L’idée selon laquelle l’accroissement de la population serait un danger pour la planète et le dénigrement de la famille traditionnelle ont contribué à la diminution du nombre de naissances, estime le président de Nouvelle Énergie, qui plaide ci-dessous en faveur d’une politique familiale forte. David Lisnard (ci-contre) est également maire de Cannes et président de l’Association des maires de France.
Depuis 2010, année lors de laquelle nous avons connu le plus grand nombre de naissances depuis quarante ans, le taux de fécondité par femme a en effet glissé inexorablement de 2,11 à 1,68 en 2023. Il était encore de 1,78 en 2022. Si cette pente devait se poursuivre, les conséquences pourraient être dramatiques, tant sur le plan socio-économique que sur le devenir même de notre nation.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2023, le nombre de naissances a atteint son plus bas niveau historique, passant pour la première fois sous la barre des 700 000, pour s’établir à 678 000. L’accroissement naturel a atteint son niveau le plus bas depuis l’après-guerre, avec un différentiel positif de 43 000 entre le nombre de naissances et le nombre de décès, soit une croissance démographique insignifiante de 0,3 %, égale à celle de 2022.
Le président de la République a évoqué ce phénomène lors de sa longue conférence de presse du 16 janvier dernier. C’est une bonne chose. Mais, comme trop souvent, la réduction du problème à une unique dimension — crise de la fécondité —, l’incantation — bien stérile, elle — et l’occultation des responsabilités des politiques menées depuis douze ans ne laissent rien augurer de concret et d’efficace.
Car ce très grave effondrement démographique peut être attribué à une convergence de facteurs, mais surtout à un état d’esprit décliniste et malthusien. Il résulte également d’une propension à dénigrer et remettre en question l’institution centrale de notre société qu’est la famille.
Nos ancêtres, ces derniers siècles, étaient bien plus exposés que nous le sommes à la pauvreté, aux problèmes du logement, aux épidémies et aux guerres. Ils faisaient pourtant de nombreux enfants. Et on le constate aujourd’hui dans les pays pauvres, voire très pauvres, où la natalité est proportionnelle à la misère.
Alors, d’où vient cette chute des naissances ? Elle est le résultat de la conjonction d’une crise existentielle occidentale, que l’on pourrait qualifier de spirituelle, et de la mise à mal de la politique de la famille et de la natalité qui faisait la singularité positive de la France, jusqu’à François Hollande et Emmanuel Macron.
Vue par certains comme archaïque, la cellule familiale traditionnelle a été mise à mal par le démembrement du Code civil napoléonien et par toute une série de réformes qui ont remis en cause les fondements de la politique familiale initiée dans les années 1930.
Parmi celles-ci, l’altération du principe d’universalité des allocations familiales décidée sous François Hollande constitue une erreur fondamentale.
Elle a concerné plusieurs millions de familles, en diminuant de moitié ces allocations pour les foyers parentaux qui disposent de revenus supérieurs à 6000 euros mensuels et les divisant par 4 quand ils excèdent 8000 euros par mois.
D’autres mesures, comme la baisse du quotient familial décidée en 2013 qui a pénalisé environ 800 000 foyers de la classe moyenne, ou bien la réforme en 2015 du congé parental, ont été aussi pénalisantes.
Qu’est-ce que le quotient familial ?
La notion de foyer fiscal est utilisée dans certains pays comme la France pour le calcul de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune immobilière. Il consiste à imposer non pas les individus isolément, mais les ménages qu’ils composent.
Son principe est le suivant : « à niveau de vie égal, taux d’imposition égal ». Il est en effet destiné, dans le cadre de l’impôt progressif, à assurer l’équité fiscale entre les contribuables célibataires et ceux qui sont chargés de famille.
En pratique, chaque ménage dispose d’un certain nombre de parts : par exemple, en France, 1 part par adulte et 1/2 par enfant pour les deux premiers enfants et 1 part entière à partir du 3e enfant ou par enfant handicapé. On divise ensuite le revenu imposable par le nombre de parts, puis l’impôt est calculé sur une seule part. La somme ainsi obtenue est ensuite multipliée par le nombre de parts du foyer afin d’aboutir au montant final que le ménage aura à payer.
En obligeant un fractionnement du congé parental entre la mère et le père — s’immisçant en cela dans l’intimité des arbitrages du couple —, la loi a entraîné une baisse drastique du nombre de congés parentaux pris par les mères, sans atteindre l’objectif d’un plus grand recours au congé parental par les pères (hausse de 1,1 point).
À ce titre, les conclusions du récent rapport de France Stratégie sont sans appel sur une réforme, une fois encore plus dogmatique que réaliste.
