dimanche 25 décembre 2011

Pour le Conseil du statut de la femme, seuls les croyants doivent faire des concessions

Dans son dernier ouvrage La Culture religieuse n’est pas la foi (Identité du Québec et laïcité), le théologien, juriste et éthicien, Guy Durand, s’interroge sur le sens à donner au mot laïcité et comment réconcilier celle-ci avec la culture française et chrétienne de l’immense majorité des Québécois. Guy Durand n’est pas ce qu’on peut appeler un conservateur religieux de droite, bien au contraire si l’on peut dire, et nous trouvons ses écrits peu polémiques.

Nous avons déjà présenté la recension de Jean Laberge, professeur de philosophie au cégep du Vieux-Montréal, sur cet ouvrage paru plus tôt en 2011.

On a également déjà parlé ici du rapport du Conseil du statut de la femme qui demandait, notamment, l'abrogation du volet religieux  du cours d’éthique et de culture religieuse.

Nous reproduisons ici la critique de Guy Durand de ce document qui abordait également la place de la femme et le sens de la laïcité à donner selon ses auteurs.

« Depuis sa fondation en 1973, le Conseil du statut de la femme (CSF) s’est prononcé plusieurs fois sur la laïcité. Son dernier Avis, substantiel et très fouillé, porte explicitement sur le sujet. Abordé sous l’angle de l’égalité homme-femme, il analyse l’ensemble des éléments du débat. L’Avis s’inscrit en faux contre le concept de « laïcité ouverte », ouverte, explique-t-il, aux atteintes à l’égalité des femmes (p. 11), au multiculturalisme, à la confusion entre le religieux et le politique, à l’instrumentalisation de la foi, à la montée de la droite religieuse et à l’intégrisme (p. 63, etc.) Il prend parti résolument en faveur d’une laïcité véritable, « simple », fondée sur trois éléments majeurs : la liberté de conscience, l’égalité entre citoyens et citoyennes, la séparation de l’Église et de l’État (p. 57).

Carte avec texte : À l'occasion des Fêtes. À l'occasion du temps des fêtes, l'équipe du Conseil du statut de la femme vous souhaite joie et bonheur avec vos familles et amis. Meilleurs voeux.
On ne souhaite surtout pas un « Joyeux Noël ! » au CSF !
Ce choix appelle plusieurs actions : l’inscription de la laïcité dans la charte québécoise des droits; une loi interdisant le port des signes religieux « nettement visibles » par tous les employés de l’État; l’élimination de la prière et le retrait des signes et symboles religieux des institutions de l’État (sous réserve de leur caractère patrimonial); le retrait du volet culture religieuse du cours ECR; l’élimination des subventions aux écoles privées; la fin des privilèges fiscaux accordés aux communautés religieuses. [Note du carnet : ce sont les mesures préconisées par le Mouvement laïque québécois (MLQ).] Au terme, il demande au gouvernement d’organiser un débat public sur le sujet – débat qui n’a pas encore eu lieu, écrit-on – au sein d’une commission parlementaire paritaire. L’aménagement de la société ne doit pas être laissé aux tribunaux, mais résulter d’un choix collectif. [Note du carnet : par l’entremise de partis souvent nettement plus à gauche et laïciste sur la question de l’école que la population, voir le cas du cours ECR et plusieurs sondages à cet effet.]

Le premier chapitre porte sur l’infériorité de la femme dans les trois religions monothéistes, situation qui a entériné et conforté l’inégalité présente dans les cultures primitives. Quoiqu’appuyé sur plusieurs auteurs, le texte manque de nuances et présente une charge globale contre les religions, ce qui ne correspond pas à l’interprétation d’autres chercheurs. Dommage, par exemple, que la référence à Jésus (faite au chapitre 2) n’ait pas son parallèle ici, à côté ou à l’encontre de Saint Paul. Caricature aussi l’affirmation que « les religions sont absolues, totalitaires, entières » (p. 47) : c’est porter bien peu d’attention à la vie multiforme des communautés chrétiennes. Enfin, contrairement, à ce que dit le texte, le christianisme n’enseigne pas que l’athée brûlera en enfer (pp. 47, 72), s’il est sincère dans sa croyance.

Le deuxième chapitre passe en revue toutes les étapes ayant marqué la marche du Québec vers une laïcité de fait. Ici encore, la charge est lourde (quoique souvent hélas juste) et le point de vue unilatéral. L’expression « grande noirceur » (p. 29) est de plus en plus contestée par de récents historiens et sociologues, tant féminins que masculins. La « montée de l’influence de l’Église » dans le Canada-Est à partir de 1840 n’est pas vraiment due à l’échec des rébellions de 1837 et 1838 (p. 29) : il s’agit d’un phénomène dont les causes sont multiples, entre autres la reconnaissance du catholicisme en Angleterre en 1829 et l’apparition de l’ultramontanisme en France.

