jeudi 26 mai 2022

La pente inéluctable de « l'aide médicale à mourir », l'extension du domaine de l'euthanasie ?


Le gouvernement canadien, en consultation avec des « experts », est en train de déterminer « comment l’AMA peut être fournie en toute sécurité aux personnes dont la seule condition médicale est une maladie mentale ». Dans moins d’un an, le 17 mars 2023, ces personnes deviendront admissibles à l’euthanasie, faussement appelée « aide médicale à mourir », même si le bon sens et la définition de « mourir » sont déjà morts.

Cette mesure constituerait un pas vers une position plus cohérente, car supposer que les personnes atteintes physiquement souffrent davantage et méritent davantage l’euthanasie que les personnes mentalement malades, mais valides, est un préjugé indéfendable et capacitiste.

Il n’y a jamais eu de pente glissante. Dès l’instant où nous avons décidé de nous lancer dans l’entreprise ou le jeu consistant à déterminer en quelles circonstances il est acceptable que les citoyens s’entretuent, nous avons plongé directement du haut d’une falaise.

À l’origine, le Canada exigeait que la mort d’une personne soit raisonnablement prévisible, mais si nous tuons pour soulager la souffrance, les personnes que nous tuons en priorité ne devraient-elles pas être précisément celles qui ne meurent pas et dont la souffrance est prolongée ? Quoi qu’il en soit, cette exigence a été abandonnée.

Actuellement, la loi précise que pour être admissible, une personne doit être atteinte d’une « affection grave et irrémédiable », qui doit être « sérieuse et incurable », et qui fait qu’elle se trouve « dans un état avancé de déclin irréversible de ses capacités » et « endure des souffrances physiques ou psychologiques qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être soulagées dans des conditions qu’elle juge acceptables ».

Pourquoi exiger que l’on ait une condition médicale ? Pourquoi ne pas simplement tuer tous ceux qui disent vouloir être tués ?

Et qui peut dire ce qui est incurable ? Presque tout était incurable autrefois, jusqu’à ce que ça ne le soit plus.

Pourquoi faut-il être en déclin de capacité ? N’est-ce pas là aussi une attitude capacitiste et utilitaire ? Si le gouvernement se soucie de savoir qui est capable ou non, il pourrait aussi bien me supprimer maintenant.

Remarquez surtout la nature subjective de la description de la souffrance. Deux personnes peuvent souffrir exactement de la même maladie, et l’une peut être éligible à l’euthanasie et l’autre non si cette dernière est moins sensible à la douleur, même si son déclin est plus avancé.

Il n’existe aucun moyen objectif de mesurer la souffrance. Le gouvernement a deux options : tuer tous ceux qui prétendent souffrir (ce qu’il ne fait pas encore), ou tuer ceux dont il juge les affirmations de souffrance crédibles, car il ne considérerait pas que ces vies valent la peine d’être vécues.

Je n’ai pas encore rencontré de partisans de l’euthanasie qui admettent qu’ils portent ces jugements de valeur biaisés sur la vie des gens. Ils se contentent de prétendre qu’ils fournissent avec bienveillance un service indispensable à ceux qui font le choix personnel de ne pas aller plus loin (comme si ces choix étaient faits dans le vide), et évitent de réfléchir aux discriminations qu’ils opèrent.

Mettons donc cette réalité de côté, et continuons à prétendre qu’ils font ce beau métier d’exaucement des souhaits, juste pour pousser leur raisonnement jusqu’à sa conclusion naturelle et révéler le gouffre au bas de cette falaise qui défile sous nos yeux pendant que nous plongeons.

Logiquement, il n’y a aucune raison de ne pas tuer aussi les « mineurs matures » que le gouvernement juge capables de consentir à d’autres procédures de « soins de santé », y compris les traitements « d’affirmation du genre » et les opérations qui les rendent infertiles.

De plus, si nous avons soi-disant le « droit de mourir » (en réalité le droit d’être tués), et de stipuler quand et comment nous mourrons (serons tués), alors pourquoi limiter le meurtre aux professionnels de la santé ?

