mercredi 28 mai 2008

Québec — houleuse réunion d’information sur le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse

Le Monopole de l’Éducation organisait lundi une soirée d’« information » sur le nouveau cours obligatoire d’éthique et de culture religieuse au Collège Saint-Charles-Garnier de Québec. De nombreux parents y ont fait connaître leur mécontentement. Parmi ceux-ci, on retrouvait même une commissaire scolaire.

À l’extérieur du Collège Saint-Charles-Garnier, un membre de la Coalition pour la liberté en éducation, posait des formulaires d’exemption sur les pare-brise des voitures. Alors qu’à l’intérieur, selon la journaliste du Soleil, la colère grondait parmi la cinquantaine de parents assistant à la présentation du nouveau programme, obligatoire en septembre dans toutes les écoles primaires et secondaires du Québec.

« Je vais inciter mon garçon de sept ans à apporter un livre et à lire durant le cours, promet Brigitte Lemieux, mère de deux enfants. Il pourra couler, ça ne me dérange pas ! »

Méfiance envers l'État et la promesse de réserve des enseignants

Sophie Bouchard, mère de famille et commissaire à la commission scolaire des Découvreurs, déplore que les valeurs catholiques soient absentes du nouveau cours. « En tant que parent, je ne crois pas à la prépondérance de la religion catholique et protestante dans le cours que nous promet le ministère, ajoute-t-elle en entrevue. Et je ne me fie pas au devoir de réserve des enseignants. »

Des incidents se produisent déjà, ajoutait la commissaire scolaire à la journaliste du Soleil. « J’ai été témoin, dans un conseil d’établissement, d’un parent qui n’était pas à l’aise avec le fait que le film Da Vinci Code avait été présenté en classe, raconte-t-elle. Le prof n’avait pas prévenu les parents. »

Comment évaluer ?

Le directeur du programme au ministère de l’Éducation, Pierre Watters, aura eu beau répéter que le nouveau cours ne vise à faire la promotion d’aucune religion, plusieurs parents sont restés inquiets. « Si un élève refuse de participer à un projet qui parle d’une autre religion, est-ce qu’il va être pénalisé ? » demande Mary Colley.

Le Soleil nous informe que l’évaluation se fera comme dans tous les autres programmes d’études, à partir d’observation de productions d’élèves. Faut-il donc comprendre que le refus de participation sera puni ?

« L’évaluation ne porte pas sur les convictions », assure le fonctionnaire.

S’agira-t-il donc d'évaluations écrites sur des faits ou d'évaluation de l'attitude « correcte » et « interculturelle » lors des sessions de dialogue ? La journaliste n'a, semble-t-il, pas poussé le fonctionnaire à être plus précis.

Apprendre à réfléchir sur l’avortement et l’euthanasie

La portion « éthique » du nouveau cours n’a pas non plus fait l’unanimité. « Est-ce qu’on va apprendre à nos jeunes que l’avortement et l’euthanasie sont normaux et qu’il ne faut pas les juger ? », demande Brigitte Lemieux.

L’enseignant n’est pas là pour donner des bonnes ou des mauvaises réponses, mais pour aider les jeunes à réfléchir a tenté de répondre Pierre Watters.

Réponse savoureuse. Comme s’il était possible (ou désirable) de raisonner en l’absence d’un cadre de références de ce qui est important ou non, de ce qui est bien ou mal. Gageons que, dans le cas de l’avortement, les critiques trop insistantes faites à l’égard de ce qui peut être considéré comme le meurtre d’un être humain unique innocent et sans défense seront souvent réduites au silence par le professeur ou d’autres élèves en faisant appel à la valeur « liberté de choix » de la femme ; liberté de choix bien évidemment évacuée dans le domaine de l’enseignement et plus particulièrement quand il s'agit d'imposer à tous ce même cours d’éthique et de culture religieuse.

Offrir le choix pour renouer avec la confiance ?

Pourquoi ne pas simplement offrir le choix aux parents ? Pourquoi ne pas leur permettre de choisir le type d’enseignement confessionnel ou moral qui abordera les sujets de société moraux comme l’euthanasie, l’avortement, l’interprétation du phénomène religieux ? Il semble que c’est la moindre des choses pour inspirer confiance aux parents alors qu’actuellement le programme d’Éthique et de culture religieuse semble surtout être défendu par les zélateurs d’une « laïcité » partiale. Ce zèle justifie la méfiance des parents quand ils songent à ce que l’État et les professeurs imposeront à leurs enfants.

