Retard mental, épilepsie, hyperactivité ou autisme : ces troubles du développement cérébral ont en commun de toucher plus de garçons que de filles. Cette différence (la proportion selon le sexe) peut être très élevée, comme pour l’autisme à haut potentiel. Dans ce cas-là, les garçons sont diagnostiqués six fois plus que les filles.
Décrite depuis très longtemps, cette différence n’a pour l’heure pas trouvé d’explication, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées. Une analyse génétique menée sur deux grandes populations de patients atteints de troubles neurodéveloppementaux, et publiée jeudi dans la revue American Journal of Human Genetics , montre que les filles présentent beaucoup plus d’atteintes génétiques que les garçons. Et pourtant, la répercussion dans leur comportement est moins importante. Ces résultats suggèrent donc que le cerveau des filles aurait plus de ressort (capacité de réagir) que les garçons. « Des différences du nombre de mutations génétiques entre hommes et femmes atteints de troubles du développement cérébral avaient déjà été observées, nous avons cherché à les confirmer sur un grand nombre d’individus », explique Sébastien Jacquemont (ci-contre), médecin et professeur assistant à l’université de Lausanne, auteur de l’étude.
L’équipe de chercheurs suisses et américains tente de comprendre pourquoi 50 % plus d’hommes que de femmes ont une déficience intellectuelle, et pourquoi les garçons sont quatre fois plus susceptibles que les filles d’être atteints d’autisme.
Les chercheurs ont examiné des anomalies génétiques chez 15 585 personnes qui ont reçu des diagnostics de différents types de troubles causés par un développement défectueux du cerveau, surnommés troubles du neurodéveloppement.
Une preuve génétique
Récemment, des scientifiques ont montré que les femmes autistes présentaient plus de mutations génétiques par rapport aux hommes atteints de la même maladie. Pour avancer dans la compréhension de cette disparité hommes-femmes, Sébastien Jacquemont, en collaboration avec Evan Eichler de l’Université de Washington à Seattle, a comparé la fréquence des altérations génétiques chez environ 16.000 enfants atteints de maladies neuro-développementales. « Notre approche est une première de par son envergure, relève Sébastien Jacquemont. En effet, contrairement aux études précédentes, nous avons analysé différentes formes de mutations délétères pour le développement cérébral de l’enfant, et ce sur des cohortes de très grande taille. Nous avons également examiné les altérations transmises par les parents ».
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé des résultats obtenus par hybridation génomique comparative et séquençage de l’exome. La première technique permet d’étudier les mutations génétiques structurelles (délétions et duplications de fragments génomiques). Grâce à la deuxième méthode, il est possible de séquencer les parties codantes du génome, c’est-à-dire celles qui sont signifiantes, et de déterminer l’emplacement des variations. Les résultats sont étonnants : les chercheurs ont découvert la présence excessive d’altérations génétiques chez les jeunes filles malades par rapport aux garçons. Même constat chez un groupe d’enfants autistes : les filles possèdent jusqu’à trois fois plus de mutations. Mais la découverte ne s’arrête pas là : en étudiant l’origine parentale, les scientifiques ont remarqué qu’un grand nombre des mutations observées chez les jeunes patients sont héritées de la mère, alors que celle-ci ne présente que peu, voire aucun symptôme de la maladie. « Nous avons vraiment été surpris par les différences importantes observées entre filles et garçons », souligne le médecin.
Un « avantage biologique » sur le plan intellectuel pour les femmes ?
Ces résultats suggèrent, sans pouvoir le démontrer formellement, que le cerveau féminin serait plus résistant face à un grand nombre d’atteintes génétiques qui affectent le développement cérébral. Cette « protection » constituerait-elle un avantage sur le plan intellectuel pour les femmes ? « Le taux de réussite des femmes désormais majoritaires, dans les études supérieures, est de plus en plus important maintenant qu’il n’y a plus de barrière sociale. Alors, pourquoi ne pas imaginer un facteur biologique dans cette réussite ? Ceci reste cependant très spéculatif ! », souligne le médecin. La recherche dans ce domaine a encore bien des secrets à nous livrer !
Explications potentielles
Nous ne connaissons toujours pas le mécanisme exact qui rend les garçons plus susceptibles que les filles. À ce sujet, il existe deux théories principales.
