mercredi 16 octobre 2024

Kamala Harris et ses cinq années d'adolescence passées à Montréal (m à j)

Dans un long profil hagiographique sur Kamala Harris, le Washington Post ajoute ces détails:

Le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque prit le pouvoir en 1976, l'année même où la mère de Kamala Harris déménagea à Montréal pour y travailler à l'université McGill. Le Washington Post note qu'en 1978, la Westmount High School [dans la banlieue très cossue anglophone de Westmount], où Harris était inscrite, accueillit un important contingent d'élèves noirs à faible revenu, dont les écoles de langue anglaise allaient fermer leurs portes.

En tant que personne d'origine noire et indienne, sans parler de son statut d'étrangère aux États-Unis, Mme Harris serait devenue la cible d'insultes raciales.

« Elle a été victime de brimades dans une certaine mesure », a déclaré Jamie Ward, un camarade de classe de Westmount, au journal, tout en refusant d'entrer dans les détails. « Je ne répéterais jamais cela. Moi-même étant biracial, c'est nuisible et blessant ».

Mais le journal affirme que Kamala Harris aurait été endurcie par les épreuves. « La vie quotidienne dans le Montréal de la fin des années 1970 et du début des années 1980 a montré à Kamala Harris les conséquences concrètes d'une profonde division politique, tandis que les éruptions de conflits à son école secondaire lui ont fait comprendre la réalité du racisme auquel elle serait confrontée en tant que femme biraciale », écrit le quotidien.

L'article se poursuit : « Harris affina ses premiers instincts politiques alors qu'elle affrontait les brutes du lycée et une atmosphère politique en ébullition, émergeant, selon ses camarades de classe, comme une étudiante confiante et populaire au-delà des lignes raciales. »



Billet du 23 juillet

Kamala Harris, dans son livre Nos vérités : Mon rêve américain (2019), fait largement l’impasse sur ses années passées à Montréal, où elle a terminé ses études primaires avant de faire son secondaire à la Westmount High School. Non seulement la native d’Oakland expédie-t-elle son expérience montréalaise en moins de 400 mots — dans un livre de 352 pages —, mais elle ne retient qu’un seul souvenir positif de son séjour québécois et aucun de son expérience à l’école secondaire de Westmount, dont elle ne mentionne même pas le nom.

« J’étais heureuse là où j’étais », écrit-elle après avoir raconté son enfance à Oakland, où sa mère d’origine indienne, divorcée de son père né en Jamaïque en 1938. Donald Jasper Harris est un économiste jamaïcain-américain et professeur émérite à l'université Stanford.

« Mais quand j’étais [en sixième année, en 1976], nous avons dû partir. Ma mère s’était vu offrir une occasion unique à Montréal : enseigner à l’Université McGill et poursuivre ses recherches [sur le cancer du sein] à l’Hôpital général juif. C’était une étape excitante dans la progression de sa carrière. Ce n’était pas, cependant, une occasion excitante pour moi. J’avais 12 ans, et l’idée de quitter la Californie ensoleillée en février, au milieu de l’année scolaire, pour aller dans une ville étrangère d’expression française ensevelie sous 12 pieds de neige m’était pour le moins pénible. » [12 pieds = 3,65 mètres, devenus 12 cm dans un article du 17 août 2020 du Monde... C'est inexact. Il tombe en réalité en moyenne un peu plus de 2 mètres de neige par an à Montréal, mais comme la neige fond certains jours en hiver et se tasse, il n’y a jamais plus d’un mètre [102 cm] de neige au sol là où la neige n’est pas accumulée en congères, souvent beaucoup moins.]

Sa mère, la doctoresse Shyamala Gopalan Harris, titulaire d’un doctorat en endocrinologie et nutrition de l’Université de Californie à Berkeley, a passé 16 ans à Montréal, à l’Hôpital général juif et à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Mme Gopalan Harris est décédée en 2009. La famille a habité une maison victorienne sur l’avenue Grosvenor.

