samedi 30 novembre 2024

Le permis de séjour de 200 000 diplômés étrangers expirera d'ici fin 2025, quitteront-ils le Canada ?

Des centaines de milliers d'étudiants étrangers diplômés risquent d'être expulsés à l'expiration de leur permis de travail au cours de l'année prochaine.

S'exprimant depuis un campement de tentes à Brampton, en Ontario, où elle a protesté contre les récents changements apportés à la politique d'immigration, Gurkirat Kaur, diplômée d'un collège de l'Ontario, déclare à CTV News qu'elle ne « veut pas vivre (au Canada) illégalement ».

Mme Kaur fait partie des plus de 200 000 étudiants étrangers au Canada qui ont déjà obtenu leur diplôme et qui risquent maintenant de perdre leur statut légal lorsque leur permis de travail expirera au cours des 13 prochains mois.

Arrière-plan de la page d'accueil du Sheridan College : une clientèle étudiante peu diversifiée

Les récents changements apportés à la politique d'immigration du gouvernement fédéral, qui comprennent de nouvelles restrictions sur les permis de travail des diplômés, font craindre à Kaur et à beaucoup d'autres que leur demande de résidence permanente soit rejetée et qu'à l'expiration de leur permis de travail, ils n'aient plus que deux choix : rester au Canada illégalement ou être contraints de quitter le pays.

Kaur dit qu'elle a payé 36 000 dollars pour obtenir son diplôme

Elle explique que son père a dépensé toutes ses économies pour l'envoyer au Centennial College de l'Ontario, où elle a obtenu un diplôme de biotechnologie en 2022. Elle travaille actuellement pour une société pharmaceutique et son permis de travail expire dans dix mois.

« J'ai déjà beaucoup investi dans mon éducation. J'ai payé 36 000 dollars pour obtenir mon diplôme », a déclaré Kaur, désemparée.

Selon ces étudiants étrangers le Canada promettait la résidence permanente à la fin des études

Elle et d'autres disent que le gouvernement fédéral leur a vendu la possibilité de venir au Canada, avec des publicités qui disaient aux étudiants de venir « étudier, explorer, travailler et rester », selon Kaur.

Cependant, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) adresse un message différent aux étudiants étrangers.

« Le fait de demander à étudier dans un établissement canadien confère un statut temporaire au Canada, et non un statut permanent, et le fait d'avoir un statut temporaire ne garantit pas une transition vers la résidence permanente », explique en partie IRCC dans un courriel envoyé à CTV News.

« Les paramètres d'admissibilité au permis de travail de troisième cycle ont été recalibrés en fonction du capital humain et des facteurs du marché du travail », a ajouté le ministère.

Le permis de travail de du diplômé étranger Bikram Singh a déjà expiré. Ce technicien automobile utilise maintenant un visa de visiteur pour rester dans le pays, mais il craint d'être bientôt expulsé, même s'il est lui aussi diplômé d'un collège de l'Ontario.

« Nous sommes venus ici avec le rêve d'une bonne vie, mais on ne peut pas imaginer une bonne vie sans résidence permanente », a déclaré Singh.
 
Licenciements dans les collèges à diplômés étrangers

Les modifications apportées par Ottawa en matière d'immigration prévoient également un nouveau plafond pour le nombre d'étudiants étrangers acceptés dans le pays. En réaction, le Sheridan College de l'Ontario a annoncé cette semaine qu'il suspendait 40 programmes et licenciait du personnel.

Dans un courriel adressé à CTV News, le Sheridan College affirme que « d'après nos prévisions d'inscriptions, nous aurons environ 30 % d'étudiants en moins dans les années à venir, ce qui entraînera une perte de revenus d'environ 112 millions de dollars au cours de la prochaine année fiscale. Nous devons donc réduire nos dépenses. »

Cette semaine, le ministre canadien de l'immigration, Marc Miller, a été contraint de défendre les récents changements apportés par les libéraux à leur politique, notamment en ce qui concerne la manière dont ils prévoient de vérifier que les résidents dont le statut a expiré quittent le pays.

Les personnes présentes au campement de Brampton, en Ontario, espèrent ne pas en arriver là.

Ils demandent à Ottawa de prolonger les permis de travail arrivant à expiration et de faire passer la durée de validité de trois à cinq ans. Ils demandent également au gouvernement fédéral de tenir la promesse qu'ils prétendent avoir reçue lorsqu'ils ont décidé de venir au Canada, à savoir ce qu'il nomme une procédure claire et équitable pour l'obtention de la résidence permanente.

La résidence permanente nullement promise par le Canada
 
Pour la journaliste au Financial Post, Rpua Subramanya, elle-même immigrante le Canada n'a jamais fait une telle promesse. Dans un message sur 𝕏, elle indique : 
 Une étudiante internationale titulaire d'un permis de travail qui va bientôt expirer reproche au Canada de l'obliger à partir, alors qu'aucune garantie de ce type n'est donnée aux étudiants ou aux travailleurs temporaires. Je suis bien placée pour le savoir, car je suis venue au Canada en tant qu'étudiante internationale il y a près de 30 ans.

Elle et ses amis explorent maintenant les moyens de rester au Canada, y compris la demande de statut de réfugié, qui sera bloquée pendant des années jusqu'à ce que leur cas soit tranché. Notre ministre de l'immigration @MarcMillerVM
 croit naïvement que les personnes dont le permis expire vont quitter le Canada de leur plein gré, ce qui est une plaisanterie. Il devrait regarder cette vidéo.

Le mentalité d'ayant-droit de certaines de ces personnes est stupéfiante. Elle n'a pas légalement le droit de rester au Canada au-delà de la date d'expiration de son permis actuel et si elle refuse de partir, elle devrait être expulsée.

Ces personnes jouent sur la culpabilité des Blancs, la chose la plus facile à exploiter au Canada où les gens sont généralement naïfs et pensent que tout le monde est bien intentionné.

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Extension du domaine de l’antiracisme

Chronique de Mathieu Bock-Côté dans le Figaro.

Sous prétexte de sanctionner les propos haineux, discriminatoires ou racistes, on entend en fait empêcher la mise en circulation d’informations ou d’analyses troublant le récit de la diversité heureuse.

Le 27 novembre, Érik Tegnér, le directeur du média Frontières, lançait un appel à l’aide sur 𝕏 (ex-Twitter) en dévoilant la campagne de harcèlement dont il est la cible. Le 11 décembre, il se retrouvera ainsi, à l’initiative de SOS-Racisme , devant la 17e chambre pour avoir accueilli sur sa plateforme Marguerite Stern, qui s’y était inquiété du lien entre l’immigration et l’insécurité . Ce n’était pas la première fois. Sous prétexte de sanctionner les propos haineux, discriminatoires ou racistes, on entend en fait empêcher la mise en circulation d’informations ou d’analyses troublant le récit de la diversité heureuse.

Journalistes, militants, intellectuels ou politiques peuvent ainsi se retrouver devant les tribunaux pour délit d’opinion – c’est la fameuse formule voulant que « le racisme (ne soit) pas une opinion mais un délit », qui s’appuie évidemment sur une définition extravagante et toujours plus étendue du racisme. Il en est de même aujourd’hui pour ce qui est de la « transphobie » : qui n’adhère pas à l’idée voulant qu’il suffise à un homme de s’identifier comme femme pour être désormais socialement et médiatiquement reconnu ainsi, et cela, de manière obligatoire, sera victime de harcèlement juridique.

Tout ce qui contredit le dogme fondateur du diversitaire relève ainsi de l’hérésie idéologique juridiquement sanctionnée. Et ce sont généralement les associations militantes qui conduiront les réfractaires devant les tribunaux. Elles ont pour fonction de transformer les dissidents en parias, frappés d’interdit professionnel et condamnés à la peine de mort sociale. Elles le font d’autant plus qu’ils leur sont désignés par des médias, se donnant pour mission de signaler les délinquants idéologiques à surveiller, en les étiquetant de sale manière pour que tous les sachent dangereux.

La censure jusque dans le domaine privé

Plus tôt cette année, c’est le mensuel L’Incorrect qui a été chassé de sa banque. La persécution bancaire n’est pas réservée à la presse de droite. Nombreux sont les militants « identitaires » à avoir été frappés du même sort – l’acharnement contre cette mouvance, qui a vu son association principale dissoute, nombre de ses comptes sur les réseaux sociaux suspendus ainsi qu’un de ses colloques annulé par crainte des discours qu’on pourrait y entendre, laisse croire que le régime diversitaire y voit le visage de l’ennemi de l’intérieur.

