samedi 27 février 2016

« The » Revenant, Hollywood et le Canadien français

Des Canadiens français du XIXe siècle sanguinaires et impitoyables dans « The » Revenant d’Alejandro Iñárritu, il n’en fallait pas moins pour mettre en colère Roy Dupuis selon le Huffington Post. L’acteur québécois qui devait interpréter un rôle dans le sixième long métrage du réalisateur mexicain juge le film mauvais et anti-canadien-français.


Bande-annonce du Revenant (apparemment le film sort en français avec un titre « en français » affublé de l’article anglais THE, difficilement prononçable pour le francophone moyen)

Un film historiquement faux

« The » Revenant — douze nominations à la prochaine cérémonie des Oscars — est un western sauvage tourné dans le Grand Nord canadien. Ancrée dans le XIXe siècle, cette production à 130 millions de dollars américains revient sur la vengeance du trappeur Hugh Glass, interprété par Leonardo Di Caprio (en lice pour l’Oscar du meilleur acteur).

« Je n’ai vraiment pas tripé sur ce film, a ajouté Dupuis. Au niveau de la trame, il arrive des événements qui n’ont tout simplement pas de bon sens ! J’espère qu’il ne gagnera pas l’Oscar du meilleur scénario, car le récit, c’est un peu n’importe quoi. Il n’y a aucune crédibilité dans cette histoire de vengeance ».

Un film fort éloigné du roman homonyme

Le film d’Iñárritu se veut l’adaptation du roman LE Revenant de Michael Punke. À la page « remerciements » de son roman, l’auteur parle d’une « centaine de lectures éprouvantes ». Mark L. Smith, le jeune coscénariste du film avec Iñárritu, dans les entrevues disponibles sur Internet, ne pointe, quant à lui, vers aucune recherche historique précise et confie n’avoir conservé, du livre, que l’attaque du grizzly et l’abandon du héros. Tout le reste, a-t-il reconnu sur craveonline.ca est « original ». C’est ainsi qu’il précise au sujet de l’attaque importante dans l’histoire des Arikaras « nous l’avons inventée » ou à propos d’un dialogue avec Dieu « C’est quelque chose qu’ils ont en fait inventé ».

Dans le livre, la soif de vengeance du héros Glass est motivée par le fait que deux hommes l’ont volé alors qu’il était à l’article de la mort, qu’il veut recouvrer son précieux fusil et sa dignité. Dans le film, Iñárritu et Smith inventent à Glass (Leonardo Di Caprio) un fils métis qui sera assassiné devant ses yeux par le raciste Fitzgerald (Tom Hardy).

Les producteurs du film avouent d’ailleurs leur très libre interprétation du livre au générique de fin où l’on voit que le long métrage est « Inspiré en partie du roman de Michael Punke », pas « Inspiré du roman », mais « en partie ». C’est plus honnête.

Canadiens français qui violent, pendent et tuent

Un plan en particulier du film d’Iñárritu a fait sursauter l’acteur Roy Dupuis, celui où l’on découvre plusieurs Amérindiens empalés, pendus à des arbres. Une inscription en français — « On est tous des sauvages » — ne laisse aucun doute quant à l’identité des coupables. « On les voit à peine pendant le film, mais quand on les voit, c’est pour les montrer comme d’affreux barbares. C’est les Canadiens français qui violent, qui pendent et qui possèdent les esclaves sexuelles. »

Outre qu’il dresse un portrait peu flatteur de nos ancêtres venus explorer l’Amérique du Nord, le long métrage est historiquement faux puisque, selon Dupuis, ce sont plutôt les Anglo-saxons qui ont été sans pitié envers les communautés amérindiennes de l’Amérique du Nord.

« Les Français sont arrivés avec la mission de faire des alliances avec les Premières Nations. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas des brutes parmi les Français, mais la plupart d’entre eux ont épousé des Amérindiennes. Ils ont fondé des familles, ce qui a créé un peuple métissé nommé les Canadiens français, et voilà que Iñárritu les mets en scène en train de trucider les autochtones. Par contre, les Américains qui avaient pour mission de conquérir les terres, eux, n’ont rien à se reprocher. C’est complètement stupide ! »

Les remarques de Roy Dupuis sont globalement justes, bien qu’il semble céder à la mode récente du métissage généralisé en Amérique du Nord (de très nombreux artistes américains se découvrent ces jours-ci des ancêtres amérindiens sans apporter beaucoup de preuves, jusqu’à Justin Bieber : « Je suis en partie Inuit ou quelque chose »). Nous y reviendrons ci-dessous.