L’impression d’être une cane (coin, coin) à l’école francophone

Selon Kamala Harris, le choc du déracinement a été d’autant plus grand que sa mère, Shyamala, a insisté pour que sa sœur cadette Maya et elle aillent à l’école primaire Notre-Dame-des-Neiges, fréquentée par des petits Montréalais francophones.

Elle écrit : « Cela a été une transition difficile, étant donné que le seul français que je connaissais venait de mes cours de danse, où madame Bovie, ma professeure de ballet, criait : “Demi-plié, and up !” J’avais l’impression d’être un canard, car durant toute la journée à notre école, je répétais : “Quoi ? Quoi ? Quoi ?” »

Sa mère a mis fin à ses difficultés linguistiques en la transférant dans une école anglophone.

Passage par une école artistique

Kamala Harris et sa jeune sœur Maya ont fréquenté la FACES (Fine Arts Core Elementary School) en 1977-1978 (et peut-être pendant une partie de l’année scolaire précédente, 1976-1977). Harris est alors en huitième année.

Comme l’école accueillait seulement les élèves jusqu’à la 8e année à l’époque, les élèves étaient ensuite obligés de changer d’école. Plusieurs d’entre eux, parmi lesquels Kamala Harris, se retrouvèrent à l’école secondaire de Westmount.

Harris se plaignait de ses cours de français

Kamala Harris fréquenta l’École secondaire de Westmount de 1978 à 1981. L’école secondaire de Westmount (en anglais Westmount High School), est une école secondaire publique située dans le quartier très aisé de Westmount, au Québec. L’école a été construite en 1961.

Kamala Harris, au centre en chemisier blanc et veste beige, photographiée en 1981 avec ses camarades de classe à l’école secondaire de Westmount

Selon le New York Times, « ses amis d’enfance se souviennent d’une jeune femme sûre d’elle, qui manifestait des velléités de militantisme, trouvait une affirmation culturelle dans son identité noire et se plaignait du cours de français. »

Cégep anglophone

Kamala Harris a également brièvement fréquenté le Cégep anglophone Vanier l’année suivante en 1982. Le cégep correspond à un collège pré-universitaire et post-secondaire. La première année du cégep correspond à la terminale du lycée en France.

Nostalgie des États-Unis dans son livre lancé pour sa candidature à la présidence des États-Unis

 « Au moment d’arriver au secondaire, je m’étais adaptée à notre nouvel environnement […] Ce à quoi je ne me suis jamais habituée, c’est le sentiment de nostalgie pour mon pays », écrit Kamala Harris avant d’enchaîner sur sa décision inéluctable de faire ses études universitaires aux États-Unis, où elle a d’abord fréquenté l’Université Howard, surnommée la Black Harvard, avant de s’inscrire à l’École de droit Hastings de l’Université de Californie.

Kamala Harris relie à son éducation auprès des amis militants de sa mère à Oakland sa seule anecdote positive concernant son séjour à Montréal. « Un jour, Maya et moi avons organisé une manifestation devant notre immeuble pour protester contre le fait que les enfants n’étaient pas autorisés à jouer au soccer sur la pelouse. Je suis heureuse de rapporter que nos demandes ont été acceptées », écrit-elle.


Kamala parmi ses camarades de promotion en 1981 (livre des diplômés de l’école). Elle y dit la nostalgie persistante pour son pays natal, quand elle cite encore « la Californie » au rang de ses « meilleurs souvenirs », mais elle témoigne aussi des bons moments vécus, en confiant que son passe-temps préféré est de « danser avec la bande des six, les Midnight Magic » — une troupe de danse montée avec cinq copines, qui se produit dans des maisons de retraite ou dans des galas de collecte de fonds.

Kamala Harris est la descendante d'un propriétaire d'esclaves irlandais en Jamaïque

Des recherches menées par un historien irlandais révèlent que l'ancêtre du vice-président américain, Hamilton Brown, propriétaire d'esclaves, est né dans le comté d'Antrim en 1776.

Mme Kamala Harris est la fille de Donald J. Harris, né en Jamaïque, et de Shyamala Gopalan Harris, originaire d'Inde.

