.
Valeurs républicaines. Les invoquer régulièrement. Ne surtout pas les définir.
Laïcité. Taper du poing sur la table en rappelant qu’il s’agit d’un principe important.
Immigration. Comme LFI, accepter les flux. Contrairement à LFI, déplorer leurs conséquences (voir « Valeurs républicaines » et « Laïcité ».)
Lien entre immigration et insécurité. Les semaines paires, faire le lien ; les semaines impaires, se scandaliser que l’on puisse faire le lien.
Obliger le contribuable à financer contre son gré. Préférer le terme « subventionner ».
Dictature de la majorité. Écueil dans lequel peut tomber la démocratie (rappeler qu’il a été magistralement décrit par Tocqueville). Lui préférer la dictature de la minorité (de l’Arcom, du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel).
État de droit. Sacré. Critiquer les décisions des juges, c’est remettre en cause l’état de droit. Déplorer qu’on ne puisse pas expulser un influenceur Algérien multicondamné et coutumier des propos de haine de la France, c’est remettre en cause l’état de droit. Ne pas apprécier Richard Ferrand, c’est remettre en cause l’état de droit.
Indépendance de la justice. Principe FONDAMENTAL. S’en assurer en y nommant ses amis.
Communautarisme, antagonisme, ressentiment ethnique, violence, islamisation. Préférer « vivre-ensemble ».
Sentiment d’insécurité. Montrer que l’on comprend les Français et que l’on prend la mesure du problème. Passer à autre chose.
Sentiment de submersion migratoire. Idem.
Référendum. Évoquer régulièrement la possibilité d’en tenir. Passer à autre chose. (Attention : ne surtout pas proposer d’en tenir sur des sujets où les sondages montrent que les Français voteraient mal.)
Liberté d’expression. Elle est sacrée. Simplement, elle n’inclut pas le droit de heurter la sensibilité des membres de l’Arcom.
Protéger les Français. De Cyril Hanouna.
Fake news. La raison pour laquelle le bloc central perd parfois des élections.
Attractivité de la France. Augmenter les impôts des entreprises mais organiser en même temps un grand séminaire à l’Élysée sur l’attractivité du pays. En faire la promotion sur Linkedin.
Réindustrialisation. Prononcer le mot régulièrement. Si l’on veut montrer sa maîtrise des dossiers, on parlera de « souveraineté industrielle ».
Notre projet. Combattre les extrêmes. Au nom de quelle vision pour le pays ? Celle consistant à combattre les extrêmes.
Toutes. Et tous.
Déficit public. Endettement permettant d’investir dans des projets d’avenir (revalorisation des pensions de retraite).
Prospérité. Attention. N’en déplaise aux ultralibéraux, la mission première des chefs d’entreprise n’est pas de créer des richesses mais d’atteindre des objectifs ESG et de remplir divers formulaires (CRSD, index d’égalité professionnelle, DPEF…). Pour un capitalisme éthique, écoféministe et responsable.
Intelligence artificielle. L’IA européenne sera éthique, écoféministe et responsable ou ne sera pas.
Service public. Oui, il penche à gauche et cela constitue une injustice démocratique (tout le monde le sait, et tout le monde sait que tout le monde le sait, mais ne jamais en parler). Mais l’existence de France 2, France 3, France 4, France 5, France TV Slash, Arte, TV5 Monde, LCP, Public Sénat, France 24, Franceinfo, France Inter, France Culture, France Bleu et RFI est un impératif démocratique. Désubventionner (voir « Subventionner ») une seule de ces chaînes serait une grave atteinte à la liberté d’expression des journalistes de gauche.
Europe de la défense. Promettre d’augmenter les dépenses militaires pour garantir notre indépendance vis-à-vis des États-Unis. Procrastiner. L’année suivante, promettre d’augmenter les dépenses militaires pour garantir notre indépendance vis-à-vis des États-Unis. Procrastiner. L’année suivante, prier que Poutine soit sympa.
Combat contre le réchauffement climatique. Trouver des choses à interdire à partir de 2026. Retarder à 2030 s’il s’avère que c’est inapplicable et contre-productif. Croiser les doigts pour n’être plus au pouvoir en 2030.
Violences faites aux femmes. Les déplorer. Ne pas construire de prisons, car le tout-répressif ne marche pas. À la place, combattre les stéréotypes de genre dans les cours de récréation.