Même les réactions populaires contre le régime diversitaire et ses politiques sont de plus en plus mises en péril, comme on l’a vu avec l’interdiction de la manifestation prévue à Romans-sur-Isère pour honorer la mémoire de Thomas, tué il y a un an par une bande annonçant son intention de « planter du Blanc ». L’arrêté a été finalement suspendu par la justice. Il s’agit toutefois de faire monter le coût de la liberté d’expression, pour créer un environnement public et médiatique suffisamment dissuasif pour que chacun comprenne qu’il vaut mieux se taire que de tout risquer pour avancer une idée interdite.

La censure des « discours haineux » jusque dans le domaine privé pousse ainsi chacun à une vigilance et à une inhibition permanentes. Tout cela nous rappelle l’existence d’un dispositif de censure sophistiqué allant de l’État avec ses lois jusqu’au délateur de salon, invité à multiplier les signalements à l’Arcom, qui infligera ensuite aux contrevenants de lourdes amendes. Demain, c’est la possibilité juridique même de la critique de l’immigration massive qui sera peut-être interdite, au nom de la censure de la « théorie du grand remplacement », comme on l’a proposé, en 2023, à l’Assemblée nationale. N’a-t-elle pas ouvert la porte, il y a un an, à l’interdiction médiatique du climatoscepticisme ?

Dogme diversitaire

S’il est permis de critiquer les excès de ce dispositif de censure, on en remet plus rarement en question les fondements, et encore moins la légitimité. C’est pourtant la possibilité même du délit d’opinion qu’il faudrait juridiquement abolir. La liberté d’expression devrait être limitée par l’interdiction de la diffamation et de l’appel à la violence. Le reste, même le plus choquant, devrait être autorisé. Conséquemment, les associations militantes ne devraient plus être en droit de traîner devant les tribunaux les individus tenant des propos qu’ils réprouvent. Cette possibilité juridique ne devrait plus exister.

Nos sociétés ont réinstauré le blasphème à travers le dogme diversitaire. Et pour cela, à l’échelle de l’histoire, il s’agit d’abolir à nouveau le délit de blasphème et le dispositif institutionnel de la nouvelle inquisition. Ce ne sont pas seulement les excès de la censure qu’il faut réprouver, mais le régime de censure lui-même, en le démantelant loi par loi, subvention par subvention, tribunal par tribunal, autrement dit pièce par pièce. Il est étonnant qu’ils soient si peu nombreux, à droite, à en être conscients.

vendredi 29 novembre 2024

Le Canada découvre plus de 10.000 fausses lettres d'acception comme étudiant, la plupart en provenance de l'Inde

Le service de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a découvert cette année plus de 10 000 lettres d’acceptation d’étudiant frauduleuses, selon un rapport du quotidien canadien The Globe and Mail. Cette révélation fait suite à l’intensification de l’examen des demandes d’admission des étudiants étrangers, 500 000 documents devant être examinés en 2024 dans le cadre de mesures de vérification plus strictes.  Ces lettres frauduleuses indiquent que l'étudiant mentionné dans celles-ici aurait été accepté par un établissement d'enseignement au Canada alors que ce n'est pas le cas.

Selon les médias, environ 80 % de ces fausses lettres étaient liées à des étudiants du Goudjerate et du Pendjab.
 
Qu’est-ce qui a motivé ces mesures plus strictes ?  
 
Ces mesures ont été prises à la suite d’un incident survenu en 2023, au cours duquel des étudiants étrangers ont reçu des lettres d’acceptation frauduleuses de la part d’un consultant non agréé en Inde, ce qui a entraîné des risques d’expulsion. Pour remédier à ces incidents, le Canada exige désormais que les établissements d’enseignement désignés (EED) vérifient les lettres d’acceptation par l’intermédiaire d’un portail en ligne.  
 
Bronwyn May, directrice générale de la Direction générale des étudiants internationaux d’IRCC, a déclaré à une commission parlementaire que le processus de vérification avait permis de détecter des documents frauduleux dans 2 % des cas, tandis qu’un autre 1 % des cas avait donné lieu à des annulations d’admission.  

Elle a déclaré que 93 % des 500 000 lettres d’acceptation jointes aux demandes de permis d’études que le ministère a contrôlées au cours des dix derniers mois avaient été vérifiées comme étant authentiques par un établissement d’enseignement supérieur ou une université.

Inquiétudes concernant l’exploitation des étudiants  

Annie Beaudoin, ancienne fonctionnaire de l’immigration et aujourd’hui consultante agréée en matière d’immigration, a déclaré qu’elle n’était pas surprise par l’ampleur de la fraude potentielle.

Selon elle, avant l’introduction du système de contrôle renforcé, il n’était pas rare de voir des lettres d’acceptation douteuses. Dans un cas, elle a remarqué un groupe de jeunes femmes coréennes qui avaient toutes la même lettre d’acceptation du même établissement. On pensait qu’elles étaient liées à une opération de traite des êtres humains à des fins sexuelles.

« Il s’agit d’un mouvement où les fraudes sont nombreuses », a-t-elle déclaré. « Nous avons été heureux que l’IRCC mette en place un moyen rapide et efficace de vérifier si elles [les lettres d’acceptation] ont été émises. »
 
Jenny Kwan, porte-parole du Nouveau parti démocratique du Canada en matière d’immigration, a qualifié ces résultats d’« extrêmement alarmants ». « Le Canada a la responsabilité de veiller à ce que les étudiants étrangers qui ont été escroqués soient protégés », a déclaré Mme Kwan au Globe and Mail.  
 
Les inquiétudes se sont également accrues quant à la complicité potentielle de certains établissements d’enseignement, car plusieurs collèges et universités n’auraient pas authentifié les lettres. 

Tom Kmiec, critique conservateur en matière d’immigration, a critiqué le gouvernement dans un communiqué pour avoir délivré un grand nombre de visas d’étudiants « de façon insuffisamment surveillée et sans se soucier des conséquences ».
 
Réaction du gouvernement et changements récents  
 
L’IRCC a intensifié ses enquêtes, notamment sur 2 000 cas d’étudiants originaires d’Inde, de Chine et du Viêt Nam. Parmi eux, 1 485 étudiants ont présenté des documents frauduleux, ce qui a conduit à des refus d’entrée ou à des expulsions.  
 
Les principaux changements introduits récemment sont les suivants :

  • Vérification plus stricte des lettres d’intention : Depuis le 1er décembre 2023, près de 529 000 lettres d’acceptation ont été vérifiées, et plus de 17 000 ont été signalées comme étant invalides ou annulées.  
  • Rapports de conformité des EED : Les EED doivent soumettre des rapports semestriels confirmant l’inscription des étudiants. Le non-respect de cette obligation peut entraîner la suspension de l’admission de nouveaux étudiants pendant une période pouvant aller jusqu’à un an.  
  • Contrôle des conditions d’octroi du permis : Les étudiants qui abandonnent leurs études ou qui ne respectent pas les conditions d’obtention du permis s’exposent à une enquête et à des mesures d’exécution.  

Qu’en est-il des établissements québécois ?  
 
Les EED du Québec n’ont pas encore rejoint le système de rapports de conformité, mais IRCC travaille à leur intégration. Une période de grâce est en place jusqu’à ce que le système soit pleinement opérationnel pour les établissements du Québec.  
 
Ce que cela signifie pour les étudiants étrangers  
 
IRCC a introduit une règle obligeant les étudiants à obtenir un nouveau permis d’études s’ils souhaitent changer d’établissement. L’objectif, selon IRCC, est de préserver l’intégrité du Programme des étudiants étrangers et de protéger les étudiants contre les risques financiers et juridiques.  
 
« Ce changement est conforme au travail important que nous avons accompli pour renforcer l’intégrité du programme des étudiants étrangers », a déclaré IRCC dans un communiqué de presse du 15 novembre.

Sources : Globe and Mail (Toronto), Business Standard (Nouvelle-Delhi/Bombay)

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Inde — Le scandale de la triche organisée des examens d'État

Imaginez que le baccalauréat ou les examens d’État soient volés et vendus.

