jeudi 3 juin 2021

« Tous les programmes qui continussent », dixit Robert Haché, recteur de la Laurentian University

Le recteur de la Laurentian University comme l’appelle l’Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Robert Haché, a essuyé un barrage de questions de la part de députés qui siègent au comité des langues officielles, lui reprochant sa gestion du dossier linguistique qui découle du processus de restructuration de l’établissement d’enseignement.

Ce qui nous a interpellés, et que les médias comme Radio-Canada n’ont pas souligné, c’est la difficulté qu’avait ce haut personnage au patronyme francophone, recteur d’une université qui enseigne en français, de s’exprimer en français. Il est pour nous un symbole vivant de la faillite des universités bilingues au Canada où c’est toujours le français qui pâtit.

Écoutez-le. Il répond à une question du vice-président du comité, le député fédéral conservateur Steven Blaney que l’on voit d’abord.

À 33 secondes : « On continuer [sic], on continue à avoir [il regarde vers le bas] 100 % d'efforts à servir nos étudiants. Nos programmes sont importants, ils forment la base de la [sic] future de l'Université Laurentienne. » Notez aussi, quelques secondes plus tard, la prononciation d'Ontario : « du Nord de l'Ontério ».

À 1 min 6 s, M. Robert Haché déclare : « Tous les programmes qui continussent [sic] vont être offerts à l’automne… à l’automne et pour le futur prévoyable [sic, foreseeable]. »

À 2 min 5 s, il poursuit : « La situation financière de l’université c’est quelque chose qui s’est évolu [sic, evolved] pendant plusieurs années ».

« Troisième vague » : pas de surmortalité pendant les quatre premiers mois de 2021

Depuis 2010, la hausse annuelle moyenne du nombre de décès au Québec oscille autour de 2 % (2,066 % par an de 2010 à 2019 pour être précis). Cela s’explique par le vieillissement et l’accroissement constants de la population.

Le nombre des décès des quatre premiers mois de 2021 a été publié par Statistiques Québec. 

On n’y décèle pas d’augmentation de la mortalité par rapport à la tendance depuis 2010. En fait, on assiste plutôt à une sous-mortalité par rapport à cette tendance (la ligne orange) puisque 23 850 personnes seraient décédées (en bleu ci-dessous) pendant le premier quadrimestre de 2021 par rapport aux 25 079 qui devraient être mortes selon les prévisions basées sur cette augmentation annuelle des décès depuis 2010.

Les données de Statistiques Québec (décès enregistrés pour le premier quadrimestre)

Année    Nombre de décès
201 020 027
201 121 428
201221 136
201322 257
201421 846
201524 083
201622 393
201723 690
201825 186
201923 800
202026 750
202123 850

Québec — « Le français dégringole à une vitesse jamais vue »

Depuis 15 ans, l’usage de la langue française décline à la vitesse grand V au Québec et particulièrement à Montréal, selon l’analyse d’un statisticien de renom, dans un livre-choc qui sort aujourd’hui.

« Le français dégringole à une vitesse jamais vue, alors que l’anglais tire son épingle du jeu et réussit à augmenter légèrement du point de vue de la langue la plus parlée à la maison », soutient le professeur de mathématiques retraité de l’Université d’Ottawa et chercheur statisticien Charles Castonguay, auteur du livre Le français en chute libre : la nouvelle dynamique des langues au Québec.

Depuis maintenant 50 ans, M. Castonguay analyse les résultats des recensements réalisés par Statistique Canada.

« En fait, ce qu’on peut voir depuis les 15 ou 20 dernières années, c’est comme une anglicisation du Québec. Le français recule, alors que l’anglais tient sa position et l’améliore même », estime le chercheur.

Il juge cette situation « inquiétante », car la disparition du français ferait perdre au Québec « son caractère ».

Depuis le premier recensement en 1871 jusqu’à tout récemment, « le poids du français [comme langue maternelle] a toujours été de 80 % [au Québec] ». [Alors que son poids au Canada ne fait que décliner depuis des siècles.] Mais depuis 2001, il observe un recul accéléré de cette langue au Québec.

