dimanche 18 décembre 2022

Emmanuel Macron et Justin Trudeau, élus pires défenseurs de la langue française

Comme chaque année, l’académie de la Carpette anglaise récompense deux membres des élites qui, selon le jury, se sont distingués par leur « acharnement à promouvoir la domination de l’anglais en France ». Fait rare, ils ont nommé le président.

« Regardez ce que font notre président de la République et ses ministres au gouvernement ! ». Réunis ce jeudi 15 décembre autour d’une table de la brasserie française Lipp, située dans le quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés, les membres de l’académie de la Carpette anglaise écoutent fulminer l’un d’entre eux. Les jurés de ce prix, créé en 1999, ont pour but d’élire un membre des élites françaises qui s’est distingué par son « acharnement à promouvoir la domination de l’anglo-américain en France et dans les institutions européennes au détriment de la langue française ».

Au sein des membres du jury figurent une dizaine de personnalités littéraires et amoureuses de la langue française : Philippe de Saint Robert, président de l’institution, Marc Favre d’Échallens, son secrétaire, mais aussi la journaliste du Figaro Eugénie Bastié, l’écrivain Benoît Duteurtre, l’ancien ambassadeur Albert Salon, l’ancien député Paul-Marie Coûteaux, Marie-Josée de Saint Robert et Guillemette Mouren. Parmi ces membres, certains sont également engagés dans des associations de défense et de promotion de la langue française : Avenir de la langue française, Association pour l’essor de la langue française (ASSELAF), Défense de la langue française (DLF) et le Droit de Comprendre (DDC).

Les candidats en lice pour l’année 2022 sont l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), la SNCF (dont le PDG Guillaume Pepy était déjà lauréat en 2013) pour le nom de sa nouvelle application « SNCF Connect ». « Pourquoi le mettre en anglais alors qu’il s’agit d’un service adressé aux Français ? », s’interroge Eugénie Bastié. Sont également cités la ville de Nice pour son « I Love Nice », et enfin le président de la République, Emmanuel Macron.

« Cette règle de ne pas désigner le président était élégante, lance à la cantonade, Julien Köberich du cercle littéraire des cheminots français. Ce pacte de non-agression doit être rompu. Car on n’a jamais vu un président de la République à ce point s’attaquer à notre langue. » Jusque-là, l’académie s’était toujours fixé la règle de ne pas désigner un président en exercice. Des principes que le jury décide exceptionnellement de lever.


Dominance de l’anglais au sein de l’UE

« Le président a accepté la prédominance de l’anglais dans les institutions européennes alors qu’il s’était engagé à ne pas le faire », commente Philippe de Saint-Robert. Deux autres raisons sont évoquées en défaveur d’Emmanuel Macron : le fait d’avoir confié la direction de l’OIF à Louise Mushikiwabo, « une ancienne ministre qui avait exclu le français comme langue d’enseignement dans son propre pays », mais aussi pour avoir nommé marraine du prochain sommet de la Francophonie — qui se tiendra en 2024 en France — une artiste, Yseult, « qui chante essentiellement en anglais ».

Par ce vote, le jury souhaite rappeler au président l’article II de la Constitution qui stipule que « la langue française est la langue de la République » et aussi qu’il s’agit de « la langue officielle de la plupart des institutions internationales ». Il n’accepte pas la dominance de l’anglais au sein des institutions européennes alors même qu’elle n’est la langue nationale d’aucun pays membre (le Brexit étant passé par là). Le prix spécial du jury à titre étranger a, lui, été décerné au Premier ministre canadien Justin Trudeau pour avoir nommé Mary Simon au poste de gouverneur général du Canada, alors qu’elle ne parle pas français, seconde langue officielle du pays, bien qu’elle soit née au Québec. Elle a fait ses classes primaires en anglais au Québec et a enseigné pendant quatre ans à l’université anglophone McGill à Montréal (1969 à 1973).

Alors que le niveau des élèves en français baisse en France, le ministre de l’Éducation de Macron, Pap Ndiaye, pense d’abord à améliorer le niveau d’anglais.

L’an dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait été distingué pour avoir mis en service une nouvelle carte nationale d’identité sous-titrée en anglais. En 2017, c’était la maire de Paris Anne Hidalgo qui avait été élue pour l’utilisation prioritaire de l’anglais comme langue de communication de la ville de Paris à destination des touristes et des étudiants étrangers. Elle avait fait projeter en février 2017 sur la tour Eiffel le slogan « Made for Sharing » de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024.

Quant au prix étranger, il était décerné en 2021 à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour avoir décidé seule de promouvoir l’anglais au rang de langue unique de travail de l’institution, au détriment des autres langues européennes et, notamment, de la langue française, en dépit du Brexit.

Voir aussi E. Macron : « Son idée pour le français » et les nôtres pour le sauver !