L’ancien député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Martin Lemay, publie l’essai À la défense de Maurice Duplessis chez Québec Amérique, un plaidoyer pour réhabiliter l’ex-premier ministre originaire de Trois-Rivières dans l’opinion populaire.
L’auteur valorise le nationalisme, la stratégie de développement économique grâce à l’investissement privé, la prudence financière et le combat contre les idées subversives de l’ex-député de Trois-Rivières, qui a été premier ministre de 1936 à 1939, puis de 1944 à 1959. Il déplore qu’aujourd’hui les gens ne retiennent de Maurice Duplessis que le fait qu’il représente la prétendue Grande Noirceur, cette période de l’après-guerre au Québec qui a été suivie par la Révolution tranquille.
Pour Martin Lemay, la plupart des analyses de la vie et de l’héritage de Duplessis ont simplement repris le discours de ses détracteurs, comme Jean Lesage, Jacques Hébert, Pierre Elliot Trudeau et Gérard Pelletier. « Ses anciens opposants sont arrivés au pouvoir après son décès, dans les années 60, rappelle l’auteur. Ils avaient pour la plupart combattu Duplessis ; il n’était donc pas question pour eux de lui faire un beau portrait ! Je ne dis pas qu’il y a eu complot, mais c’est tout comme : il y a eu unanimité pour dénoncer » cet adversaire qui venait de s’éteindre. En outre, la plupart des biographes de Duplessis ont, jusqu’à récemment, eu comme sources les seuls adversaires de celui qu’on a appelé le « Chef ». Cela traçait des portraits uniquement à charge. C’est ainsi, selon M. Lemay, « que le mythe de la Grande Noirceur, le mythe d’un dictateur, d’un régime corrompu se sont propagés et se sont rendus jusqu’à nous. »
Pour Martin Lemay, tout ce qu’on a reproché à Maurice Duplessis n’est pas faux, mais les accusations sont exagérées. Ses adversaires ont créé une légende noire grâce à la « stratégie de l’hyperbole ».
À la défense de Maurice Duplessis a pour objectif avoué d’ébranler les certitudes, le mythe. L’auteur s’en prend d’ailleurs au passage à certains historiens modernes qui reprennent l’idée que l’ex-premier ministre tenait du monstre.
Quant à la connivence entre l’Église catholique et le régime Duplessis, Martin Lemay écrit que l’Église était forte parce que les gens y étaient attachés. Dans le même ordre d’idée, il soutient que Maurice Duplessis ne pouvait pas être « si pire que ça », puisque les gens l’ont réélu à plusieurs reprises après une éclipse. Éclipse de 1939 à 1944 due à son manque de « sérieux » lors de ce premier mandat. Mais, après cette déconfiture, il est revenu au pouvoir à la suite d'une analyse politique de sa défaite pour quatre mandats successifs. Les gens savaient à qui ils avaient affaire : Duplessis représentait la stabilité, le calme et le sérieux dans les affaires publiques.
L’essayiste convient que certaines critiques répandues à l’encontre de l’ancien premier ministre sont méritées. « Il aurait pu convaincre l’État d’investir plus dans l’éducation et défendre plus le fait français », dit-il, notamment en parlant du Montréal anglicisé de l’époque. Il aurait aussi pu favoriser un peu plus les entreprises québécoises. Sur l’éducation, Martin Lemay admet que le régime Duplessis a beaucoup investi dans l’éducation (lire à ce sujet Baisse relative du nombre de diplômés québécois par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur), mais que celle-ci aurait été mal organisée.
Martin Lemay affirme néanmoins que Maurice Duplessis « a construit le pont qui nous a amenés ensuite à la Révolution tranquille. »
« En politique, on est toujours revanchard »
Le chroniqueur et amateur d’histoire François Roy est plutôt d’accord avec la démarche de l’auteur d’À la défense de Maurice Duplessis. Il rappelle d’ailleurs que Trois-Rivières a fait la paix avec son ex-député lors de l’événement Duplessis, en 1999, et par le biais des travaux de l’historienne de l’UQTR Lucia Ferretti.