Voir aussi 

Novlangue : « atteinte à la laïcité » 

Langue française : quels sont ces « mots haïssables » ?

Canada : 4 millions de dollars à l’Ukraine pour « une action antimines transformatrice en matière de genre »

Novlangue et copier-coller des médias : « ambitieux » et « plafonner »

Les élites républicaines françaises n’ont jamais été libérales ni d’esprit démocratique

Censure — Les autorités françaises ferment la très populaire chaîne de télé C8

mardi 25 février 2025

« La principale cause de l’effondrement de l’Occident, c’est l’exclusion des gens ordinaires »

De livre en livre, le géographe Christophe Guilluy ne cesse de décrire la fracture entre les élites et le peuple. Métropolia et Périphéria (Flammarion), son nouvel opus, ne déroge pas à la règle mais est sans doute son essai le plus personnel. Guilluy y mêle fable orwellienne, satire et souvenirs autobiographiques pour mieux toucher du doigt la contestation existentielle initiée par les gens ordinaires.

LE FIGARO. — Votre nouveau livre prend la forme d’une fable orwellienne. Vous y racontez la révolte et la victoire de Périphéria sur Métropolia. Cette victoire représente-t-elle le basculement culturel qui traverse l’occident ?

CHRISTOPHE GUILLUY. — Oui, vous avez bien reconnu, c’est même je crois la description la plus réaliste possible du renversement culturel et politique de l’Occident qui est en cours. Une force tellurique, qui se nourrit depuis des décennies de la dépossession des classes moyennes et populaires par un modèle qui ne fait plus société – celui de Métropolia –, est en train de nous faire passer d’un monde à l’autre. Le centre de gravité culturel des sociétés occidentales est en passe de basculer du côté de la majorité ordinaire, du côté de Périphéria. Ce processus n’est d’ailleurs qu’un aboutissement puisque depuis vingt ans toutes les contestations sociales ou politiques sans exception ont émergé dans les périphéries et nulle part ailleurs.

— La victoire de Trump aux États-unis est-elle une conséquence de ce basculement ?

— La majorité ordinaire américaine, celle des classes populaires et moyennes, vit à Périphéria. C’est elle qui a porté Trump à la Maison-blanche. Mais il est important de rappeler que, contrairement à ce qu’on imagine, Donald Trump n’a pas créé ce mouvement : il s’y est au contraire adapté. Notamment sur les conseils de JD Vance, il a intégré (ce qu’il n’avait pas fait en 2020), les nouvelles attentes, et surtout la réalité de ces catégories populaires qui ne ressemblent plus aux catégories populaires du siècle passé. Cette majorité ordinaire est – comme en France - largement désidéologisée (avec la fin du clivage droite/gauche) et autonomisée (c’est une conséquence de l’ostracisation culturelle dont elle est victime). Enfin, elle s’est recomposée démographiquement. En Occident, les classes populaires sont désormais multiethniques et multiconfessionnelles mais peuvent se rassembler sur la défense d’un mode de vie, des valeurs communes et une volonté, celle de vouloir continuer à « faire société » en refusant l’idée d’une société liquide, relative. C’est la compréhension de cette recomposition démographique au sein des milieux populaires qui a permis à Trump de capter près de la moitié du vote des Latinos – et une fraction du vote noir – sans lesquels il n’aurait pu l’emporter.

— À cet égard, qu’est-ce que vous ont inspiré le discours de JD Vance et les réactions qu’il a suscitées ?