Il est méprisant de dire que les religieuses constituaient « une main-d'œuvre bon marché pour l’Église catholique » (p. 30) qui devaient administrer les écoles, les hospices, les orphelinats, les asiles et les hôpitaux. Mais ce qui est le plus trompeur dans l’ensemble du texte, c’est l’emploi du mot « l’Église », comme si tous les catholiques constituaient un bloc monolithique. Identifier l’épiscopat à un seul évêque (par exemple, Mgr Bruchési à la p. 31, ou Mgr  Ouellet en haut de la p. 44) est fort limitatif. Quant à l’apport de Marie Lacoste Gérin-Lajoie (p. 33) et de Mgr  Alphonse-Marie Parent (p. 38), il s’agit de membres de l’Église. Trois exemples d’omissions révélatrices : la Commission Parent, en 1963, a été présidée par un évêque et comprenait une religieuse et un religieux; la décriminalisation de la contraception en 1969 a été appuyée par l’Association des évêques du Canada, au nom de la distinction entre moral et légal; la modification de l’article 93 de la Constitution du Canada en 1997 pour permettre l’instauration des commissions linguistiques a été approuvée moyennant certaines garanties (qui n’ont pas été respectées) par les évêques consultés.

Les chapitres trois et quatre, centraux, portent sur la laïcité. L'Avis signale plusieurs fois (pp. 12, 45-46, 54, 57), à bon escient, qu’il n’y a pas de définition absolue de la laïcité ni de «  modèle politique parfait » (p. 45) : chaque peuple aménage ses lois en tenant compte de son histoire, de ses « valeurs collectives fondatrices » (p. 5), de son identité, de ses particularités (p. 78). Ce faisant, il [l’Avis] rejette le multiculturalisme au profit de l’interculturalisme qui inclut le respect d’une culture commune identitaire et certains droits de la majorité (pp. 81 et 84) [note du carnet : certains politiques, journalistes et sociologues maintiennent que l’interculturalisme et le multiculturalisme sont en pratique la même chose, l’interculturalisme au Québec demandant l’adhésion au français]. Mais à mon avis, plusieurs dérapages se faufilent dans l’argumentation et les applications :
  1. La définition de la laïcité est centrée sur la séparation de l’État et de la religion, sur leur « souveraineté » réciproque (p. 46). Mais, plus loin, ce sont plutôt les idées de neutralité et d’exclusion qui dominent.
  2. L’Avis se fonde sur une notion quasi absolue de l’égalité. Il cite une abondante jurisprudence en ce sens. Sauf pour la priorité à donner au français, il parle très peu des « limites raisonnables » à tout droit, y compris celui des incroyants d’être respecté de manière inconditionnelle. Et pourquoi la longue citation du juge Dickson (pp. 50-51) s’arrête-t-elle avant l’affirmation suivante : « L’égalité nécessaire pour soutenir la liberté de religion n’exige pas que toutes les religions reçoivent un traitement identique. En fait, la véritable égalité peut fort bien exiger qu’elles soient traitées différemment » ?
  3. Le christianisme fait partie de l’héritage du Québec, reconnaît l’Avis du CSF mais, contrairement à ce que pense « une partie de la population » (p. 8), il ne fait pas partie de sa culture commune, il « ne constitue plus une référence identitaire » (p. 70). Le texte parle pourtant d’affirmer ou réaffirmer les « valeurs fondatrices » (p. 3). Il évoque « le lien, parfois très fort, qui existe entre la religion [chrétienne], la culture et l’histoire » du Québec (p. 107). Il évoque les droits de la majorité (p. 81) sans que cela n’entraîne de conséquences sur les aménagements retenus. Bref, il ne distingue pas suffisamment entre culture religieuse et foi. Ce qui l’amène, comme le rapport Bouchard-Taylor, à n’accepter dans les « halls des bâtiments de l’État » que les signes chrétiens (sapins de Noël) qui « ont perdu leur sens religieux  » (p. 108).
  4. On dénonce la situation actuelle basée sur « une interprétation jurisprudentielle des droits individuels » (pp. 10, 45, 57) : accommodements d’ordre individuel, accordés par les tribunaux et non l’État. Mais l’Avis se base lui-même largement sur les jugements des tribunaux et présente une conception de la laïcité basée foncièrement sur le droit individuel à la liberté de conscience et de religion. Quelques fois, il évoque les droits de la majorité, mais cela est sans conséquence sur les applications. Il évoque le jugement récent contre les huttérites [note du carnet : obligés d’être photographiés s’ils veulent avoir un permis de conduire] pour signaler les limites à cette liberté, mais n’en accepte aucune pour les athées et les agnostiques. C’est aux croyants de faire toutes les concessions.
  5. En ce qui concerne l’école et le cours ÉCR, il propose une définition de l’éducation où toute dimension spirituelle est absente. Il demande la suppression du volet « culture religieuse » du cours d’Éthique et de culture religieuse. À titre de comparaison, la France admet la présence d’aumôneries dans les lycées où il y a un internat, avec autorisation d’offrir toutes sortes d’activités à l’intérieur de l’établissement, y compris enseignement et célébrations (signalé p. 55). En Alsace-Moselle, l’enseignement religieux confessionnel (catholique, luthérien, calviniste et juif) est obligatoire dans les écoles publiques à raison de deux heures par semaine (non signalé).
  6. L’Avis se prononce contre les subventions aux écoles privées en affirmant que l’État n’a pas à subventionner les religions. Le développement débute par l’affirmation que l’« Ontario ne subventionne pas les écoles privées confessionnelles » (p. 126), avec un renvoi au jugement de la Cour suprême du Canada en 1996 (affaire Adler). Or, en Ontario, il existe des « écoles séparées », à savoir des écoles catholiques subventionnées à 100 %, au même titre que les écoles du secteur public non confessionnel. Le jugement Adler est mal présenté. L’Avis signale (p. 55), mais ne retient pas, non plus, qu’en France, les écoles privées [note du carnet : ceux sous contrat] sont subventionnées à 80 ou 90 % : L’État paie les services comparables, mais non l’enseignement religieux, évalué à 10 % du temps.
Bref, un texte intéressant, érudit, éclairant sur l’égalité homme-femme, mais trop laïciste ou idéologique sur la laïcité. »