La volonté de centralisation de Mme Courchesne dans le dossier des commissions scolaires irrite

Nous en parlions déjà il y a quelques semaines dans Mme Courchesne « serre la vis » et « renforce son autorité »... Quelle surprise !, la Fédération des commissions scolaires ne semble pas en démordre, elle s'oppose à la volonté de centralisation du Monopole.

Oui à la reddition de comptes, non à sa bureaucratisation

La Fédération des commissions scolaires convient que la gouvernance implique nécessairement que la commission scolaire effectue une reddition de comptes efficace et transparente. Toutefois, tant en ce qui concerne le plan stratégique, la convention de partenariat et la déclaration de services prévus au projet de loi, la FCSQ ne croit pas qu'une intervention directe dans la gestion des commissions scolaires soit justifiée puisqu'une telle approche risque d'avoir pour effet de déresponsabiliser ces dernières et d'accroître la bureaucratisation du processus de reddition de comptes. La Fédération est d'avis que la ministre doit se limiter à édicter les grandes orientations, les objectifs et les cibles nationaux et respecter l'autonomie des commissions scolaires. « La valorisation de la démocratie scolaire passe par une plus grande marge de manoeuvre des commissions scolaires et non par une plus grande centralisation. Il est important que ce projet de loi maintienne un équilibre entre la volonté du gouvernement de valoriser la démocratie scolaire et la tentation d'un trop grand contrôle gouvernemental dans l'administration des commissions scolaires », de conclure M. Caron.

Vidéo de la réunion publique de la CLÉ du 19 février 2008

En primeur, une vidéo résumant les allocutions des différents orateurs qui avaient pris part à la réunion publique d'information de la CLÉ le 19 février 2008 à Montréal au sujet du nouveau programme obligatoire d'Éthique et de culture religieuse.



Nous avions fait, le 20 février 2008, un compte rendu de ce colloque, voir Réunion des partisans du choix en éducation à Montréal.

Nouvelles d’Espagne

Nouvelles de la lutte des parents espagnols contre l’imposition du cours d’Éducation à la citoyenneté. Cette bataille n’est, en effet, pas uniquement québécoise mais elle est internationale, car bon nombre d'États prétendent réduire la liberté sociale, en commençant par l'éducation des enfants.

La Cour suprême d’Espagne a accepté d’étudier le cas de l’objection de conscience réclamé par les parents qui s’oppose au programme d’Éducation à la citoyenneté, elle ne devrait pas statuer avant un an. Pendant ce temps, plus de 100 recours ont été présentés dans une grande partie des communautés autonomes d'Espagne (en Catalogne, au Pays Basque, en Navarre, dans la Région cantabrique, en Castille La Manche et en Asturies). Près de 34 000 parents ont fait des demandes d’exemption en vertu de l’objection de conscience.

Entre-temps, les parents espagnols continuent leur campagne d'information dans toute l'Espagne en organisant des colloques et des causeries plus informelles afin que les parents d’élèves comprennent le véritable enjeu et les conséquences liberticides liées à l’imposition du programme gouvernemental d’Éducation à la citoyenneté.


La bataille idéologique contre le programme d'Éducation à la citoyenneté que le gouvernement socialiste espagnol veut imposer se livre principalement dans six communautés espagnoles. Parmi quatre de celles-ci (Andalousie, Asturies, Aragon et Catalogne), les tribunaux se sont prononcés et ont invalidés des parties du programme, pour ce qui est des deux autres (Madrid et la communauté de Valence), les gouvernements locaux eux-mêmes ont décidé de soutenir la contestation à ce programme. En Murcie, le gouvernement n'appuie pas aussi ouvertement les objecteurs, mais il va leur concéder des avantages.

