dimanche 27 août 2023

Au lieu du seuil de 50 k nouveaux venus au Québec, il y en a eu 155 k sans compter les « réfugiés » en très forte hausse

Les enjeux liés à l’immigration au Canada et au Québec n’ont pas fini de faire la manchette. Au Québec, l’an dernier, en 2022, selon l’Institut de la statistique du Québec, il y a eu 80 700 naissances et 78 400 décès.  [...]


Quand on considère le problème aigu de la pénurie de logements, le manque de places dans les services de garde et l’état précaire de notre système de santé et de services sociaux, sans parler des défis engendrés par une croissance de ce type dans le dossier de l’avenir du français au Québec[, il n'est pas évident qu'une forte immigration soit un bienfait]

Pour réfléchir rigoureusement et sereinement à cette question, Anne Michèle Meggs est la personne toute désignée. D’origine ontarienne, Meggs est diplômée en études canadiennes et vit en français, à Montréal, depuis des décennies. Elle a dirigé le cabinet du ministre ontarien des Affaires francophones avant de travailler comme directrice de la planification au ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec.


Dans L’immigration au Québec. Comment on peut faire mieux (Renouveau québécois, 2023, 204 pages), un recueil de chroniques d’abord parues dans L’aut’journal depuis 2019, elle montre avec efficacité que le dossier de l’immigration au Québec est complexe, souffre d’une gestion désordonnée et charrie son lot de mythes.

Meggs ne s’oppose pas à l’immigration. Cette dernière, note-t-elle, « fait partie de l’histoire de l’humanité » et n’a rien de condamnable. On migre pour avoir une meilleure qualité de vie, pour fuir les conflits, la persécution ou les catastrophes naturelles, et ça se comprend. « L’immigration est un projet foncièrement humain », écrit Meggs.

[...]

D’abord, les idées fausses entretenues au sujet de l’immigration nuisent à la rigueur du débat. Non, redit Meggs en citant des experts, l’immigration n’est pas une solution à la pénurie de main-d’œuvre et au vieillissement de la population. Non, ajoute-t-elle, le déclin du français n’est pas d’abord le résultat de l’immigration, mais celui du faible taux de natalité des francophones, de leur anglicisation et de leurs comportements linguistiques : engouement pour la culture et pour les cégeps anglophones, indifférence à l’égard du statut du français, exigence de l’anglais en entreprise, etc.

[Comme le souligne Frédéric Lacroix, l'immigration est bel et bien une bonne partie du problème, mais pas la seule, la faible démographie des francophones, la faible assimilation au français, notamment, en étant d'autres:
 
]

« La société d’accueil, écrit Meggs, a le devoir de créer un espace propice à l’intégration en français [des personnes immigrantes]. » Elle est souvent loin d’être à la hauteur de cette mission. Les efforts de francisation déployés par le gouvernement du Québec, notamment en milieu de travail, ne méritent pas non plus la note de passage.

Le principal obstacle à une bonne compréhension du dossier de l’immigration au Québec est toutefois le tripotage des chiffres. Alors qu’on se demande si notre capacité d’accueil — une notion qui n’a jamais été rigoureusement définie — est de 30 000 ou de 70 000 immigrants, le Québec en accueillait, en 2022, 155 400, c’est-à-dire 68 700 personnes admises à la résidence permanente et 86 700 personnes détentrices d’un permis de séjour temporaire (étudiants étrangers et travailleurs), cela sans compter les demandeurs d’asile.

Tout le débat, dans ces conditions, est faussé puisque les temporaires, plus nombreux que les permanents, échappent à la réflexion sur les seuils et aux efforts d’intégration en français qui devraient être déployés par le gouvernement du Québec.

En vertu de l’Accord Canada-Québec sur l’immigration signé en 1991, explique Meggs, le Québec pourrait exiger que les immigrants temporaires soient inclus dans le calcul annuel du nombre d’immigrants qu’il veut recevoir. Il pourrait aussi ajouter des conditions linguistiques à cet accueil, mais il ne le fait pas, sauf quand il déplore, mollement, le refus fédéral des demandes de permis d’études pour de jeunes Africains francophones.