Plaire au public états-unien et anglo-saxon

Pour Roy Dupuis, le fait que le réalisateur de Babel ait eu le soin de préciser que les assassins n’étaient pas Américains est loin d’être anodin. « Le film est censé être basé sur l’histoire d’un vrai coureur des bois américain. Pourquoi donc le cinéaste n’a-t-il pas montré les meurtres commis par les Américains ? Sans doute pour ne pas les choquer ou les blesser, il a préféré insulter l’histoire. »

Ce n’est évidemment pas la première fois que le cinéma américain cherche à dorer la pilule pour ne pas briser l’image élogieuse que se font d’eux-mêmes les Américains. À notre connaissance, il n’y a pas de films américains sur :
  • les guerres meurtrières contre les Indiens au début de la colonisation (voir le Massacre de 1622), guerres féroces et implacables expulsions qui ont pu être renforcées par le fait que les colons anglais n’ont pratiqué qu’une faible évangélisation et par l’idée commune que les Indiens étaient de nouveaux Cananéens en face de nouveaux israélites, les puritains anglais. Walt Disney a fait un Pocahontas béat sur cette époque qui, selon le Guardian, révise l’histoire et blanchit la colonisation anglaise en Virginie ;
  • Les ravages des Anglais et des Américains en Nouvelle-France et en Acadie lors de la Conquête (la moitié des villes ont été détruites, un très grand nombre de maisons et de fermes le long du Saint-Laurent incendiées, la colonie avait perdu un septième de sa population et le peuple acadien avait été déporté) ;
  • la guerre contre Pontiac ; Amherst écrivait alors à un colonel « Vous ferez bien d’infecter les Indiens avec des couvertures, de même que toute autre méthode qui permettrait d’extirper cette race exécrable » ;
  • les prétextes fallacieux de la Guerre hispano-américaine de 1898, après l’explosion du USS Maine en baie de La Havane (explosion sans doute accidentelle) alors que l’opinion publique américaine fut atteinte, suivant l’expression d’un diplomate européen, « d’une sorte de furie belliqueuse », des manifestants brûleront alors des Espagnols en effigie dans les rues ;

    Résultat de la guerre contre l’Espagne en 1898 : 10 000 milles des Philippines à Porto Rico
  • la guerre et la répression aux Philippines (1899-1902) pendant lesquelles des centaines de milliers de Philippins seraient morts (voir ici en espagnol et là en anglais), le tout fut accompagné dès 1898 par une campagne pour y éliminer l’espagnol et le remplacer par l’anglais ;
  • Épisode de la répression américaine aux Philippines : « Tuez tous ceux de plus dix ans ! »
  • le très nombreux viols en Europe occidental par des soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale (en France dès le débarquement ainsi qu’en Allemagne), l’historienne Miriam Gebhardt avance le chiffre de 860 000 victimes allemandes, parmi lesquelles 190 000 auraient été violées par des GIs, c’est bien moins que les deux millions de violées avancés par Helke Sander.
  • etc.
Autres films populaires à la trame modifiée