Langue de bois du Monopole de l'Éducation


Article amusant du Soleil de la semaine passée relevé par le Québécois libre.
« D’autres ministères ont élevé le jargon administratif au rang d’œuvre d’art, écrit-il, mais aucun de ceux-là ne peut rivaliser avec le charabia de luxe de notre célèbre ministère, que les initiés surnomment affectueusement MELS. À côté de lui, même le redoutable ministère de la Santé passerait pour... un enfant d’école. » Voici quelques exemples :
  • Les enfants ne vont pas vraiment à l’école. Ils « vivent une expérience scolaire et sociale ».
  • Ils ne subissent pas un échec. Ils « expérimentent une situation de non-réussite scolaire ».
  • Ils ne choisissent plus un métier. Ils suivent une « trajectoire vocationnelle ».
  • Et quand ils se chamaillent, c’est qu’« ils n’ont pas développé leurs aptitudes de résolution de problèmes » [et négligent les règles de base de l'interculturalisme à Montréal].
  • Un enfant n’est pas dissipé. Il s’est « désorganisé ».
  • L’examen devient une « expérience d’évaluation ».
  • La formation cède la place au « continuum éducatif de l’enfant ».
  • Les élèves ne proviennent pas des quartiers proches de l'école. Ils « originent de bassins d’alimentation ».
  • Les directeurs qui bénéficient de mesures de soutien deviennent des « accompagnés ».
  • N’importe qui peut discourir sur le décrochage scolaire, mais il faut l’âme d’un poète pour évoquer « les besoins des acteurs de l’accrochage scolaire ».
  • La formation reçue par un enfant devient comme par magie «une trajectoire scolaire », qui lui permet de « s’insérer socialement ».

Maintenant imaginez un élève, écrit le chroniqueur du Soleil, qui veut vous expliquer qu’il aura bientôt un examen de mathématiques, et qu’il n’a rien étudié : « Dans le langage ultrapoétique du MELS, cela donnera à peu près ceci. Nom d’un petit bonhomme ! Je dois vivre une expérience d’évaluation en mathématiques à 13h et je n’ai pas encore maîtrisé les compétences disciplinaires! Je risque une non-réussite scolaire, ce qui pourrait me faire dévier de ma trajectoire vocationnelle et compromettre mon insertion sociale harmonieuse... »

Bouchard-Taylor : la peur de la fragmentation justifie moins de libertés scolaires pour les « de souche »


On trouvera ci-dessous quelques extraits révélateurs du rapport complet de la Commission Bouchard-Taylor concernant l’école.

Un bon principe pour commencer

Commençons par un bon principe que nous partageons :
« b) l’attribution à l’école d’une mission émancipatrice dirigée contre la religion n’est pas compatible avec le principe de la neutralité de l’État entre religion et non-religion ; » (p. 20)

N'admettre aucune dérogation aux cours obligatoires

Ce passage qui se retrouve par deux fois dans le rapport nous paraît nettement plus discutable.
« Au nom de la finalité du système d’éducation, des élèves ne doivent pas être exemptés de cours obligatoires. Cependant, un élève peut être autorisé à abandonner un cours de musique pour suivre un cours équivalent s’il s’agit d’une activité optionnelle. » (pp. 21 et 180)
D’une part, nous ne pensons pas que l’État doive avoir le monopole dans la définition des programmes scolaires, les écoles privées devraient pouvoir choisir les leurs.

D’autre part, il suffit donc de rendre de plus en plus de programmes obligatoires pour que l’État puisse imposer de plus en plus ses valeurs, ou plutôt celles de ses experts et celles des lobbies qu'il voit d'un bon œil. C’est d’ailleurs exactement ce qui se passe avec le cours d’Éthique et de culture religieuse qui touche pourtant des sujets qui jusqu’à présent inspiraient la plus grande prudence : la religion et les croyances. Le gouvernement et ses experts ont décidé ce qui était bon en termes de valeurs pour tous les futurs citoyens (le gouvernement espère bien influencer les croyances et comportements des enfants sinon ce cours est inutile) et a simplement décidé de le rendre obligatoire dans les écoles publiques et – puisque les lumières de l’État doivent être diffusées, au besoin, contre la volonté des obscurantistes – dans les écoles privées confessionnelles.

Le pluralisme obligatoire pour rendre difficile toute résistance au modèle dominant
« En exposant les élèves à une pluralité de visions du monde et de modes de vie, l’État démocratique et libéral rend la tâche plus difficile aux groupes qui cherchent à se soustraire à l’influence de la société majoritaire afin de perpétuer un style de vie fondé davantage sur le respect de la tradition que sur l’autonomie individuelle et l’exercice du jugement critique. La neutralité de l’État n’est de ce fait pas intégrale. » (p. 135)
Non, un État démocratique ne doit pas par définition exposer les élèves dès leur plus tendre enfance à une pluralité de modes de vie et de visions du monde choisie par l’État pour être démocratique.