Des recherches généalogiques menées par l'historien nord-irlandais Stephen McCracken ont révélé que le quadruple arrière-grand-père paternel de Mme Harris, Hamilton Brown, est né dans le comté d'Antrim en 1776, l'année de la Déclaration d'indépendance des États-Unis.

Brown a émigré en Jamaïque, alors colonie britannique, et est devenu un propriétaire d'esclaves enthousiaste dans les plantations de sucre qui constituaient le pilier de l'économie de l'île. Il s'opposa à l'abolition de l'esclavage dans tout l'Empire britannique en 1832 et se rendit à Antrim pour remplacer ses esclaves par des travailleurs de son comté natal.

Il a donné son nom à Brown's Town en Jamaïque et est enterré à l'intérieur de l'église anglicane St Mark, qu'il a construite avec ses propres fonds.

Le père de Mme Harris, professeur émérite d'économie à l'université de Stanford, a reconnu le passé esclavagiste de sa famille dans un article publié dans un journal jamaïcain en 2018. Curieusement, sa mère s'appelle Finegan. Les ancêtres irlandais du président Joe Biden s'appellent également Finegan (Finnegan).

Donald Harris a écrit : « Mes racines remontent, de mon vivant, à ma grand-mère paternelle, Miss Chrishy (née Christiana Brown, descendante de Hamilton Brown, dont on sait qu'il était propriétaire de plantations et d'esclaves et fondateur de Brown's Town) et à ma grand-mère maternelle, Miss Iris (née Iris Finegan, agricultrice et éducatrice, originaire d'Aenon Town et d'Inverness, dont l'ascendance m'est inconnue).

« Le nom Harris vient de mon grand-père paternel, Joseph Alexander Harris, propriétaire terrien et exportateur de produits agricoles (principalement du piment ou du quatre-épices), qui est décédé en 1939, un an après ma naissance, et qui est enterré dans la cour de la magnifique église anglicane construite par Hamilton Brown à Brown's Town (et où, enfant, j'ai appris le catéchisme, j'ai été baptisé et confirmé, et j'ai servi en tant qu'acolyte) ». 

La mère indienne de Kamala Harris et son père professeur d'économie d'origine jamaïcaine

Burnard, qui a écrit un livre sur le surveillant d'esclaves jamaïcain Thomas Thistlewood, nous dit que si le père de Kamala Harris dit qu'il est un descendant d'Hamilton Brown, « je serais enclin à le croire ».

Il ne serait pas inhabituel que Kamala Harris ait « un certain héritage de propriétaire d'esclaves », a déclaré M. Burnard. « Ce serait tout à fait normal pour les membres de la classe moyenne jamaïcaine, en particulier l'élite éduquée, d'où vient Kamala Harris.

Jessian Prince, que l'arbre généalogique identifie comme la mère de Miss Crishy et qui serait donc l'arrière-arrière-grand-mère de Kamala Harris, figure sur les registres de naissance et de décès en tant qu'« ouvrière ». Selon M. Zoellner, les travailleurs de la Jamaïque à cette époque étaient presque toujours « des personnes d'origine africaine, enfants et petits-enfants de personnes asservies qui avaient été libérées en 1838 ».

Voir aussi

Ce groupe de discussion composé de femmes du Wisconsin consulté par la chaîne MSNBC (plutôt démocrate) a été brutal envers Kamala Harris.

Elise Jordan : « Comment percevez-vous la vice-présidente Harris par rapport au président Biden en termes de compétence et d'expérience ? »
Groupe de discussion : « Je pense qu'elle est pire ».
« Elle ne sait même pas ce qui se passe à la frontière. Or, c'est ce qu'elle était censée faire. »

Elise Jordan : « Y a-t-il quelqu'un que Kamala Harris pourrait nommer vice-président et que vous trouveriez rassurant ? »
Groupe de discussion : « Je n'envisagerais jamais de voter pour elle. Je penserais à RFK Jr bien avant de voter pour elle ».