En 2001, par exemple, 81,4 % des Québécois avaient pour langue maternelle le français. Quinze ans plus tard, en 2016, ils étaient 78 %.

Si la différence ne semble pas impressionnante à première vue, M. Castonguay affirme qu’en démographie on ne voit normalement pas autant de changement.

« Un 0,5 % sur cinq ans, c’est considéré comme un écart significatif, alors ici, c’est extrêmement rapide comme évolution », commente-t-il.

Langue d’usage

Mais l’utilisation du français au Québec dans l’usage courant est aussi en chute, explique le mathématicien.

« Le français a baissé de 2,5 points, passant de 83,1 % à 80,6 %, soit une chute à une vitesse record jusqu’à un minimum record » dans l’ensemble de la Belle Province, soutient-il.

Et c’est particulièrement à Montréal que la dégringolade est importante, note-t-il.

Entre 2001 et 2016, l’usage du français à la maison est passé de 56,4 % à 53,1 %, alors que de son côté, l’usage de l’anglais augmentait légèrement, indiquent les données de Statistique Canada.

Chez les jeunes

Selon les statistiques que le chercheur a recueillies, 80 % des jeunes adultes francophones sur l’île de Montréal disent qu’ils sont capables de soutenir une conversation en anglais, alors que leurs collègues anglophones sont 76 % à dire qu’ils sont capables de parler français.

Cela montre que l’écart se creuse et que la majorité devient de plus en plus bilingue comparativement à la minorité, croit-il.

« Certains jeunes adultes francophones disent même parler l’anglais plus souvent que le français à la maison, c’est fort ! », lance M. Castonguay.

Chez les jeunes francophones de 15 à 24 ans, l’anglicisation a même augmenté au fil des années. Pour Charles Castonguay, ce phénomène ne fera d’ailleurs qu’accélérer la présence de l’anglais dans la société dans les prochaines années.

Que faire pour sauver le français ?

Pour sauver le caractère français du Québec, il faut que les dirigeants politiques alertent la population sur le problème, mais aussi proposent de vraies solutions.

« Ni Ottawa ni Québec n’ont donné de leadership sur ce plan-là depuis une vingtaine d’années. On nous promet des choses pour le printemps, mais ça reste encore à voir », soutient M. Castonguay.

Pour le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte, l’analyse poussée de Charles Castonguay montre que la Charte de la langue française n’a pas eu un effet assez structurant pour garantir l’avenir du français.


« Il faut une politique linguistique renforcée maximalement, il faut une nouvelle Charte de la langue française qui soit véritablement structurante, qui fasse véritablement du français la langue des institutions et des espaces publics, de la vie en société », réclame M. Laporte. 
 

Le français en chute libre
La nouvelle dynamique des langues au Québec
par Charles Castonguay
paru en mars 2021
ISBN : 9782981924209 (2981924206)

Mythes éducatifs et faiblesses des facultés d'enseignement

Lettre ouverte de Christian Boyer et Steve [...] Bissonnette, spécialistes en pédagogie.

Au cours des dernières années, de futurs enseignants se sont fait dire 

  • qu’ils devaient enseigner aux enfants en respectant le style d’apprentissage de chacun et son type d’intelligence (la théorie des intelligences multiples) ;
  • Qu’il n’était pas nécessaire d’enseigner systématiquement le décodage des lettres aux enfants pour leur apprendre à lire (la théorie du Whole Language et ses dérivés) ;
  • Que les meilleures pédagogies devaient amener les enfants à découvrir par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre ;
  • Que l’usage des technologies en classe avait un fort effet positif sur les apprentissages ;
  • Que les compétences du XXIe siècle existaient et qu’elles pouvaient être enseignées et se généraliser ;
  • Qu’il n’était pas recommandé de passer des tests pédagogiques et encore moins de le faire fréquemment ;
  • Et qu’au préscolaire, le simple apprentissage des lettres et encore plus l’apprentissage de la lecture sont non seulement dangereux, mais constituent même d’impardonnables sacrilèges...