Au demeurant, ces valeurs auxquelles on expose de force les enfants sont-elles même choisies de manière démocratique ?

Car c’est là que le bât blesse, ces valeurs présentées aux élèves ne sont pas nécessairement celles de la société majoritaire, mais celles des pédagogues et autres groupes de pression considérés avec bienveillance par l’État (voir récemment l’engouement pour la spiritualité autochtone dans les écoles, les campagnes de lutte contre l’homophobie, l’altermondialisme, etc.) Ces valeurs sont en réalité celles du prêt-à-penser des « élites » éducatives et elles différent souvent de celles de la société majoritaire.

Tolérance intéressée ?

On a souvent l’impression à la lecture du rapport que la tolérance qui y est prêchée est intéressée : il s’agit d’être tolérant pour en fin de compte intégrer, enfin « métisser », les cultures – interculturalisme oblige – et non pas pour préserver une quelconque diversité considérée comme précieuse.
« Pensons ici aux jeunes sikhs, musulmans et juifs qui fréquentent l’école publique française – plutôt que l’école privée anglaise ou religieuse – où on leur permet de porter des signes religieux visibles.
[…]
En favorisant l’intégration, ces mesures contribuent aussi à l’atteinte d’autres objectifs collectifs connexes : l’apprentissage du français, la socialisation et l’interculturalisme, la cohésion sociale, l’autonomisation des femmes issues de l’immigration et en situation précaire, etc. » (p. 166)

Irénisme touchant et autocongratulation déplacée
« L’école québécoise a fait de grands pas, en effet, vers l’idéal de rapprochement et de bonne entente citoyenne axé sur l’égalité et la prévention de la discrimination. Elle a manifestement contribué à abaisser les barrières sociales en favorisant l’intégration de certains groupes racisés. La francisation a amené à l’école publique des clientèles qui, en se côtoyant et en échangeant dans la même langue, ont appris à se connaître. On en voit les résultats dans les perceptions de l’Autre, chez les jeunes Québécois d’aujourd’hui (le contraste avec les aînés est frappant, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre). D’autres indices, fondés ceux-là sur la performance scolaire ou professionnelle, vont dans le même sens, par exemple le fait que les filles d’immigrants réussissent mieux sur le marché du travail que celles issues de familles natives. En janvier 2008, une étude du ministère de l’Éducation révélait aussi que les enfants de parents immigrés ont plus de succès en classe que les autres écoliers » (p.203)
Faut-il rappeler à MM. Bouchard et Taylor que l’école publique française a tellement bien fait son travail de rapprochement vers la société francophone que les immigrés se précipitent vers les CEGEP en anglais dès que la loi le leur permet, alors que les francophones de souche ne le font pas ? Et si la familiarité n’engendrait pas toujours le respect et l’admiration ?

Quant au succès scolaire des enfants immigrés en classe, il n’est pas certain que l’école publique québécoise y soit pour grand-chose. L’école privée francophone ou anglophone fait-elle moins bien ? Quid de l’école ontarienne ? Moins bonne que la québécoise ? Rien ne le prouve. Les bons résultats moyens des enfants d’immigrés au Québec reflètent surtout la sélection des parents et grands-parents en fonction de leurs compétences pour être admis à immigrer. En outre, les choses ne sont pas nécessairement aussi roses que veulent nous le faire penser les commissaires quand on considère le détail et qu'on considère les différents types d'immigration, trop facilement amalgamés.

Les enfants nés ou dont les parents sont nés en Amérique centrale éprouvent plus de difficultés que les autres Québécois : à peine 51 % ont obtenu un diplôme secondaire sept ans après leur entrée en première secondaire, par rapport à 72% pour les autres Québécois. Ce pourcentage chute à 43 % pour la région des Antilles et Bermudes.

Les enfants immigrés de première génération, aujourd’hui, sont nettement moins nombreux à obtenir un diplôme que les Québécois (59 % après 7 ans d'études) et redoublent plus fréquemment que tous les autres élèves y compris les immigrés de seconde génération.

