Alors que les communautés catholiques traditionalistes fleurissent ici et là, le pape François publie un décret juridique visant à réduire leur influence. Un nouveau tour de vis qui fait écho au motu proprio de juillet 2021. Cette fois-ci, l’autorité des évêques est remise en question.
La messe tridentine attire de plus en plus, surtout les jeunes. |
Le succès de la messe en latin n’est pas du goût du Pape François. Le 21 février, sous l’égide du cardinal Roche, le Saint-Père a publié un rescrit visant à renforcer le contrôle des communautés traditionalistes. Concrètement, le pape retire aux évêques locaux tout pouvoir d’accorder aux prêtres ordonnés après le 16 juillet 2021 des autorisations pour célébrer la messe selon l’ancien rite. Dans un souci de réconciliation, en 2007, Benoît XVI avait mis en place cette autorisation « extraordinaire » soumise au discernement de l’évêque local.
Désormais cette autorisation revient uniquement à Rome. Idem pour l’utilisation d’une église paroissiale, pour y célébrer une messe en latin. « C’est assez incompréhensible. Je m’attendais plutôt à du dialogue de la part du pape, réagit l’abbé Raffray, prêtre à l’Institut du Bon Pasteur. Il y a quand même un autre problème liturgique dans l’Église aujourd’hui, partout dans le monde, donc cette façon de s’acharner contre quelque chose qui est loin d’être majoritaire est assez étonnante. »
Avec leurs écoles hors contrat, mouvements scouts, groupes de chorale ou cours de catéchisme, les communautés « tradis » séduisent de plus en plus de jeunes. D’après une enquête parue dans La Nef en juillet 2021, la France compte 95 000 catholiques traditionalistes, soit 7 % des catholiques pratiquants en France. Ces « tradis » sont répartis autour de 250 lieux de culte, dont la moitié sont tenus par des prêtres diocésains, l’autre par des communautés traditionalistes, comme la Fraternité Saint-Pierre, la Fraternité Saint-Pie X ou l’Institut du Christ-Roi.
La réception de la messe « moderne » au Québec dans les années 60 selon le film La Passion d’Augustine
Le succès de la messe en latin
Dans ces paroisses, les messes sont célébrées en latin, selon l’ancien rituel. Cette liturgie séduit, notamment les jeunes, attirés par une résurgence du sacré. Comme Claire, 23 ans, qui admire « la richesse spirituelle des communautés tradis ». « J’aime le côté sacré du rite tridentin, confie la jeune femme. Les ornements aident à nous rendre compte de ce qui se passe vraiment sur l’autel, ce qu’on ne peut pas percevoir dans une messe en français ».
Un avis partagé par l’abbé Matthieu Raffray. « C’est par son caractère sacré que la messe en latin attire : le rôle du chant, la ritualité, la beauté des gestes, les ornements, tout cela tend vers l’éternité », décrypte ce défenseur de la messe en latin. « Ailleurs dans le monde, tout est réduit à sa valeur marchande. La messe catholique traditionnelle n’est pas un produit de consommation ».
Et d’ajouter : « Psychologiquement et spirituellement, l’homme a besoin de quelque chose qui élève l’âme. Quelque chose qui lui fait quitter le mouvement perpétuel du monde. Il n’y a qu’à voir l’enthousiasme qu’il y a eu autour de l’enterrement de la reine d’Angleterre. Les gens sont à la recherche de ritualité, de choses normées et intemporelles, qu’ils ne trouvent ni dans les supermarchés, ni à la télé, ni sur les réseaux sociaux. C’est exactement dans cela que réside le succès de la messe en latin ».
Pour beaucoup, la messe en latin apparaît comme un havre, épargné des dérives de la nouvelle messe, promue par le concile Vatican II de 1962. De fait, ces paroisses sont les viviers d’un grand nombre de vocations sacerdotales et religieuses. Tandis que s’effondre la vie de l’Église, les communautés traditionalistes ne cessent de se multiplier. Une chance pour l’Église catholique, en proie à une désaffection générale.
Le pape réduit en conséquence le pouvoir des évêques
Ce tour de vis du pape François est un nouvel exemple de son hostilité aux communautés traditionalistes, accusées d’entretenir une Église catholique « parallèle ». Le 16 juillet 2021, il avait déjà encadré rigoureusement la messe tridentine dans le motu proprio « Traditionis Custodes ». Cette fois-ci, le Saint-Père établit un décret juridique, donnant ainsi bien plus de poids à sa décision. D’après Le Figaro, le pape François pourrait même publier un document encore plus contraignant pour les traditionalistes au printemps prochain.
Pourtant, l’abbé Matthieu Raffray se dit « confiant en la Providence divine. La diffusion de la messe traditionnelle a été encouragée par les papes précédents et par Benoît XVI en particulier. Certes, on ne peut rien faire politiquement, mais c’est à nous de montrer que notre attachement à la messe traditionnelle est pour le bien de l’Église. il faut continuer à montrer que la messe traditionnelle n’est pas un obstacle pour la vie de l’Église, mais qu’elle attire de nombreux jeunes en manque de spiritualité ».