C’est exactement ce qui se passe en Inde, où un réseau criminel a divulgué pendant des années les questions des examens gouvernementaux.

Dans un cas, un médecin a physiquement volé des questions d’examen dans un entrepôt et les a vendues.

Au cours des cinq dernières années, pas moins de 40 examens dans 15 États ont été divulgués, ce qui a affecté 14 millions de personnes, dont beaucoup étaient en lice pour des emplois gouvernementaux qui allaient changer leur vie.

Lors d’un examen récent, 5 millions de candidats se sont battus pour 60 000 postes à peine, avant de découvrir que l’examen était truqué, ce qui les a obligés à le repasser. Voir ci-dessous pour les détails révélés par le New York Times.


L’appel retentit : il fallait y aller. Le médecin se précipita à l’aéroport pour une opération de minuit à des centaines de kilomètres de là, dans l’ouest de l’Inde.

Mais cette mission n’avait pas pour but de sauver des vies. Le médecin transportait un tournevis, une pince, une lame et un téléphone cellulaire — des outils pour un casse. Sa cible était quelque chose dont la valeur dépasse celle de l’or dans la course effrénée aux emplois publics et aux stages universitaires en Inde : les sujets de l’examen d’agent de police.

Après avoir atterri dans la ville d’Ahmedabad, le médecin, Shubham Mandal, a été conduit en toute hâte dans un entrepôt de fret situé à la périphérie de la ville, selon des documents de la police et des entretiens menés par le New York Times avec l’enquêteur principal. Pour éviter les caméras de surveillance, le docteur Mandal est entré par une fenêtre arrière dans une pièce remplie de caisses. C’est là, selon la police, qu’il a ouvert une boîte portant la mention « confidentiel » et en a sorti une enveloppe.

Il a utilisé l’appareil photo de son téléphone pour photographier chaque page à l’intérieur avant de recoller l’enveloppe et de refermer à clé la boîte. Il a répété l’exercice au moins une fois dans les nuits qui ont suivi, au fur et à mesure que de nouveaux documents arrivaient à l’entrepôt en provenance de l’imprimerie, pendant qu’il séjournait dans un hôtel une étoile situé à proximité. Chaque fois, trois hommes attendaient dans une voiture, dont, selon la police, le cerveau du cambriolage, Ravi Atri.

M. Atri se considérait à la fois comme un criminel et un Robin des Bois. Il avait passé cinq fois l’examen national d’entrée à l’école de médecine, qu’il avait finalement réussi, mais n’était jamais devenu médecin. Au lieu de cela, il s’est tourné vers le vol d’examens pour aider les autres.

Étudiants se préparent à un examen de la fonction publique dans un parc de Delhi


Sa bande et lui ne reculaient devant aucune tâche. Selon la police, il avait déjà participé à la fuite de sujets d’examen pour des postes d’infirmières, de banquiers, d’enseignants et des places dans des instituts professionnels, et avait été emprisonné au moins deux fois.

L’examen d’agent de police, sa dernière proie, était organisé en février de cette année à près de cinq millions de candidats postulant à 60 000 postes vacants dans l’État d’Uttar Pradesh, au nord du pays, où M. Atri est domicilié. Un nouvel agent est payé environ 400 dollars par mois. Mais même les emplois gouvernementaux les moins bien payés en Inde sont convoités pour leur stabilité, et les candidats endurent des mois d’études exténuantes dans des centres de formation coûteux pour se préparer aux examens qui déterminent l’embauche.

M. Atri offrait un coup de pouce. Et maintenant, avec l’examen d’agent de police entre les mains, la course était lancée. M. Atri a envoyé le signal à son vaste réseau de correspondants locaux dans l’Uttar Pradesh. Ils avaient déjà réservé une grande salle de restaurant et une station balnéaire luxuriante où des milliers de ses clients seraient transportés par autocar pour suivre un cours accéléré consacré aux réponses.

Il ne leur restait plus qu’à éviter de se faire prendre.

« Si cela fonctionne, vous gagnerez tellement d’argent que vous n’aurez plus besoin de faire quoi que ce soit d’autre dans votre vie », a déclaré M. Atri à l’un des ouvriers de l’entrepôt dont il avait patiemment appris à connaître pour obtenir l’accès à l’examen, selon un rapport de police. « Et vous obtiendrez également un emploi dans la fonction publique ».

Un énorme déséquilibre

M. Atri et ses semblables tirent parti de ce qui est depuis longtemps un problème structurel de l’économie indienne : trop de jeunes gens instruits pour trop peu d’emplois.

L’économie indienne est l’une des plus dynamiques au monde. Mais une grande partie de cette croissance provient du secteur des services, qui ne génère pas suffisamment d’emplois pour l’énorme population en âge de travailler du pays. La part de l’industrie manufacturière à forte intensité de main-d’œuvre dans l’économie s’est réduite comme peau de chagrin avant même d’avoir eu la possibilité de faire de l’Inde une nation développée. Près de la moitié des Indiens travaillent encore à la ferme et la grande majorité des emplois privés en Inde sont informels.
 

Un quartier de Delhi avec de nombreux centres d’études

C’est pourquoi les emplois gouvernementaux sont très prisés. L’année dernière, 1,3 million de personnes ont postulé pour 1 000 places dans la prestigieuse fonction publique du gouvernement central. Les journaux publient fréquemment des articles sur un grand nombre de personnes titulaires de diplômes de haut niveau qui se disputent des emplois subalternes tels que balayeur ou « péon ».

L’attribution des emplois sur la base des résultats des examens donne un sentiment d’équité. Mais avec une concurrence aussi féroce, la tentation de chercher des raccourcis peut être forte.

Certains candidats, tout en passant de longues heures dans des groupes d’étude, gardent également un œil sur des figures de l’ombre qui proposent l’accès aux sujets des examens. Ils échangent leurs numéros de téléphone avec des intermédiaires locaux, négocient des prix provisoires, souvent de l’ordre de centaines de dollars ou plus, et prient pour que le stratagème réussisse.

« Lorsque quatre millions d’étudiants se préparent à un examen, la moitié d’entre eux tentent également d’obtenir les sujets à l’avance - pas seulement eux, mais aussi leurs parents, leurs grands-parents, tout le monde », a déclaré Brijesh Kumar Singh, un officier de police supérieur de la ville de Meerut, dans l’Uttar Pradesh, qui enquête sur le crime organisé, et qui consacre une grande partie de son temps aux gangs qui recherchent des fuites d’examens.

Une enquête menée par l’un des plus grands journaux indiens, The Indian Express, a révélé que plus de 40 examens avaient été compromis par des fuites au cours des cinq dernières années, affectant 14 millions de candidats dans 15 États.

Cette année, l’examen national de sélection pour les écoles de médecine a fait l’objet de nombreuses interrogations après qu’un nombre inhabituel de deux millions de candidats ont obtenu des notes parfaites. Alors que le gouvernement tentait de limiter les retombées de cette affaire, il a annulé un examen national pour l’obtention de bourses d’études supérieures et de postes subalternes dans les universités en raison d’une fuite.

Des manifestants campèrent devant le domicile du ministre de l’Éducation à New Delhi. La colère n’a fait que croître lorsque deux jeunes hommes qui se préparaient à un examen se sont noyés dans la cave d’un centre d’études, les rues ayant été inondées à la suite des pluies de la nuit.
« Nous travaillons dur depuis plusieurs années et les étudiants riches profitent du système en dépensant de l’argent », a déclaré Harsh Dubey, 22 ans, qui tentait de passer le test d’entrée à l’école de médecine depuis quatre ans, lors d’une manifestation à Delhi.

Un système pyramidal

Des aspirants policiers se préparent aux examens à Meerut en août

M. Atri avait à une époque espéré réussir à l’ancienne.

Après avoir terminé ses études secondaires, il a fait ses valises dans l’Uttar Pradesh et est parti pour Kota, une petite ville du Rajasthan connue dans toute l’Inde pour ses centaines de centres de préparation aux examens qui brassent des centaines de millions de dollars par an.

Mais comme il ne cessait d’échouer au test d’entrée à l’école de médecine (après avoir réussi l’examen, il n’a pas terminé ses études de médecine), il a commencé à se concentrer davantage sur l’industrie des examens elle-même et moins sur le travail auquel l’examen pouvait mener.