Statistiquement, la situation tendrait à se corriger avec les années, mais la composition des immigrés est-elle vraiment restée la même depuis trente ans ? Est-on passé d'une immigration libanaise et vietnamienne, aujourd'hui tarie et de seconde génération, qui était bien formée ou qui valorisait fortement les études à une immigration subsaharienne, antillaise et centraméricaine « francophile » mais moins bien formée ?

Il n’y a pas lieu d’être optimiste quand on sait que les écarts de revenus se sont fortement accentués entre les immigrés et les Canadiens de souche depuis 20 ans en défaveur des immigrés ; or les conditions socio-économiques constituent un prédicteur important de réussite scolaire.

[En 1980, les nouveaux immigrants de sexe masculin qui avaient un revenu d'emploi gagnaient 85 cents pour chaque dollar de revenu d'emploi des hommes nés au Canada. En 2005, ils n'en gagnaient plus que 63. Chez les nouvelles immigrantes, les chiffres correspondants étaient de 85 cents et de 56 cents respectivement.]

Éducation à la citoyenneté
« Il y a une cinquième voie sur laquelle on n’insistera jamais assez, soit celle de l’éducation. C’est là, dès les premières années du primaire, que doit se former la sensibilité aux différences, aux inégalités, aux droits et aux rapports sociaux, ce qu’on résume en général par la notion de citoyenneté. » (p. 237)
Bien évidemment, cette éducation citoyenne obligatoire peut être l’occasion d’un formatage en règle des enfants captifs du Monopole qui pourront être soumis aux dernières modes et aux préférences philosophiques et sociales d’un petit groupe d’experts non représentatifs dont les valeurs risquent d’être « en avance » par rapport à celles de la société d’accueil et même aux valeurs des immigrés souvent conservateurs pour ce qui est des mœurs. Il suffit de penser, par exemple, à tout ce qui touche au mariage et à l’homosexualité.

On assiste simplement à une course dans la précocité pour savoir qui sera le premier à forger les représentations du monde des enfants : les parents ou l’État. MM Bouchard et Taylor penchent en faveur de l’État, car ils y voient un vecteur pour propager leur vision du monde (« l’interculturalisme ») et ainsi contrer l’influence des parents trop conservateurs qui sont relégués aux rôles de simples géniteurs payeurs.

Non aux écoles ethniques
« La question, comme on le sait, est d’actualité. Une demande, rapportée par les médias, vient d’être faite pour l’ouverture d’une école réservée aux jeunes Noirs. Il s’agirait d’une école conçue pour eux, où ils retrouveraient un sentiment de fierté, le goût de s’affirmer, à l’abri des barrières et de la discrimination (directe ou indirecte) dont ils souffrent présentement. Ces raisons sont légitimes et respectables, compte tenu des taux de décrochage scolaire chez les groupes racisés. Néanmoins, nous ne sommes pas en faveur de ce projet. Si l’État devait y donner suite, ce serait consacrer l’incapacité du système scolaire public à servir tous les citoyens. » (p. 237)
Tiens, un aveu ? L’école publique québécoise ne réussirait donc pas aussi bien que le rapport nous l’indiquait précédemment dans sa lutte en faveur de l’égalité et la prévention de la discrimination ?

Intensification de l’ « interculturalisme » à l’école, même si les « de souche » renâclent
« L’une des caractéristiques de l’interculturalisme réside dans une insistance sur l’importance des interactions pour réduire les distances culturelles. C’est là, comme on sait, un moyen efficace de prévenir ou de réduire les stéréotypes et les tensions qui peuvent en résulter. On devrait encourager ces interactions dans tous les domaines d’activité. En voici quelques exemples. À l’école, malgré tous les efforts déployés par les enseignants et les gestionnaires, des distances et même des résistances demeurent, notamment du côté des élèves issus de la société d’accueil. Les pratiques scolaires interculturelles, déjà importantes, devraient être intensifiées. » (p. 257)
Eh oui, il faut intensifier les interactions, même si les jeunes Québécois de souche se demandent pourquoi on les soumet à tant de ré-, pardon, d’éducation alors qu’ils pensaient que les immigrés devaient s’adapter à la culture et aux us locaux.

Pour le reste, la distance culturelle, le conflit même, peut exister précisément parce qu’on est forcé d’interagir avec des gens dont on connaît désormais fort bien les différences culturelles et qu’on désapprouve. Il suffit de penser à tous les Québécois allergiques à la religion pour y avoir, selon eux, trop baigné ou encore aux querelles linguistiques dans des zones bilingues entre gens qui se connaissent bien et qui ne mythifient pas un « Autre lointain, virtuel, imaginé ».