Nous voulons aseptiser toute l’affaire et lui conférer un air de légitimité, mais à part cela, pourquoi ne pas laisser n’importe qui vous administrer la dose mortelle ? Parce qu’il peut être maladroit, et que vous pourriez souffrir ou, Dieu nous en préserve, vivre ? Si vous pouvez consentir à être tué, ne pourriez-vous pas également consentir à ces risques ?

Peut-être pourrions-nous simplement vous autoriser à recevoir une balle dans la tête. Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas autoriser les gens à se battre en duel jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Et s’ils ne veulent pas vraiment mourir, mais qu’ils prenaient ce risque pour avoir la possibilité de tuer quelqu’un sans avoir à passer d’abord par l’école de médecine ? Cela peut être désordonné, bien sûr. Est-ce là la seule objection ? Nous pourrions désigner certains centres de duels, afin qu’il n’y ait pas de risque de ricochet ou de traumatisme pour les voisins.

Et si vous pouvez consentir à mettre fin à votre vie — le choix qui met fin à tous les choix — alors pourquoi ne pourriez-vous pas consentir à mettre fin à votre liberté par un contrat d’esclavage ? À quoi ne pourriez-vous pas consentir, vraiment ? Commencez la coupe du ruban de notre nouvelle utopie libertaire.

Bien sûr, n’importe quel non-libertaire dirait que certaines choses ne peuvent pas être consenties, ou ne devraient pas l’être, et que la liberté personnelle doit être mise en balance avec le bien commun.

Mais… attendez, attendez, attendez, depuis quand le bien commun fait-il partie de cette discussion ? Nous l’avons laissé derrière nous, en haut de la falaise, dès que nous avons commencé à chanter le mantra pro-choix, sans nous soucier de ce qui était choisi, et si c’était bien de choisir.

Si nous nous préoccupions un tant soit peu du bien commun, nous ne serions pas ici en train de réfléchir aux paramètres à mettre en place pour garantir que nous tuons les malades mentaux « en toute sécurité », parce que nous n’avons trouvé aucune bonne raison de ne pas les tuer aussi.

Alors que je n’ai cessé de mentionner le consentement, je dois préciser que la loi n’y accorde pas autant d’importance que je le fais. Une personne mourante n’a plus à donner son consentement final avant d’être tuée si elle perd la capacité de le faire et si les mots, les sons ou les gestes qu’elle fait en refusant sont interprétés comme « involontaires ».

Remarque : il est intéressant de noter que, dans le contexte du sexe, le consentement doit être « clair, enthousiaste et continu », mais pas lorsqu’il s’agit de demander à quelqu’un de vous tuer. Peut-être parce que les morts ne peuvent pas déposer de rapport de police. Ce conflit s’amplifiera si le Canada autorise les demandes anticipées d’euthanasie, ce qu’il envisage également.

J’ai dit « utopie », mais vous vous dites probablement que tout cela semble nettement dystopique et tiré par les cheveux. Alors, voici une image : Les salons funéraires sont entrés dans le racket proposent désormais l’euthanasie. Vous pouvez être à l’enterrement d’un être cher, pleurer à chaudes larmes, et le croque-mort peut s’approcher de vous, vous tendre sa carte et vous demander : « Voulez-vous être le suivant ? » Réveillez-vous. Vous êtes déjà dans la dystopie.

Une autre chose que je veux souligner : Ces problèmes ne sont pas ceux de quelqu’un d’autre. Vous n’êtes pas invulnérable. Peut-être n’avez-vous jamais voulu mourir, mais si cela vous arrive un jour, c’est précisément à ce moment-là que votre volonté sera la plus faible. C’est à ce moment-là que vous aurez besoin que votre communauté vous prête sa force, et non un tueur à gages en blouse de laboratoire (bien qu’en réalité il puisse s’agir d’un cow-boy armé, en fin de compte ─ le travail sera toujours fait).

À quoi sert une société si elle ne peut pas remplir sa fonction la plus élémentaire, à savoir empêcher les gens de s’entretuer ? Qu’est-ce que cela révèle de l’état de notre société qu’elle y participe au contraire activement ? Peut-on même appeler cela une société ? Vivons-nous dans un monde où l’ordre est une illusion ?

