lundi 23 février 2015

Ontario — Théorie du genre dans le nouveau programme d'éducation sexuelle

Le gouvernement de l’Ontario, dirigé par Kathleen Wynne (qui se revendique ouvertement comme lesbienne), a présenté son nouveau programme d’éducation sexuelle. Il introduit les enfants à la théorie du genre dès la 3e année du primaire (9 ans).

Face à la pression de groupes conservateurs, les libéraux ontariens avaient annulé, en 2010, la mise à jour du programme d’éducation sexuelle de la province. Cela signifie que le curriculum n’a pas évolué depuis 1998, soit bien avant l’arrivée des médias sociaux, des téléphones intelligents et de pratiques telles que le sextage. C’est là le prétexte de la mise à jour. Bien évidemment personne n’est contre le fait que l’on dise aux enfants de ne pas envoyer de photos compromettantes sur Internet par exemple. Mais cette révision du programme s’accompagne également d’une introduction à une théorie (présentée ici comme un fait) : la théorie du genre selon laquelle l’identité sexuelle est une construction sociale sans rapport avec la biologie et que les élèves peuvent la construire à leur gré et en changer. Évidemment, le programme présente également toutes les « orientations sexuelles » comme dignes d’un même respect. Que se passera-t-il en classe si un jeune enfant réprouve l’homosexualité ? Il faut comprendre qu’on le corrigera, même si cette réprobation est ancrée dans les préceptes de la religion de ses parents.

Mais laissons le nouveau programme définir cette « identité de genre » :

« L’identité de genre fait référence au sentiment d’appartenance d’une personne à l’un ou l’autre des deux sexes, homme ou femme, et peut différer du sexe biologique. L’identité de genre et l’orientation sexuelle sont deux choses distinctes, et la première ne détermine en rien la deuxième. L’orientation sexuelle fait référence à l’attirance sexuelle ou romantique qu’une personne éprouve envers les personnes du même sexe, du sexe opposé ou des deux sexes. L’expression sexuelle fait référence à la façon dont une personne affirme son identité de genre (selon la répartition traditionnelle des rôles entre les sexes), que ce soit par ses agissements, ses vêtements ou ses comportements. L’identité de genre, l’expression sexuelle et l’orientation sexuelle sont liées à la façon dont une personne se perçoit et à ses interactions avec les autres. Comprendre et accepter notre identité de genre et notre orientation sexuelle peut avoir de grandes répercussions – positives ou négatives – sur notre image de soi. »

Ces différentes questions d’identité de genre, d’orientation sexuelle seront à plusieurs reprises au primaire.

En 3e année du primaire :


En 5e :



En 6e :



Un point de vue catholique sur l'idéologie du genre avec Tony Anatrella :




Voir aussi

Ontario — Ministre de l’éducation : les écoles catholiques devront enseigner le nouveau programme d’éducation sexuelle

Ontario — L’Archevêque d'Ottawa critique le projet d'éducation sexuelle : une « confiscation de l'autorité parentale »

Ex-sous-ministre responsable pour l’élaboration du programme d’éducation sexuelle au primaire accusé de pornographie juvénile (il a depuis lors déclaré qu'il plaidera coupable le 3 mars).

Un enseignement de la sexualité dès la maternelle

Théorie du genre, le nouveau puritanisme

La théorie du genre : la réduction de l'altérité et la rééducation des enfants

Le paradoxe de l'égalité entre les sexes c. la théorie du genre

L'affaire Bruce/Brenda/David Reimer c. la théorie du genre

La théorie du genre imposée à tous en Europe par l'État : « s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités »


« Au tour du PQ de restreindre la liberté d’expression » et d'opinion...

Libre opinion d’Éric Lanthier :

« Après la Coalition Avenir Québec (CAQ) c’est au tour du Parti Québécois (PQ) de vouloir restreindre la liberté d’expression des groupes religieux. Encore une fois, nos politiciens visent la mauvaise cible.

Récemment, la CAQ voulait retirer les lettres patentes, les certificats d’occupation et les exemptions de taxes des organismes religieux qui contredisent leur vision de l’égalité homme-femme et de la pratique homosexuelle. La semaine dernière, c’était au Parti Québécois de vouloir limiter la liberté des organismes religieux en les étiquetant d’intégristes.