Elise Jordan : « Quand pensez-vous que l'Amérique aura une femme présidente ? »
Groupe cible : « Quand il y en aura une compétente ».
« Je ne la sens pas bien. »
« Je pense que c'est une idiote. »

Elise Jordan : « Pourquoi pensez-vous qu'elle n'est pas très intelligente ? »
Groupe de discussion : « Parce qu'elle n'a rien fait pendant le temps qu'elle a eu. Elle n'est pas très intelligente.»

Les origines indiennes de Kamala Harris :

Certificat de naissance de Kamala Harris (mère de race/couleur « caucasienne », père de race/couleur « jamaïcaine »)

Éric Zemmour adapte son succès Le Suicide français en une mini-série de documentaires pour Canal+

Selon Le Parisien, l’ex-candidat à la présidentielle s’est lancé dans le tournage d’une série documentaire adaptée de son livre Le Suicide français.


Éric Zemmour de retour devant les caméras. Dix ans presque jour pour jour après la sortie du « Suicide français », l'écrivain et président du parti Reconquête en prépare l’adaptation télévisuelle. Selon les informations du quotidien, il vient de donner le coup d’envoi, à Paris, du tournage d’une mini-série documentaire de quatre épisodes de 52 minutes. Il s’agit de l’adaptation de son essai sorti en octobre 2014 et écoulé alors à 500 000 exemplaires. L’information a, depuis, été confirmée par Diane Ouvry, attachée de presse d’Éric Zemmour.

En costume cravate sombre, écharpe bleu ciel lui protégeant la gorge entre les prises, il enregistrait ce mardi 15 octobre, au matin, une séquence au jardin mémorial des enfants du Vél d’Hiv (XVe arrondissement de Paris). Face à son équipe technique, il répétait son texte où il était question du Maréchal Pétain et de Jacques Chirac, qui a reconnu la responsabilité de l’État Français dans la rafle de juillet 1942. La veille, Éric Zemmour tournait rue Nicolas Appert, dans le XIe arrondissement de la capitale, là où siégeait la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo jusqu’à l’attentat islamiste de janvier 2015, qui a coûté la vie à 12 personnes.

La série adaptée du « Suicide français » est destinée à être diffusée sur les antennes du groupe Canal+ dans un an au plus tôt. C’est la chaîne Planète+, consacrée aux documentaires notamment historiques, qui a été choisie par les dirigeants du groupe propriété de l’homme d’affaires breton Vincent Bolloré. Le documentaire est produit par Pallas Télévision, société de production d’Éric Pierrot, qui assure d’habitude des sujets pour les magazines « Zone interdite », « Capital » ou « Arnaques » de M 6, ou pour la chaîne France 5 et qui a signé en 2022 pour C8 « Le Puy du Fou raconté par Philippe de Villiers ».

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Le secteur automobile européen est mal en point (en cause le passage à l'électrique)


La bascule vers l’électrique déstabilise le monde de l’auto

L’inquiétude grandit chez les constructeurs et les équipementiers face à la désaffection des clients, peu enclins à adopter cette nouvelle motorisation.

L’édition 2024 du Mondial de l’automobile ouvre ses portes ce lundi pour une semaine à Paris, avec la participation de la plupart des grands constructeurs, qui présenteront en avant-première une cinquantaine de nouveaux modèles. Cet événement se tient dans une période très difficile pour le secteur, qui doit gérer sa conversion industrielle accélérée vers l’électrique, sans que la demande soit au rendez-vous. Craignant une nouvelle crise, plusieurs groupes ont commencé à prendre des mesures de restructuration.

Côté face, l’édition 2024 du Mondial de l’auto s’annonce comme une grande fête de l’automobile. Déserté il y a deux ans par les Allemands, les Japonais et les Américains, le Salon de l’automobile de Paris a réussi cette année à attirer tous les grands noms de l’industrie auto. Tesla a répondu présent, comme Ford. Cadillac, la marque mythique de GM, présentera ses modèles électriques. Le groupe Volkswagen est là avec Audi et Skoda. BMW aussi, comme le coréen Kia. Les chinois BYD, Xpeng, MG (Saic) ne ratent aucune exposition occidentale. Renault est chez lui avec les derniers modèles de Dacia, Alpine et un prototype du Losange. Stellantis a cette fois fait briller quelques-unes de ses quinze marques (Peugeot, Citroën, Alfa Romeo), dont la chinoise Leapmotor, un constructeur dans lequel il a pris une participation de 21 % au capital.