Source : The Interim, traduction CQV

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« Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? » par Aude Denizot

Dans son livre « Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? » Aude Denizot, dresse un bilan catastrophique du niveau des étudiants français. L’enseignante a imposé des cours d’orthographe à l’université. Après plus de 20 ans passés à corriger des copies au lycée et à l’université, Aude Denizot, professeur de droit à l’Université du Mans, a pu observer le déclin du niveau de ses étudiants en orthographe. Dans Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? (Enrick B éditions), l’enseignante passe en revue les causes de la baisse du niveau et identifie un coupable majeur : la photocopie. Elle démontre ainsi comment son usage abusif au détriment de la copie manuscrite réduit considérablement les progrès des jeunes Français. Entretien pour le Figaro étudiant.

LE FIGARO ÉTUDIANT. — Le déclin des étudiants en orthographe est-il vraiment alarmant ?

Aude DENIZOT. — J’ai commencé à enseigner à l’université en 2000. Et depuis cette époque, j’observe le niveau baisser via les 400 à 500 copies que je corrige chaque année. Je vois aujourd’hui des fautes sur des points de grammaire élémentaires que je n’aurais jamais vues au début de ma carrière. Une règle aussi basique que celle du à/a est de moins en moins maîtrisée. De même, j’observe chaque année davantage de phrases incompréhensibles ou illisibles. Nombre d’élèves n’ont plus les bases. Ces dernières années nous avons imposé des cours d’orthographe à nos étudiants de licence. Nous avons été forcés de constater que malgré un travail régulier et une très bonne volonté, une partie significative ne faisait aucun progrès notable entre la première et la dernière dictée de l’année. Autrefois, les élèves qui faisaient des fautes étaient souvent des élèves médiocres. Aujourd’hui on trouve des fautes élémentaires dans les copies de nos meilleurs élèves.

Un élève qui copie intégralement son exercice de grammaire écrit 50 mots là où celui qui remplit un texte à trous sur une photocopie n’en écrit que 12.

Aude Denizot

— Vous mettez en cause l’usage des exercices photocopiés et des fichiers à l’école primaire. Pourquoi est-ce contreproductif ?

— Les chiffres parlent d’eux-mêmes, un élève qui copie intégralement son exercice de grammaire écrit 50 mots là où celui qui remplit un texte à trous sur une photocopie n’en écrit que 12. La photocopie donne une illusion de rapidité. En réalité, l’élève ne développe pas sa capacité à écrire vite et bien. De même, la photocopie donne une illusion de propreté. L’enseignant sera toujours moins heurté par 12 mots mal calligraphiés au milieu d’une fiche que face à un paragraphe manuscrit entièrement sale. L’usage des photocopies n’est pas seulement néfaste dans les exercices de grammaire. Employé dans bien des matières pour gagner du temps, il réduit considérablement le travail passé à copier des leçons. Or ce travail de copie est fondamental pour développer des automatismes et apprendre à construire des phrases correctes.

L’élève qui ne perd aucun point pour son orthographe dans d’autres matières ne développe pas d’automatismes

Aude Denizot

— Quelles sont les autres causes du déclin du niveau en français des étudiants ?

— On a souvent renoncé à l’exigence et aux exercices difficiles par peur d’ennuyer les enfants. Or c’est en étant exigeant qu’on stimule leurs cerveaux et qu’on les fait grandir. Il est ainsi dommage que les enfants ne soient sanctionnés en orthographe qu’à l’occasion des dictées, et des cours de grammaire. L’élève qui ne perd aucun point pour son orthographe dans les autres matières et ne développe pas d’automatismes et peinera toujours davantage à écrire sans faute. Par ailleurs, nous ne pouvons qu’être inquiets devant la baisse du nombre d’heures accordées à la grammaire au primaire et dans le secondaire. L’omniprésence des écrans est une cause de la baisse générale du niveau des élèves et les correcteurs orthographiques n’incitent pas à la vigilance. Cependant les écrans n’entrent pas avant le collège dans le monde scolaire. Ils ne peuvent être rendus responsables lorsque les élèves ne maîtrisent pas les règles de base apprises en primaire.

Il faut revenir à une prise de notes manuscrite

Aude Denizot

— Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite surmonter ses difficultés en orthographe ?