« The » Revenant n’est évidemment pas le premier film américain qui arrange les faits (ou le scénario inspiré de livres) pour flatter les Américains et se moquer (parfois gentiment) des Français, minorer ou évacuer leur rôle.
  • Dans Le Patriote (The Patriot) avec Mel Gibson, un seul Français au rôle sympathique, mais un peu ridicule (Jean Villeneuve) incarne l’aide de la France. À la fin, à la Bataille de Yorktown, on voit succinctement au loin la flotte française, c’est tout. Or, il y avait autant sinon plus de soldats français à terre que de soldats américains à cette bataille et l’influence de la flotte française fut décisive dans la guerre. Il faut se rappeler que les choses allaient mal pour l’armée continentale avant l’intervention de la France (voir Valley Forge). La France prêta 12 millions de livres aux Américains, et en donna 12 autres millions. Elle consentit également à une avance de 6 millions de livres pour la reconstruction du pays. En tout, selon certains historiens, dont Stacy Schiff, la France dépensa près d’un milliard de livres pendant cette guerre. Tout cela résumé à un histrion de major Jean Villeneuve dans Le Patriote. Notons que le personnage de Mel Gibson, largement inspiré de Francis Marion, dit Le Renard des marais, aurait chassé (persécuté) brutalement des Indiens Chéraquis (Cherokees à Paris) et qu’il aurait violé ses esclaves. Le Patriote occulte d’ailleurs totalement l’esclavage pratiqué à l’époque, y compris par Francis Marion qui se plaignit que les Anglais libèrent les siens.
  • Maître à bord : de l’autre côté du monde avec Russel Crowe combine des éléments tirés de différents romans de Patrick O’Brian, inspiré de la vie du marin Thomas Cochrane. L’intrigue principale est tirée de De l’autre coté du monde, rapportant un épisode de la guerre anglo-américaine de 1812. Toutefois, dans la version cinématographique, l’action prend place en 1805, soit lors des guerres napoléoniennes, au lieu de 1812, à la demande, semble-t-il, des producteurs, afin de ne pas dépeindre des Américains comme des méchants devant une audience américaine. En conséquence, un vaisseau français fictif, l’Achéron, remplace la frégate américaine USS Norfolk du roman homonyme. Des vils français à bord de l’Achéron ont recours à de non moins viles ruses pour tenter de vaincre le noble et brave capitaine anglais. 
  • Jusqu’en 1870, c’est la France qui modernise l’armée du Shogun au Japon. Jules Brunet est un des officiers militaires français qui fera partie d’une mission d’instruction au Japon. Cet instructeur d’artillerie modernisera l’armée de samouraïs du Shogun, Dans Le Dernier Samouraï en 2003, Brunet est évacué et remplacé par un Américain fictif (il n’y a pas d’instructeur militaire américain au Japon à l’époque) interprété par Tom Cruise.
  • Il existe un film hollywoodien sur l’expédition de Lewis et Clark. Il s’agit d’Horizons lontains tourné en 1955 avec Charlton Heston (un an avant sa participation dans la superproduction Les Dix Commandements). Le film tend à évacuer quasiment totalement le rôle des Français dans l’expédition et mythifie celui de Sacagawea. Toussaint Charbonneau dans la vie réelle était l’époux de Sacagawea et le père de leur jeune fils pendant l’expédition. Dans le long métrage, il n’apparaît que, brièvement au demeurant, comme une brute sale, grassouillette, cupide, fourbe et mal embouchée qui réclame sa propriété, Sacagawea. Mais elle n’a d’yeux que pour le beau Charlton Heston, l’officier américain Clark qui lui conte fleurette et la séduit par ses discours et sa tendresse civilisés. Clark est l’auteur du journal de l’expédition. Celle-ci comptait effectivement l’Indienne Sacajawea (également nommée la « Femme-oiseau »). Elle servit d’interprète et guida à certains moments les explorateurs. Mais, à l’inverse de sa situation dans le film où elle tombe amoureuse de Clark, elle fut accompagnée durant tout le voyage par le trappeur « canadien » Toussaint Charbonneau qu’elle avait épousé avant le départ et dont elle avait un jeune enfant. Charbonneau, contrairement à sa description dans Lointains Horizons, était loin d’être antipathique, même s’il n’était pas sans défauts évidents.

    Clark ne mentionne à aucun moment dans son journal la moindre amourette. Clark et Sacageawa ne pouvaient d’ailleurs se parler en toute intimité puisque pour lui parler Clark devait passer par François Labiche qui comprenait l’anglais. Labiche traduisait ensuite en français pour Charbonneau qui ne parlait pas anglais et qui traduisait à son tour en meunitarri (gros ventre) à sa femme... Labiche n’est pas le seul absent du film, on ne voit pas plus le métis George Drouillard, qualifié de meilleur chasseur de l’équipée par Lewis. Cette mythification de Sacageawa (dont on sait peu de choses en réalité) et cette dépréciation du rôle des Français ne sont pas le seul fait de ce film, on le retrouve également dans plusieurs romans qui traitent de cette expédition. Voir Anti‑French Sentiment in Lewis and Clark Expedition Fiction. Le film The Revenant adopte à nouveau une « représentation libre » du personnage de Toussaint Charbonneau, incarné par l’acteur français Fabrice Adde, qui commet un viol. C’est ce rôle que Roy Dupuis a refusé.

