dimanche 18 novembre 2007

L'éducation chez les juifs orthodoxes d'Israël

Le Devoir se réjouissait il y a quelque temps que la ministre de l'Éducation du Québec allait serrer la vis en ce qui concerne les écoles juives à Montréal.

Le journal Un Écho d'Israël relate comment, pour les Juifs orthodoxes, l'enseignement des matières profanes posent des difficultés. Les modifications que veut imposer le ministère de l'Éducation seront-elles vraiment aussi bien reçues (et réellement appliquées) que le laissait entendre l'article du Devoir, rappelons que le Devoir décrivait la Ministre Courchesne comme « toutefois confiante en la bonne volonté de la communauté. » Malheureusement Le Devoir n'avait pas jugé bon de laisser la parole aux personnes concernées par la décision du Monopole.
Cécile Pilverdier pour Un Écho d'Israël

Au début de l’année scolaire 2007-2008 la ministre de l’Éducation Yuli Tamir, a décidé de dispenser les petites écoles talmudiques de l’étude de l’anglais et des mathématiques. Cela veut dire que 25 000 élèves termineront le lycée sans avoir de base en anglais en mathématiques et en sciences. Ceci sous la pression des Juifs orthodoxes.

En 2010 en Israël, un élève sur quatre apprendra l’araméen au lieu de l’anglais, le Talmud au lieu des mathématiques et la loi juive au lieu des sciences.

Cette décision a été prise après des réunions au ministère, en vue de discussions au tribunal de Grande Instance sur le sujet. Devant cette décision, l’organisation des professeurs du secondaire a interpelé le ministère de l’Éducation : pourquoi paye t-il des institutions qui n’enseignent pas l’anglais, les mathématiques et les sciences ? En vue de cette discussion, Y. Tamir est arrivée à un compromis face aux responsables du système de l’éducation religieuse, car dans la plupart des écoles orthodoxes il y a ce programme obligatoire, mais cependant 25 000 élèves, des classes de seconde à la terminale (les élèves des petites écoles talmudiques) en seront dispensées.

« Selon le plan, préparé par les conseillers juridiques du ministère, la ministre accordera la dispense à ces milliers d’élèves. Ils seront obligés d’apprendre seulement les matières religieuses, et ils recevront 55 % du budget donné par l’État aux écoles gouvernementales », a déclaré un fonctionnaire du ministère. Il s’agit là d’une décision très problématique, mais du côté des orthodoxes, l’étude de ces matières laïques sont une faute qu’ils ne peuvent pas accepter.

La décision de Y. Tamir est un échec supplémentaire dans le combat face aux orthodoxes. Il y a quelques mois la loi « Nhaari » a été votée, dans laquelle 75 à 100 % des études seraient religieuses. Cette loi Nhaari prévoit que les mairies participeraient au budget des écoles religieuses et privées. Les autorités locales pensent que cette décision va encourager toutes les écoles religieuses et privées à exiger un budget supplémentaire auprès des caisses qui sont vides. Si elle est appliquée, cette loi enlèvera à 25 000 élèves la possibilité d’acquérir les moyens d’insertion dans le monde du travail et de la société israélienne. A la lumière du soutien qu’a obtenu cette loi au gouvernement et à la Knesset, on peut douter de l’opposition des députés face à la décision du ministère de l’Éducation au sujet des « petites écoles talmudiques ».

Cette décision va aussi causer un problème au bureau des statistiques, qui annonçait que l’éducation [N.D.L.R. le nombre d'élèves ?] chez les orthodoxes augmentait chaque année de 10 % alors que la gouvernementale et gouvernementale religieuse diminuait de 2 %.

Résultat : avec le temps le nombre de ces élèves augmentera et la possibilité pour eux de participer au monde du travail diminuera.

Y. Tamir : « Impossible de les obliger »

« Nous hésitons encore : que faire avec ce groupe de garçons des petites écoles talmudiques ? De toute façon nous ne pourrons pas les obliger à enseigner ces matières et je sais que par la force cela ne marchera pas » dit Tamir, « pour moi c’est un vrai dilemme. Qu’on les oblige ou non, ils ne le feront pas. La solution est sans doute de les en dispenser et de construire un système pour les aider par la suite. Il faut reconnaître que du temps de Ben Gourion, Israël a décidé de leur laisser leur propre système d’éducation. Cette autonomie, on ne peut pas la leur enlever. Ils ont une grande force et l’éducation est pour eux la priorité » poursuit la ministre.

