mardi 12 mai 2009

Citation du jour au procès de Drummondville

À la remarque de Me Boucher, l'avocat mordant de la Procureur générale, qui s'étonnait du ton affirmatif de M. David Mascré dans son expertise, M. Mascré a répliqué gentiment:

« Que ton oui soit oui et ton non soit non »


[Matthieu 5, 37]

M. David Mascré est docteur en philosophie et en mathématiques et enseignant à l’université Paris V.

Expertise de David Mascré, témoignages de Gérard Bouchard et Jacques Pettigrew

David Mascré

La journée a commencé par le témoignage par vidéoconférence à partir de Paris de David Mascré. M. David Mascré est docteur en philosophie et en mathématiques et enseignant à l’université Paris V.

M. Mascré a expliqué avec calme, sourire et un talent pédagogique évident son expertise que l'on retrouve ici. L'intervention de M. David Mascré est venue renforcer éloquemment la position des parents en appuyant leurs quatre principaux griefs, à savoir que le programme d'éthique et de culture religieuse impose à l’élève une vision polythéiste du phénomène religieux, est relativiste, dissocie l’éthique et la morale et prétend à la neutralité lorsqu’il aborde les questions d'éthique et interfère dans la capacité des parents à transmettre leur foi à leur enfant.

Pour la présidente de la Coalition pour la liberté en éducation, Mme Marie-Josée Croteau, cet avis vient soutenir les craintes exprimées par de nombreux parents. « On avait tous pressenti ces choses-là auparavant. Donc, c'est très valorisant et c'est très intéressant de voir que même les experts au niveau universitaire viennent dire : " Aujourd'hui, on vous dit que vous avez raison les parents de vous inquiétez de ce programme. " Il y a de belles choses dans le programme. Il y a des choses aussi qui peuvent […] avoir des conséquences sur les enfants, sur la génération qui s'en vient et c'est la prudence qui est de mise dans ce temps-là » a déclaré Marie-Josée Croteau.

Emportés par la défense orale magistrale de David Mascré, de nombreux parents présents dans la salle d'audience ont applaudi à la fin de son témoignage, chose inhabituelle au tribunal.

Tout le contre-interrogatoire de Me Boucher s'est apparenté à une analyse de texte assez simple pour essayer de faire ressortir le vocabulaire affirmatif et le ton confiant que l'on retrouve dans l'expertise de M. Mascré. Ces attaques nous sont apparues faibles; elles n'ont jamais visé les arguments fondamentaux de M. Mascré si ce n'est quand Me Boucher a voulu faire admettre à M. Mascré qu'il allait trop loin en disant que certaines croyances étaient farfelues ou illégitimes. M. Mascré n'a rien concédé sur ce point.

Témoignage de Gérard Bouchard

Le philosophe saguenéen est également intervenu par vidéoconférence mais cette fois de l'université Harvard aux États-Unis.

Plus de détails ici.

Jacques Pettigrew

La fin de la journée s'est passée à écouter pendant près de deux heures le responsable du programme ECR au Monopole de l'enseignement, effectué une lecture assez soporifique du programme. Un grand pédagogue qui décide des programmes de nos enfants. À la fin de la journée, la salle assoupie s'était à moitié vidée. Pendant ces deux heures, M.  Pettigrew s'est évertué à présenter le programme sous des dehors inoffensifs malgré ce qui se passe réellement en classe ou ce qui est permis par le programme.

Nous avons été brièvement sortis de notre torpeur quand le juge a demandé d'expliquer pourquoi le manuel de première année romançait le récit de l'Annonciation (marie aveuglée, sous les arbres, hésitant, louer une étable et non une crèche), comme l'avait mentionné la mère, Mme Lavallée. Qui approuvait ces manuels ? M. Pettigrew a trouvé qu'il s'agissait d'une licence éditoriale.

Les pages en question.

Nous attendons avec impatience le contre-interrogatoire pour montrer que M. Pettigrew a visiblement doré la pilule.

La salle était pleine, la mère et deux témoins ont témoigné

La salle était pleine. Les caméras rôdaient dans les couloirs du palais de justice. Le grand jour pour les parents qui demandent que leurs droits de premier éducateur soient respectés et que leurs deux enfants soient exemptés du cours ECR était arrivé.

Premier témoin à la barre, la mère des deux enfants, Mme Lavallée, une infirmière diplômée. Mme Lavallée s'est très bien sortie du contre-interrogatoire des quatre avocats de la commission scolaire et de la Procureure générale du Québec.

Mme Lavallée est apparue comme très bien informée, sensée, mais en même temps émotive et très préoccupée du bien-être de ses enfants tout en laissant à son fils de 16 ans décider s'il voulait suivre le cours ou non.

Nous avons bien ri du reportage de Radio-Canada qui essayait de résumer les griefs de la mère en sortant de son contexte un exemple, parmi des dizaines, mentionné par la mère : on n'explique pas le rôle des rois mages lors de la fête de Noël. Incompétence ou volonté de nuire en prenant l'exemple le moins probant. à notre avis, la foi sincère de Mme Lavallée était patente.

« Je ne peux concevoir que mon enfant de 6 ans (première année) se fasse enseigner qu'il y a plusieurs dieux, que Jésus est sur le même pied que les autres, que sa naissance est une histoire qui se retrouve parmi d'autres contes et légendes, que le sens divin soit ainsi dénaturé. Je crois en un seul Dieu et c'est comme ça à la maison », a-t-elle fait valoir avec éloquence.