Effectivement, le Parti Québécois croit que tout débat sur l’égalité homme-femme et sur la pratique homosexuelle doit se limiter à sa vision du monde. À défaut, un organisme religieux qui diffère de son opinion serait identifié comme un mouvement intégriste. C’est essentiellement ce qu’on retrouve dans cette motion déposée à l’Assemblée nationale par le PQ, mercredi dernier à 15 h 04 :

« Que l’Assemblée nationale affirme, à l’instar du rapport Bouchard-Taylor, que l’intégrisme est une interprétation littérale et monolithique des religions, en vertu de laquelle ces dernières acquièrent une préséance absolue sur les autres considérations sociales, politiques, scientifiques, et qui conduit à rejeter toute évolution1 :

«Qu’elle déclare que l’intégrisme religieux s’exprime le plus souvent par une atteinte au principe fondamental d’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’aux droits fondamentaux des personnes homosexuelles ;

«Qu’elle soutienne que la pratique de l’intégrisme religieux a des impacts sur la collectivité et qu’elle ne peut se résumer à l’expression d’un choix personnel ;

«Enfin, qu’elle rappelle l’urgence de documenter ce phénomène par un observatoire de l’intégrisme religieux.»
Le PQ veut non seulement se limiter à assimiler le discours des groupes religieux à sa vision du monde ; il veut par surcroît, coller l’étiquette d’intégriste sur le front de ceux qui diffèrent de sa perspective sociale. Quoiqu’en matière de conséquences, la CAQ n’y aille pas avec le dos de la cuillère, le PQ exprime sa sévérité par les mots qu’il utilise. L’ex-parti de René Lévesque n’y va pas de main morte en qualifiant d’intégrisme religieux ceux qui divergent de sa perspective sociale.

Ainsi donc, le PQ et la CAQ visent la mauvaise cible. Ils se servent du ras-le-bol populaire pour s’en prendre à notre liberté d’expression. Cette motion ne contribue en rien au renforcement de la sécurité publique. Au contraire, elle démontre aux terroristes qu’au Québec on ne se préoccupe vraisemblablement pas d’eux. En visant volontairement la mauvaise cible, le PQ, tout comme la CAQ, préfère l’opportunisme à la sécurité publique.

Les Québécois ont besoin d’un gouvernement qui cerne les vrais enjeux et qui prend les moyens pour remédier aux vrais problèmes. Les honnêtes citoyens qui visent le bien commun n’ont pas besoin de muselière. Certes non ! Ce sont les gens odieux, haineux et sans scrupule qui doivent être privés de liberté et non le contraire. C’est envers eux que l’État doit sévir. À défaut, les intégristes associés au terrorisme vont poursuivre aisément leur déplorable mission.

Dans une société civile et civilisée, on se doit de primer la civilité et non de la brimer. Si le PQ et la CAQ pouvaient comprendre cela, notre démocratie s’en porterait beaucoup mieux. À nous, concitoyens, d’être vigilants, spécialement le jour du scrutin. »

Comme prévu, prenant prétexte de la lutte contre l’intégrisme violent (musulman dans l’actualité), les laïcistes qui se disent progressistes en profitent pour limiter la liberté de tous les Québécois trop conservateurs à leurs yeux. Tout comme ces laïcistes urbains ont profité de l’immigration et de la diversité censée être enrichissante pour restreindre le choix de cours de morale et de religion et imposer un seul cours d’éthique et de culture religieuse (pour assurer le « vivre ensemble ») et imposer leur vision des religions et de leurs relations (toutes finalement bonnes pour autant qu’elles ne soient pas « intégristes », qu’on n’y croit donc pas trop).




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La Cour suprême du Canada : décideur politique de l'année 2014




Sommaire de l'étude de  l’Institut de politiques publiques Macdonald-Laurier :

Chaque année, l’Institut de politiques publiques Macdonald-Laurier désigne le « Décideur de l’année ». Parmi les précédents élus figurent le précédent gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, et le ministre des Affaires étrangères, John Baird, qui ont tous deux joué un rôle exceptionnel, le premier sur le maintien de la stabilité économique au pays et le deuxième sur notre renommée internationale.