— Le plus significatif, ce sont évidemment les réactions outrées et le plus souvent surjouées du petit salon européen. Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on être aussi fragile ? Qu’est-ce qu’une société qui a peur des mots d’un conférencier ? Est-ce encore une société libre, qui tient debout ? Car ce sont bien des mots qui ont provoqué cette panique. Pourtant, JD Vance a-t-il interdit aux Européens de penser contre lui ? Non. De proposer un modèle alternatif, de converser ? Non. Mais, sur le fond, je crois que ce qui a choqué, c’est l’évocation d’un vieux concept démocratique avec lequel les Européens sont désormais très mal à l’aise : celui de l’existence d’une majorité ordinaire, et, pire, d’une majorité qui serait souveraine. En Europe, et spécifiquement en France, lorsqu’on évoque l’existence d’une majorité ordinaire, on vous répond que cela n’existe plus, que le pays ne serait constitué que de segments, de minorités, de morceaux de territoire, bref d’un conglomérat sans valeurs communes, bref, qu’il n’y aurait «plus de société », comme le disait Margaret Thatcher. Le paradoxe est d’entendre un Américain faire une leçon de souverainisme à des Européens qui ne parlent plus désormais que le langage du marketing, celui du panel, du morcellement infini, des gens pour qui la société, le bien commun ont disparu au profit du marché. En fait, la peur panique de la majorité perceptible à chaque fois que Périphéria gronde (référendum de 2005, « gilets jaunes », Brexit, vote populiste…) n’a cessé de se renforcer. Vous remarquerez que, déjà enfermées dans leurs citadelles métropoles, les classes supérieures « progressistes » demandent maintenant l’installation de la ZFE pour en finir définitivement avec la moindre cohabitation avec les classes populaires. Vous verrez, dans quelque temps, Paris, Bordeaux, Lyon, New York ou la Californie demanderont leur indépendance !

— JD Vance est un enfant des classes populaires. Son accession à la vice-présidence des États-unis est-elle un symbole ?

— D’abord, je voudrais rappeler un point : l’origine populaire ne dit rien de la hauteur ou de la bassesse de vue. La plupart des gens d’en bas qui «montent» se fondent parfaitement dans le décor, ce qui fait d’ailleurs perdurer le modèle souvent pour le pire. Ce qui me plaît chez Vance, c’est la clarté de sa pensée. Le monde des clercs parlerait ici de simplisme, évidemment. D’ailleurs, je rappelle dans le livre la définition que les gens ordinaires me donnaient de l’intelligence : «Est intelligent celui qui comprend les choses. » Cette définition permet d’opérer un distinguo assez radical entre nos gouvernants et un Vance, vous ne trouvez pas ? Et puis, j’apprécie beaucoup les gens qui sont capables de penser contre leur propre camp. Or c’est le cas de Vance, qui était démocrate, comme beaucoup de Blancs de la « working class », il avait d’ailleurs soutenu Hillary Clinton et critiqué violemment Trump. Il avait donc reçu immédiatement la bénédiction du « Vatican », du New York Times et de sa succursale Netflix, qui a acheté les droits de son livre. Et puis, catastrophe, Vance opère avec sincérité un revirement radical en admettant qu’il s’était trompé et en soutenant Trump parce qu’il s’engageait notamment à stopper les délocalisations pour réindustrialiser. Depuis, JD Vance est cloué au pilori par ceux qui le plébiscitaient hier, alors que, fondamentalement, il n’a pas changé sur le fond. Démocrate ou républicain, la sincérité de son engagement pour la défense des gens ordinaires est la même.

— Au-delà de Trump ou de Vance, assiste-t-on au renversement de la table par les classes moyennes et populaires ?

— Ce retour des classes populaires dépasse Trump, Vance et même ce qu’on appelle le populisme. Ce retour de la majorité est non seulement un retour à la démocratie, mais aussi celui de la société, de ses valeurs, mais aussi de la civilisation. C’est un aspect qu’on relève peu souvent, mais on oublie que ce sont d’abord les classes populaires, la majorité, qui fait vivre ou non une société. Celles-ci ne sont pas seulement « les premières de corvées », ce sont elles qui font exister, évoluer un mode de vie, mais aussi, in fine, une civilisation. Or l’histoire occidentale de ces cinquante dernières années est celle d’un modèle qui a évincé cette majorité ordinaire qui avait contribué à construire la civilisation occidentale. La principale cause de ce qu’on appelle « l’effondrement ou la fin de l’occident » n’est pas l’émergence du « Sud global », l’islam ou le wokisme, il n’est même pas prioritairement l’effondrement des naissances (qui est un phénomène mondial à l’exception de l’Afrique sahélienne), non, il est d’abord la conséquence du choix des élites occidentales entamé au siècle dernier. Celui d’avoir exclu ceux qui font la sève de la société, ceux qui font vivre et perdurer une culture : les gens ordinaires. Le mouvement tellurique de la majorité ordinaire est celui de catégories qui n’entendent plus rester hors jeu mais souhaitent au contraire faire perdurer une civilisation qu’ils ont contribué à construire.

