Certains excellent dans cette matière, d’autres n’y entendent rien. Pourquoi ? Est-ce une tare qui se transmettrait génétiquement ? Est-ce irréparable ? Selon deux neuropsychologues, ce n’est pas si sûr…
Nul n’est ne doit entrer sous mon toit s’il géomètre », disait Platon, tout le monde ne parvient pas à ce niveau. Pour beaucoup, les maths restent un cauchemar récurrent garantissant des nuits agitées : souvenirs d’années entières passées à n’y rien comprendre, des heures et des heures d’interrogations écrites où la copie restait blanche alors que les autres élèves la noircissaient allègrement dans le reste de la classe… Une authentique humiliation. Tout cela ressemblait à des hiéroglyphes.Dans une structure éducative où tout le monde expliquait que, sans être bon en mathématiques, on ne trouverait jamais un métier, la matière en question était particulièrement anxiogène pour ceux à la peine : « Vais-je finir clochard ? Pourquoi les autres y parviennent-ils alors que je n’y comprends rien ? » Lorsque nos propres enfants suivent le même modèle, plusieurs questions se posent : sommes-nous tous égaux face aux maths ? Est-on idiot lorsqu’on n’y comprend rien ? Serait-ce héréditaire ? La méthode d’enseignement française est-elle adaptée ? Comment remédier à cette incompétence souvent humiliante ? Deux expertes répondent.
Un réseau de neurones
Le Dr Michèle Mazeau, spécialiste de la neuropsychologie infantile et des dyscalculies, a écrit de nombreux ouvrages sur les troubles de l’apprentissage chez l’enfant. Elle décortique ce qu’il se passe chez le jeune enfant pour qu’il puisse – ou non – ensuite réussir en maths : « Il faut avoir ce que j’appelle une petite boîte à outils innée, un réseau de neurones qu’on appelle “le sens du nombre”. Petits, les enfants apprennent à faire la différence entre quatre lapins et deux lapins. Cette petite boîte à outils va maturer, et se développer avec les apprentissages scolaires pour évoluer vers ce que nous nommons la ligne numérique mentale. C’est une ligne virtuelle que nous avons en tête et qui fait que nous plaçons de gauche à droite les nombres du plus petit au plus grand. Tout cela se crée petit à petit et nous permet de comprendre que 7, c’est plus grand que 6, mais aussi que c’est beaucoup plus grand que 1. On a cette petite ligne concrète, figurative, dans la tête. Mais, comme pour toutes les fonctions cérébrales, il peut y avoir un hic, quelque chose d’atypique ou de dysfonctionnant. C’est ma spécialité. On parle alors du trouble du sens du nombre. Cela n’a rien à voir avec l’intelligence. Le sens du nombre est le socle pour les mathématiques ; si vous n’avez pas ce socle, tout le reste ne se construira pas. C’est un peu comme les dyslexiques : ils ont une intelligence normale, mais il y a un dysfonctionnement dans le réseau de neurones qui va les gêner pour apprendre à lire ou à parler. »