Seulement métissé à 1 %

Roy Dupuis affirme que la « plupart d’entre [les Français] ont épousé des Amérindiennes. Ils ont fondé des familles, ce qui a créé un peuple métissé nommé les Canadiens français ».

Mais qu’en est-il au juste ?

Comme le rappelait Gérard Bouchard, la plupart des communautés autochtones ont toujours été situées à bonne distance des habitats québécois, ce qui mine l’idée de contacts fréquents. En outre, l’Église a toujours découragé les unions mixtes. La proportion de gènes amérindiens dans le bassin génétique des Québécois est donc très faible (moins de 1 %), comme l’ont démontré des analyses rigoureuses appuyées sur le fichier de population BALSAC.

Il faut aussi se méfier d’une illusion généalogique : combien faut-il d’ancêtres indiens (et à quelle génération ?) pour conclure qu’un Québécois a « du sang indien dans les veines » ? Je rappelle qu’à la onzième génération, chacun d’entre nous compte plus de 2000 ancêtres...

Que signifie la présence de quelques Autochtones ?

Le métissage n’a donc été une réalité importante que dans les Prairies et dans l’Ouest là où il n’y avait pas ou peu de femmes françaises. Louis Riel avait ainsi un huitième de sang indien. Ce peuple métissé ce sont précisément les Métis établis dans l’Ouest et non les Canadiens français en général.  

Les traits sociaux et culturels

Gérard Bouchard poursuit :

« Selon la thèse du métissage intensif, notre société aurait hérité ses principaux traits des Autochtones : la mobilité géographique, l’amour de la nature et de la liberté, une sensibilité sociale-démocrate, la recherche de la consultation, du consensus et du compromis, le communautarisme, le goût de la médiation, l’aversion pour les divisions et conflits.

Je relève ici quatre difficultés.

D’abord, tout cela suppose des transferts intensifs, à grande échelle et sur une longue période à partir des Autochtones vers les Québécois. On ne trouve rien de tel dans notre histoire, les contacts se faisant principalement aux marges.

Deuxièmement, le mépris que les Blancs ont porté aux Autochtones a fait obstacle à des emprunts sociaux massifs. Cependant, des éléments de culture matérielle autochtone se sont largement diffusés.

Troisièmement, les traits mentionnés peuvent tous être imputés à d’autres sources et avec beaucoup plus de vraisemblance. Par exemple : le fait d’une petite nation minoritaire, qui sent le besoin d’une intégration étroite, de solidarité et de concertation, ou le fait d’une société neuve par définition proche de la nature, contrainte à l’entraide et éprise de liberté. Les traits invoqués se retrouvent du reste dans le passé de toutes les collectivités du Nouveau Monde.

Enfin, le canal de transmission fait problème : il opérait à l’envers. Les présences soutenues de Blancs parmi les Autochtones sur le territoire québécois ont consisté dans l’action du clergé et celle du gouvernement fédéral, l’une et l’autre visant à réduire la culture indigène afin d’implanter la culture occidentale. Quant aux coureurs de bois, ils se sont beaucoup “ensauvagés”.

On aimerait que la thèse du métissage intensif soit fondée et qu’elle engendre les vertus recherchées. Malheureusement, les faits sont réfractaires. Le danger ici, c’est de remplacer un stéréotype par un autre. Sur ce sujet, le lecteur aura profit à consulter les écrits plus nuancés de Denys Delâge (qui parle de 1 % de mariages mixtes). »

Coexistence et alliances


Ce qui est vrai c’est que les Français n’ont pu tenir la Nouvelle-France qu’à l’aide de nombreuses alliances avec les peuples autochtones. De même, les trappeurs français n’auraient pu commercer sur des territoires aussi vastes où ils étaient très minoritaires qu’en vivant en bonne intelligence avec les Indiens. Comme l’a montré l’historien Denis Vaugeois, le commerce des fourrures demandait des talents de négociateur et la connaissance des langues autochtones.