— Pour en revenir à votre livre, pourquoi avoir choisi cette forme très éloignée de vos précédents essais ? Après avoir maintes fois tenté de décrire la réalité sans être entendu par les « élites », est-ce une forme de pied de nez ?

— Une fable métaphysique pour décrire le grand schisme d’occident, cela s’imposait, non? Cette forme part aussi d’un constat : je pense que le dôme de chiffres et de données dont nous sommes abreuvés ne nous permet plus de voir l’essentiel, c’est-à-dire le développement de deux expériences humaines parfaitement antinomiques et qui nous conduisent vers l’abîme. Quant aux élites et couches supérieures, vous vous trompez, elles ont parfaitement compris et entendu. Mais elles n’entendent pas bouger pour deux raisons. La première est un manque d’intérêt pour le bien commun et un manque de courage. La deuxième, et c’est un point essentiel : les élites et catégories supérieures ne jouent pas leur peau dans le modèle qu’elles ont promu, au contraire, elles en bénéficient un peu ou beaucoup. Dans ce contexte, et à un moment où l’individualisme et l’égotisme imprègnent de plus en plus ce monde d’en haut, il y a peu de chance pour qu’elles reconnaissent un jour qu’elles se sont trompées. Elles n’évolueront que sous la contrainte. Nous vivons un moment qui n’est pas « social » ou « économique » mais un moment existentiel qui n’est évidemment pas réductible à des tableaux statistiques ou à des cartes. La question fondamentale est celle des lisières, du mystère de la civilisation et des valeurs qui portent la société et la culture populaire. Cette transcendance, ce mystère, n’est pas et ne sera jamais un sujet pour le chercheur d’État idéologisé (pléonasme) en sciences sociales.

— C’est aussi un moyen de parler pour la première fois de vous, et surtout des vôtres. Tout votre travail de géographe a-t-il été finalement guidé par votre enfance dans un milieu populaire ?

— Il s’agit moins de parler de moi que de l’expérience que beaucoup de personnes ont vécue, ressentie. Il s’agit de mettre en scène « l’universel » d’une expérience et d’un ressenti qui sont celui de la majorité ordinaire en France comme en Occident. Je revendique complètement cette absence de distance avec un sujet qui n’est pas un « sujet », les gens dont je parle ne sont pas inventés, je les connais, je vis avec eux, je mourrai avec eux. Je sais que ces gens ordinaires n’ont pas besoin qu’on pense à leur place, qu’on les définisse. Je ne ferai jamais ça.

— Vous refusez de vous catégoriser comme « pauvre ». L’image véhiculée par la sociologie ou les médias des classes populaires est-elle trop misérabiliste ? Qu’est-ce que cela révèle ?

— Il n’y a évidemment aucune honte à être pauvre, mais le revendiquer, c’est autre chose, c’est accepter la victimisation, c’est pour nous la marque de la soumission. Pour les classes populaires, cette catégorie, « pauvre », et ce qui y était associé, l’aide sociale notamment, n’a jamais été quelque chose que l’on mettait en avant. C’est la petite bourgeoisie de gauche qui a collé cette étiquette, notamment aux habitants de banlieue - en cherchant à les enfermer dans une victimisation éternelle.

— Vous détestez également l’expression « quartiers populaires ». Pourquoi ?

— Cette expression stupide, « quartiers populaires », a été médiatisée au moment où la gauche lâchait la classe ouvrière et la question sociale, il s’agissait alors d’essentialiser les banlieues pour en faire un objet culturel et politique à la main des partis de gauche. Par essence majoritaire, le « populaire » est ainsi devenu un concept « minoritaire ». La majorité des classes populaires ont alors commencé à être invisibilisées, celles qui vivaient dans la France périphérique, celle des petites villes, des villes moyennes, des zones rurales. C’est ainsi, grâce à la gauche, que le «populaire» est devenu un petit segment marketing, un panel de la société, au plus grand bénéfice du capitalisme. (Rires.)

