dimanche 31 janvier 2021

La fin du mandat présidentiel de Donald Trump rappelle le déclin de la République romaine

De David Engels sur le site de Valeurs Actuelles :

La fin du mandat présidentiel de Donald Trump rappelle le déclin de la République romaine, au Ier siècle avant Jésus-Christ, estime l’historien et essayiste belge.

Cicéron (debout) dénonce Catilina (assis, isolé) du parti des populares au Sénat
 
Déjà au début de la présidence de Trump, j’avais comparé son mandat aux dernières années de la République romaine, quand des tribuns de la plèbe tels que Catilina ou Clodius s’étaient rebellés contre l’oligarchie sénatoriale romaine (et ses liens étroits avec l’élite financière), dans un mélange de démagogie, de réformisme et de véritable préoccupation sociale — et échouèrent lamentablement. La fin de la présidence de Trump confirme cette hypothèse. La terreur des émeutes de Black Lives Matter, la chaotique prise d’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, et le contrôle total que son adversaire vient d’obtenir sur toutes les institutions de la République rappellent de manière dramatique ces affrontements sanglants entre Clodius, l’enfant terrible du patriciat romain, et son adversaire Milon, dont la terreur fut systématiquement promue par l’oligarchie sénatoriale afin d’éliminer Clodius et ses partisans.

De Rome à Washington

Certes, le populiste Clodius, contrairement à Trump, était loin de poursuivre un programme culturel conservateur et l’optimas [les optimates étaient le parti de l’établissement, de l’élite en place] Milon n’aurait probablement jamais tourné en dérision sa propre histoire culturelle comme le fait la cancel culture. Mais les parallèles morphologiques entre hier et aujourd’hui restent stupéfiants : l’érosion des antagonismes idéologiques entre les partis traditionnels par la formation de cartels ; l’exclusion systématique et donc la radicalisation politique de toute opposition interne ; l’incapacité d’un système caractérisé par une polarisation sociale inouïe à se réformer par lui-même ; et enfin l’instrumentalisation politique de la rue — et ce précisément non seulement par les populistes, mais aussi par les partis établis, qu’il s’agisse des voyous de Milon ou de l’antifa.

Mais ce qui est encore plus éclairant, c’est la conséquence politique ultime de la brève aventure populiste romaine, à savoir la volonté croissante d’une élite politique menacée de réaliser exactement ce dont elle accuse ses adversaires : l’instrumentalisation de l’état d’urgence. Ainsi, l’assassinat de Clodius, en 52 avant Jésus-Christ, fut suivi par la nomination de Pompée comme consul unique, fait inédit dans l’histoire de Rome, car négligeant un élément central de la séparation des pouvoirs et anticipant l’Empire. Pompée, bien qu’il ait secrètement alimenté le conflit entre Clodius et Milon, se présente comme un « médiateur » impartial entre populares et optimates ; mais sous prétexte de combattre les « fauteurs de troubles » par des forces de police spéciales et des tribunaux extraordinaires, il se débarrasse rapidement de ses propres adversaires. Et il faut s’attendre à ce que Joe Biden, lui aussi, sache tirer bon parti de ces sinistres listes des « trumpistes » compilées par ses supporters, tout comme il est à supposer qu’en Europe également, nous assisterons bientôt à une répression politique croissante du populisme conservateur.

Le cadavre de Publius Clodius Pulcher (mort en -52) retrouvé sur la via Appia à Rome

 Un flou idéologique salvateur ?

Cependant, quiconque croit que la victoire imminente de l’établissement politique sera définitive se trompe : les « déplorables » américains ainsi que les « gilets jaunes » français ou les « Wutbürger » allemands continueront à représenter un puissant capital politique précisément en raison de leur flou idéologique ; capital qui sera facilement accessible à tous ceux qui auront compris que la lutte politique de l’avenir ne sera plus décidée par des élections et des institutions, mais, tout comme dans la Rome républicaine tardive, par le charisme, le contrôle de l’opinion publique, le pouvoir financier et la pression de la rue. Dans la Rome antique, le bref calme imposé par Pompée fut rapidement suivi par la révolte de César, qui, en 49, entraîna le début de plus de vingt ans de guerre civile ouverte ou larvée, jusqu’à ce que les antagonistes fatigués se soumettent finalement au compromis impérial d’Auguste. D’où viendra le César européen ?

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Pro renovatione occidentis 

Michel Houellebecq : le suicide de l'Occident résultat de deux déclins, l'un démographique, l'autre religieux

Dans Le Déclin, à travers une étude comparative simple et factuelle, Davis Engels fait le récit de la situation, troublante de ressemblances, vécue par la République romaine tardive. De la question de la citoyenneté et des flux migratoires à celle de l'art ou des frontières, cette époque antique apparaît stupéfiante d'actualité et de modernité. 