Il faut rappeler que, très tôt, il y aura environ 20 fois plus de colons anglais que français en Amérique du Nord. Sans l’aide des Indiens, les Français n’auraient pu tenir aussi longtemps un si vaste territoire.

Ces alliances n’étaient pas feintes. C’est ainsi qu’après la défaite des Français à Québec et à Montréal, les Outaouais se soulevèrent pour ramener les Français en Amérique du Nord et rétablir un certain équilibre des forces dans cet immense territoire. Au début, la révolte fut fulgurante ; les forces de Pontiac s’emparèrent de tous les postes de la région des Grands Lacs (sauf Niagara et Détroit) et les détruisirent.

Les Britanniques mobilisèrent des forces et utilisèrent pour éteindre cette révolte tous les moyens possibles, dont la dissémination planifiée de la petite vérole. Finalement, voyant que par le traité de Paris de 1763 la France renonçait à revenir, les guerriers de Pontiac firent une dernière action militaire, le siège du fort Détroit, pour en chasser les Britanniques. Mais après plusieurs mois de blocus, ils rentrèrent chez eux et la révolte s’éteignit lentement.

Cette révolte força le roi George III à faire la proclamation royale de 1763, qui affirmait les droits illimités des Indiens sur les terres qu’ils occupaient et interdisait toute nouvelle colonisation au-delà des Appalaches, entraînant le mécontentement des marchands et des spéculateurs américains. Le rattachement ultérieur de toute la zone autour des Grands Lacs au Québec en 1774 (une « loi intolérable » selon les colons anglais) sera d’ailleurs une des causes indirectes de la Révolte des Treize Colonies.


Pour finir par un ouvrage de culture populaire, mais cette fois français et non hollywoodien, mentionnons la série Capitaine perdu de Jacques Terpant qui revient sur la fin de la Nouvelle-France dans les Pays-d’en-Haut et la très grande proximité des Français avec les tribus locales.


Présentation de l’éditeur

 1763. Suite au traité qui met fin à la guerre de Sept Ans, Le Roi de France cède l’Amérique aux Anglais. Mais contrairement à ce que pensait Voltaire, il ne s’agit pas de quelques arpents de neige, mais de l’équivalent du Canada d’aujourd’hui et d’une vingtaine d’États des États-Unis. Alors que les soldats français, peu nombreux, abandonnent leurs possessions aux tuniques rouges, les Indiens se soulèvent, et sous le drapeau à fleurs de lys du Roi de France, menés par le chef Pontiac, ils reprennent les fortifications des Français.

À Fort de Chartres, sur les bords du Mississippi, le dernier des capitaines français en place, devra remettre l’ultime fort à l’Anglais. Mais comment abandonner ses alliés indiens avec lesquels on a vécu, et parfois pris femme ? Comment obéir aux ordres du Roi sans les trahir ? Comment les aider sans se perdre ? Mais au fond, que veut vraiment le Roi ?

Après l’adaptation des romans de Jean Raspail (Sept Cavaliers), c’est dans l’un de ses livres de voyage que Jacques Terpant apprend l’existence, sur les bords du Mississippi, de Saint Ange [Louis Groston de Bellerive de Saint Ange est né à Montréal en 1700], le dernier des capitaines français qui dut remettre aux Anglais les clés de toute l’Amérique. Il signe en deux tomes et en couleurs directes une fresque de cette épopée ignorée, qui signa la fin du premier empire colonial [français].
Sur la page de couverture de Capitaine perdu cette citation de Francis Parkman : « La civilisation espagnole a écrasé l’Indien ; la civilisation anglaise l’a méprisé et négligé ; la civilisation française l’a étreint et chéri. »

Michèle Tribalat : La discrimination positive est une machine à fabriquer du ressentiment et qui favorise l’irresponsabilité

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l’immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français, a été publié aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Statistiques ethniques, une querelle bien française vient d’être publié (éditions de l’Artilleur).

Dans un article sur Atlantico, elle déclare au sujet de la discrimination positive :

« L’expérience américaine montre que les politiques préférentielles à l’Université pénalisent ceux à qui elle est censée profiter et qu’elles ont aidé de plus en plus souvent, au fil du temps, les classes supérieures.