— Vous expliquez également que, dans votre quartier, il n’y avait aucune « mixité sociale » et que ce n’était pas un problème…

Je rappelle dans le livre que les quartiers populaires n’ont jamais été mixtes socialement et que cela ne posait aucun problème, ni aux gens ni au Parti communiste de l’époque, puisque les catégories populaires étaient intégrées économiquement et culturellement. Cette expression ridicule a été popularisée par la gauche au début des années 1980, au moment où elle allait abandonner la question sociale pour le sociétal en adoptant le modèle globalisé.

— « Sans en avoir conscience, nous faisions vivre une sorte de “socialisme îlien”, en appliquant au quotidien des préceptes chrétiens et communistes fondés sur la valorisation du bien commun et le respect des autres », écrivez-vous. Cela pourrait être la définition même de la décence commune…

— Vous remarquerez que cette idée orwellienne d’un sens moral inné des classes populaires, qui les préserve de l’« égoïsme libéral », rend toujours fous le monde d’en haut et son intelligentsia. Comme si parler de morale, de transcendance, de bien commun, de joie était interdit. Ce constat est d’ailleurs le point de rupture originel entre Métropolia et Périphéria, celui aussi qui mènera Métropolia à sa perte. Il explique en profondeur le mouvement de contestation existentiel initié par la majorité ordinaire. Dépossédés de ce qu’ils ont et de ce qu’ils sont, les gens ordinaires, contre toute attente, ont su préserver un bien unique, dont est parfaitement dépourvu le monde d’en haut : la décence commune. La permanence, au cœur de Périphéria, de ce précieux capital social et culturel, constitue le môle existentiel sur lequel bute le projet eschatologique du monde individualiste et sans limites que nous impose Métropolia. À l’inverse, la société populaire est celle des limites, des contraintes sociales et culturelles, celle du monde « des hommes qui s’empêchent ». Dans une période marquée par «l’extension du domaine du capitalisme», cette morale commune ne peut être tolérée par les tenants d’un ordre économique et sociétal sans limites. Il existe une métaphysique ordinaire, quotidienne, qui protège l’humanité depuis des temps immémoriaux, se manifeste à travers des pratiques, des valeurs et des croyances populaires. C’est cette transcendance du quotidien - dont semblent dépourvues les âmes mortes qui nous gouvernent – qui sauvera la civilisation.


lundi 24 février 2025

Argentine, faible inflation, budget excédentaire et forte augmentation des revenus d'énergie fossile non conventionnelle

Depuis son entrée en fonction en décembre 2023, M. Milei a réduit les dépenses publiques d’environ 30 % en termes réels, en licenciant plus de 30 000 fonctionnaires, en réduisant les subventions à l’énergie et aux transports, en suspendant les projets de travaux publics et en gelant les salaires et les retraites de l’État. L’effet sur l’inflation a été dramatique.

Selon le président argentin Javier Milei : « L’inflation en janvier était de 2,2 %, soit la plus faible depuis 2020. Sans les effets de la pandémie, c’est la plus faible depuis 2018. » L’inflation des biens était de 1,5 % et l’inflation du panier alimentaire de base était de 0,9 %, ce qui signifie que l’Argentine connaît une déflation en dollars.

L’Argentine a également officiellement atteint son premier excédent budgétaire depuis 14 ans.

La gestion économique de M. Milei est une nette amélioration par rapport à celle de son prédécesseur. Sous le précédent gouvernement péroniste de gauche, le gouvernement avait conquis les électeurs en accumulant d’énormes déficits budgétaires. Pour couvrir la facture, la banque centrale avait imprimé de la monnaie, ce qui avait entraîné une inflation vertigineuse et un peso quasiment sans valeur. Les contrôles des prix sur les denrées alimentaires et le logement avaient entraîné des pénuries. M. Milei a mis fin à ces distorsions et le prix des logements a baissé grâce à une offre plus importante. Bien que sa thérapie de choc ait entraîné des souffrances à court terme, les conditions macroéconomiques se stabilisent désormais. Non seulement l’inflation est en baisse, les budgets sont passés de déficits à excédents, mais l’économie a renoué avec la croissance au troisième trimestre 2024. La bourse du pays est en plein essor et les indicateurs de risque pays s’effondrent.