Personnel de police vérifiant les données d’identification des personnes attendant de passer l’examen de police à Meerut

À l’autre extrémité du spectre, dans des milliers de petites villes dotées de leurs propres mini-Kotas, on trouve des tuteurs aux nombreux adeptes, ainsi que des gérants de « bibliothèques » où les gens peuvent payer pour un bureau et étudier jusqu’à tard dans la nuit.

M. Atri a d’abord proposé ses services en tant que « solutionneur », c’est-à-dire qu’il passait des examens pour d’autres personnes. Plus tard, il s’est lancé dans le commerce de gros du vol d’examens, selon les autorités.

À l’époque où il a commencé, un scandale lié aux examens dans l’État du Madhya Pradesh en 2015 a clairement montré à quel point ce trafic était lucratif, des milliards de dollars de pots-de-vin ayant été attribués à des politiciens, à des gangs criminels et à d’autres personnes.

M. Singh, policier à Meerut, a expliqué les irrégularités en matière d’examens comme un modèle pyramidal. Au sommet se trouve l’auteur de la fuite. Au-dessous de lui se trouvent les intermédiaires. Ils travaillent avec des représentants au niveau des villages, qui recrutent des clients.

Avant le vol des sujets de l’examen pour devenir agent de police, M. Atri avait été présenté au Dr Mandal, qui, selon la police, est devenu son voleur à gages.

Son histoire est similaire à celle de M. Atri : tout en poursuivant ses études de médecine, qu’il a menées à bien en 2021, Le Dr Mandal a gardé un pied dans le monde lucratif des fuites d’examens. Il a fini par se faire connaître dans les milieux du vol d’examens pour ses compétences précises en matière d’ouverture de boîtes. Il a été emprisonné en 2017 pour avoir contribué à la fuite d’un examen de médecine, selon les dossiers de la police.

Cette année, alors que le Dr Mandal travaillait dans une clinique de l’État du Bihar, M. Atri l’a mis en attente. Si M. Atri entendait parler d’un envoi de sujets d’examen par l’une des personnes qu’il avait mandatées le long de la chaîne d’approvisionnement, le Dr Mandal recevait un appel.

Un tour supplémentaire

L’appel pour le contrat d’Ahmedabad avait été lancé, les clients de M. Atri avaient passé l’examen de policier — et le Dr Mandal voulait son argent.

Mais il y avait un hic : après l’examen, on a appris que les questions avaient fait l’objet d’une fuite.

Cela ne signifiait pas pour autant que le Dr Mandal, qui, selon la police, s’était vu promettre un paiement final d’environ 20 000 dollars pour avoir volé l’examen, ne serait pas dédommagé. Selon l’accord conclu avec M. Atri, il serait payé tant que les résultats de l’examen ne seraient pas annulés. Cela n’arrive généralement que lorsqu’une fuite est avérée.

C’était le cas ; les résultats ont été annulés. M. Atri a cessé de répondre aux appels du Dr Mandal.

Le réseau de M. Atri a été démantelé grâce à un travail de routine de la police. En enquêtant sur une autre affaire de fuite, la police a trouvé des preuves de la divulgation des sujets de l’examen de policier.
La police a essentiellement remonté la filière du bas de la pyramide jusqu’au sommet, en remontant la chaîne de la fuite depuis un représentant villageois jusqu’à M. Atri et M. Mandal.

« Nous avons trouvé sur leur téléphone les épreuves de l’examen d’agent de police de l’Uttar Pradesh — et lorsque nous avons vérifié la date, c’était avant l’examen », a déclaré M. Singh, qui était l’enquêteur en chef de l’affaire.

Les autorités de l’Uttar Pradesh ont déclaré qu’il y aurait un nouvel examen avec des questions différentes — cette fois-ci, un examen plus sécurisé. Une nouvelle fuite serait une humiliation.

Six mois après la première épreuve, à la fin du mois d’août, des millions de candidats ont à nouveau afflué dans les villes pour passer l’examen. Aux arrêts de bus et dans les gares, c’était le chaos.

À Meerut, les quais de gare étaient bondés de gens qui s’installaient confortablement pour la nuit. La gare routière voisine était envahie de jeunes portant des sacs à dos. Alors qu’ils s’apprêtaient à dormir sur le trottoir, certains regardaient des vidéos YouTube en accéléré de professeurs donnant des cours devant un tableau blanc.

Des millions de candidats ont dû se déplacer pour repasser l’examen d’agent de police dans l’État d’Uttar Pradesh en août

Le jour du nouvel examen, un nouveau policier nommé Raghvendra Kumar Mishra a eu la difficile tâche de s’assurer que tout se passait bien à Meerut. La fourrière de motos confisquées devant son bureau évoquait son travail habituel : il est chargé de la circulation dans la ville.

Son grand bureau avait été transformé en salle de crise. Une demi-douzaine d’officiers regardaient les images des 36 centres où se déroulait l’examen.

Dans l’un des centres d’examen, des policiers vérifiaient les documents alors qu’une file d’étudiants se frayait un chemin sous un panneau publicitaire vantant les mérites d’un tonique capillaire contre la calvitie.

« Seuls les stylos sont autorisés », annonce un policier dans un mégaphone. « Chaussures à la main à l’entrée. Les ceintures sont interdites à l’intérieur. Les bijoux sont interdits. Les manches ne doivent pas être repliées. »

Parmi les candidats se trouvait Subhash Gupta, 24 ans, venu du centre de l’Inde pour passer le concours pour la deuxième fois, en plus d’essayer tous les concours qu’il pouvait passer dans son État d’origine. Lui et son frère jumeau, qui travaillait à temps partiel comme tuteur, avaient quitté leur village avec une seule idée en tête : trouver un emploi dans la fonction publique, n’importe où et à n’importe quel prix.

Lorsqu’il a quitté la salle d’examen en début d’après-midi, il a déclaré avoir réussi à répondre à 138 questions sur 150. Les questions de mathématiques étaient faciles, mais son point faible était la culture générale.

Avant de monter dans un bus pour rejoindre son jumeau, qui passait le même examen dans un autre district, il a résumé les raisons pour lesquelles il tenait absolument à obtenir un emploi dans la fonction publique.

« La mentalité est telle dans la société que seul celui qui décroche un emploi gouvernemental est considéré comme ayant réussi », a-t-il déclaré.

M. Atri et le Dr Mandal, les hommes qui, selon la police, ont forcé des millions de personnes à repasser l’examen de policier, ont tous deux été arrêtés dans cette affaire. M. Atri est actuellement en prison, dans l’attente de son procès. Ses avocats ont fait valoir qu’il avait été faussement impliqué. Le Dr Mandal a été libéré sous caution.

Le père de M. Atri, Gorakh Singh, l’a décrit comme un travailleur acharné, affirmant qu’il restait debout toute la nuit à étudier des livres pendant ses années d’études. « Il est peut-être un malfaiteur pour la police, a déclaré son père, mais pas pour nous. »

Il a déclaré que les frais de justice de son fils avaient ramené la famille 10 à 15 ans en arrière. Si son fils est effectivement dans son tort, il préférerait que le gouvernement l’achève lors d’une « rencontre » — un assassinat extrajudiciaire par la police.

« Nous pleurerions pendant dix jours, puis nous reprendrions nos activités quotidiennes », a-t-il déclaré. « Notre persécution prendrait fin ».

Voyage en autocar vers un centre d’examens à Meerut

Source : New York Times

jeudi 28 novembre 2024

Histoire du premier réseau d'écoles publiques aux É.-U.

Samuel Blumenfeld dans son livre Is Public Education Necessary? — ouvrage sur lequel nous reviendrons — nous rappelle comment le premier réseau d'écoles publiques vit le jour aux État-Unis.

Couverture de Is Public Education Necessary?,
enlèvement par la police d'un enfant éduqué
à la maison sous les yeux effarés de sa mère.
Vers 1817, un mouvement apparut à Boston dont le but était d’étendre le système d’écoles financées par les contribuables aux écoles primaires. Pour déterminer si un tel réseau se justifiait le Comité scolaire de Boston commanda une enquête.

