mardi 4 octobre 2022

« Mussolini et le fascisme, créatures des services secrets anglais », selon deux essayistes italiens

Mussolini
Le livre « Nero di Londra [Noir de Londres]. De Caporetto à la Marche sur Rome : comment les renseignements militaires britanniques ont créé le fasciste Mussolini » sort ce 4 octobre 2022.

Le livre est lancé par un article dans le très britannique The Times.

Le livre met en lumière — papiers et documents à l’appui — le rôle joué par le renseignement militaire britannique dans l’accession au pouvoir de Mussolini. Les deux auteurs ont trouvé des documents inédits dans les archives personnelles du chef du DMI (Directorate of Military Intelligence), Sir Samuel Hoare, conservées à la bibliothèque de l’université de Cambridge et déclassifiées en 2001.

« Bien qu’il ait combattu l’armée britannique en Afrique pendant la [seconde] guerre [mondiale], les archives montrent que Mussolini doit en partie sa montée rapide au pouvoir aux officiers britanniques qui l’ont aidé à organiser sa marche sur Rome en 1922 », précise Giovanni Fasanella, auteur de Noir de Londres. « Les Britanniques ont aidé à organiser la marche et ont poussé Mussolini à prendre le pouvoir afin d’en faire la figure clé d’un gouvernement qui leur serait favorable », ajoute Fasanella au Times.

Après la marche de 1922, Sir Ronald Graham, ambassadeur d’Angleterre en Italie, rencontra Mussolini et envoya à Londres un rapport élogieux sur la « discipline » du Duce. Mario Josè Cereghino affirme que la carrière du Duce entre 1917 et 1922 « n’aurait pas pris le chemin que nous connaissons sans l’influence du parti conservateur britannique ».

Mussolini est d’abord membre du Parti socialiste italien (PSI) et directeur du quotidien socialiste Avanti ! à partir de 1912. Anti-interventionniste convaincu avant la Première Guerre mondiale, il change d’opinion en 1914, se déclarant favorable à l’entrée en guerre de l’Italie. Expulsé du PSI en novembre 1914, il crée son propre journal, Il Popolo d’Italia (Le Peuple d’Italie) qui prend des positions nationalistes proches de celles de la petite bourgeoisie. Dans l’immédiate après-guerre, profitant du mécontentement de la « victoire mutilée », il crée le Parti national fasciste (PNF) en 1921 et se présente au pays avec un programme politique nationaliste, autoritaire, antisocialiste et antisyndical, ce qui lui vaut l’appui de la petite bourgeoisie et d’une partie des classes moyennes industrielles et agraires.

Photo célébrant la marche sur Rome en 1922

En 1922, des dizaines de milliers de fascistes marchent sur Rome. Le roi Victor Emmanuel III dissout le gouvernement et offre à Mussolini la charge de former un nouveau gouvernement de coalition.

C’est cette marche que le gouvernement britannique aurait aidé à organiser, car il voulait que Mussolini soit le leader, ont affirmé les auteurs de Nero di Londra. M. Fasanella a déclaré au Times : « Les Britanniques ont aidé à orchestrer la marche et à propulser Mussolini au pouvoir parce qu’ils voulaient faire de lui le personnage clé d’un gouvernement qui leur serait utile. »

Sir Ronald Graham, alors ambassadeur britannique en Italie, a assuré la liaison avec les dirigeants de la marche dans les jours précédents, selon des documents des Archives nationales du Royaume-Uni. Les dirigeants se sont réunis dans un bâtiment appartenant à un aristocrate à moitié anglais, Romeo Adriano Gallenga Stuart, qui, selon les auteurs, était un informateur du renseignement britannique.

M. Cerenghino a déclaré au Times qu’ils pensaient que Graham donnait des conseils utiles aux fascistes, car il était « constamment » informé par les marcheurs alors qu’ils descendaient sur Rome. Non seulement cela, mais un haut responsable politique conservateur britannique, Sir Samuel Hoare, a affirmé que l’argent britannique avait été utilisé pour « former le parti fasciste et financer la marche », révèlent des documents.

Hoare avait déjà travaillé avec Mussolini. En 2009, on avait appris que Mussolini était payé 100 £ par semaine — l’équivalent d’environ 5 350 £ aujourd’hui (8300 $ canadiens, 6100 euros) — par le MI5. Somme autorisée par Hoare qui était le représentant du MI5 à Rome. Mussolini aurait été payé pour colporter de la propagande pro-guerre dans son journal et l’ancien journaliste aurait également dit à Hoare qu’il enverrait des vétérans de l’armée pour rosser des manifestants pacifistes à Milan. L’historien de Cambridge, Peter Martland, qui a découvert les détails lors de l’examen des papiers de Hoare, a déclaré au Guardian : « L’allié le moins fiable de la Grande-Bretagne dans la guerre à l’époque était l’Italie après le retrait de la Russie du conflit à la suite de la Révolution bolchevique. Mussolini a été payé 100 £ par semaine à partir de l’automne de 1917 pendant au moins un an pour entretenir la campagne pro-guerre. »

M. Fasanella a déclaré au Times que Hoare savait perturber les meetings de gauche grâce à l’utilisation de l’Union antisocialiste dans la capitale italienne. Il a déclaré : « Hoare s’était spécialisé dans l’utilisation de la violence et de la propagande en Grande-Bretagne et il a introduit ces méthodes en Italie. »

Notons qu'en 1943, Mussolini, revenu de sa captivité à Gran Sasso, instaure un régime qui ne garantit la propriété privée que dans la mesure où elle ne portait pas atteinte à la personnalité physique et morale des autres hommes et qui reconnait la nécessité de certaines nationalisations, expropriations de terre, la participation des travailleurs aux bénéfices de l'entreprise, le principe de cogestion des entreprises. Ce régime du fascisme finissant revient aux origines républicaines, socialistes et populistes du fascisme.

 



Nero di Londra

Da Caporetto alla marcia su Roma: come l’intelligence militare britannica creò il fascista Mussolini,
par Giovanni Fasanella et Mario José Cereghino,
publié par Chiarelettere,
à Milan,
le 4 octobre 2022,
256 pp,
ISBN-10 : 8832965089
ISBN-13 : 978-8832965087