Si les personnes occupant de telles positions exercent un pouvoir incontestable, on peut néanmoins avancer qu’une entité rarement reconnue pour son influence sur la politique publique canadienne a réellement influé sur elle de façon étendue et durable l’an dernier : il s’agit de la Cour suprême du Canada.

Cette étude (en anglais) examine la portée et les conséquences sur la politique publique des dix arrêts les plus importants de la Cour suprême depuis 12 mois sur des questions allant de la réforme du Sénat à la contestation des lois canadiennes sur la prostitution dans l’affaire Bedford, en passant par la reconnaissance du titre ancestral revendiqué par la Première Nation Tsilhqot’in en Colombie-Britannique.

Cette analyse arrive à un moment où les chroniqueurs caractérisent les décisions de la Haute Cour comme une série ininterrompue d’« échecs » pour le gouvernement fédéral. Que démontrent les faits en réalité?

  • Les incidences dans les domaines politique et juridique des décisions de la Cour suprême l’an dernier sont importantes et vraisemblablement durables;
  • La Cour suprême du Canada est une institution remarquablement unie au sein de laquelle les décisions prises de manière consensuelle sur des dossiers importants sont la norme et les opinions dissidentes sont rares; et
  • Le gouvernement fédéral présente en effet un bilan catastrophique, ayant subi un revers dans pratiquement toutes les causes importantes et n’ayant remporté une victoire sûre que pour seulement l’une des dix.
Au cours de la dernière année, la Cour a effectivement reporté sine die la réforme du Sénat qui était à l’ordre du jour et torpillé avec une grande efficacité à la fois le programme de réforme du Sénat du gouvernement conservateur et l’engagement de l’opposition néo-démocrate visant à l’abolir. La Cour a invalidé une grande partie de la législation sur la prostitution au Canada, ce qui oblige le gouvernement actuel à réécrire la loi.

Elle a changé complètement la donne en ce qui concerne les droits des Autochtones dans certaines régions du Canada, s’est prononcée sur les méthodes utilisées pour combattre le crime et le terrorisme et a remis en question la façon dont les futures nominations à la Cour du Québec seront effectuées. On aurait bien du mal à trouver un autre acteur au Canada qui a eu un impact plus important sur un tel éventail de questions cette dernière année. Notre « Décideur de l’année » est donc bien choisi. La Cour suprême, sans doute, résisterait à porter une telle étiquette en faisant valoir qu’elle ne fait qu’appliquer la loi dans le cadre de son mandat constitutionnel. Mais l’impact sur la politique de ses décisions récentes est indiscutable.





Voir aussi :

La Cour suprême bien partie pour remporter le prix 2015 : Suicide assisté : décision disproportionnée de la Cour suprême dans ses effets prévisibles et potentiels ?

Suicide assisté : décision disproportionnée de la Cour suprême dans ses effets prévisibles et potentiels ?

L’Institut Macdonald-Laurier a décerné à la Cour suprême du Canada le prix du Décideur politique de l’année 2014. Ce prix était bien mérité.

La Cour suprême du Canada est bien partie pour l’emporter une nouvelle fois en 2015 alors qu’elle a récemment rendu sa décision Carter c. Canada (Procureur général) rendant le suicide assisté légal au Canada (dans un an), en dépit de l’opinion divergente du Parlement. Cette même question avait été soulevée au Parlement à neuf (9) reprises depuis 1993. Elle a fait l’objet de six (6) votes séparés qui confirmèrent tous la loi contre le suicide assisté. Ces décisions ont été prises avec l’appui de tous les partis politiques.

Mais la Cour suprême du Canada ne semble guère se soucier de l’avis d’un Parlement démocratiquement élu, censé représenter l’opinion de la population. Les juges estiment clairement qu’ils savent mieux ce qui est dans l’intérêt du public.

Selon cette décision (plus de détails ci-dessous), il suffit pour qu’un docteur vous tue que vous y consentiez et que vous soyez affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) qui vous causent, selon vous, des souffrances persistantes et intolérables.