« [L']enquête eut lieu en novembre 1817, elle révéla que Boston, alors peuplée d’environ 40 000 habitants, avait 8 écoles publiques [qui n’accueillaient que les enfants sachant déjà lire, leur fréquentation était libre, en partie payante et était en partie contrôlée par les parents], y compris l’École latine, une école africaine pour les enfants des Afro-Américains et une école dans l’Hospice pour les enfants des pauvres. L’effectif total de ces 8 écoles était de 2 365 élèves. Il s’agissait là d’approximativement 33 pour cent de la population d’âge scolaire. L’enquête révéla également que 154 écoles privées pour garçons et filles avec un effectif total de 3 757 étaient réparties à travers toute la ville. Il existait également 8 « écoles gratuites de la charité » avec un effectif de 365 élèves. Tout compris, plus de 4 000 étudiants âgés de 4 à 14 ans fréquentaient des écoles privées d’un type quelconque au prix total de près de 50 000 $ payés par les parents. L’enquête signalait que seuls 283 enfants âgés de 7 ans et moins ne fréquentaient aucune école. Ainsi, un pourcentage étonnant des enfants de la ville fréquentait bien l’école et les quatre pour cent qui n’en fréquentaient pas, pouvaient aller aux écoles de la charité si leurs parents le voulaient » (p. 43 de Is Public Education Necessary?)



Le grand architecte Bulfinch déclara en conclusion de ce rapport que l’imposition d’un système d’écoles primaires publiques complet pour y inclure les premières années d'apprentissage était inutile. En effet, non seulement 96 % des enfants fréquentaient déjà une école à l’époque, mais, au besoin, il vaudrait mieux aider financièrement les parents des 4 % restants, la plupart pauvres, à fréquenter une école de leur choix grâce à des bourses plutôt que de mettre en place un nouveau système d’écoles publiques financé par les contribuables, système dispendieux qui dédoublerait le réseau des écoles déjà en place. Bulfinch expliquait que « la plupart des parents qui envoient leurs enfants à l’école privée payante ne considèrent pas cette dépense comme une charge : il paie volontiers les frais, mus par l’amour de leur progéniture et par un sens du devoir. Ceci en fait de meilleurs parents. Ils sont, en effet, plus enclins à se préoccuper des affaires liées à l’éducation quand ils doivent verser une petite contribution que lorsque cette dépense est complètement prise en charge par le trésor public. » Bulfinch laissait, en outre entendre, que l’utilisation d’argent public pour usurper une compétence manifestement du domaine privé ne pouvait mener qu’à la dégénérescence morale. La solidarité familiale serait affaiblie par l’action d’un gouvernement qui prendrait en charge ce qui revenait de droit aux familles. Il ne faut pas oublier – devait-il ajouter – que la charge d’éducateur revient aux parents et que ceux-ci ne délèguent au maître d’école qu’une partie du rôle de parent et des droits afférents.

Malgré ce rapport et cette analyse de Bulfinch, la ville de Boston, principalement à l'instigation des unitariens, se décida à étendre le réseau des écoles publiques subventionnées par les contribuables pour y inclure désormais des écoles élémentaires.

L’instauration du premier système d’école publique aux États-Unis, celui de Boston, ne trouve donc pas sa cause dans un échec des nombreuses écoles publiques et privées qui couvraient Boston pas plus que dans une défaillance du libre marché. Il s’agit plutôt du résultat de l’action conjointe – et en apparence contradictoire – de plusieurs groupes de pression qui cherchaient tous à utiliser l’éducation publique pour accroître leur influence politique ou pour renforcer la puissance de l’État, qu’ils espéraient maîtriser. Les conservateurs religieux, les unitariens (des hérétiques ariens pour les calvinistes et les congrégationalistes) et les socialistes considéraient tous que l’éducation publique était une prise idéale dont il fallait à tout prix se rendre maître. Chacun de ces groupes avait plus à cœur de modifier les sentiments et les idées des enfants de leurs concitoyens selon des normes gouvernementales (qu’ils édicteraient) que de prodiguer un enseignement de base de qualité à ces enfants.

Université — Votre maîtrise est-elle inutile ?

Dans les mois à venir, des millions d’étudiants dans l’hémisphère nord vont s’inscrire à des études de deuxième et troisième cycles. La plupart d’entre eux complèteront leur diplôme de premier cycle par une maîtrise d’un ou deux ans, dans l’espoir de se démarquer sur un marché de l’emploi encombré de licenciés (diplômés d’un baccalauréat au Québec).

« La première raison pour laquelle les gens obtiennent ces diplômes est l’insécurité », estime Bob Shireman de la Century Foundation, un groupe de réflexion de gauche sis à New York. « Ils ont le sentiment que s’ils veulent obtenir un emploi — ou le conserver —, ils ont besoin d’une maîtrise. » Pourtant, en moyenne, ces diplômes entraînent une augmentation salariale nettement moins importante qu’un diplôme de premier cycle. De plus, un nouveau corpus de données et d’analyses suggère qu’une proportion scandaleusement élevée de cours de maîtrise entraîne une détérioration de la situation des diplômés.

Aux États-Unis, près de 40 % des travailleurs titulaires d’une licence ont également obtenu un diplôme de deuxième ou troisième cycles. Au cours de la décennie jusqu’à 2021, le nombre d’étudiants de deuxième et troisième cycles a augmenté de 9 %, alors que le nombre d’étudiants de premier cycle a baissé de 15 %. Les doctorats exigés par les universitaires et les diplômes professionnels de longue durée, comme ceux dont ont besoin les médecins et les avocats, sont de plus en plus populaires. Mais ce sont les cours de maîtrise qui continuent de représenter la majeure partie de la croissance.

Ils représentent une activité encore plus importante pour les universités britanniques, qui délivrent quatre diplômes de deuxième et troisième cycles pour cinq diplômes de premier cycle. Cela s’explique en grande partie par l’explosion du nombre d’étudiants en maîtrise originaires de pays tels que l’Inde et le Nigeria. Les Britanniques ne sont pas en reste. Le nombre d’étudiants inscrits à des cours de maîtrise a augmenté d’environ 60 % en 15 ans.

Cette évolution s’explique en partie par le fait que les employeurs exigent des qualifications plus poussées à mesure que les emplois dans les domaines de la science et de la technologie, en particulier, deviennent plus complexes. Mais les universités ne sont pas en reste. En Grande-Bretagne, les frais d’inscription aux études de premier cycle sont plafonnés par le gouvernement et n’ont pratiquement pas augmenté depuis dix ans. L’inscription d’un plus grand nombre d’étudiants de deuxième et troisième cycles — qui peuvent être facturés en fonction du marché — est un moyen de faire face à la situation. Aux États-Unis, la population en âge d’aller à l’université commencera bientôt à diminuer. Les présidents des établissements d’enseignement supérieur américains espèrent que les diplômés qui poursuivent leurs études pourront maintenir leurs établissements à flot.

Depuis 2000, le coût des études supérieures aux États-Unis a plus que triplé en termes réels, selon le Centre on Éducation and the Workforce de l’université de Georgetown. L’emprunteur médian s’endette aujourd’hui d’environ 50 000 dollars pour obtenir son deuxième diplôme, contre 34 000 dollars 20 ans plus tôt (en dollars de 2022). Près de la moitié de l’argent que le gouvernement américain prête aux étudiants va aux étudiants de deuxième et troisième cycles, alors qu’ils ne représentent que 17 % des étudiants. En Grande-Bretagne, les étudiants nationaux en maîtrise paieront environ 9 500 livres sterling (13 000 dollars) par an en 2021, soit 70 % de plus qu’en 2011 après prise en compte de l’inflation.

Si les étudiants supportent ces frais, c’est en partie parce qu’ils partent du principe que des diplômes prestigieux augmenteront généralement leurs revenus. « L’obtention d’un rendement financier n’est pas la seule raison de poursuivre des études », reconnaît Beth Akers, de l’American Enterprise Institute, un groupe de réflexion de droite. Mais « pour la grande majorité des étudiants, c’est l’ambition ». À première vue, ils font un pari raisonnable. Aux États-Unis, les travailleurs à temps plein titulaires d’une licence gagnent environ 70 % de plus que les diplômés de l’enseignement secondaire. Et ceux qui ajoutent une maîtrise peuvent espérer gagner 18 % de plus.