« La décision de la ministre de l’Éducation est une reddition totale face aux rabbins et orthodoxes dont le but est de garder sous leur emprise le public orthodoxe, et de garder ces jeunes gens dans les ghettos et la pauvreté » a répondu Kobi Ben Aroukh, étudiant en philosophie issu de ces milieux. « Ce n’est pas pour rien que les rabbins se dressent pour empêcher l’éducation de ces jeunes. Ils savent que l’obéissance du peuple orthodoxe à leurs ordres, dépend du manque de cette culture et de l’absence de communication avec un monde autre que le leur. De ma propre expérience, les manques de connaissance que j’ai dû acquérir, du fait de mes études dans ces écoles, étaient énormes et m’ont demandé des années d’efforts surhumains et presque impossibles pour arriver au niveau d’un jeune qui a fait ses études dans le système normal » déclare Ben Aroukh.

Deux réactions (publiées dans Maariv) :

- L’une contre le système orthodoxe (D’un ancien élève des écoles talmudiques, Yéhouda Chohat)

« Comme enfant et jeune orthodoxe, l’absence de l’anglais, de l’hébreu, des maths et même de quelques leçons de sport, je ne l’ai pas ressentie. D’ailleurs autour de moi on parlait beaucoup le yidiche et l’araméen du Talmud, et la pensée de communiquer un jour avec le monde laïque semblait inutile.

Puis, en grandissant, on voit que le monde réel, celui où l’on travaille pour gagner sa vie et parfois même où l’on essaie de monter dans les degrés académiques, nous sont complètement bloqués par le système orthodoxe. Remets-tu ta foi en question ? Veux-tu simplement t’instruire pour gagner ta vie dans un métier non lié au religieux ?...Combles les manques par toi-même !

La décision d’étudier les matières profanes dans les écoles orthodoxes devait supprimer ce problème, car elles ne préparent pas à la vie extérieure, mais les quelques heures octroyées permettent d’aider les orthodoxes à un minimum de relation avec le monde extérieur.

Mais les orthodoxes ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour éviter que ce plan existe et pour repousser le pouvoir des laïcs sur le ministère de l’éducation religieuse.

Quelques étudiants religieux et les petites yéchivot ont cédé dès le départ au budget maximal auquel ils ont droit, au moins officiellement, pour rester avec trois heures d’anglais et de maths par semaine. Qu’on ne s’y trompe pas. Le but, même s’il n’est pas dévoilé, est de garder cet isolement de la diaspora que la société orthodoxe a construit autour d’elle, même en Israël.

Et ce n’est pas tout. Finalement il s’agit d’une boule de neige effrayante pour diviser la société israélienne. Mais si les orthodoxes achkénazes ont le droit, pourquoi est-ce que les institutions du Chass séfarades n’obtiendraient-elles pas cette même dispense ?

Dès maintenant la ministre de l’Éducation aura sur la conscience chaque jeune orthodoxe qui demandera à s’intégrer à la société israélienne et qui aura du mal à trouver un langage commun. La vraie tragédie viendra plus tard, quand le grand nombre d’enfants orthodoxes atteindra le tiers de la population et qu’il y aura un tas d’incultes dans ce petit pays.

Et j’ajoute un mot sur le revenu de la population orthodoxe que l’on peut entrevoir : même à Téhéran on a déjà compris que la culture est la base d’une société forte, même si elle est religieuse ».

- L’autre pour le système orthodoxe : ( du rabbin et député Meïr Poroukh)

La ministre de l’Éducation est rentrée d’une visite d’étude du système éducatif à Singapour et elle en ramène un grand espoir pédagogique : il faut diminuer les matières dans les écoles, donner plus de leçons de philosophie, créer plus de distance entre les élèves et les professeurs, etc.