 

Le martyre actuel des chrétiens d'Orient

Ce vendredi 29 janvier, l’AED (Aide à l’Eglise en détresse) a organisé à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre en huis clos la « Nuit des témoins » pour rendre hommage aux chrétiens persécutés dans le monde.

Le père Charbel Eid Rizkallah, moine maronite et coordinateur de l’AED au Moyen-Orient, revient sur la terrible situation des chrétiens d’Orient en Syrie et en Irak.


Radio-Canada renvoie dos-à-dos histoire factuelle « blanche » et tradition orale indienne

Radio-Canada (vos impôts à l’œuvre) s’est sentie obligée d’écrire un article pour défendre la théorie récente selon laquelle Montréal serait un territoire agnier non concédé. Défense, car elle met sur un même pied les prétentions des Agniers et les études des historiens « blancs », en présentant d’abord la tradition orale des Mohawks. (Agnier est le nom français des Kanien'kehá:ka, littéralement les Gens du Silex, Mohawk étant leur nom en anglais.)

Denis Coderre et Valérie Plante avaient déjà pris position en 2017 en déclarant que la métropole était un territoire autochtone, voire Mohawk, non cédé. La calamiteuse Valérie Plante avait fait la promotion de l’agnier en 2019 quand elle a fait rebaptiser la rue Amherst du nom d’Atateken (frères et sœurs, fraternité en agnier). Choix pour le moins étonnant : les odonymes inspirés de noms communs devraient être en français au Québec. Ce nom commun étranger a été préféré à Pontiac (chef indien ennemi d’Amherst) dont le nom a été souvent suggéré pour remplacer celui d’Amherst. Ajoutons que des Mohawks étaient les alliés d’Amherst contre les Français lors de la conquête de Montréal en 1760…

Plus récemment, cette prétention à une occupation de Montréal par les Agniers a refait surface lors du dévoilement du nouveau logo, fraîchement accueilli, de l’Impact de Montréal.  Justin Kingsley, ancien homme de confiance de Paul Martin, ancien premier ministre libéral du Canada et homme fort de Power, a voulu réinventer l’image de l’Impact de Montréal. La fleur de lys a donc été réduite à un discret signe de ponctuation. Le bleu et tout ce qui faisait le symbole du Québec et de Montréal ont reçu le traitement « diversitaire » : la dominante bleue du logo est devenue le noir, le blanc a été remplacé par le gris. Dans ce même esprit, le club a fait un court métrage mettant la ville en vedette « dans les trois langues présentes lors de sa fondation », soit d’abord l’agnier (mohawk), puis l’anglais et enfin le français. Voir ci-dessous.

 

« Les trois langues présentes lors de sa fondation ». Cette phrase nous paraît incompréhensible. À la fondation de Montréal, en 1642, il n’y a pas de Mohawk présent sur l’île. Pas plus que d’Anglais. Si l’on veut parler des gens dans la région, il faudrait inclure le néerlandais dans la vidéo. En effet, les Européens les plus proches de Montréal par voie fluviale étaient les Néerlandais (souvent francophones d’ailleurs, des Wallons) de la Nouvelle-Néerlande (ou Nouvelle-Belgique). Ils se trouvaient au bout de l’axe de pénétration de la rivière Hudson, du lac Champlain et de la rivière Richelieu. Les Mohawks furent d’ailleurs en contact régulier avec les Hollandais. Les Anglais de la Nouvelle-Angleterre (Boston) n’avaient pas un accès aussi direct à la région de Montréal. La Nouvelle-Néerlande capitule en 1664 devant les attaques des Britanniques.

 


C’est dans ce contexte que l’ancien ministre Joseph Facal a écrit un texte intitulé « Montréal n’a jamais été un territoire mohawk ». Nous en reproduisons un extrait ci-dessous :

C’est simple : il n’y a pas un seul historien sérieux qui soutient cette idée d’une présence mohawk sur l’île de Montréal lors de la fondation de la ville.

Cette ritournelle est celle de militants.

Paul Chomedey de Maisonneuve fonde Montréal en 1642.

Quels autochtones habitent sur l’île à ce moment ? Aucun, bien que certains y venaient pour chasser… mais pas les Mohawks.

Des autochtones avaient-ils déjà vécu sur l’île ? Oui, puisque Jacques Cartier, environ un siècle avant, en parle.

Mais c’étaient des Iroquoïens.

Que s’est-il passé entre Cartier et Maisonneuve qui expliquerait leur disparition de l’île ? Les historiens ont des hypothèses, mais aucune certitude.