Au début des années 1970, la moitié des Noirs qui entraient dans les universités d’élite venaient de familles dont les revenus étaient inférieurs à la médiane.

Au début des années 1990, ce n’était plus le cas que de 8 %.

L’expérience américaine, comme l’expérience indienne, montre aussi que les catégories ainsi “protégées” ont tendance à s’étendre indéfiniment et qu’il est pratiquement impossible d’y mettre fin.

 C’est une machine à fabriquer du ressentiment chez les bénéficiaires comme chez ceux qui en sont exclus et qui favorise une culture du grief, de la plainte et de l’irresponsabilité. »

Source

Rupture ou continuité : comment enseigner l’histoire ?

Extraits d’un article intéressant de Francis Denis, détenteur d’un baccalauréat en philosophie et une maitrise en théologie : 

Depuis quelque temps, le débat sur l’histoire du Québec et le problème de sa transmission refont surface. Méthode, mission, orientation, esprit, valeurs, toutes les raisons inimaginables sont aujourd’hui mises de l’avant pour justifier une énième réforme de son enseignement.

[...]

Modèle collectiviste s’il en est un, le Québec, nous dit-on, doit se limiter à un seul curriculum. De là émergent les différentes batailles de points de vue découlant de ce que l’on croit être le Québec d’hier et d’aujourd’hui.

[...]

Revisitez les manuels d’histoire des cent dernières années et vous remarquerez que l’orientation générale et le sens donnés aux évènements ont grandement changé. Historia semper reformanda pourrait-on dire ! Comprendre le débat actuel nécessite selon moi davantage un regard sur le présent que sur le passé.

Perte d’intérêt ?

[...]

Pourquoi est-il si difficile de transmettre le gout de la connaissance historique aux jeunes d’aujourd’hui ? Parce que notre vision de l’histoire est foncièrement contradictoire.

[...]  Elle se contredit parce que l’image que nous projetons de nous-mêmes et de notre époque entre en conflit avec la logique même de la transmission et de l’histoire.

Je m’explique. Notre temps, que d’aucuns ont qualifié de « fin de l’histoire », se targue d’être le summum de l’Histoire. Notre époque en serait donc une où la vraie moralité aurait enfin pris le dessus, où la vérité aurait pris la place de l’obscurantisme et où la technologie pourrait désormais accomplir la mission du salut de « l’homme par l’homme ».

Vision quelque peu caricaturale, néanmoins partagée par grand nombre de nos contemporains suivant ainsi docilement une certaine intelligentsia. Cette projection utopique de nous-mêmes serait le point d’arrivée auquel l’enseignement de l’histoire devrait mener. D’où la nouvelle sélection d’évènements et d’insistances saupoudrée de moralité politiquement correcte afin de bien reconnaitre pas à pas les signes et les héros avant-gardistes qui auraient travaillé à établir ce royaume eschatologique tant attendu.

Avant 1960, le déluge

[...] S’il n’a jamais fait aussi bon vivre qu’aujourd’hui, à quoi bon s’intéresser à ce qui nous a précédés ?

Si l’époque de la « Révolution tranquille » continue d’être présentée comme un évènement politique et culturel en rupture avec le passé, comment pourrons-nous susciter l’intérêt des jeunes Québécois pour leur patrimoine ?

Vous aurez remarqué la difficulté de ma position. Lorsque le seul terme qui me permet de qualifier l’évolution du Québec durant la deuxième moitié du vingtième siècle est celui de « révolution », nous voyons comment il sera difficile d’effectuer cette révision si nécessaire à l’enseignement de l’histoire.

[...]


En effet, comment un professeur m’enseignant la rupture historique pourra-t-il me convaincre de l’utilité et de la beauté de ce qui est venu avant moi ?
[...]
Présenter l’histoire du Québec comme étant centrale à la vie humaine tout en rédigeant, en caractères gras, l’indépendance historique de notre époque m’apparait contradictoire. Je crois que les jeunes comprennent assez vite ce genre de chose et c’est pourquoi ils s’en désintéressent.