 

L'école de la Grande Noirceur (les élèves apprennent par cœur ce qu'ânonne une religieuse) contre l'école moderne québécoise (des petits génies qui apprennent par expérience sous l’œil bienveillant d'une jeune animatrice blonde et svelte)
Page 56 — cahier-manuel d'éthique et de culture religieuse Entretiens II pour la 1re  secondaire des éditions La Pensée

 

Les recherches dévalorisées

Tout ce qui précède est soit invalidé par la recherche scientifique (données probantes), soit non appuyé par celle-ci. Alors, pourquoi ces approches pédagogiques sont-elles enseignées au futur personnel enseignant ? Pourquoi sont-elles présentées comme si elles étaient des connaissances appuyées par la recherche scientifique ?

La réponse à ces questions est simple. Dans les facultés d’éducation, un fort contingent de professeurs dévalorise les données probantes et la recherche scientifique, et ce, depuis presque toujours. Ils le font en adoptant des doctrines comme le constructivisme et le postmodernisme, ce qui les conduit à adhérer aux idées énoncées plus haut.


 

Qu’est-ce que ça mange en hiver le constructivisme et le postmodernisme ?

Essentiellement, ces approches considèrent que le savoir est quelque chose de relatif, variable selon les cultures, et qu’il y a plusieurs façons d’accéder à la connaissance, toutes aussi valides sinon plus que la méthode scientifique expérimentale. Parmi elles, le point de vue culturel, le ressenti personnel, l’observation, les savoirs traditionnels, les dogmes religieux, etc.

Au cours des 50 dernières années, les facultés d’éducation ont eu amplement le temps de se renouveler pour adopter une posture plus rationnelle, plus rigoureuse et en laissant une place plus grande aux données probantes et à l’effort nécessaire pour appuyer scientifiquement ce que l’on affirme. Mais elles ne l’ont hélas ! pas fait.

On l’a constaté dans les très rares critiques des professeurs universitaires à propos du Renouveau scolaire en l’an 2000, lequel n’était pas basé sur des données probantes.

On l’a aussi noté dans le rejet par 257 professeurs universitaires de l’idée avancée en 2016-2017 de créer un Institut national de l’excellence en éducation (INEE). On l’a encore vu dans les récentes levées de boucliers par de nombreux professeurs universitaires contre la modeste réforme au préscolaire qui sera appliquée à l’automne 2021, laquelle est pour une fois basée sur des données probantes et intègre donc l’apprentissage des lettres de l’alphabet, tout en conservant les objectifs de développement intégral ainsi que la prédominance des activités ludiques dans le programme.

Un institut national de formation

Le professeur Jérôme Saint-Amand, professeur agrégé en sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), a publié un texte dans ces pages proposant la création d’Instituts nationaux de formation du personnel enseignant qui seraient moins allergiques aux données probantes. Cet homme est courageux parce qu’il ose remettre en question publiquement les facultés d’éducation. Il sera sans doute attaqué de toute part, mais le professeur Saint-Amand a raison ; il faut créer ce que les facultés ont été incapables de faire, et ce, au bénéfice des enfants, du personnel enseignant et de la société québécoise dans son ensemble.

Christian Boyer
Consultant en pédagogie et en orthopédagogie (SESSIONS)

Steve Bissonnette
Professeur titulaire au département d’éducation de la TÉLUQ

Voir aussi

France — Le pédagogiste, symbole de l'égarement intellectuel 

Le constructivisme radical ou comment bâtir une réforme de l'éducation sur du sable

Contrairement au Québec, en France les réformes ne passent pas dans l'apathie générale

La québécisation de l'école française : « l'excellence, voilà l'ennemi »

Québec : « La réforme scolaire ? À la poubelle ! »

Les ratés (et les succès) de la réforme scolaire au Québec 

L'école sans ordinateur pour les enfants de la Big Tech

Les Steve Jobs de ce monde ne veulent pas d’une école haute technologie

Tableaux numériques interactifs : des solutions 10 fois moins onéreuses auraient été préférables

Le numérique ne fait pas de miracles à l’école


Apprendre à programmer dès l’école primaire ?

Noir bilan pour tableaux blancs

Les élèves apprendraient mieux sans ordinateur

Pas de bons points pour les classes hautes technologies ?

Téléphone intelligent pour les jeunes ?