mercredi 17 septembre 2008

L’école Loyola poursuit en justice la ministre Courchesne

L’école secondaire Loyola, un établissement catholique privé situé à Notre-Dame-de-Grâce, a décidé de poursuivre en justice la ministre de l’Éducation, Mme Courchesne. Loyola s’est tourné vers la Cour supérieure du Québec pour exiger que le ministère de l’Éducation du Québec (MELS) lui accorde une exemption au nouveau cours d’éthique et de culture religieuse (ECR), pour peu que Loyola enseigne son programme d’éthique et des religions du monde que cette école estime équivalent au programme d’ECR, mais débarrassé des aspects contraires à sa vocation d’institution catholique.

La requête de Loyola se fonde en droit sur l’article 22 du règlement d’application de la Loi sur l’enseignement privé, R.Q. c. E-9.1, r.1 :
« 22. Tout établissement est exempté de l'application du premier alinéa de l'article 32 pourvu que l'établissement offre des programmes jugés équivalents par le ministre de l'Éducation. »
Imposition de l'uniformité contraire à la loi

Dans une lettre en date du 7 août 2008, le ministre de l’Éducation a refusé à Loyola sa demande d’exemption, mais en invoquant une raison sans rapport avec la seule condition de refus : la non-équivalence du programme de Loyola. En effet, Mme Courchesne invoquait comme motif au refus d’exemption que celui-ci « empêcherait les élèves visés de recevoir la formation souhaitée pour tous les élèves du Québec ».

Mme Courchesne désire donc imposer l’uniformité alors que nulle part celle-ci n’est mentionnée dans le règlement et la Loi, au contraire, le règlement d'application, et plus particulièrement l’article 22, admet l’équivalence de programme et différentes formes d’exemption.

Loyola a répliqué en détail à la ministre en lui envoyant une autre lettre où Loyola insiste sur le caractère équivalent du cours que cet établissement donne à la place du cours d’ECR. En réalité, selon Loyola, son cours allait bien plus loin que le cours du ministère. En effet, plutôt que de réduire les religions à leur dimension purement culturelle, Loyola aborde l’étude des autres religions d’une telle façon que ses étudiants puissent apprécier les dimensions profondément spirituelles de ces autres religions. Cette perspective adoptée par Loyola prendrait racine dans l’intime conviction de la direction de l’école qu’on enseigne plus sûrement la tolérance et un vivre ensemble pacifique dans notre société quand chacun est ancré dans sa foi et son identité, plutôt qu’en imposant à tous une seule idéologie approuvée par l’État.

Amorcer le dialogue...

Interrogé par la Gazette, le directeur de Loyola, Paul Donovan, a déclaré qu’il n’avait jamais reçu de réponse de la part de la ministre de l’Éducation, Mme Michelle Courchesne. « Il semble que c’est la seule manière d’amorcer un dialogue » a-t-il ajouté en parlant de la poursuite en justice.

Objections au pluralisme normatif du volet éthique

Si le monopole de l’Éducation impose son programme d’ECR aux écoles privées, il permet à celles-ci d’enseigner leur propre confession en sus du programme imposé par l’État. Mais cet enseignement doit se faire dans un cours séparé, à une heure différente du cours d’ECR. La requête, déposée par Loyola à la Cour supérieure de Montréal le 15 septembre au nom de l’école Loyola et d’un parent d’élève, considère cette situation comme « inacceptable, car ceci revient à inculquer aux étudiants deux conceptions du monde diamétralement opposées ».

L’objection principale de Loyola se concentre sur le volet éthique du cours que l’école considère comme une perspective relativiste ou pluraliste normative de la morale. Le programme gouvernemental d'ECR préciserait que les arguments religieux ou la dimension religieuse ne peuvent borner les discussions éthiques ce qui est contraire à un établissement dont le projet éducatif est précisément d’enseigner l’éthique dans une dimension religieuse.

Archevêque de Sherbrooke blâme le gouvernement qui n'a pas trouvé la façon d'assurer une exemption à ceux qui la demandent

Selon Corus Nouvelles, Monseigneur André Gaumond considère que le débat autour du cours d'Éthique et de culture religieuse est sain.

L'archevêque du Diocèse de Sherbrooke soutient que les gens ont toute la liberté de s'exprimer sur le sujet comme ils le font.

Au nom des évêques du Québec, Mgr Gaumond blâme plutôt le gouvernement qui n'a pas trouvé la façon d'assurer une exemption pour les parents qui le désirent.

De son côté, le coordonnateur du boycott du cours, Sylvain Lamontagne indique que peu de gens qu'il rencontre connaisse le nouveau programme et qu'il poursuit son combat en informant le plus de monde possible.

Un rassemblement de la CLÉ est prévu à Montréal le 18 octobre.

Écoutez le reportage

Écoles conservatrices juives contre le cours d’ECR

Le Canadian Jewish News rapporte que plusieurs écoles juives, orthodoxes et hassidiques, disent qu’une bonne partie du nouveau programme obligatoire d’éthique et de culture religieuse (ECR) est « irréconciliable avec leurs convictions ».

Elles cherchent toutefois à collaborer avec le Ministère de l’Éducation du Québec afin de trouver un moyen de respecter la loi sans enfreindre leurs croyances, a déclaré le rabbin Yochanan Kuhnreich, directeur de l’école Beth Jacob qui accueille quelque 500 jeunes filles.

« Nous enseignons déjà une grande et importante partie du programme, celle qui traite de l’éthique et du dialogue [peut-être pas de manière relativiste et « neutre » comme prescrit toutefois]. Mais les autres aspects posent de sérieuses difficultés, irréconciliables avec nos convictions. » Le rabbin Yochanan Kuhnreich n’a toutefois pas voulu préciser quels étaient ces aspects.

Les écoles traditionnelles orthodoxes juives qui ne sont pas hassidiques, mais religieuses (« frum »), ont été jusqu’ici réticentes quant à ce nouveau programme.

Le rabbin Mendel Marasow, directeur de l’Académie Beth Rivkah placée sous les auspices du mouvement loubavitch, a par le passé exprimé des doutes quant à savoir s’il serait possible d’enseigner complètement le programme d’ECR dans son école. Contacté la semaine passée par la journaliste du Canadian Jewish News, il lui a demandé de s’adresser au rabbin Kuhnreich qui, pour sa part, a répondu de façon prudente et à mots choisis.

À titre confidentiel, les chefs hassidiques ont indiqué qu’ils seraient prêts à quitter le Québec s’ils devaient enseigner un contenu religieux qu’ils considèrent inadéquat pour leurs enfants.

Le Congrès juif du Canada avait souligné, l’année passée, devant la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables que beaucoup de membres de la communauté juive préfèreraient que le cours d’ECR commence au secondaire. Il déclarait alors que de nombreux parents veulent que leurs enfants aient une bonne assise dans leur religion avant d’être exposés à d’autres religions.