Mais côté pile, l’inquiétude est à son comble. Fermetures d’usines programmées chez Volkswagen, Audi, Valeo ; chômage partiel chez Fiat et Michelin, projets d’usines de batteries repoussés, amendes de l’union européenne en perspective… Les constructeurs européens et derrière eux tous les équipementiers et sous-traitants s’alarment d’une nouvelle crise.

Celle-ci n’a rien à voir avec celle qui avait frappé l’industrie après le Covid : le manque de composants et de semi-conducteurs ainsi que l’inflation avaient contraint la production. Les prix des véhicules avaient alors grimpé assurant de jolies marges aux industriels. Cette fois, les clients ne sont plus au rendez-vous. En France, les 139.003 ventes de véhicules particuliers neufs du mois de septembre sont les plus faibles enregistrées depuis vingt ans. Et les immatriculations sur neuf mois marquent encore un recul de 23% par rapport à 2019. Le marché du véhicule neuf en France porte sur 1,8 million d’unités aujourd’hui. C’était 2,2 millions en 2019.

« Deux indicateurs illustrent la crise actuelle, explique Olivier Hanoulle, consultant automobile au cabinet Roland Berger. D’une part, les volumes de production en Europe : en 2024, ils devraient atteindre 17,2 millions de véhicules légers. Le niveau le plus bas avait été atteint en 2020 à 16,6 millions de véhicules. Nous en serons finalement assez proches. Le deuxième indicateur est la rentabilité. En 2024, les marges vont terriblement diminuer.» De fait, les uns après les autres, Volkswagen, Stellantis, Mercedes, BMW, Aston Martin ou encore l’équipementier Forvia ont revu à la baisse leurs prévisions pour l’année 2024. La marge de Stellantis, champion des profits, va passer de 14 % en 2023 à une fourchette comprise entre 5,5 % et 7% en 2024. Les groupes allemands tiraient une part importante de leurs bénéfices de leur présence en Chine, leur premier marché. Ils sont désormais en difficulté. Les groupes chinois les éclipsent progressivement et les privent de leur rente.

Des constructeurs sous pression


L’année prochaine ne réservera pas de jours meilleurs aux industriels occidentaux. La réglementation européenne sur les émissions de CO2 promet de les mettre encore davantage sous pression. La part des véhicules électriques dans leurs ventes va devoir grimper de manière très importante pour leur éviter des amendes douloureuses. Ils doivent parvenir à réduire de 15% supplémentaires les émissions moyennes de CO2 sur l’ensemble des ventes de véhicules neufs réalisées au cours de l’année prochaine. Or ces derniers mois, la trajectoire d’adoption des véhicules 100% à batterie (BEV) s’est affaissée. En Europe, leur part a fondu pour atteindre 12,6% du marché. Elles devraient atteindre 22 % pour éviter les pénalités européennes en 2025.

Combien risquent-ils de devoir acquitter ? Le cabinet de conseil Alix Partner a étudié trois scénarios plus ou moins tendus pour estimer le montant global des amendes. Dans tous les cas, la facture risque d’être salée. Les pénalités atteindraient entre 28 milliards d’euros et 75 milliards d’euros cumulés pour la période 2025-2029. Elles dépendront aussi du succès des nouveaux modèles électriques «abordables» (R5, ë-c3…) promis par les grands groupes et livrés à partir de l’an prochain.

L’ONG Transport & Environment (T&E), qui défend une décarbonation accélérée des transports, est plus optimiste. Selon elle, les ventes de BEV devraient atteindre 24 % de part de marché en 2025 (contre 14 % au premier semestre 2024). Elles seraient soutenues par une expansion de l’offre sur le marché de masse avec sept modèles abordables à moins de 25.000 euros. Seuls Ford et Volkswagen peineraient à atteindre les seuils requis d’après ses prévisions.