Dans un sens, la Cour s’est bornée à décider si l’interdiction absolue opposée au suicide assisté — la norme dans tous les pays à l’exception d’une poignée d’entre eux et cela à travers l’histoire — n’entravait pas la liberté d’adultes sains d’esprit qui avait choisi librement de mettre fin à leur vie ou plutôt de ceux qui demandait l’aide d’un tiers pour y mettre fin — distinction cruciale dont le plus haut tribunal ne s’embarrasse désormais plus. Donc il s’agissait de déterminer si cette interdiction qui entravait cette liberté en cherchant à protéger des Canadiens vulnérables contre les abus était disproportionnée. Les juges de la Cour suprême ont décidé que la loi en l’état empiétait sur le droit à « la vie [sic], à la liberté et à la sécurité de la personne » et que cet empiètement ne pourrait plus être justifié en vertu de l’article 1 de la Charte portant sur les « limites raisonnables » que l’on peut opposer aux droits des Canadiens.

Malheureusement, on est en droit de se demander si, justement, la décision du tribunal suprême de la confédération n’est pas disproportionnée dans ses effets prévisibles et potentiels.

La Cour omet de considérer les infirmières, les pasteurs, les éducateurs

L’arrêt de la Cour est particulièrement troublant quand il déclare que : « Rien dans cette déclaration ne contraindrait les médecins à dispenser [sic : offrir] une aide médicale à mourir. » Combien de temps faudra-t-il avant que de futures décisions de la Cour suprême du Canada ne modifient cette déclaration maintenant que le suicide assisté est « un droit » ? Mais qu’en est-il des droits des autres membres du personnel médical comme les infirmières ou les psychologues ? Qu’en est-il des droits des aumôniers hospitaliers, des ambulanciers qui doivent se déplacer pour une tentative de suicide ? Et que dire des enseignants, des prêtres et des pasteurs ? Seront-ils inquiétés ou sanctionnés s’ils venaient à essayer de dissuader quelqu’un de mettre fin à leur vie ou s’ils cherchaient à dissuader un médecin de prêter main à un suicide ?

Effets sur lien de confiance entre médecins et patients ?

La Cour ne se penche pas plus sur l’effet de sa décision sur le lien de confiance des patients envers les médecins, lien qui pourrait être mis à mal. Alors qu’hier les médecins n’étaient là que pour faire faire vivre, demain, ils pourront administrer la mort. Cette confusion des rôles est-elle bonne ? Pas d’analyse sur le sujet.

Pressions morales sur les patients pour en finir « dignement » ?
Dérive belge à prévoir ?


Que faut-il penser des pressions morales qui s’exerceront sur les vieux et les invalides dont la vie ne sera plus « digne » et qui coûte si cher à l’État ? Pourquoi l’État investirait-il massivement dans les soins palliatifs coûteux alors que d’autres choix respectueux de la « qualité de la vie » existeront, des choix nettement moins dispendieux ? Oui, oui, la « qualité de la vie » c’est bien l’argument qu’utilise la Cour suprême quand il invoque l’article 7 de la Charte. Nous y reviendrons.

Ce jugement réduira la pression politique sur l'offre généralisée de soins palliatifs, soins sur lesquels tous s’accordent, mais qui coûtent tellement cher alors que la population vieillit rapidement. Il se pourrait bien que les gens n'aient plus le choix de soins palliatifs.

Décision peu surprenante

De toute évidence, le tribunal n’a pas réfléchi aux conséquences de sa décision qui n’était pas surprenante étant donné la composition de la Cour (la juge en chef actuelle était déjà pour le droit au suicide assisté dans l’affaire Rodriguez en 1993 alors qu’elle était en minorité) et quand on considère l’air du temps, le zeitgeist.