Cependant, les revenus varient énormément en fonction de la matière et de l’établissement. En outre, les diplômés de second et troisième cycles sont généralement issus de familles plus aisées et ont obtenu de meilleures notes que leurs camarades au cours de leurs études de premier cycle. Ils ont donc tendance à bien réussir dans la vie, indépendamment de leurs diplômes supplémentaires. Pour déterminer le rendement réel, il faut comparer les résultats de cette cohorte de doués avec ceux de personnes tout aussi impressionnantes qui ont décidé de ne pas poursuivre leurs études.

De ce point de vue, l’étudiant moyen en maîtrise ne gagnera pas plus de 50 000 dollars de plus au cours de sa vie grâce à son diplôme, estime Preston Cooper, analyste du FREOPP, un groupe de réflexion d’Austin, au Texas, qui a également pris en compte les frais de scolarité et les revenus potentiels perdus pendant les études. Pire encore, les étudiants inscrits à environ 40 % des cours de maîtrise américains ne gagneront pas d’argent supplémentaire ou subiront une perte financière. Il s’agit d’un risque plus élevé que pour les cours de premier cycle, qui, selon M. Cooper, offrent un rendement positif dans environ 75 % des cas.

Les données américaines étant encore assez fragmentaires, il faut encore beaucoup de suppositions pour parvenir à de telles conclusions. Les choses sont un peu plus claires en Grande-Bretagne, où les chercheurs qui le demandent gentiment peuvent exploiter une base de données croisant les déclarations d’impôts et les résultats scolaires de millions de jeunes adultes. En 2019, les analystes de l’Institute for Fiscal Studies, un groupe de réflexion londonien, ont conclu qu’un cinquième des étudiants de premier cycle (licence donc) s’en sortiraient mieux s’ils ne fréquentaient pas l’université.

Plus récemment, l’institut a étudié le rendement des cours de maîtrise, avec des résultats encore plus frappants. Il a constaté qu’à l’âge de 35 ans, les titulaires d’une maîtrise ne gagnent pas plus que les titulaires d’une simple licence (compte tenu de leur milieu plus aisé et de leur niveau d’études plus élevé). Ce résultat est « réellement surprenant », déclare Jack Britton, l’un des auteurs de l’étude. Elle diffère aussi nettement des recherches utilisant des données moins précises.

Des deux côtés de l’Atlantique, le choix de la matière est le facteur le plus important pour déterminer si une formation de maîtrise augmente les revenus. En Amérique, les gains sont particulièrement importants dans les domaines de l’informatique et de l’ingénierie. Ils sont légèrement inférieurs dans d’autres disciplines scientifiques, en partie parce qu’un diplôme de premier cycle dans ces domaines fait déjà grimper les salaires de manière significative. Les enseignants titulaires d’un diplôme d’études supérieures en éducation ont tendance à gagner davantage, même si les salaires de l’ensemble de la profession sont assez bas, parce que de nombreux districts scolaires américains augmentent automatiquement le salaire de ceux qui sont titulaires d’un tel diplôme.

Ce qui est encore plus frappant, c’est l’importance des rendements négatifs dans certaines matières. Les Britanniques qui obtiennent une maîtrise en politique gagnent 10 % de moins au milieu de la trentaine que leurs homologues qui étudient la même matière au niveau de la licence uniquement. Pour l’histoire, l’impact sur les revenus est d’environ 20 % ; pour l’anglais, il est proche de 30 % (voir graphique ci-dessous). Beaucoup de ceux qui suivent ces cours se destinent à des carrières dont ils savent qu’elles seront peu rémunératrices, mais qu’ils pensent apprécier, explique le Dr Britton. Mais d’autres s’orientent vers des études supérieures parce qu’ils n’ont pas encore décidé de la profession qu’ils allaient exercer. Il n’est sans doute pas surprenant que ces personnes aient tendance à gagner moins à moyen terme que leurs homologues qui sont passés directement de la licence à l’emploi.

mercredi 27 novembre 2024

Kebab, « barber shop », « fast-food », déclin de la vigne, augmentation des fautes d'orthographe... : voyage dans la France hors sol

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En agronomie, on appelle culture hydroponique le fait de faire pousser des fruits ou des légumes en dehors des champs, dans des serres, sur un substrat inerte (terreau, billes d’argile, laine de roche, fibres de coco…) parcouru par des solutions liquides enrichies en nutriments.

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On peut avoir régulièrement l’impression que la France contemporaine fonctionne sur ce modèle. La roche mère a été arasée, de nouvelles couches se sont déposées, et ce qui pousse maintenant dans de nombreux endroits est hors-sol, sans les racines qui ont longtemps nourri notre culture. C’est une France générique où tout semble interchangeable, uniformisé, sans ancrage profond. Dans de nombreux territoires, cette réalité hydroponique est devenue la norme et marque les paysages comme les modes de vie.

Dans la nuit du 31 octobre dernier, deux fusillades ont eu lieu, l’une à Poitiers et l’autre à Saint-Péray, dans l’agglomération de Valence, événements au cours desquels deux jeunes ont trouvé la mort et plusieurs autres ont été blessés.

[...]  Certes, la roche mère subsiste encore à la façon d’un vieux relief érodé. Les fusillades se sont déroulées dans le quartier des Couronneries à Poitiers et dans la commune ardéchoise de Saint-péray, toponymes se rattachant au référentiel de la France traditionnelle. Mais si le substrat historique affleure encore, on note également les indices du dépôt d’une couche culturelle yankee, résultat de l’américanisation désormais assez ancienne du pays. À Poitiers, le plus haut et le plus emblématique bâtiment du quartier d’habitat collectif des Couronneries, sorti de terre à la fin des années 1960, porte le nom de tour Kennedy. La discothèque de Saint-Péray devant laquelle la fusillade s’est produite s’appelle The Seven.

[...] À Poitiers, dans le cadre d’un vaste programme de rénovation urbaine, la vieille tour Kennedy est en voie de démantèlement et le foyer de jeunes travailleurs qui s’y trouvait sera relogé dans une nouvelle résidence s’intitulant Barankaï K2, le terme « barankaï » signifiant « communauté » en philippin (nous sommes loin du vieux patois poitevin), «K2» faisant référence au nom de l’ancien immeuble, comme un «Kennedy 2». À Saint-Péray également, la couche culturelle d’inspiration technocratique est présente dans la toponymie, puisque la discothèque est implantée au cœur d’une vaste zone commerciale portant le nom de « zone Pôle 2000 », la référence moderniste à l’an 2000 ayant été très en vogue parmi les aménageurs dans les années 1980 et 1990. Cette zone commerciale regroupant de multiples enseignes et desservie par plusieurs ronds-points est par ailleurs typique des paysages de la France hydroponique.

Parallèlement à la multiplication des zones commerciales, la topographie de la France hydroponique se caractérise également par l’émergence de commerces communautaires ou en lien avec la présence d’une population issue des immigrations. À Poitiers, l’auteur de la fusillade a fait feu sur la terrasse d’un kebab. Ce type d’établissement, comme les bars à chicha, est régulièrement le théâtre de règlements de comptes entre bandes rivales. En juin 2020, de violents affrontements avaient opposé des Tchétchènes et des Maghrébins dans le quartier des Grésilles à Dijon, à la suite d’une altercation dans un bar à chicha, le Black Pearl, le nom de l’établissement étant puisé soit dans la pop culture hollywoodienne en référence au nom du navire de Jack Sparrow (alias Johnny Depp) dans le film Pirates des Caraïbes, soit dans l’une des plus célèbres séries télévisées turques, intitulée Black Pearl. En juin 2024 à Saumur, le jeune Bilal était tué dans le cadre d’un règlement de comptes à la terrasse d’un kebab. Quelques mois plus tard, en septembre dernier, c’est à Cagnes-sur-Mer qu’un autre kebab essuyait des tirs faisant deux blessés graves. On notera qu’historiquement, les règlements de comptes entre malfrats se déroulaient dans les bars et les bistrots (par exemple, la fusillade du Bar du Téléphone dans le nord de Marseille en 1979). Dans les quartiers marqués par un référentiel hydroponisé, délinquants et trafiquants s’affrontent désormais préférentiellement dans des kebabs ou des bars à chicha.

