En France, la chose a fait scandale, mais ici, elle est passée inaperçue. À la mi-juin, les lycéens français devaient commenter un poème de Victor Hugo lors des examens du bac [Note du carnet : professionnel et donc peu littéraire faut-il ajouter]. La chose n’a manifestement pas plu. Plusieurs se sont déchaînés sur Twitter contre lui, en insultant sa mémoire. Quelques tweets ont frappé l’opinion. Le plus imbécile m’a servi de titre pour cet article: «Victor Hugo, fils de pute!» J’en cite un autre: «Va chier, Victor Hugo!»
Apparemment, l’auteur de Notre-Dame-de-Paris et des Misérables ne disait rien à ces petits insulteurs. Et s’ils ne comprenaient rien à son œuvre, ce n’est pas parce qu’ils n’en firent pas l’effort. C’est parce qu’elle était apparemment incompréhensible, ou du moins, inaccessible à la jeunesse de notre époque, qui était donc en droit de la rejeter violemment, dans le plus grand mépris.
Certains n’y verront qu’une preuve supplémentaire que les médias sociaux ont plus souvent qu’autrement le rôle de vide-ordures. Ils offrent le pire visage possible de la démocratie: un perpétuel bavardage où tous les propos se valent, où les crétins, s’ils chassent en meute, peuvent écraser le savant qui s’y serait égaré. C’est rarement le peuple qu’on y rencontre, mais une foule haineuse. C’est presque une loi: sur Twitter, moins un homme en sait, plus il gueulera fort.
Mais ce petit événement en dit beaucoup sur notre époque et ce que devient l’école. Car au même moment, encore à la mi-juin, même s’ils le firent de manière moins grossière, quarante mille élèves se révoltèrent contre l’autorité scolaire. Ils trouvaient leur examen de mathématique trop difficile. Ils signèrent une pétition pour exiger que la prochaine fois, il le soit moins. Tout simplement.
Comprenons bien: désormais, l’élève veut décider de ce qu’on lui enseignera. La jeunesse s’éduquera elle-même. Cela rappelle les utopies pédagogiques délirantes des années 1970. La réussite n’est plus un mérite, mais un droit. Et chacun définira lui-même sa réussite. Il faut ajuster les examens pour permettre à tous de les passer. L’examen ne doit plus confirmer l’acquisition de connaissances indispensables, mais chouchouter et câliner l’étudiant.
Comment expliquer cette folie? Peut-être en partie parce que les autorités scolaires elles-mêmes se sont depuis longtemps couchées et n’ont plus le courage d’assumer leurs responsabilités. D’ailleurs, Benoit Hamon, le ministre socialiste de l’Éducation nationale, proposait à peu près au même moment une autre idée: en finir avec les notes «sanctions», distinguant la réussite de l’échec. Ce qui revient pratiquement à abolir les notes, même s’il ne le reconnaît pas.
Au Québec, nous avons trouvé la solution. Cela fait longtemps que nous relevons artificiellement les notes pour nous faire croire que tout va bien. Surtout, nous ne faisons plus lire Victor Hugo et les grands noms de la littérature française. C’est probablement une manière très rusée d’éviter qu’ils ne se fassent finalement insulter. À moins que nous ne soyons tout simplement en avance dans la marche vers la bêtise?
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