Mme Lavallée s'est défendue en se basant sur deux documents officiels : le manuel utilisé en classe, qu'elle a emprunté d'un professeur, et la copie complète du programme officiel du ministère de l'Éducation, qu'elle a trouvé sur Internet. Combien de parents en font autant ?

Mme Lavallée a fait ressortir des paragraphes montrant que le vocabulaire et contenu sont « tendancieux, superficiel, complexe et parfois irrespectueux » et que des « récits invraisemblables, le réveillon des souris voisinent sur un pied d'égalité le récit de la naissance de Jésus ». La partie défenderesse, représentée par deux procureurs du ministère de l'Éducation, dont Me Benoit Boucher, a cherché à faire admettre par le juge que la mère, n'étant pas pour autant une experte en psychologie, pouvait ne pas être crédible dans son témoignage au sujet de ses enfants. Mais le juge Dubois a estimé qu'un parent « peut répondre pour son enfant sans que cela devienne une expertise ». « À la limite, c'est un cours pour un étudiant de cégep. Mon enfant n'est pas capable d'évoluer à travers d'autres valeurs ainsi racontées », a lancé Mme Lavallée.

Ô Canada

Cette mère courageuse a terminé son témoignage en évoquant un des ses parents, Calixta Lavallée, et les paroles de l'hymne national pour rappeler les valeurs historiques du Québec et du Canada : « …Et ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits… »

Nous reviendrons sur les arguments dès que nous aurons un peu plus de temps, mais certains de ceux-ci ont été rappelés par le témoin expert suivant : Guy Durand.

M. Guy Durand, théologien et spécialiste en éthique, professeur pendant 35 ans, a bien identifié et étayé les quatre griefs des parents : le programme contrevient à leur foi sincère, car il impose à l’élève une vision polythéiste du phénomène religieux, est relativiste, dissocie l’éthique et la morale et prétend à la neutralité lorsqu’il aborde les questions d'éthique et interfère dans la capacité des parents à transmettre leur foi à leur enfant.

Nous ne pensons pas que les ergotages et critiques souvent mesquines des avocats de l'État et de la commission scolaire aient vraiment entamé la valeur probante du témoignage de Guy Durand.

L'expertise de Guy Durand se trouve ici.

M. Durand a été suivi à la barre par le professeur en théologie et ex-ministre Louis O'Neill venu témoigner en faveur du droit des parents à choisir l'éducation de leurs enfants.

Monsieur O'Neill a rappelé que pour l'Église catholique le rôle des parents est tellement important qu'elle refuse de baptiser les enfants mineurs sans l'autorisation des parents, même si le baptême est un bien spirituel.

Ensuite Louis O'Neill a insisté sur le principe de précaution qui devait s'appliquer ici; il a rappelé qu'il existe d'autres manières de faire. En Belgique par exemple, les écoles publiques offrent 6 options de cours confessionnels de religion et de morale laïque.

Enfin, M. O'Neill a insisté sur le fait qu'un cours de culture religieuse et d'éthique sera présenté de manière très différente selon qu'il est donné par une personne croyante ou non.

L'expertise de Louis O'Neill se trouve ici.

La journée s'est terminée par les efforts répétés des avocats de la Procureure générale et de la commission scolaire pour faire disqualifier entièrement l'expertise du sociologue Gary Caldwell car celle-ci présenterait selon celle-ci un avis juridique. Heureusement pour les parents, le juge a dit vouloir lire l'expertise de M. Caldwell. Ceci n'a visiblement pas eu l'heur de plaire a Me Jacob de la commissaire scolaire qui s'allongeait de plus en plus sur sa chaise. À la fin de ces arguties juridiques, il semblait que la défaite des avocats de l'État était totale : Me Boucher, avocat de la Procureure générale, était désormais prêt à concéder que M. Gary Caldwell parle sur la partie principale de son expertise : « Y avait-il un besoin urgent et pressant à imposer ce cours ? », mais il voulait que ce soit avant M. Gérard Bouchard. Finalement, ce sera après le témoignage du co-président de la commission Bouchard-Taylor et ceci permettra de mieux invalider les arguments du sociologue saguenéen et ceci après que le juge ait de toute façon déjà lu l'expertise de M. Caldwell que l'on cherchait à rejeter. La défaite était complète, la tenue de Me Jacob était de plus en plus débraillée, sa chemise dépassant de son pantalon, et de son gilet. Le visage émacié de Me Boucher fermé, légèrement incliné vers le haut, la mâchoire serrée. On sentait que la partie adverse n'était pas heureuse de cette première journée de procès.




« L'athéisme est une conviction philosophique parfaitement légitime. Un parent du Québec peut et doit avoir le droit d'élever son enfant dans cette conviction philosophique. Avec le nouveau programme d'ÉCR obligatoire, tout enfant du Québec, même l'enfant athée, est exposé à cette religion dès l'âge de six ans et pour toute la durée de sa scolarité primaire et secondaire. On ne se bat pas ici pour des catholiques ou des chrétiens, on se bat pour des citoyens qui veulent récupérer une liberté de choix, athées inclus. » a déclaré Me Jean-Yves Côté, un des deux avocats des parents, aux journalistes qui le pressaient de question.