En ce sens, ce ne sera pas seulement l’enseignement de l’histoire qu’il faudra réformer, mais la vision même par laquelle nous la regardons. Une histoire en continu et dans laquelle aucune période n’est le moindrement du monde indépendante de celle qui l’a précédée.

Voir aussi

Les manuels scolaires québécois d'histoire...

Québec — Menace sur la liberté d'expression : le projet de loi 59

Texte de Mathieu Bock-Côté sur le projet de loi 59. Une nouvelle loi du cadenas ? Les intertitres sont de nous

Depuis quelques mois, on a cessé de suivre les débats entourant le projet de loi 59, grâce auquel le gouvernement Couillard entend lutter contre les discours haineux.

À tort.

Car nous sommes là devant une menace sans précédent pour la liberté d’expression.

Mais on apprenait il y a quelques jours que la députée du Parti québécois Agnès Maltais pratique contre lui une obstruction systématique. Elle veut nous alerter.

Car sous le couvert de la lutte aux discours haineux, c’est à la liberté d’expression qu’on s’en prend.

Propos haineux, concept vague et liberticide

La ministre de la Justice Stéphanie Vallée (ci-contre), qui porte le projet de loi, prétend l’avoir amélioré. Pourtant, nous sommes toujours devant une proposition catastrophique.

Qu’est-ce qu’un propos haineux ? Quoi qu’en dise le gouvernement, cela demeure terriblement flou. Ce grand flou autorisera toutes les dérives.

En fait, chaque minorité identifiée par la Charte des droits pourra se présenter comme victime de propos haineux.

Sera-t-il encore permis de critiquer l’islam comme religion et l’islamisme comme idéologie ? Sera-t-il permis de dire que certaines communautés culturelles s’intègrent moins bien que d’autres à la société occidentale ?

En fait, chaque minorité identifiée par la Charte des droits pourra se présenter comme victime de propos haineux. Comme d’habitude, ce sont les radicaux de chaque communauté qui décideront s’ils se sentent heurtés et qui militeront pour la censure.

Voyons plus loin. Qu’il s’agisse du souverainiste excité, du fédéraliste enragé, de la féministe radicale, du militant homosexuel sourcilleux ou de l’islamiste, chacun pourra se tourner vers son contradicteur obstiné et l’accuser de propos haineux.

Museler par le bras de l’État les opinions divergentes

Tous ceux qui dérangent l’idéologie dominante ou un groupe trop sensible pourraient le payer très cher. La liberté de critiquer la religion sera muselée.

Cette loi accorderait des pouvoirs exceptionnels à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ), qui porte bien mal son nom.

Car pour peu qu’on s’intéresse aux travaux de cette dernière, on constate qu’elle rêve fondamentalement d’une chose : devenir une police politique et trier entre les opinions respectables et celles qui ne le sont pas.

Nous n’avons pas besoin de contrôleurs idéologiques payés à temps plein pour surveiller les propos des uns et des autres.

Donner des droits à la CDPDJ, c’est en enlever aux citoyens.

Islamophobie ?

Martin Lemay, ancien député du Parti québécois de Sainte-Marie–Saint-Jacques, dans un texte paru il y a quelques mois, a parlé de la « loi du cadenas de Philippe Couillard ». La formule était aussi percutante qu’éclatante de vérité.

On s’en souvient, il s’agissait alors, sous le gouvernement Duplessis, au nom de la lutte contre la propagande communiste, de casser les mouvements sociaux progressistes.

Aujourd’hui, la déviance politique a changé de nom. Officiellement, on veut lutter contre l’islamophobie, ce mot fourre-tout qui vise à faire croire que la simple critique de l’islam ou de ses dérives relève de l’agressivité pathologique.

Dans les faits, ce sont les critiques du multiculturalisme et tous ceux pour qui la « diversité » peut poser problème qui sont visés. Au nom de la lutte contre les discriminations, on cherchera à les museler.

Stéphanie Vallée devrait mettre sa loi à la poubelle.

Voir aussi

Australie — Poursuite d’une employée d’une université pour embarras et humiliation

Des universités politiquement correctes qui doivent « protéger » leurs étudiants des idées dérangeantes


Correctivisme politique et les tribunaux : « Extirper l'hérésie et le blasphème » ?