Rien n’illustre mieux cette coûteuse indécision que le refus de mesures spécifiques par âge. Toutes les simulations scientifiques mettent en évidence la supériorité de mesures de confinement ciblées par âge ou d’ouverture des commerces via des horaires particuliers pour les seniors. Le risque associé au Covid possède un gradient par âge extrêmement pentu. Entre 70 et 80 % des malades actuellement hospitalisés en raison du Covid ont plus de 60 ans.
Ce sont les seniors qui occupent les lits de réanimation, et c’est pour les préserver que les mesures restrictives doivent être prises, pas pour punir une population entière accusée de n’avoir pas joué le jeu. Cette riposte graduée est d’autant plus essentielle que les restrictions sont bien plus coûteuses socialement lorsqu’elles s’appliquent aux plus jeunes, qu’ils soient en âge d’étudier ou de travailler. Mais le gouvernement fait le choix coupable d’une uniformité délétère, pour s’éviter, au nom de la prétendue force d’âme que requièrent ces mesures « difficiles », le véritable courage politique d’assumer des politiques différenciées.
Comment prétendre qu’empêcher deux jeunes bien portants de 20 ans d’aller marcher une journée en forêt à 2 kilomètres de leur domicile sert un quelconque objectif de santé publique ? Comment justifier, pour les actifs, l’utilité sanitaire de l’humiliante attestation de sortie autoadministrée, qu’aucun autre grand pays d’Europe n’a choisi d’imposer ? Comment ne pas mettre explicitement sur la table du débat démocratique et parlementaire une option différenciée par âge ?
Tout se passe comme si la référence à la scientificité, si chère au gouvernement du Choose France, avait la bonne idée de s’évanouir lorsque les recommandations scientifiques viennent à entrer en conflit avec les impératifs électoraux.
En témoigne la non-ouverture des modèles épidémiologiques de l’Institut Pasteur au grand public, alors même que les 400 000 morts évoqués par le président semblent fondés sur un calcul de coin de table et des hypothèses, toutes deux largement désuètes, d’immunité collective à 50 % de la population [ce taux pourrait être inférieur] et de taux de mortalité de 1,3 % [il est probablement bien inférieur autour de 0,3 % par cas infectés].
En témoigne, l’opacité qui règne quant à la mobilisation des tests dans les laboratoires privés par les ARS, un échec cuisant du modèle jacobin et de la gestion de la crise par les autorités sanitaires. En témoigne l’absence ahurissante de communication politique sur l’état d’avancement des traitements ou des préparatifs pour vacciner la population à grande échelle. Sur tous ces sujets, la geste pseudo-scientiste du mouvement En Marche fait long feu. Lui qui joue depuis 2017 les chevaliers blancs de la politique rationnelle, appuyée sur la science, face aux assauts du populisme obscurantiste, laisse désormais transparaître des motivations qui semblent plus banalement politiciennes, dans un pays où la participation électorale en faveur des partis centristes se concentre chez les plus âgés. Sans doute, les masques, après avoir manqué, devaient-ils finir par tomber.
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