La Culture religieuse n’est pas la foi 
Identité Québec et laïcité,
par Guy Durand,
aux Éditions des oliviers,
à Montréal
2011, 148 pp.
ISBN 978-2-923378-21-3

Voir aussi

La Saskatchewan va financer les écoles religieuses privées





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Liberté scolaire — 1er intérêt de l'électeur catholique pratiquant français

Selon une étude dirigée par l’Ifop, l'électeur catholique pratiquant français est nettement plus sensible sur certains sujets, comme le choix de l’école libre (+23 %) — point non négociable —, l’action de la France en Europe (+17 %), la politique familiale (+12 %). Viennent ensuite des thèmes traditionnels chez les personnes qui fréquentent régulièrement les églises  : la fin de vie et l’euthanasie (+14 %), la bioéthique (+11 %), l’aide aux pays du Sud (+13 %) ou encore le mariage homosexuel (+6 %).

Au total, on recense en France, selon l’Ifop, entre 15 et 20 % de catholiques pratiquants, ce qui représente presque 6 millions d’électeurs. Un nombre loin d’être négligeable pour les candidats.



Danemark — Les chants de Noël à l'école victimes du multiculturalisme

Plusieurs écoles danoises (notamment l'école Klostervængets à Copenhague et l'école Møllevang à Aarhus) ont, sur le modèle suédois, supprimé ou édulcoré certaines traditions de Noël par égard pour les écoliers musulmans.


Une directrice d’école a ainsi supprimé deux strophes du cantique traditionnel « Et barn er født i Betlehem » (Un enfant est né à Bethléem) sur la naissance du Christ en expliquant que ceux-ci étaient trop « évangélisateurs ». Et barn er født i Betlehem est une traduction danoise du cantique latin médiéval Puer natus est in Bethlehem.

« Et barn er født i Betlehem »

Le quotidien conservateur Jyllands-Posten ne montre aucune compréhension à l’égard d’un tel comportement :
«
Le christianisme est un élément fondamental de notre identité en tant que nation, et cela comprend également les beaux psaumes de Noël.

Si même des athées convaincus peuvent les chanter avec plaisir, c’est parce qu’ils rappellent nos racines historiques et notre communauté.

Supprimer les vers d’un psaume, c’est nier que nous partageons en tant que nation une affinité historique et culturelle. Une affinité dont les musulmans et les autres immigrés ne doivent pas être protégés, mais à laquelle ils doivent au contraire être intégrés – indépendamment de la religion. Cette directrice d’école est un véritable exemple du politiquement correct, qui était là bien avant l’immigration des musulmans.

Le politiquement correct n'est pas moderne, il s'agit plutôt d'un symptôme de décadence. C'est l'expression d'une culture qui a perdu toute confiance en soi, toute fierté et ambition de réussir et donc du déclin.

 »
La source des paroles du Et barn er født i Betlehem :  le cantique Puer natus est in Bethlehem


Sources : Jyllands-Posten et Børsen




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