Pour avoir une politique d’immigration efficace et humaine, le Québec devrait pouvoir gérer seul l’ensemble du dossier, c’est-à-dire être indépendant, note justement Meggs. En attendant, Justin Trudeau et François Legault disent et font un peu n’importe quoi.

Source : Le Devoir

Les demandeurs d’asile liés à une hausse record des assistés sociaux au Québec

En un an, le nombre de demandeurs d’asile prestataires de l’aide sociale au Québec est passé de 17 544 à 40 142. 

Le nombre de ménages prestataires de l’aide sociale au Québec a enregistré cette année sa plus forte augmentation en plus de 25 ans. Une hausse en grande partie provoquée par l’afflux record de demandeurs d’asile dans la province et aux délais d’Ottawa pour leur délivrer des permis de travail.

 


Cet afflux de réfugiés au pays entraîne des dépenses supplémentaires pour le gouvernement du Québec. Uniquement en prestations du Programme d’aide sociale, qui s’élèvent en moyenne à 850 $ par mois, la prise en charge des demandeurs d’asile a coûté environ 35 millions de dollars en juin. [Il y a d'autres frais à ajouter : ceux liés par exemple à la santé ou à la scolarité des enfants.]

Au Canada, l’accueil des demandeurs d’asile relève d’abord de la responsabilité du gouvernement fédéral. C’est la raison pour laquelle depuis 2017, Québec demande à Ottawa le remboursement de l’ensemble des dépenses encourues pour leur prise en charge.

Canada — immigration de masse ou État-Providence, il faut choisir

Alors que le cabinet fédéral récemment remanié se réunissait il y a deux semaines à l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement libéral du Canada s’est retrouvé pris dans un terrible dilemme : essayer de concilier ses objectifs « ambitieux » en matière d’immigration avec ses efforts pour maîtriser la crise nationale du logement abordable. En effet, même les plus hauts responsables du parti semblent ignorer délibérément la corrélation évidente entre la croissance démographique record du Canada, alimentée par l’immigration, et la grave pénurie de logements abordables. Ils refusent également de reconnaître le fait mathématique que l’arrivée de plus d’un demi-million de nouveaux immigrants au Canada chaque année ne fera qu’aggraver le problème.

Prenons, par exemple, la logique circulaire proposée par le nouveau ministre de l’Immigration Marc Miller il y a deux semaines. Répondant à une question sur l’accessibilité du logement, M. Miller a déclaré : Le gouvernement fédéral rend le logement plus abordable :
Le gouvernement fédéral rend le logement plus abordable et fait venir les travailleurs qualifiés nécessaires pour construire plus de maisons. Sans ces travailleurs qualifiés venant de l’étranger, nous ne pouvons absolument pas construire les logements et répondre à la demande actuelle.
Démêlons cette logique déconcertante : le ministre affirme que pour sortir de la crise du logement, il faut augmenter la demande en faisant venir davantage d’immigrants alors que ces travailleurs qualifiés auront besoin d’un endroit où se loger pendant qu’ils construisent des maisons pour le reste d’entre nous… Le refus abject de son gouvernement de considérer l’immigration autrement que comme une panacée rappelle le vieil adage : « Si le seul outil dont vous disposez est un marteau, tout ressemble à un clou ».

Mais alors que notre gouvernement reste profondément dans le déni, de nombreuses personnes au Canada (y compris à gauche) remettent ouvertement en question l’orthodoxie pro-immigration de longue date. Des articles demandant si nous accueillons « trop » d’immigrants — une question que peu de personnes en dehors de la blogosphère de droite osaient poser jusqu’à récemment — apparaissent de plus en plus fréquemment, même dans les médias de gauche. Il est tout à fait stupéfiant de voir les grands pontes débattre aussi ouvertement de ce sujet autrefois tabou.

Ce changement de ton est peut-être aussi le signe que le « dilemme du progressiste », qui se pose depuis des décennies dans une grande partie de l’Occident, est enfin arrivé au Canada.