Bref, l’interculturalisme semble un remède un peu naïf aux maux identitaires, plus particulièrement quand on considère à quel point les gens veulent se distinguer et tiennent à leur identité culturelle et ethnique. À moins, bien sûr, que l’ « interculturalisme » ne consiste pas uniquement à connaître les autres pour ne plus les fantasmer, mais encore à faire en sorte que les gens taisent leurs différences et leurs préférences et n’osent plus trop les exprimer, surtout s’ils sont majoritaires.

Œcuménisme de façade, subventions aux associations ethniques
« Subventionner les groupes ethniques, célébrer les fêtes religieuses entre croyant et incroyant dans la religion en question. La célébration conjointe de fêtes religieuses entre croyants de diverses confessions, comme cela s’est fait en octobre 2007 à l’université McGill, est une autre voie à emprunter. Il faut encourager des politiques comme celle de la Ville de Montréal qui accorde des subventions à des groupes ethniques en insistant pour que les activités financées aient un caractère pluriethnique (par exemple, les Week-ends du Monde au parc Jean-Drapeau). » (p. 257)
Cet œcuménisme de façade doit-il vraiment encore être encouragé ? Le cadavre du pénible Mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle des années soixante bouge-t-il encore ? Va-t-on ressortir les guitares et les chansonnettes insipides avant de pousser un grand om libérateur ? Cette hypocrisie vieux jeu est-elle vraiment nécessaire et efficace ? Rapproche-t-elle vraiment les communautés ?

Les commissaires semblent surtout songer aux Québécois de souche en écrivant ceci, car, dans leur esprit, ceux-ci ne croient sans doute plus vraiment en quoi que ce soit. Cela ne devrait donc pas leur coûter grand-chose d’assister à ces curiosités anthropologiques que sont les fêtes religieuses minoritaires. Tout cela serait pour la bonne cause : éviter la formation de ghettos alors que le Québec devient de plus en plus divers… Pour eux, cette cause vaut bien un intérêt feint ou superficiel.

Sibyllin paragraphe sur les écoles ethnoconfessionnelles et « illégales »
« Dans les conditions présentes, il est à prévoir que la demande d’écoles privées ethnoconfessionnelles va augmenter, ainsi que la demande de financement public. Cette perspective en préoccupe plusieurs pour qui une telle tendance n’irait pas dans le sens du modèle québécois d’intégration. Certains intervenants à nos audiences ont, du reste, proposé un moratoire sur le développement de nouvelles écoles ethnoconfessionnelles, le temps de réexaminer toute cette question. Nous souhaitons que le gouvernement prête attention à ces questions. Il conviendrait aussi de préciser la définition même et le statut exact de ces écoles. Par ailleurs, on devrait résoudre le problème des écoles illégales, qui entraînent la marginalisation des élèves. » (p. 260)
Les commissaires ne se prononcent pas sur les écoles ethnoconfessionnelles, car, selon leur seul prisme (« ces écoles intègrent-elles leurs élèves à l’interculture québécoise ? »), il n’est pas prouvé en réalité qu’elles marginalisent leurs élèves. Voir leur remarque : « Encore là, on doit se garder d’inférences trop faciles. Certains travaux ont montré que les élèves ayant fréquenté des écoles ethnoconfessionnelles ne souffraient pas de marginalisation. Voir P. SERCIA (2004). »

Notons qu’il n’est pas sûr comment cette intégration et cette marginalisation sont mesurées… Le taux de mariage interculturel ? Le taux de rétention des valeurs et religion des parents ?

Pour ce qui est des écoles dites « illégales », principalement les écoles évangéliques fréquentées par des Québécois de souche et des écoles juives et mennonite, on notera à nouveau que les commissaires ne se soucient pas du droit des parents à pouvoir éduquer leurs enfants selon leurs croyances; cela leur est très secondaire. Non, seule les intéresse la possibilité que ces écoles entraîneraient la marginalisation des élèves. Que proposent les commissaires ? Mystère. Si on les suit bien, il faudrait transformer ces écoles « illégales » en des écoles qui ressemblent nettement plus aux écoles publiques afin de pouvoir agir sur les jeunes enfants et les faire participer (avec qui ?) à l’interculturalisme en sapant l’influence des seuls parents. On notera le peu de tolérance et de respect des choix des parents dès qu’on peut désormais prétexter du danger de la création de « ghettos » d’immigrants. Rappelons que ces écoles « illégales » sont fréquentées par des Québécois ou des Canadiens de vieille souche qui n’ont pas posé de problèmes sociaux particuliers. Que reproche-t-on aux évangélistes ou aux mennonites ?