— La première chose à faire est de revenir à une prise de notes manuscrite. Je conseille aussi de faire des exercices types Bled dans lesquels on recopie des phrases complètes et pas uniquement des mots-clés. Ces exercices peuvent être effectués en autocorrection, mais il est bon de s’appuyer sur une grand-mère qui dispose d’une bonne orthographe pour les reprendre. La dictée reste un excellent exercice à pratiquer sans relâche pour bien progresser. Il est également nécessaire de relire systématiquement tout ce que l’on est amené à écrire. Il faut que cela devienne une hygiène de vie d’aller traquer les fautes
dans ses copies, mais aussi dans ses courriels et jusque dans les moindres SMS. Je crois que c’est justement en s’obligeant à reprendre ses erreurs au quotidien qu’on acquiert le réflexe de les corriger dans ses copies.

Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ?
par Aude Denizot
publié aux éditions Enrick
le 17 mai 2022
ISBN-13 : 978-2356449825


« Décolonisation » : la Russie sort du processus universitaire dit « de Bologne »

C’est avec ces mots que le député et vice-président de la Douma Piotr Tolstoï a annoncé la décision des députés russes de faire sortir la Russie du système de Bologne, qui aurait fortement dégradé le niveau de l’enseignement depuis la chute de l’Union soviétique : « la décolonisation de notre système d’enseignement a commencé ». 

Le processus de Bologne est un processus de rapprochement des systèmes d’études supérieures européens amorcé en 1998 et qui a conduit à la création en 2010 de l’espace européen de l’enseignement supérieur, constitué de 48 États. Cet espace concerne principalement les États de l’Espace économique européen ainsi que, notamment, la Turquie et la Russie.

Comme cela avait été annoncé, les élus de la Douma russe entament un processus de vérification de tous les accords internationaux signés et ratifiés par la Russie ces dernières années, et de leurs conséquences juridiques, au regard de leur conformité avec l’intérêt national.

Selon ses critiques, le processus de Bologne auquel la Russie a adhéré après l’éclatement de l’URSS aurait eu des conséquences funestes sur le niveau des élèves et des étudiants diplômés. Depuis des années, des enseignants tirent la sonnette d’alarme, depuis des années les partisans du processus de Bologne leur répondent qu’il « ne faut pas être en retard sur l’Occident ».

La dégradation de la crise ukrainienne, les sanctions occidentales et la guerre indirecte qu’elle mène à la Russie ont diminué la légitimité de ces élites occidentales à l’intérieur du pays et de briser le postulat incontestable de l’intérêt a priori de l’intégration de la Russie dans les processus mondiaux. Koudrine, figure de ces élites pro-occidentales russes a déclaré que la Russie ne doit pas se précipiter de sortir des accords internationaux.

Piotr Tolstoï a lancé depuis quelque temps le mouvement de sortie du processus de Bologne. Cette idée a été soutenue par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et par celui de l’éducation nationale. Il citait Patrouchev, le Secrétaire du Conseil de sécurité, qui lui-même soutient la sortie de la Russie du processus de Bologne :

Les étudiants et enseignants russes sont « de fait évincés de la sphère scientifique et éducative occidentale », c’est pourquoi il est l’un des rares à avoir annoncé publiquement la nécessité d’abandonner cette innovation imposée.

Sur son canal Telegram, le président de la Douma Volodine a demandé aux gens, s’ils étaient pour ou contre la sortie de la Russie du système de Bologne. La réponse fut sans appel : sur près de 331 000 votes, 90 % sont pour la sortie du système de Bologne.

 
Hier, Tolstoï a annoncé que la Douma entamait la procédure concrète de sortie, de concert avec le Gouvernement. Et de conclure :

La décolonisation de notre éducation a commencé. Vient ensuite la modification ou la suppression de l’examen d’État unifié et la débureaucratisation du système éducatif dans son ensemble. Ça suffit.

Cette envolée n’a manifestement pas été du goût de tout le monde et l’Agence fédérale pour l’éducation de s’accrocher à son examen d’État, hérité du processus de Bologne. L’agence ne voit pas l’intérêt d’annuler cet examen après la sortie de Bologne.

Source.