Pour François Roy, on a beaucoup noirci le régime Duplessis, mais on aurait pu en faire autant des gouvernements Taschereau, mais on ne l’a pas fait : pourtant le régime Taschereau partageait les mêmes mœurs électorales, le même financement occulte. C’était sans doute pire puisqu’à l’époque tout allait aux grandes entreprises, aux grandes villes. « C’était le règne de la lampe à l’huile, les campagnes n’avaient pas d’électricité. C’était aussi une grande noirceur le régime Taschereau, mais il n’y a pas d’émotion ; on va analyser le régime Taschereau avec un certain détachement. »
François Roy convient que Maurice Duplessis est un personnage de son époque. « D’autres n’ont pas été mieux : si on les sortait de leur contexte, ils pourraient aussi passer pour des monstres. »
Il rappelle entre autres que l’opinion populaire a tendance à penser que la corruption est arrivée au Québec avec Duplessis. « C’est le génie du Parti libéral d’avoir fait croire [ça] ; après Duplessis, c’était juste plus subtil. »
Présentation de l’éditeur
Si le Québec de l’ère Duplessis n’était pas le paradis, il n’était pas non plus l’enfer que l’on s’est trop souvent plu à décrire, soutient Martin Lemay. Il faut déboulonner le mythe de la Grande Noirceur trop souvent associé aux années 1930, 1940 et 1950. Aux yeux de l’auteur, Maurice Duplessis a été le plus grand premier ministre de l’histoire du Québec. Plus grand qu’Honoré Mercier, Louis-Alexandre Taschereau, Jean Lesage, Robert Bourassa et même René Lévesque. Or, la mémoire de Duplessis a été ternie, enfouie sous un amas de fabulations, déplore Martin Lemay. Voilà pourquoi il propose une autre lecture de l’histoire du Québec, un autre regard sur celui qui a si longtemps dirigé la province.
Farouche défenseur des Québécois, Maurice Duplessis a été élu premier ministre à cinq reprises, soit en 1936, puis en 1944, 1948, 1952 et 1956. Depuis, aucun chef de parti n’a pu accomplir pareil exploit. Comme les électeurs du temps n’étaient ni des idiots ni des ignorants, et comme ils l’ont élu et réélu si souvent, Duplessis devait bien posséder quelques qualités... Ce sont celles-ci que tente de retracer Martin Lemay. Sans verser dans le panégyrique, il analyse l’homme, son œuvre et son époque, dans l’espoir de le réhabiliter et de lui rendre enfin justice. Bien qu’il reconnaisse d’emblée que Maurice Duplessis n’était pas un ange, l’auteur reste néanmoins d’avis que l’œuvre de l’homme politique et sa mémoire ont été injustement traitées. En politique comme en tant d’autres domaines, une médaille a deux côtés.
Détails bibliographiques
À la défense de Maurice Duplessis
par Martin Lemay
Paru en mars 2016
Chez Québec-Amérique
à Montréal
168 pages
ISBN : 9 782 764 430 699 (2 764 430 698)
Voir aussi
L’affaire Jean XXIII et les témoins de Jéhovah du Québec sous Duplessis vu par un manuel fantaisiste d’ECR
La Grande Noirceur inventée (Texte de Denis Vaugeois, éditeur, historien et ancien ministre des Affaires culturelles, tiré de la préface qu’il signe dans l’ouvrage « Duplessis, son milieu, son époque »)
Duplessis, son milieu, son époque, sous la direction de Lucia Ferretti et Xavier Gélinas chez Septentrion
Les Québécois à la traîne économiquement depuis 150 ans, rattrapage le plus grand aurait été sous Duplessis
L’État a-t-il vraiment fait progresser l’éducation au Québec ?
Du Grand Rattrapage au Déclin tranquille : déboulonner la prétendue Révolution tranquille
Baisse relative du nombre de diplômés par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur
Grande Noirceur — Non, l’Église n’était pas de connivence avec le gouvernement et les élites
La Grande Nouérrceurrr : portrait de famille monochrome, rictus, pénurie francocentrique et ânonnements (5 pages)
La Grande Noirceur, revue et corrigée
Le « mythe » de la Révolution tranquille
Héritage de la Révolution tranquille : lent déclin démographique du Québec ?