On comprend le dilemme des commissaires et leur silence : pourquoi ces écoles et ces communautés accepteraient-elles de devenir de plus en plus comme les écoles publiques, alors qu’elles ont été fondées pour ne pas y ressembler ?

Notons que ni les évangélistes ni les mennonites n’ont fait de demandes d’accommodements raisonnables si ce n’est peut-être pour pouvoir bénéficier de la liberté d’éduquer leurs enfants comme bon leur semble ; ce qui leur est permis ailleurs au Canada. Seule l’intransigeance du Monopole de l’Éducation qui « dialoguait » à sens unique avec ces écoles en cherchant à leur imposer ses conditions et en menaçant de faire intervenir la DPJ dans le cas des mennonites a sorti ces paisibles communautés de l’obscurité médiatique.

Promotion énergique de l’ECR (avec nos sous)
« Nous recommandons fortement au gouvernement de faire une promotion énergique du nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse qui doit entrer en vigueur en septembre 2008. Il est important que le public sache exactement ce que sont les finalités et le contenu de ce cours ainsi que la fonction indispensable que cet enseignement est appelé à remplir dans le Québec du XXIe siècle. » (p. 260)
Tiens, on va imposer ce cours sans que le public soit au courant au préalable du contenu et du but de ce programme obligatoire dans toutes les écoles, même confessionnelles ? De plus en plus curieuse, cette démocratie libérale de MM. Taylor et Bouchard.

Et si le public une fois au courant des véritables finalités n’était pas d’accord ? Et si les parents ne voulaient pas d’un programme qui vise à créer des jeunes malléables, pluralistes, qui ne croient pas trop en une religion afin d’éviter la formation de ghettos et faciliter par l’interculturalisme l’avènement d’une nouvelle culture commune québécoise dirigée par les experts et pédagogistes du Monopole ?

Comme s’il n’y avait pas moyen d’apprendre des faits sur les autres religions d’une autre manière que celle imposée par le Monopole à tous les élèves du Québec !

Les commissaires évitent de remettre en question le taux d’immigration et de mentionner les Premières nations

Enfin, notons que les commissaires dissertent pendant près de trois cents pages sur comment limiter les effets de marginalisation et de ghettoïsation, conséquences de la diversité croissante de la société québécoise due à l’immigration sans jamais proposer de limiter le taux d’immigration. Car qui veut nous faire croire que la fragmentation qui menace le Québec serait celle engendrée par les accommodements raisonnables de « Québécois de souche » devenus témoins de Jéhovah (30 000 adeptes au Québec) ou évangélistes ?

Limiter l’immigration est pourtant la manière la plus évidente de limiter cette diversité et fragmentation croissantes qu’il faut ensuite juguler par un appel constant à l’État qui saura imposer l’interculturalisme à l’école et dans le reste de l’espace public. Non, le concept de limitation de l’immigration est tabou (on ne parle pourtant pas d’un arrêt, mais de ne plus la hausser ou de la réduire légèrement). Tabou aussi son pendant : une politique familiale nataliste juste et universelle qui a l’avantage de former des jeunes mieux intégrés à la société d’accueil que les immigrés.

Rappelons qu’actuellement la société francophone majoritaire est la moins féconde des communautés québécoises. Les francophones font moins d’enfants que les anglophones, lesquels font moins d’enfants que les allophones et les Amérindiens et Inuits.

Autre sujet tabou : ces mêmes Amérindiens et Inuits alors que, s’il existe un risque de fragmentation du Québec hors de Montréal, il est bien là. Pas chez les francophones de souche trop catholiques ou trop religieux en général et qui rechignent à se soumettre de bon gré à l’interculturalisme et à l’intervention croissante de l’État auprès de leurs enfants pour en faire de « bons citoyens » tels que définis par le Monopole et ses experts.