Décision peu surprenante enfin car, comme le rappelle l'Institut Macdonald-Laurier, « la Cour suprême du Canada est une institution remarquablement unie au sein de laquelle les décisions prises de manière consensuelle sur des dossiers importants sont la norme et les opinions dissidentes sont rares. »

Deux fois plus de pages sur les dépens que sur les conséquences sociales

Le peu de réflexion de la Cour suprême du Canada quant aux conséquences sociales se mesure d’ailleurs facilement : le plus haut tribunal du pays passe ainsi deux fois plus de pages dans l’arrêt Carter c. Canada à se pencher sur la question de savoir à qui attribuer les dépens qu’aux implications pratiques et philosophiques de sa décision. Six pages portent sur les dépens ; trois pages sur les conséquences de cette décision…

Exceptionnalisme canadien

Il est d’ailleurs intéressant de voir que, lorsque la Cour ose se pencher sur les effets potentiels de sa décision et qu’on lui présente un « nouvel élément de preuve », elle l’écarte du revers de la main. En effet, le point de vue de la Cour suprême sur l’expérience belge, où l’euthanasie est légale depuis plus d’une décennie, était pour le moins étonnant.

Le professeur Étienne Montero, un professeur en bioéthique et un expert sur la pratique de l’euthanasie en Belgique a pu déposer un rapport. Il y affirmait que les garanties offertes étaient faibles et qu’il y avait eu de nombreux abus en Belgique. Sans contester ces constats, la Cour a déclaré que l’expérience en Belgique n’était pas pertinente en raison des nombreuses différences culturelles (!) entre les deux pays. Et hop !, la Cour suprême déclare son exceptionnalisme culturel, mais elle n’hésite pas en d'autres cas à utiliser les expériences dans d’autres pays. Selon les besoins de la cause ? [Voir Use of Foreign Precedents by the Supreme Court of Canada: a Cosmopolitan Approach Towards Protection of Fundamental Rights dans Use of foreign precedents by constitutional judges, Hart Publishing, 2013.]

Critères vagues et subjectifs

Il est clair à la lecture de l’arrêt que « les souffrances persistantes » qui permettent de requérir l’aide d’un tiers pour qu’il vous tue (avec votre consentement, bien sûr) ne sont pas limitées aux douleurs physiques, mais comprennent également les souffrances psychologiques. Non seulement s’agit-il là d’un concept vague, mais cette souffrance est-elle purement subjective (« qui lui sont intolérables au regard de sa condition »).

Ajoutons également que les termes « problèmes de santé graves et irrémédiables » — l’autre critère retenu par le tribunal pour exercer ce droit à un suicide assisté — ne signifient pas que la mort doive être proche ou même probable. Il suffit de souffrir d’un problème de santé incurable ; il ne doit même pas être mortel.

Qu’est-ce qui empêchera une personne souffrant de dépression chronique, mais incapable pour une raison quelconque — la lâcheté, peut-être — de se tuer, de demander à quelqu’un de le faire pour lui ? Rien apparemment. Une personne souffrant de dépression — intolérable à ses yeux — se verra-t-elle refuser le droit à un suicide assisté alors qu’elle y consent clairement ? Pour quelles raisons ?

En effet, sur quelle base pourrait-on restreindre ce droit ? Une fois qu’on adopte l’idée du suicide non plus comme une tragédie qu’il faut à tout prix éviter, mais comme un droit que la société se doit de respecter ; dès qu’ôter la vie n’est plus un crime, mais un soin — « la mort médicalement assistée » — qui doit être fourni aux frais du contribuable ; dès qu’on franchit ces limites philosophiques et juridiques, comment peut-on s’arrêter aux cas médiatiques et extrêmes qui ont suscité l’émoi initial ?

Un jour, quelqu’un va porter une affaire devant un tribunal en faisant valoir que les enfants atteints d’une maladie incurable et souffrant de douleurs « intolérables » devraient également avoir le droit au suicide assisté, peut-être avec le consentement de leurs parents. Comment la Cour pourra-t-elle condamner ces enfants à endurer des années de souffrances atroces jusqu’à ce qu’ils soient majeurs ? De même, la Cour suprême sera-t-elle vraiment prête à laisser souffrir abominablement des personnes mentalement incompétentes qui, avec la signature d’un tuteur légal, pourraient être « libérées » ? Enfin, si l’autonomie personnelle est le critère suprême, pourquoi « des problèmes de santé graves et irrémédiables » sont-ils nécessaires ? Ne suffit-il pas de vouloir mourir et que vous ayez besoin d’assistance ?

À ce moment-là, la Cour sera prise, impuissante, dans les rets de sa propre logique. Et d’ici là, nous serons tous dans le même pétrin.