La première est que les hommes sont plus sensibles parce qu’ils n’ont qu’un seul chromosome X. Ce qui les rend vulnérables à des mutations sur ce chromosome, car tous les gènes endommagés n’ont pas de jumeau qui pourrait servir à corriger cette mutation. Il existe au moins un trouble cognitif, le syndrome du X fragile, qui est en effet beaucoup plus fréquent chez les hommes pour cette raison. Toutefois, l’étude du Dr Jacquemont indique plutôt que les mutations au chromosome X ne jouent qu’un rôle limité. Cela suggère que la base génétique de la différence est répartie dans l’ensemble du génome.
L’autre type d’explication est anatomique. Il est basé sur des études d’imagerie cérébrale qui suggèrent des différences entre les modes de connexion interne dans le cerveau masculin et féminin. Les cerveaux des hommes ont des connexions locales plus fortes que les cerveaux de femmes, alors que leurs connexions lointaines seraient plus faibles que celles du sexe opposé. Ceci rappelle une différence observée entre le cerveau des autistes et de ceux qui ne le sont pas. Ceci suggérerait que les connexions de type mâle sont en quelque sorte plus vulnérables à des perturbations qui engendrent l’autisme et d’autres troubles cognitifs. Pourquoi ceci serait le cas demeure, cependant, un mystère.
Réactions
L’auteur principal de l’étude, le professeur Evan Eichler de l’Université de Washington, conclut que les femmes sont ainsi mieux protégées contre les effets des variations génétiques, leur cerveau étant mieux préparé pour faire face à certaines mutations génétiques.
Les chercheurs ont aussi analysé le patrimoine génétique de personnes atteintes d’autisme. Encore une fois, les femmes avaient plus de variations génétiques dans leur ADN que les hommes.
« [L’étude] affirme essentiellement que pour que les femmes soient atteintes d’autisme ou de troubles neurologiques du développement, elles doivent avoir plus de dégâts génétiques que les hommes », estime la professeur Cheryl Dissanayake, directrice du Centre de recherche sur l’autisme Tennison Olga à l’Université La Trobe, en Australie.
Le professeur Eichler souhaite maintenant faire valider et étendre les résultats de ses recherches, de même qu’identifier les gènes qui augmentent le risque d’être atteint d’autisme.
Décrite depuis très longtemps, cette différence n’a pour l’heure pas trouvé d’explication, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées. Une analyse génétique menée sur deux grandes populations de patients atteints de troubles neurodéveloppementaux, et publiée jeudi dans la revue American Journal of Human Genetics , montre que les filles présentent beaucoup plus d’atteintes génétiques que les garçons. Et pourtant, la répercussion dans leur comportement est moins importante. Ces résultats suggèrent donc que le cerveau des filles aurait plus de ressort (capacité de réagir) que les garçons. « Des différences du nombre de mutations génétiques entre hommes et femmes atteints de troubles du développement cérébral avaient déjà été observées, nous avons cherché à les confirmer sur un grand nombre d’individus », explique Sébastien Jacquemont (ci-contre), médecin et professeur assistant à l’université de Lausanne, auteur de l’étude.
L’équipe de chercheurs suisses et américains tente de comprendre pourquoi 50 % plus d’hommes que de femmes ont une déficience intellectuelle, et pourquoi les garçons sont quatre fois plus susceptibles que les filles d’être atteints d’autisme.
Les chercheurs ont examiné des anomalies génétiques chez 15 585 personnes qui ont reçu des diagnostics de différents types de troubles causés par un développement défectueux du cerveau, surnommés troubles du neurodéveloppement.
Une preuve génétique
Récemment, des scientifiques ont montré que les femmes autistes présentaient plus de mutations génétiques par rapport aux hommes atteints de la même maladie. Pour avancer dans la compréhension de cette disparité hommes-femmes, Sébastien Jacquemont, en collaboration avec Evan Eichler de l’Université de Washington à Seattle, a comparé la fréquence des altérations génétiques chez environ 16.000 enfants atteints de maladies neuro-développementales. « Notre approche est une première de par son envergure, relève Sébastien Jacquemont. En effet, contrairement aux études précédentes, nous avons analysé différentes formes de mutations délétères pour le développement cérébral de l’enfant, et ce sur des cohortes de très grande taille. Nous avons également examiné les altérations transmises par les parents ».