Révolution tranquille : Entre imaginaire et réalité économique et sociale
L’auteur valorise le nationalisme, la stratégie de développement économique grâce à l’investissement privé, la prudence financière et le combat contre les idées subversives de l’ex-député de Trois-Rivières, qui a été premier ministre de 1936 à 1939, puis de 1944 à 1959. Il déplore qu’aujourd’hui les gens ne retiennent de Maurice Duplessis que le fait qu’il représente la prétendue Grande Noirceur, cette période de l’après-guerre au Québec qui a été suivie par la Révolution tranquille.
Débat contradictoire entre Martin Lemay et Lucia Ferretti
Pour Martin Lemay, la plupart des analyses de la vie et de l’héritage de Duplessis ont simplement repris le discours de ses détracteurs, comme Jean Lesage, Jacques Hébert, Pierre Elliot Trudeau et Gérard Pelletier. « Ses anciens opposants sont arrivés au pouvoir après son décès, dans les années 60, rappelle l’auteur. Ils avaient pour la plupart combattu Duplessis ; il n’était donc pas question pour eux de lui faire un beau portrait ! Je ne dis pas qu’il y a eu complot, mais c’est tout comme : il y a eu unanimité pour dénoncer » cet adversaire qui venait de s’éteindre. En outre, la plupart des biographes de Duplessis ont, jusqu’à récemment, eu comme sources les seuls adversaires de celui qu’on a appelé le « Chef ». Cela traçait des portraits uniquement à charge. C’est ainsi, selon M. Lemay, « que le mythe de la Grande Noirceur, le mythe d’un dictateur, d’un régime corrompu se sont propagés et se sont rendus jusqu’à nous. »
Pour Martin Lemay, tout ce qu’on a reproché à Maurice Duplessis n’est pas faux, mais les accusations sont exagérées. Ses adversaires ont créé une légende noire grâce à la « stratégie de l’hyperbole ».
À la défense de Maurice Duplessis a pour objectif avoué d’ébranler les certitudes, le mythe. L’auteur s’en prend d’ailleurs au passage à certains historiens modernes qui reprennent l’idée que l’ex-premier ministre tenait du monstre.
Quant à la connivence entre l’Église catholique et le régime Duplessis, Martin Lemay écrit que l’Église était forte parce que les gens y étaient attachés. Dans le même ordre d’idée, il soutient que Maurice Duplessis ne pouvait pas être « si pire que ça », puisque les gens l’ont réélu à plusieurs reprises après une éclipse. Éclipse de 1939 à 1944 due à son manque de « sérieux » lors de ce premier mandat. Mais, après cette déconfiture, il est revenu au pouvoir à la suite d'une analyse politique de sa défaite pour quatre mandats successifs. Les gens savaient à qui ils avaient affaire : Duplessis représentait la stabilité, le calme et le sérieux dans les affaires publiques.
L’essayiste convient que certaines critiques répandues à l’encontre de l’ancien premier ministre sont méritées. « Il aurait pu convaincre l’État d’investir plus dans l’éducation et défendre plus le fait français », dit-il, notamment en parlant du Montréal anglicisé de l’époque. Il aurait aussi pu favoriser un peu plus les entreprises québécoises. Sur l’éducation, Martin Lemay admet que le régime Duplessis a beaucoup investi dans l’éducation (lire à ce sujet Baisse relative du nombre de diplômés québécois par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur), mais que celle-ci aurait été mal organisée.
Martin Lemay affirme néanmoins que Maurice Duplessis « a construit le pont qui nous a amenés ensuite à la Révolution tranquille. »
La Grande Noirceur et les fruits de la Révolution tranquille dans un cahier d’activités ECR Page 56 — cahier-manuel d’éthique et de culture religieuse Entretiens II pour la 1re secondaire des éditions La Pensée (autres pages ici) |
« En politique, on est toujours revanchard »
Le chroniqueur et amateur d’histoire François Roy est plutôt d’accord avec la démarche de l’auteur d’À la défense de Maurice Duplessis. Il rappelle d’ailleurs que Trois-Rivières a fait la paix avec son ex-député lors de l’événement Duplessis, en 1999, et par le biais des travaux de l’historienne de l’UQTR Lucia Ferretti.