Opinion fondée sur la jurisprudence ou sur les préjugés des juges ?

En outre, on est en droit de se demander si la décision sur le suicide assisté est fondée sur le droit et la jurisprudence ou si elle ne l’est pas plutôt sur l’opinion personnelle des juges de la Cour suprême. Les mêmes arguments utilisés par la Cour suprême de 2015 avaient déjà servi en 1993 dans l’affaire Rodriguez. Ces arguments avaient été rejetés par la Cour suprême d'alors. La juge en chef actuelle avait alors été dans la minorité. La chose avait donc déjà été jugée. Et quand un nouvel élément de preuve est fourni, le rapport du professeur Montero, il est écarté, comme nous l’avons vu, par un genre d’exceptionnalisme canadien fort opportun pour les juges.

Le droit à la vie comme base du suicide assisté…

L’arrêt Carter c. Canada se fonde sur l’article 7 de la Charte canadienne :
« L’alinéa 241 b) et l’art. 14 du Code criminel portent atteinte de manière injustifiée à l’art. 7 de la Charte et sont inopérants dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie ; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. »
Mais que dit cet article 7 ?

« Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. »

Arrêt Perry c. Royaume-Uni (2003)

On se sert donc du droit à la vie pour justifier le droit au suicide assisté… Ce qui est pour le moins paradoxal. La Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Perry c. Royaume-Uni (2003) avait eu à juger d’une affaire similaire qui faisait également appel à un droit à la vie (article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme) pour justifier le droit au suicide assisté. Voici ce qu’en dit la Cour européenne :
« 5. […] Un article ayant pareil objet ne peut s’interpréter comme conférant un droit à mourir ou à obtenir le concours d’autrui pour mettre fin à sa propre vie. Dans la thèse développée par lui pour le compte de Mme Pretty, M. Havers QC s’est efforcé de limiter son argument au suicide assisté, admettant que le droit revendiqué ne peut aller jusqu’à couvrir l’homicide volontaire consensuel (souvent qualifié dans ce contexte d’“euthanasie volontaire”, mais considéré en droit anglais comme un meurtre). Le droit revendiqué serait suffisant pour couvrir l’affaire de Mme Pretty, et l’on comprend que le conseil de l’intéressée ne souhaite pas aller plus loin. Mais rien sur le plan de la logique ne justifie que l’on trace pareille ligne de démarcation. Si l’article 2 confère bel et bien un droit à l’autodétermination en rapport avec la vie et la mort et si une personne est à ce point handicapée qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’accomplir quelque acte que ce soit de nature à provoquer sa propre mort, il s’ensuit nécessairement, en bonne logique, que cette personne a un droit à être tuée par un tiers sans assistance aucune de sa part et que l’État viole la Convention s’il s’immisce dans l’exercice de ce droit. Il n’est toutefois pas possible d’inférer pareil droit d’un article ayant l’objet décrit ci-dessus. »

Changer ses règles d’analyse pour pouvoir ignorer la jurisprudence ?

Mais voilà les juges canadiens ne s’arrêtent pas à ces détails, ils ont trouvé que leurs règles d’analyse quant à la portée excessive (ou non) d’une décision avaient changé et donc qu’ils pouvaient revenir sur la cause Rodriguez... Il suffisait d’y penser : la nouvelle Cour suprême change les règles d'analyse et revoit ensuite les décisions qui lui déplaisent. Jean Giraudoux ne faisait-il pas déjà remarquer que « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » ?

La Cour a déclaré dans ce cas que tout ce qui est nécessaire pour changer les précédentes décisions juridiques, c’est qu’elles découvrent qu’il faut soulever de nouvelles questions juridiques, qu’elles arrivent à une nouvelle méthode d’analyse et qu’il y ait, selon elle, un changement de circonstances qui déplaceraient les paramètres du débat. Ces conditions donnent à coup sûr à la Cour suprême du Canada une grande marge de manœuvre pour décider de toute future affaire qui lui plaira et continuer à dicter à l’exécutif et au législatif le cadre des futures lois.

La Cour suprême est décidément bien partie pour encore remporter le Prix du décideur politique de l’année, cette fois-ci pour 2015.






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