lundi 21 juillet 2008

Dans le nouveau Canada, nous sommes tous devenus pupilles de la Nation

Douglas Farrow, lettre au National Post

« Laissez les parents éduquer leurs enfants » s'insurgeait le National Post dans son éditorial de samedi [21 juin 2008]. « Les tribunaux n’ont pas à se mêler – mais pas du tout – de décisions familiales aussi banales. » Il faut annuler l’« exaspérante » décision de la juge québécoise Suzanne Tessier qui a donné raison à une fille de douze ans de Gatineau qui demandait au tribunal d’annuler une décision parfaitement raisonnable de son père de crainte que les parents ne sachent désormais plus « où se termine l’autorité parentale et où commence celle de l’État. »

[Rappelons que le père de la jeune fille lui avait interdit un voyage scolaire après que celle-ci lui avait désobéi à plusieurs reprises et avait affiché des photos indécentes d’elle-même sur Internet. La jeune fille avait alors fui le domicile de son père qui en avait la garde légale pour se réfugier chez sa mère divorcée. Son école refusant de la laisser partir sans l’autorisation de son père, la jeune fille s’était tournée vers les tribunaux.]

Fantastique ! Pendant un bref instant, je me suis senti ramené à l’époque du vieux Canada, le Canada de la Déclaration des droits de 1960 qui parlait de « protéger la famille dans une société d’hommes libres et d’institutions libres ». Le Canada de Paul Martin, père, qui parlait avec éloquence la langue de la Déclaration universelle des droits de l’homme en rappelant « le caractère sacré et inviolable de la famille, base de la société ». Le Canada où le mariage, la procréation et être parent coïncidaient pour la loi et la culture ambiante.

Puis je me suis demandé qu’est-ce que le National Post ne comprenait pas du nouveau Canada ? Le Canada de Paul Martin fils et de la loi C-38, loi sur les unions de même sexe, qui a rompu ces liens. Le Canada où l’unité familiale naturelle dont l’autorité parentale est reconnue par l’État n’existe plus. Le Canada où les relations entre les parents et les enfants, par décision du Parlement et de la Cour Suprême, ne sont plus que constructions juridiques, à l’entière discrétion de l’État. Le Canada où l’article 16 de la Déclaration universelle est désormais dénué de sens. [« 3. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État. »]

Qu’est-ce que le National Post ne saisit pas au sujet du nouveau Québec ? Le Québec où depuis 1991, il est parfaitement légal pour l’État de s’emparer d’une jeune fille comme celle de Gatineau, d’ici un an ou deux – à partir de ses quatorze ans, pour être exact – et l’emmener dans une clinique d’avortement sans que ses parents soient d’accord ou même avertis. Sans même vérifier si un fonctionnaire, un enseignant par exemple, l’aurait mise enceinte. [Rappelons aussi qu’au Canada, contrairement aux autres pays occidentaux, il n’existe aucune loi limitant la pratique de l’avortement, on peut ainsi en théorie avorter à n’importe quelle semaine de la grossesse, voir l’article d’Andrew Coyne.]

C’est le même Québec qui en septembre [2008] commencera à enseigner un programme obligatoire d’Éthique et de culture religieuse – obligatoire dans toutes les écoles, publiques et privées – dont le but avoué est d’inculquer à chaque jeune Québécois une philosophie « individualiste ». En effet, l’objectif est de créer une distance critique (comme s’il en fallait davantage !) entre la jeune fille de Gatineau et les préceptes moraux et religieux de ses parents ou de son prêtre.

Aucune exemption possible à ce programme, en passant, peu importe l’opinion de ses parents. Et tout cela, alors que le Premier ministre Harper présente ses excuses pour les pêchés passés de l’État et les écoles [pour autochtones] qui ont « réduit la capacité de nombreux [parents] à élever adéquatement leurs propres enfants ». We are sorry : plus jamais ça. Mais bien sûr.


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Le National Post est consterné – peut-être même atterré – par l’étatisme larvé qu’il découvre dans la décision de la juge Tessier. Mais il n’y a rien d’atterrant à cela si ce n’est peut-être la lenteur du National Post à comprendre ce qui se passe. Comme je l’ai montré dans mon livre Nation of Bastards, même le juge en chef du Canada ne sait plus très bien « à qui appartiennent les enfants ». Nous sommes désormais tous devenus les pupilles de l’État et il ne faut plus s’étonner quand nos juges et politiciens prennent des décisions qui nous poussent à demander où s’arrête l’autorité parentale et où commence celle de l’État. Dans le nouveau Canada, l’autorité de l’État, comme celle de Dieu, ne connaît plus ni début, ni fin.


Douglas Farrow est professeur agrégé de Pensée chrétienne à l'université McGill et l'auteur de Nation of Bastards (BPS Books, 2007).

Une pensée émue pour les écoles et les élèves de Guyane française




Témoignages d'enseignants français en Guyane qui, au travers de leurs expériences, dénoncent les incohérences et insuffisances du système éducatif public en Guyane.