Les raisons du désamour des clients pour les voitures électriques sont nombreuses. Mais Carlos Tavares, le patron de Stellantis, pointe lui-même la plus importante : « Elles sont trop chères, s’exclamait-il à Sochaux il y a quelques jours devant des journalistes. Tous les problèmes liés à l’usage de ces voitures sont en train d’être résolus un par un : le prix de l’électricité par rapport au prix de l’essence par exemple. Or le problème du prix, c’est un problème de coût », argumente le dirigeant.

Les groupes chinois à l’offensive

Produire un véhicule électrique coûte toujours environ 40 % plus cher qu’un véhicule à essence en raison de sa batterie, mais aussi des volumes encore trop maigres pour réaliser les économies d’échelle. Résultat, quasiment tous les petits véhicules électriques sont assemblés en Europe de l’est. La ë-c3 de Citroën est produite en Slovénie. Le chinois Leapmotor s’est installé en Pologne à Tychy, chez Stellantis. La nouvelle Twingo à batterie sera fabriquée en Slovaquie à partir de 2026.

Toutes les marques réclament le maintien d’incitations versées par les États pour soutenir l’achat des voitures zéro émission. Mais les politiques de rigueur budgétaire se sont invitées dans les agendas de nombreux gouvernements. En Allemagne, la suppression des aides en décembre 2023 a fait couler les ventes : -68 % en août dernier. En France, l’enveloppe de 1 milliard et demi consacrée au bonus écologique et à la location sociale (avec option d'achat) sera rabotée d’un tiers… tandis que le malus sera étendu à de nombreux véhicules thermiques populaires. Certes, le bonus ne profitera pas aux modèles produits en Chine depuis qu’il est soumis à des critères environnementaux (production, transport…). Pour se protéger d’un déferlement de véhicules électriques chinois - qui représentent aujourd’hui une part de marché de 3 % -, l’Union européenne n’a pas retenu le critère écologique choisi par la France. Elle a privilégié les barrières douanières établies en fonction des subventions perçues par les groupes chinois auprès de l’État et de leur coopération lors de l’enquête menée par la Commission. Ainsi Saic, qui possède MG, devra payer 35,3 % de droits de douane supplémentaires qui s’ajoutent aux 10 % déjà fixés, Tesla 7,8 %, BYD 17 % et Geely 18,8 %.

Mais malgré ces taxes, les groupes chinois sont déterminés à poursuivre leur offensive sur le Vieux Continent. Ainsi la marque MG affirme qu’elle maintiendra ses prix pratiqués l’an dernier jusqu’à la fin de l’année. Par ailleurs, les nouveaux droits de douane ne s’appliqueront pas aux véhicules hybrides et hybrides rechargeables dont le succès ne se dément pas alors qu’ils doivent être bannis en 2035. De plus, les BYD, Chery, Leapmotor, Saic… installeront très prochainement leurs usines en Europe et échapperont ainsi aux taxes. Les projets sont lancés en Hongrie et en Espagne. « Le gâteau est devenu plus petit et nous avons plus d’invités à table, résumait Oliver Blume, le patron du groupe Volkswagen dans une interview à Bild. Il se vend moins de voitures en Europe. Dans le même temps, de nouveaux concurrents asiatiques occupent le marché, notamment chinois. »

Les dirigeants de Stellantis, Renault et leurs homologues n’hésitent plus à parler de leur « survie ». Dans ce contexte, les constructeurs et les équipementiers réclament que « les discussions prévues en 2026 dans le cadre de la clause de revoyure (destinée à réexaminer la trajectoire de décarbonation, NDLR) - avec la Commission démarrent dans les meilleurs délais », selon les mots de Luc Chatel, le président de la PFA, entité qui coiffe les entreprises françaises de la filière automobile. La déprime risque de s’inviter dès la fin du Mondial.

Source : Le Figaro