Pour François Roy, on a beaucoup noirci le régime Duplessis, mais on aurait pu en faire autant des gouvernements Taschereau, mais on ne l’a pas fait : pourtant le régime Taschereau partageait les mêmes mœurs électorales, le même financement occulte. C’était sans doute pire puisqu’à l’époque tout allait aux grandes entreprises, aux grandes villes. « C’était le règne de la lampe à l’huile, les campagnes n’avaient pas d’électricité. C’était aussi une grande noirceur le régime Taschereau, mais il n’y a pas d’émotion ; on va analyser le régime Taschereau avec un certain détachement. »
« Martin Lemay s’attaque à un mythe, à un monstre qu’il faut démonter morceau par morceau. »
— François Roy
François Roy convient que Maurice Duplessis est un personnage de son époque. « D’autres n’ont pas été mieux : si on les sortait de leur contexte, ils pourraient aussi passer pour des monstres. »
Il rappelle entre autres que l’opinion populaire a tendance à penser que la corruption est arrivée au Québec avec Duplessis. « C’est le génie du Parti libéral d’avoir fait croire [ça] ; après Duplessis, c’était juste plus subtil. »
Présentation de l’éditeur
Si le Québec de l’ère Duplessis n’était pas le paradis, il n’était pas non plus l’enfer que l’on s’est trop souvent plu à décrire, soutient Martin Lemay. Il faut déboulonner le mythe de la Grande Noirceur trop souvent associé aux années 1930, 1940 et 1950. Aux yeux de l’auteur, Maurice Duplessis a été le plus grand premier ministre de l’histoire du Québec. Plus grand qu’Honoré Mercier, Louis-Alexandre Taschereau, Jean Lesage, Robert Bourassa et même René Lévesque. Or, la mémoire de Duplessis a été ternie, enfouie sous un amas de fabulations, déplore Martin Lemay. Voilà pourquoi il propose une autre lecture de l’histoire du Québec, un autre regard sur celui qui a si longtemps dirigé la province.
Farouche défenseur des Québécois, Maurice Duplessis a été élu premier ministre à cinq reprises, soit en 1936, puis en 1944, 1948, 1952 et 1956. Depuis, aucun chef de parti n’a pu accomplir pareil exploit. Comme les électeurs du temps n’étaient ni des idiots ni des ignorants, et comme ils l’ont élu et réélu si souvent, Duplessis devait bien posséder quelques qualités... Ce sont celles-ci que tente de retracer Martin Lemay. Sans verser dans le panégyrique, il analyse l’homme, son œuvre et son époque, dans l’espoir de le réhabiliter et de lui rendre enfin justice. Bien qu’il reconnaisse d’emblée que Maurice Duplessis n’était pas un ange, l’auteur reste néanmoins d’avis que l’œuvre de l’homme politique et sa mémoire ont été injustement traitées. En politique comme en tant d’autres domaines, une médaille a deux côtés.
Détails bibliographiques
À la défense de Maurice Duplessis
par Martin Lemay
Paru en mars 2016
Chez Québec-Amérique
à Montréal
168 pages
ISBN : 9 782 764 430 699 (2 764 430 698)
Voir aussi
L’affaire Jean XXIII et les témoins de Jéhovah du Québec sous Duplessis vu par un manuel fantaisiste d’ECR
La Grande Noirceur inventée (Texte de Denis Vaugeois, éditeur, historien et ancien ministre des Affaires culturelles, tiré de la préface qu’il signe dans l’ouvrage « Duplessis, son milieu, son époque »)
Duplessis, son milieu, son époque, sous la direction de Lucia Ferretti et Xavier Gélinas chez Septentrion
Les Québécois à la traîne économiquement depuis 150 ans, rattrapage le plus grand aurait été sous Duplessis
L’État a-t-il vraiment fait progresser l’éducation au Québec ?
Du Grand Rattrapage au Déclin tranquille : déboulonner la prétendue Révolution tranquille
Baisse relative du nombre de diplômés par rapport à l’Ontario après la Grande Noirceur
Grande Noirceur — Non, l’Église n’était pas de connivence avec le gouvernement et les élites
La Grande Nouérrceurrr : portrait de famille monochrome, rictus, pénurie francocentrique et ânonnements (5 pages)
La Grande Noirceur, revue et corrigée
Le « mythe » de la Révolution tranquille
Héritage de la Révolution tranquille : lent déclin démographique du Québec ?
Révolution tranquille : Entre imaginaire et réalité économique et sociale