Les Mohawks d’aujourd’hui disent que ces Iroquoïens sont leurs ancêtres, mais ces Iroquoïens ne parlaient pas la même langue. Hmm. . .

Où sont les Mohawks pendant ce temps ?

Ils sont chez eux, dans le nord de ce qui allait devenir l’État de New York [en Nouvelle-Néerlande/Nouvelle-Belgique], là où se trouve aujourd’hui la ville d’Albany [alors Fort-Orange].

Ils font la guerre à d’autres nations amérindiennes pour garder leur monopole sur la traite des fourrures avec les Hollandais, arrivés à New York [la Nouvelle-Amsterdam, Manhattan a été acheté par un Wallon protestant, Pierre Minuit] bien avant les Britanniques.

Pendant ces guerres livrées aux Mohicans, aux Algonquins, aux Attikameks, aux Innus, ils feront certes des incursions ici, mais rentrent chez eux après.

Forcément, quelques-uns étaient capturés. Ils devenaient des esclaves ou, s’ils étaient enfants, pouvaient être « adoptés » par des parents d’une autre nation.

Parmi eux, plusieurs furent convertis au christianisme par les missionnaires.

Ce sont des missionnaires venus de France qui fondent Kahnawake en 1667 et Kanesatake en 1705, bien après la fondation de Montréal.

Akwesasne ne voit pas le jour avant 1750.

Arrive ensuite la guerre d’Indépendance des États-Unis, qui commence en 1775 et se termine en 1783.

Les Mohawks choisissent le mauvais camp : celui de la Grande-Bretagne.

Après la victoire des Américains, leur position devient très inconfortable.

Ils quittent carrément le territoire. Beaucoup vendent leurs terres et viennent s’installer ici.

Montréal existe alors depuis plus d’un siècle. [140 ans]

Bref, les Mohawks du Québec d’aujourd’hui sont les descendants de ces Mohawks venus d’ailleurs, chassés par les guerres entre autochtones et entre Blancs.

La société de diffusion gouvernementale a donc cru devoir opposer à cette version, celle des Agniers : « Des points de vue opposés sur Montréal en tant que territoire mohawk ». Dans le titre comme dans l’article, Radio-Canada présente les deux points de vue comme égaux, aucun ne serait vrai ni erroné.

Radio-Canada affirme en introduction que « Selon lui [Joseph Facal], “il n’y a pas un seul historien sérieux qui soutient cette idée d’une présence mohawk sur l’île de Montréal lors de la fondation de la ville”. » 
 
L’article radio-canadien présente d’abord les prétentions des Agniers :
La réponse du Conseil Mohawk de Kahnawake [MCK en anglais] ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué de presse, il explique que cet article « ne réussit qu’à donner aux lecteurs du journal un faux sens de l’histoire qui vise, tout simplement, à discréditer une fois de plus notre peuple et notre histoire ». Encore une fois, le MCK affirme que « la région de Montréal a longtemps été le territoire des Kanien'kehá:ka et le restera, que certains écrivains veuillent l’accepter ou non ».

On suppose que ces « certains écrivains » désigne tous les historiens qui s’appuient sur des faits et qui réfutent les prétentions agnières.

L’article de la SRC se poursuit :

En entrevue, le chef Ross Montour de Kahnawake a détaillé la position mohawk qui se base selon lui sur des « faits et non pas des opinions ». Il rappelle d’entrée de jeu que son peuple était sur le territoire bien avant l’arrivée des Européens.

En effet, les Mohawks expliquent que leurs ancêtres, qui ont un moment vécu à Montréal, l’ont ensuite quittée, avant d’y revenir. Leur arrivée dans les missions catholiques était finalement un retour au bercail, ce que documente leur tradition orale.

Nous n’avons pas compris la raison du « En effet » placé par l’auteur de la SRC. Car quel est donc ce fait qui prouve que le territoire était occupé par les Mohawks ou leur appartenait quand les Français s’y sont installés ? La tradition orale…? C’est cela le fait probant ? Mais la tradition orale ne peut pas être une preuve en soi, sinon il faudrait croire à toutes les légendes et mythes. Cette histoire orale ne peut au mieux qu'indiquer des pistes possibles, éclairer des interpétations qui doivent être étayées par des preuves plus probantes.

Le Chef Montour sort alors la grosse artillerie (critiquer les prétentions mohawks c’est être raciste) :

Les propos de M. Facal sont l’une des premières manifestations de racisme systémique.

Chef Ross Montour

Et la fameuse « théorie iroquoise » sur laquelle s’appuie M. Facal est fondée sur de minces preuves archéologiques, d’après le chef Montour.