Les « experts » en économie nous prévenaient cependant il y a un peu plus d’un an de la catastrophe que serait Milei. Cris d’effroi que l’on retrouvait tant dans la presse de gauche bien pensante (The Guardian) qui citait Piketty et 100 autres économistes que dans la presse patrimoniale censément de droite (The Economist).



L’Argentine dispose d’un potentiel économique considérable, et il semble que le président soit déterminé à exploiter ces atouts pour stimuler la croissance. C’est ainsi qu’il mise sur la hausse de production des énergies fossiles non conventionnelles.

L’Argentine détient les quatrièmes réserves mondiales de pétrole de schiste et plus de gaz de schiste que n’importe quel autre pays, à l’exception de la Chine. En 2024, l’Argentine a exporté plus d’énergie qu’elle n’en a importé, pour la première fois depuis 14 ans.

Cette année, l’Argentine devrait dépasser la Colombie, qui a produit près de 800 000 barils par jour (b/j) l’automne dernier, en tant que troisième producteur de pétrole brut d’Amérique du Sud. Seuls le Venezuela, qui produit près de 1 million de b/j, et le Brésil, qui produit plus de 3 millions de b/j, pomperont davantage. Javier Milei, le président de l’Argentine, qualifie le gisement de Vaca Muerta dans la province de Neuquén de « panacée » et souhaite que les exportateurs d’énergie du pays prospèrent. S’ils y parviennent, ils pourraient alimenter les efforts qu’il déploie pour mettre fin à des décennies de déclin économique.

Le secteur du schiste argentin a été confronté à des difficultés considérables. Les foreurs se pâment devant la géologie de Vaca Muerta, la comparant aux formations les plus riches des États-Unis. Mais comme l’explique Vinicius Moraes de Wood Mackenzie, une société de conseil en énergie, « l’Argentine est une bête différente ». Le contrôle des prix du pétrole, les taxes à l’exportation et les restrictions sur les capitaux y ont longtemps rendu les affaires difficiles. Ces politiques, ainsi que le vieillissement des puits conventionnels, ont entraîné une baisse de la production de pétrole au cours des années 2000. En 2012, la décision de Cristina Fernández de Kirchner, alors présidente de l’Argentine, de nationaliser YPF — une société énergétique détenue par Repsol, une entreprise espagnole — a ébranlé la confiance des investisseurs.

Néanmoins, suffisamment d’argent a été injecté en Argentine pour favoriser l’essor de l’industrie du schiste. Miguel Galuccio, qui a dirigé YPF de 2012 à 2016, a persuadé des entreprises étrangères, dont Chevron, une major pétrolière, d’investir dans des coentreprises. Cela peut s’expliquer en partie par les caractéristiques des forages de schiste. Comme le souligne Francisco Monaldi, de l’université Rice au Texas, la production de schiste a des coûts initiaux faibles (comparés, par exemple, à la mise en place d’une grande exploitation au large des côtes), mais elle nécessite des investissements soutenus pour forer de nouveaux puits et maintenir la production à un niveau élevé. Nationaliser un projet de schiste n’a guère de sens pour un gouvernement à court d’argent. « C’est comme exproprier une entreprise de construction automobile », explique M. Monaldi. « C’est génial au début, mais le lendemain, il faut trouver un moyen de continuer à fabriquer des voitures. »

C’est pourquoi les investisseurs pourtant soucieux du risque étaient prêts à investir progressivement. Au cours de la dernière décennie, la production de pétrole de schiste est passée d’environ 20 000 b/j à près de 450 000 b/j. La production de gaz est également montée en flèche.

YPF, ainsi que des foreurs locaux comme Vista Energy (que M. Galuccio dirige aujourd’hui), ont stimulé la croissance la plus récente. « Lorsque nous avons dit que Vaca Muerta pourrait doubler sa production en cinq ans, les gens pensaient que nous étions fous », déclare Daniel Dreizzen, ancien secrétaire à la planification énergétique. La plupart des analystes estiment aujourd’hui que Vaca Muerta peut produire plus de 1 million de barils par jour d’ici à 2030.