Selon les lieux, le dépôt, sur la couche yankee, d’une couche culturelle qu’on qualifiera d’« orientale » est plus ou moins épais et visible. Dans de nombreux territoires, les kebabs, bars à chicha, barber shops [anathème de dire barbiers] ou établissements halals s’intègrent dans le tissu commercial traditionnel ou américanisé. Dans certains quartiers, ils sont omniprésents et constituent la quasi-totalité de l’offre commerciale, comme l’écrivait en octobre 2024 le député LFI de Vénissieux, Idir Boumertit, à propos de la reprise par l’enseigne halal Triangle du supermarché Casino de sa ville, qui, si «elle permet de conserver une offre commerciale de moyenne surface sur le plateau des Minguettes et de maintenir les postes des salariés », impliquerait également « des ajustements dans l’offre de produits, et notamment la suppression des boissons alcoolisées et du porc. (…) Ce changement soulève des questions légitimes sur la capacité de l’offre commerciale à répondre aux besoins variés de l’ensemble des habitants », poursuivait-il, estimant qu’« il est important que la population multiculturelle de Vénissieux puisse accéder à une diversité de produits ». D’après le député, l’arrivée de Triangle pourrait également menacer l’équilibre économique des « petits commerces indépendants du plateau des Minguettes qui proposent une offre similaire ».

Dans le quartier des Couronneries à Poitiers, la place de Coimbra où se situe le kebab (halal) qui fut le lieu du drame, présente, elle, une diversité de commerces et de services (boulangerie, boucherie, restaurant Pac Miam, bureau de poste…). Ce restaurant s’appelle L’Otentik. Une rapide recherche sur internet montre que ce nom - ou sa variante L’Otantik - est également celui d’autres restaurants kebabs ou snacks à Niort, Brest, Saint-Martin de Crau, Saint-Priest, Bondy, Clermont-Ferrand ou bien encore à Uckange. Le choix de ce nom pour un restaurant de kebab renvoie sans doute au terme «otantik», traduction turque du terme français « authentique ». Mais cette variante orthographique n’est pas sans rappeler l’essor dans toute une partie de la population, via la pratique des textos et les réseaux sociaux, d’une nouvelle syntaxe basée sur une phonétique des plus rudimentaires. Ce sabir, très éloigné de l’orthographe officielle, constitue sur le plan linguistique une des manifestations de cette culture hydroponique en cours de métabolisation.

Si la consommation régulière de vin se maintient quelque peu dans les tranches d’âge les plus âgées, les jeunes générations sont nettement moins consommatrices. Dans la jeunesse populaire, on est passé en deux générations du pinard au pétard.

Plusieurs études statistiques ont objectivé la baisse significative de la maîtrise du français parmi les élèves. D’après les données du ministère de l’Éducation nationale, la proportion d’élèves de CM2 faisant 15 fautes ou plus à la même dictée de 67 mots a littéralement explosé depuis la fin des années 1980. Alors qu’en 1987 seul un tiers des élèves effectuaient 15 fautes ou plus, ce très faible niveau de maîtrise de l’orthographe est devenu quasiment généralisé en 2021 (90% des élèves se trouvant dans cette situation).

Ce constat est partagé par de nombreux enseignants, comme cette professeur dans un collège privé de Pau ayant commencé à enseigner en 1992 : « Ce que je faisais il y a vingt ans pour un niveau de sixième ou de cinquième serait compliqué à faire aujourd’hui dans les mêmes classes. » Ces lacunes, observées initialement chez les enfants et les adolescents, se retrouvent dorénavant mécaniquement, au gré de l’avancée en âge des cohortes générationnelles, progressivement dans l’ensemble de la société. Le vocabulaire employé est moins fourni et la langue, relâchée. Des études l’ont mesuré, mais on le constate empiriquement quand on compare par exemple des micros-trottoirs réalisés auprès de Français ordinaires dans les années 1960 et ceux tournés aujourd’hui.

Norbert Elias insistait sur l’importance de l’écrit dans les processus de civilisation. On peut dès lors se demander si l’écriture numérique a les mêmes vertus civilisatrices que l’écriture manuscrite sur papier. L’écriture cursive participe en effet de la structuration de la pensée et l’apprentissage de l’écriture passe par l’inculcation de règles formelles qui sont beaucoup moins respectées avec l’écriture numérique, sans même parler des textos ou des commentaires sur les réseaux sociaux.

mardi 26 novembre 2024

« Une nation ne peut en assimiler une autre qu’à condition de l’emporter en nombre et en densité de population »

Les occidentaux (et plus particulièrement les Québécois à la natalité anémique) devraient considérer cette petite conversation dont Léon Tolstoï agrémente son roman Anna Karénine.

    Pestzoff soutenait qu’un peuple ne peut en assimiler un autre que s’il est plus nombreux, que si sa population est plus dense.

    Kosnichef, avec certaines restrictions, acceptait les deux avis ; et au moment où l’on sortit du salon, pour mettre un terme à la discussion, il dit en souriant :

    — Aussi, pour russifier les populations étrangères, n’y a-t-il qu’un seul moyen, faire le plus d’enfants possible. Voilà mon opinion. Sous ce rapport, mon frère et moi nous agissons fort mal. Quant à vous, messieurs, vous surtout, Stépane Arcadiévitch, vous vous conduisez en vrais patriotes. Combien en avez-vous ? demanda-t-il au maître de la maison.

Anna Karénine, Quatrième partie, IX

L'indice synthétique de fécondité (prévision sur la base des 7 premiers mois pour 2024)

État 2015 2020 2022 2023 2024p
Australie 1,80 1,59 1,63 1,50 1,47
Belgique 1,69 1,55 1,53 1,47 1,43
Canada 1,60 1,41 1,33 1,26 1,25
États-Unis 1,84 1,64 1,66 1,62 1,62
France 1,96 1,79 1,79 1,68 1,63
Israël 3,09 2,90 2,89 2,81 2,75
Québec 1,67 1,51 1,48 1,38 1,34
Royaume-Uni 1,77 1,51 1,47 1,43 1,45
Suisse 1,54 1,46 1,38 1,33 1,29

La famille impériale russe donnait l'exemple : 5 enfants

Voir aussi

Corrélation importante entre le taux de fécondité d'un État et la proportion de personnes ayant voté pour Trump

Michèle Tribalat : « Un tiers des enfants nés sur le sol français en 2023 a au moins un parent étranger, quelles leçons en tirer ? »

Les Françaises non immigrées ont d'autant moins d'enfants qu'elles ont peu de revenu disponible

Les législateurs russes cherchent à interdire la « propagande zéro enfant », aides aux familles aux États-Unis

En 1839, on se félicitait, on se vantait même du réchauffement des climats froids (Custine en Russie) 

27 novembre 1095 — Appel lancé pour porter secours aux chrétiens d'Orient et aux pèlerins

C’était il y a près de mille ans. À la fin du XIe siècle, le royaume de France était en petite forme. Il ne représentait pas plus de deux ou trois fois l’actuelle région d’Île-de-France ; le domaine royal était bordé par Compiègne au nord, Orléans au sud, Dreux à l’ouest. Les Capétiens régnaient, mais, dit Jacques Bainville qui est indulgent, ce sont des « règnes sans éclat ». Qui se souvient de ces rois-là, les premiers héritiers du fondateur de la dynastie, Robert le Pieux, Henri Ier, Philippe Ier ? C’est à l’extérieur du royaume que les choses se passent. Chez les Normands en particulier : le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, a mis la main sur l’Angleterre (victoire de Hastings, en 1066, illustrée par la tapisserie de Bayeux), et ce sont aussi des Normands qui sont allés délivrer, à leur demande, les populations catholiques de l’Italie méridionale des expéditions sarrasines.



« Les malheurs des pèlerins »

Car c’est un temps de pèlerinages. Des foules de pèlerins chrétiens se déplacent en longues colonnes vers Rome ou Saint-Jacques-de-Compostelle, au nord de l’Espagne, venant manifester leur soutien aux dernières victoires de la Reconquista sur l’islam, après des siècles de conquêtes et de conversions musulmanes induites par des vexations et une forte taxation. Mais c’est le pèlerinage de Jérusalem, par terre et par mer, qui attire les fidèles les plus nombreux et les plus ardents, à partir des sols européens, notamment français. « Il crée une vie neuve, il marque la crise décisive où le vieil homme se dépouille », notent les chroniqueurs de l’époque.