Le chef poursuit :

Par ailleurs, il estime que les Européens ont écrit l’histoire en se basant sur « leur propre ethnocentrisme » et qu’elle a été utilisée pour justifier leur présence sur ces terres.

On peut facilement retourner cet argument cousu de fils blancs : les Agniers utilisent leur « tradition orale » (qui remonte à quand, au fait ?) pour justifier leurs revendications territoriales.

Le grand chef Simon de Kanesatake (Oka) déclare :

Les Mohawks de l’État de New York ont conquis les Iroquois du Saint-Laurent et les ont absorbés. Si c’est le cas, nous sommes des descendants des Iroquois, donc nous avons le droit de revendiquer les terres qu’ils occupaient.

Cet argument est très intéressant : il légitime la propriété par le droit de conquête et le métissage avec les peuples conquis, à moins que ce soit la communauté de race (avant le métissage) des conquérants (Mohawks) et des vaincus (Iroquoiens). Mais les Français ont conquis (dans la vision des Mohawks) Montréal et se sont métissés avec les rares occupants des environs. Ils peuvent donc légitimement revendiquer Montréal ? Ou cela ne peut-il jamais s’appliquer à des Blancs ? Des Amérindiens qui conquièrent, massacrent et assimilent des peuples amérindiens, pas de problème; des Européens alliés à des Amérindiens qui conquièrent et assimilent des Amérindiens très mal. Ce ne serait pas cela le racialisme ?

L’article se poursuit par des historiens qui confirment les affirmations de Joseph Facal :

Pour ce qui est des occupations ancestrales, la revendication mohawk sur l’île de Montréal est fausse. On ne peut pas faire le lien entre les Mohawks de Kahnawake et les Iroquois d’Hochelaga.

Serge Bouchard, anthropologue

Il rappelle qu’à l’arrivée de Jacques Cartier sur le continent, deux nations iroquoïennes occupaient le territoire. « Malheureusement, Jacques Cartier n’a pas noté l’ethnonyme de ces peuples. »

M. Bouchard explique que deux appellations pour les populations autochtones ont été retenues à l’arrivée des Européens : les Canadiens iroquoïens et, à Montréal, les habitants du pays d’Hochelaga.

Cette théorie est partagée par l’historien de l’UQAM Alain Beaulieu qui souligne que, même si l’article de M. Facal peut sembler polémique, il n’en reste pas moins qu’il n’y a pas de preuve d’une présence mohawk à proprement parler à Montréal avant l’arrivée de Jacques Cartier.

« La création de villages mohawks dans la vallée du Saint-Laurent date d’après 1667, soit environ un demi-siècle après l’installation des Français. Avant, personne n’occupait Montréal de manière permanente », dit-il.

L’article du diffuseur gouvernemental se termine avec un brin de chantage émotionnel (ne pas accepter les demandes mohawks c’est être contre la réconciliation) et les propos vagues d'un historien prudent et conciliant qui ne veut pas se prononcer sur «les revendications» autochtones. De quelles revendications parle-t-il ? Des agnières ? Autour de Montréal ? Pas celles fondées sur une prétendue présence mohawk sur l’île de Montréal en tout cas.

Pour le MCK, soutenir la thèse de M. Facal remet en cause le travail de réconciliation entamé entre Autochtones et allochtones, et nie la responsabilité de la population québécoise quant à la dépossession du territoire mohawk.

[…]

Il insiste : « Je ne prends pas position contre les revendications autochtones. Je laisse les tribunaux trancher. À ce sujet, je pense qu’il faudrait d’ailleurs travailler sur les critères de la jurisprudence en ce qui a trait aux revendications territoriales ».

Mais voilà, on a la nette impression qu’il fallait finir l’article sur un ex-æquo et laisser croire aux lecteurs de cette plateforme massivement subventionnée que deux thèses d’égales valeurs s’affrontent, que les prétentions mohawks sur Montréal sont légitimes en faisant dire à un historien que les revendications autochtones ne doivent pas être rejetées, mais sans dire lesquelles. Ex-æquo historique pour déplacer la discussion sur le terrain émotif : remettre en cause les prétentions des Mohawk, c’est vouloir envenimer les choses, « remet[tre] en cause le travail de réconciliation ». C'est très vilain. Le début du racisme systémique, même.

Bref, si M. Joseph Facal n’a pas tort sur les faits historiques, ces faits sont de peu d’importance puisque issus de la science « blanche » et que M. Facal est une personne irresponsable qui attise les tensions.

Voir aussi

« La blanchité multiraciale » : comment les wokes expliquent que des non blancs votent pour Trump

La théorie de la « fragilité blanche » (une nouvelle ordalie de l’eau utilisée pour découvrir les sorcières)