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé des résultats obtenus par hybridation génomique comparative et séquençage de l’exome. La première technique permet d’étudier les mutations génétiques structurelles (délétions et duplications de fragments génomiques). Grâce à la deuxième méthode, il est possible de séquencer les parties codantes du génome, c’est-à-dire celles qui sont signifiantes, et de déterminer l’emplacement des variations. Les résultats sont étonnants : les chercheurs ont découvert la présence excessive d’altérations génétiques chez les jeunes filles malades par rapport aux garçons. Même constat chez un groupe d’enfants autistes : les filles possèdent jusqu’à trois fois plus de mutations. Mais la découverte ne s’arrête pas là : en étudiant l’origine parentale, les scientifiques ont remarqué qu’un grand nombre des mutations observées chez les jeunes patients sont héritées de la mère, alors que celle-ci ne présente que peu, voire aucun symptôme de la maladie. « Nous avons vraiment été surpris par les différences importantes observées entre filles et garçons », souligne le médecin.
Un « avantage biologique » sur le plan intellectuel pour les femmes ?
Ces résultats suggèrent, sans pouvoir le démontrer formellement, que le cerveau féminin serait plus résistant face à un grand nombre d’atteintes génétiques qui affectent le développement cérébral. Cette « protection » constituerait-elle un avantage sur le plan intellectuel pour les femmes ? « Le taux de réussite des femmes désormais majoritaires, dans les études supérieures, est de plus en plus important maintenant qu’il n’y a plus de barrière sociale. Alors, pourquoi ne pas imaginer un facteur biologique dans cette réussite ? Ceci reste cependant très spéculatif ! », souligne le médecin. La recherche dans ce domaine a encore bien des secrets à nous livrer !
Explications potentielles
Nous ne connaissons toujours pas le mécanisme exact qui rend les garçons plus susceptibles que les filles. À ce sujet, il existe deux théories principales.
La première est que les hommes sont plus sensibles parce qu’ils n’ont qu’un seul chromosome X. Ce qui les rend vulnérables à des mutations sur ce chromosome, car tous les gènes endommagés n’ont pas de jumeau qui pourrait servir à corriger cette mutation. Il existe au moins un trouble cognitif, le syndrome du X fragile, qui est en effet beaucoup plus fréquent chez les hommes pour cette raison. Toutefois, l’étude du Dr Jacquemont indique plutôt que les mutations au chromosome X ne jouent qu’un rôle limité. Cela suggère que la base génétique de la différence est répartie dans l’ensemble du génome.
L’autre type d’explication est anatomique. Il est basé sur des études d’imagerie cérébrale qui suggèrent des différences entre les modes de connexion interne dans le cerveau masculin et féminin. Les cerveaux des hommes ont des connexions locales plus fortes que les cerveaux de femmes, alors que leurs connexions lointaines seraient plus faibles que celles du sexe opposé. Ceci rappelle une différence observée entre le cerveau des autistes et de ceux qui ne le sont pas. Ceci suggérerait que les connexions de type mâle sont en quelque sorte plus vulnérables à des perturbations qui engendrent l’autisme et d’autres troubles cognitifs. Pourquoi ceci serait le cas demeure, cependant, un mystère.
Réactions
L’auteur principal de l’étude, le professeur Evan Eichler de l’Université de Washington, conclut que les femmes sont ainsi mieux protégées contre les effets des variations génétiques, leur cerveau étant mieux préparé pour faire face à certaines mutations génétiques.
Les chercheurs ont aussi analysé le patrimoine génétique de personnes atteintes d’autisme. Encore une fois, les femmes avaient plus de variations génétiques dans leur ADN que les hommes.
« [L’étude] affirme essentiellement que pour que les femmes soient atteintes d’autisme ou de troubles neurologiques du développement, elles doivent avoir plus de dégâts génétiques que les hommes », estime la professeur Cheryl Dissanayake, directrice du Centre de recherche sur l’autisme Tennison Olga à l’Université La Trobe, en Australie.
Le professeur Eichler souhaite maintenant faire valider et étendre les résultats de ses recherches, de même qu’identifier les gènes qui augmentent le risque d’être atteint d’autisme.
Sources : Université de Lausanne, Le Figaro
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