Il est intéressant de noter que la ministre ait dû voyager jusqu’à Singapour pour comprendre certaines choses que l’on peut apprendre près de chez soi, chez les orthodoxes, à tous les degrés. Ici chez nous : à Jérusalem, à Bné Brak, à Modiin et à Beit chemech.

Un institut éducatif, comme nous disons et redisons, n’est pas un atelier où l’on emmagasine le savoir, mais un lieu où l’on acquiert des valeurs : « Et tu diras à tes fils ». C’est la boussole par laquelle on apprend à déchiffrer le secret de l’existence juive.

La réponse à la question, comment le peuple juif existe-t-il et pourquoi lui seul survit-il à tous les peuples du monde ancien ? Il survit parce qu’il n’oublie pas quelle force inouïe est incarnée dans ces mots éternels, de foi pure et d’idéal.

Malheureusement, dans l’école gouvernementale en Israël on n’apprend pas vraiment qu’elle est la vraie relation du peuple d’Israël avec la terre d’Israël. La plupart des professeurs, ne connaissent pas les racines de la culture juive. Parfois le ministère de l’Éducation publie des informations aux journalistes, sur la nécessité de renforcer l’étude du judaïsme pour empêcher le danger d’assimilation.

L’information est donnée aux journalistes, mais concrètement, très peu est fait et même rien du tout.

Si la ministre a appris des gens de Singapour, qu’il faut restreindre les matières générales dans les écoles et donner plus de philosophie, il serait bien de l’apprendre d’abord des écoles orthodoxes. Chez nous, on met en premier l’accent sur les valeurs. C’est vrai, la notion même de valeurs en Israël n’est plus à la mode, et les valeurs juives en particulier sont considérées comme archaïques, mais nous croyons que les valeurs de la Tora d’Israël sont la base de tout.

Les études générales pourraient compléter le programme scolaire, comme cela se passe concrètement chez nous, mais l’essentiel, c’est que les élèves approfondissent leur identité juive. Ainsi, pas d’études artificielles, et pas de connaissances inutiles, les valeurs juives sont les plus importantes.

Madame Tamir s’étonne du système d’éducation de Singapour, mais tout ce qui existe là-bas n’est pas bon pour la jeunesse israélienne. Ce qui existe dans l’éducation orthodoxe est bon pour le futur du peuple juif ».

C'est le ministère de l'Éducation qui est inutile !

Témoignage intéressant dans le Soleil de Québec de la part d'un ancien conseiller pédagogique sur l'utilité et le fonctionnement du Monopole de l'Éducation :
L'accusation est trop simple et trop facile. J'ai œuvré pendant 33 ans dans l'enseignement, et les problèmes reliés à l'éducation émanent beaucoup plus du ministère de l'Éducation que des commissions scolaires. Les commissions scolaires sont les gestionnaires dans chaque région des politiques pédagogiques et éducatives pensées et rédigées par les scribes du ministère de l'Éducation et les pseudo intellectuels de tout poil, grassement rémunérés pour cogiter des méthodes d'enseignement qu'ils sont seuls à bien comprendre.

Au début des années 1980, à l'époque où j'exerçais les fonctions de conseiller pédagogique en français à la commission scolaire de Rocher Percé, j'ai procédé à l'analyse du « nouveau programme de français » avec les enseignantes de la commission scolaire, et nous avons soumis une liste de recommandations aux scripteurs ministériels, et je me souviens fort bien que la rédaction finale des programmes ne fut pas changée d'un iota. Ainsi, la disparition de la dictée et de l'analyse n'émane pas des commissions scolaires, mais des différents programmes de français, sanctionnés par le ministère de l'Éducation, qui n'en faisaient plus la promotion.

Monsieur Dumont ne devrait pas s'en prendre aux commissions scolaires, mais à ses députés collègues qui deviennent ministres de l'Éducation sans avoir jamais œuvré dans le monde de l'enseignement, qui ne connaissent ni d'Adam ni d'Ève les régimes pédagogiques, le matériel et les stratégies d'enseignement, et qui sanctionnent des programmes et des politiques rejetées par les enseignants et autres intervenants dans le monde de l'enseignement. Disons-le bien clairement : si les commissions scolaires sont inutiles, le ministère de l'Éducation, en occurrence, l'est bien davantage !