Le brusque hausse a transformé Neuquén. Depuis 1918, Vaca Muerta a fait l’objet de quelques forages conventionnels. Mais au milieu des années 2000, la production était en baisse. Le schiste a donné une seconde chance aux anciens pétroliers de Neuquén et continue d’attirer de nouveaux travailleurs dans la ville chaque semaine. Gustavo Medele, ministre de l’Énergie de la province de Neuquén, affirme qu’un chauffeur de camion peut y gagner l’équivalent de 3 000 dollars par mois (soit environ le double du salaire mensuel moyen national).

La province de Neuquén
en rouge

Cet essor pourrait transformer l’économie argentine. Selon les estimations, l’exploitation du schiste pourrait contribuer à créer entre un quart et un demi-million d’emplois d’ici le début des années 2030. L’augmentation de l’excédent commercial du pays permettrait de reconstituer ses maigres réserves de devises étrangères, ce qui l’aiderait à rembourser ses dettes. Aleph Energy, une société de conseil, estime que les exportations d’hydrocarbures pourraient rapporter plus de 30 milliards de dollars à l’Argentine chaque année à partir de 2030. Cela contribuerait grandement à accroître l’excédent commercial total de l’Argentine. Les exportations d’énergie ont contribué à le porter à 19 milliards de dollars en 2024, le chiffre le plus élevé depuis des années.

Les réformes de M. Milei ont déjà facilité les affaires. Depuis l’année dernière, les entreprises ne sont plus obligées de réserver un certain niveau d’approvisionnement aux raffineurs locaux avant de pouvoir exporter. Le gouvernement a également cessé d’intervenir sur le marché pétrolier, laissant le prix du pétrole vendu localement se rapprocher de celui du Brent, la référence mondiale. La filière du schiste souhaite ardemment la fin du contrôle des capitaux en Argentine, ce qui faciliterait l’importation d’équipements et attirerait davantage d’investissements étrangers. Mais la suppression de ces contrôles est une tâche plus lente.

Les liquidités étrangères aideront les exportateurs argentins à s’attaquer à leur problème le plus urgent : le manque d’infrastructures. L’excédent énergétique de l’année dernière a été obtenu en livrant du gaz au Chili, en faisant fonctionner les oléoducs à plein régime et en envoyant les derniers barils de Vaca Muerta par camion. Un oléoduc supplémentaire, dont l’ouverture est prévue prochainement, permettra d’augmenter la capacité d’exportation vers Puerto Rosales, une ville située sur la côte. Les exportateurs augmentent également leurs livraisons de gaz au Brésil, en utilisant d’anciens gazoducs passant par la Bolivie. Mais les marchés des pays voisins restent modestes par rapport à ceux de l’Asie et de l’Europe.

C’est pourquoi l’Argentine se tourne vers des horizons plus lointains afin d’accroître ses exportations de manière significative. Plusieurs projets sont en cours, soutenus par des allègements fiscaux et d’autres mesures incitatives que M. Milei a prévues pour les grands investissements d’infrastructure. YPF, avec d’autres entreprises, construit un oléoduc pour transporter 550 000 b/j jusqu’à Punta Colorada, où un port en eau profonde accueillera de plus gros pétroliers.

L’entreprise souhaite également expédier du gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Asie, où la demande devrait continuer à croître au moins jusqu’aux années 2040. Le coût des infrastructures nécessaires est immense, puisqu’il s’élève à quelque 50 milliards de dollars. Mais YPF, qui a signé un accord de développement avec Shell, une major britannico-néerlandaise, est déterminée. Horacio Marín, son patron, a fait le tour de l’Asie à la recherche de commandes ; le 21 janvier, trois sociétés indiennes se sont déclarées intéressées par des livraisons.

Deux éléments pourraient faire dérailler les progrès de l’Argentine, prévient M. Dreizzen. Premièrement, la prochaine vague de production de pétrole et de gaz aux États-Unis pourrait faire baisser les prix, ce qui rendrait les projets GNL moins rentables et laisserait aux producteurs argentins peu de marge de manœuvre pour faire face à la concurrence. Deuxièmement, si le pays devait connaître une nouvelle crise économique, les investisseurs étrangers pourraient paniquer. L’expansion de l’infrastructure d’exportation du pays deviendrait alors une tâche encore plus difficile. Il ne sera pas facile de tirer tout le parti possible de Vaca Muerta. Mais ce gisement est d’ores et déjà en train de transformer le pays.

Sources : The Economist, Javier Milei, The Guardian