Voilà de quoi, en France, réfléchir à deux fois avant de se lancer dans le pourtant si beau projet de fonder une famille, voire une fratrie.
Plus insidieux, un autre facteur a émergé ces dernières années, qui considère l’accroissement de la population comme un danger pour la planète. Les partisans de cette perspective alarmiste, imprégnée de millénarisme, vont jusqu’à envisager désormais l’enfant comme une menace et non plus comme une chance pour l’avenir. La résonance d’un tel discours sur les jeunes générations n’est malheureusement pas négligeable surtout quand il provient de certains scientifiques qui proclament que pour la France, « un enfant de moins, c’est 40 tonnes de CO2 de gagnées ». Le sophisme de ces écolos-tyrans (et déprimants) est le suivant : pour éviter la mort, supprimons la vie. Imparable et absurde vérité. Ce renoncement à tendance totalitaire ne voit pas la vie comme une chance, mais comme un problème, et un enfant non pas comme une joie, mais comme un producteur de CO2. Cette pensée est non seulement sordide moralement, mais inopérante pour l’écologie dont les problèmes nécessitent avant tout, pour être réglés, du développement scientifique, de nouveaux modes décarbonés de production, de l’investissement massif, donc de la croissance !
Le risque qui pèse aujourd’hui sur nous n’est plus le baby-boom, mais le baby-bust. Toutes les études démontrent que le nombre de naissances sur la planète va passer d’environ 140 millions par an à 110 millions à la fin du siècle, essentiellement dans les pays développés.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger une forme d’individualisme croissant au sein de la société qui explique qu’une partie de la population, en quête de réalisation personnelle, peut hésiter à assumer les responsabilités et les charges associées à la parentalité.
Toutes ces raisons doivent nous alerter pour éviter de suivre la voie de pays comme l’Italie, l’Espagne, le Japon [, le Québec] ou la Corée du Sud, touchés de plein fouet par un vieillissement démographique qui menace leur existence même. À plus court terme, cette proportion croissante de personnes âgées par rapport aux jeunes actifs signifie un moindre dynamisme économique, une régression de l’audace et de la prise de risque, ainsi que de moindres rentrées fiscales tandis que les dépenses liées aux soins de santé, aux retraites et à la dépendance ne cesseront d’augmenter. La place de la France recule encore et les comptes publics, déjà désastreux, continuent de se détériorer. Sans même parler de la menace existentielle sur notre mode de vie et notre organisation sociale.
Pour inverser cette tendance, certains voient la solution dans l’immigration. De fait, les chiffres sont éloquents : en vingt ans, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont Français a diminué de 13,7 % quand le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des deux parents est étranger a augmenté de 63 % et le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a augmenté de 43 %. Or, avant d’aller chercher de la main-d’œuvre peu ou très peu qualifiée à l’étranger, il serait opportun de former nos jeunes dont près de deux millions de18 à 30 ans n’ont ni formation ni diplôme et aussi de lutter contre l’émigration qui prive notre pays de jeunes talents qui partent travailler et fonder une famille à l’étranger.
Pour éviter les conséquences profondes et durables sur l’économie et la société de la dégradation continue de la natalité, il convient, surtout, de renouer avec une grande politique de la famille. Alors que le désir d’enfants reste fort — en moyenne 2,39 enfants par couple selon les dernières enquêtes — il est du devoir des pouvoirs publics de lever les obstacles qui entravent la réalisation de ce souhait de fonder une famille.
À Nouvelle Énergie, nous proposons quatre mesures fortes.
- D’abord, il faut commencer par rétablir le quotient familial, intégralement.
- Ensuite, les allocations familiales doivent être considérées comme une politique familiale et non sociale, donc échapper à toute condition de ressources. Lesdites allocations familiales ne doivent, en effet, pas être considérées comme un outil de correction des inégalités de revenus mais comme un outil en faveur de l’équilibre intergénérationnel qui relève du pacte fondateur de notre système de protection sociale.
- Troisième mesure, l’effort devra porter exclusivement sur le deuxième et le troisième enfant.
- La question devra par ailleurs se poser du nombre d’années de présence sur le territoire national et du total de cotisations requis pour les étrangers qui pourront en être bénéficiaires. La polygamie devra être enfin réprimée de façon systématique et les conséquences de la « décohabitation » bien analysées, et traitées notamment dans le parc de logement social.
Ouvrir la voie à une renaissance démographique est un devoir politique. Elle ne se fera pas avec des incantations mais avec des choix assumés par une politique de la famille et de la natalité, prioritaire, cohérente et massive. Il nous incombe de créer les conditions de l’espérance telle qu’elle apparaît dans chaque enfant qui vient au monde.