Ces mouvements de population de l’Occident vers les Lieux saints d’Orient créent des routes, des escales, des dispensaires ; ils développent des échanges de toute nature. Arrivés sur place, les pèlerins rencontrent d’autres chrétiens, d’ancienne tradition qui constitue encore une grande partie de la Syrie et de la Palestine, peut-être encore la majorité des habitants, mais aussi des musulmans. Les communautés prospèrent dans des quartiers séparés. Jusqu’à l’arrivée des Turcs seldjoukides. Les anciens « maîtres tolérants et policés venus d’Égypte font place à des fanatiques durs et tracassiers ». La conquête de Jérusalem par ces Turcs s’accompagne de la persécution et du massacre des chrétiens. Les pèlerins rentrent chez eux effrayés. La nouvelle enflamme la fin de ce XIe siècle. Les Seldjoukides se sont emparés de l’Arménie si lointainement chrétienne, de Smyrne, de Nicée, près de Constantinople.

L’intervention des barons occidentaux permit de libérer de nombreuses villes (Nicée, Sardes, Tarse, Antioche) récemment conquises par les Turcs après la catastrophe de Manzikert en 1071


L’Empire byzantin menace de disparaître. Une vague de fond soulève la chrétienté.

L’Empire byzantin est confronté à l’avancée des Turcs seldjoukides. Depuis la désastreuse défaite subie à Manzikert l’arménienne en 1071, de nombreux territoires sont passés entre les mains de ces nouveaux musulmans venus d’Asie centrale et récemment convertis. Leur présence complique encore davantage le pèlerinage sur les Lieux saints qui connaît à l’époque un essor remarquable.

Qui va délivrer le Saint-Sépulcre ? Les monarques en sont incapables, qu’ils soient trop faibles, comme le roi de France, qu’ils se disputent entre eux, et notamment avec l’empereur d’Allemagne, ou qu’ils contestent l’autorité de l’Église de Rome. C’est donc elle qui va se substituer à eux, cette Église de Rome qui révèle sa solidité en résistant au grand schisme d’Orient d’un côté et aux « antipapes » de l’autre. C’est elle qui peut porter secours aux chrétiens de Terre sainte. Mais avec quels moyens le peut-elle ? Quels hommes ? Quel argent ? Quelles armes ? Elle va les mobiliser.

Et c’est un autre Français qui le fait, non pas le roi, mais un pape, le deuxième élu depuis Grégoire VII. Fils d’une famille noble de Champagne, rappelle Jacques Heers, l’historien des croisades, c’est un bénédictin ; il fut archidiacre de Reims avant de devenir prieur de l’abbaye de Cluny. Bâtie à la fin du siècle précédent, cette abbaye rayonne par son influence bien au-delà du sol qui l’a vue naître. Élu pape sous le nom d’Urbain II en 1088, il a dû attendre cinq ans avant de s’asseoir sur le trône pontifical à Rome (alors occupée par un « antipape »). La mission de la délivrance des chrétiens de Jérusalem se présente à lui comme une occasion d’affirmer son autorité tout en marquant la puissance temporelle et spirituelle de l’Église. Il part prêcher le combat dès 1095, depuis l’Italie jusqu’à la Bavière, des Alpes à la France, son pays. Il y multiplie assemblées et conciles, et n’hésite pas à excommunier le roi de France, Philippe Ier, pour usurpation de biens d’Église, répudiation de son épouse et corruption...

L’abbaye de Cluny dont Urbain II fut le prieur


Walmart abandonne ses politiques de diversité, d’équité et d’inclusion

 
Walmart, le plus grand détaillant au monde, abandonne ses politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), rejoignant ainsi une liste de grandes entreprises qui ont été attaquées par des militants conservateurs.

Les changements, confirmés par Walmart lundi, sont radicaux et vont du non-renouvellement d’un engagement de cinq ans pour un centre d’équité créé en 2020 après le meurtre de George Floyd par la police, au retrait d’un important index des droits des homosexuels. Et lorsqu’il s’agit d’ethnicité ou de genre, Walmart n’accordera pas de traitement prioritaire aux fournisseurs selon leur ethnie ou leur genre.

Les mesures prises par Walmart soulignent la pression croissante à laquelle sont confrontées les entreprises américaines alors qu’elles continuent de faire face aux retombées de la décision de la Cour suprême des États-Unis en juin 2023 mettant fin à la discrimination positive dans les admissions à l’université.

Enhardis par cette décision, des groupes conservateurs ont intenté des poursuites en utilisant des arguments similaires contre les entreprises, ciblant des initiatives sur le lieu de travail, telles que des programmes de diversité et des pratiques d’embauche qui donnent la priorité aux groupes historiquement marginalisés.

Par ailleurs, le commentateur politique américain et activiste conservateur Robby Starbuck s’en est pris aux politiques DEI des entreprises, en appelant des entreprises individuelles sur la plateforme de médias sociaux X. Plusieurs de ces entreprises ont par la suite annoncé qu’elles retiraient leurs initiatives, notamment Ford, Harley-Davidson, Lowe’s et Tractor Supply.

Mais Walmart, qui emploie 1,6 million de travailleurs aux États-Unis, est la plus importante à le faire.

« C’est la plus grande victoire à ce jour pour notre mouvement visant à mettre fin au wokisme dans l’Amérique des entreprises », a écrit Robby Starbuck sur X, ajoutant qu’il avait eu des discussions avec Walmart.

Walmart a confirmé à l’Associated Press qu’elle surveillerait mieux les articles de ses marchés tiers pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas de produits sexuels et transgenres destinés aux mineurs. Cela inclurait les bandages de poitrine destinés aux jeunes qui traversent un changement de sexe, a précisé l’entreprise. Produits qui avaient créé la polémique aux États-Unis.

Le détaillant basé à Bentonville, dans l’Arkansas, examinera également les subventions accordées aux évènements dit « de la Fierté » (homosexuelle, trans) pour s’assurer qu’il ne soutient pas financièrement des contenus sexualisés qui pourraient ne pas convenir aux enfants. C'est ainsi que l’entreprise veut s’assurer qu’un pavillon familial de la marque ne se trouve pas à côté d’un spectacle de travelos lors d’un évènement de la Fierté, a déclaré l’entreprise.

En outre, Walmart ne considérera plus l’ethnicité et le sexe comme un test décisif pour améliorer la diversité lorsqu’il proposera des contrats avec des fournisseurs. L’entreprise a déclaré qu’elle n’avait pas de quotas et qu’elle n’en ferait plus à l’avenir. Elle ne collectera pas de données démographiques pour déterminer l’éligibilité au financement de ces subventions.

Walmart a également annoncé qu’elle ne renouvellerait pas un centre d’équité qui a été créé grâce à un engagement philanthropique de 100 millions US sur cinq ans de la part de l’entreprise avec pour mandat, selon son site Web, « de s’attaquer aux causes profondes des écarts de résultats rencontrés par les Noirs et les Afro-Américains dans les systèmes d’éducation, de santé, de finances et de justice pénale ».

Et elle cesserait de participer à l’indice de référence annuel de la Human Rights Campaign, qui mesure l’inclusion sur le lieu de travail des employés LGBTQ+.

Ces changements surviennent peu de temps après la victoire électorale de l’ancien président Donald Trump, qui a critiqué les initiatives DEI et s’est entouré de conservateurs qui partagent des opinions similaires, y compris son ancien conseiller Stephen Miller, qui dirige un groupe appelé America First Legal, qui a contesté les politiques DEI des entreprises. M. Trump a nommé M. Miller au poste de chef adjoint de la politique dans sa nouvelle administration.

Un porte-parole de Walmart a déclaré que certains changements de politique étaient en cours depuis un certain temps. Par exemple, l’entreprise a abandonné l’utilisation du terme « DEI » dans les titres de poste et les communications et a commencé à utiliser le mot « appartenance ». L’entreprise a également commencé à modifier son programme de fournisseurs à la suite de la décision de la Cour suprême sur la discrimination positive.

Certains ont exhorté les entreprises à s’en tenir à leurs politiques DEI. Le mois dernier, un groupe de démocrates au Congrès a lancé un appel aux dirigeants des entreprises du Fortune 1000, affirmant que les efforts de DEI donnent à chacun une chance équitable de réaliser le rêve américain.

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