D’une manière générale, le dilemme du progressiste pose une tension insoluble entre l’immigration de masse et le maintien des liens de solidarité sociale nécessaires pour soutenir les politiques sociales de redistribution. Cette thèse repose sur la logique selon laquelle les citoyens se sentent moins obligés de contribuer au bien collectif lorsqu’ils se reconnaissent moins dans leurs concitoyens (c’est-à-dire en ce qui concerne la langue, la race, l’appartenance ethnique, la religion et d’autres marqueurs d’identité).

Cette logique convaincante explique pourquoi des pays relativement homogènes comme la Suède et la Norvège ont des États-providence plus importants que des pays très diversifiés comme le Royaume-Uni et la France. Elle explique également comment certains des partis politiques européens les plus prospères associent le soutien à des politiques sociales généreuses à une xénophobie et un nativisme manifeste. (Le parti hongrois Fidesz est peut-être le meilleur exemple de cet archétype).

On a longtemps pensé que le Canada était à l’abri de cette dynamique, conciliant depuis des décennies des niveaux élevés d’immigration avec un État-providence relativement solide. En fait, il existe une littérature assez importante dans le domaine des études migratoires qui réfléchit aux fondements de l’« exceptionnalisme canadien » à cet égard. 
 
Mais le récent changement de ton concernant la politique d’immigration du gouvernement libéral, et en particulier le discours de plus en plus répandu selon lequel cette politique exacerbe la crise du logement, suggère que nous sommes peut-être sur le point de vivre notre propre dilemme progressiste « made in Canada ».

Les critiques de la politique d’immigration des libéraux se sont abstenues de cibler les Néo-Canadiens eux-mêmes. Au contraire, de récents articles de presse ont présenté les nouveaux arrivants sous un jour favorable, estimant qu’ils avaient été trompés par une campagne nationale de recrutement trop zélée (et carrément trompeuse). Une récente série d’articles a relaté les difficultés rencontrées par des dizaines de demandeurs d’asile contraints de vivre dans des campements de rue pendant des semaines en raison du manque de places dans les centres d’hébergement d’urgence de Toronto. De nombreux médias ont également fait état de la tendance des nouveaux immigrants à quitter le Canada et à retourner dans leur pays d’origine.

Le discours public évite également l’omniprésence de l’image de l’immigré « profiteur ». Au contraire, les médias et les politiciens dépeignent la plupart des immigrants Canadiens comme des contributeurs potentiels enthousiastes à l’économie canadienne qui sont trop souvent empêchés de saisir les occasions économiques par la faute de barrières réglementaires. Ainsi, des dirigeants politiques de tous bords ont demandé aux organismes professionnels d’accélérer le processus de reconnaissance des diplômes étrangers parfois de manière démagogique (est-ce qu’un diplôme congolais vaut vraiment un diplôme suisse ?).
 
Dans l’ensemble, les Canadiens anglais semblent encore satisfaits du caractère multiethnique du pays, et nombre d’entre nous considèrent encore le multiculturalisme comme une source de fierté nationale. En fait, l’une des répliques les plus applaudies du chef du parti conservateur, Pierre Poilievre, est « Peu importe… si vous vous appelez Smith ou Singh, Martin ou Mohammed ». Est-ce un signe que le Canada reste à l’abri de certains des courants nationalistes qui sous-tendent les politiques anti-immigration dans d’autres pays ?

Dans l’ensemble, les Canadiens anglais semblent encore satisfaits du caractère multiethnique du pays, et nombre d’entre nous considèrent encore le multiculturalisme comme une source de fierté nationale. En fait, l’une des répliques les plus applaudies du chef du parti conservateur, Pierre Poilièvre, est « Peu importe… si vous vous appelez Smith ou Singh, Martin ou Mohammed ». Est-ce un signe que le Canada reste à l’abri de certains des courants nationalistes qui sous-tendent les politiques anti-immigration dans d’autres pays ?

Après des décennies de maintien d’un équilibre relativement harmonieux entre des niveaux élevés d’immigration et de protection sociale, le Canada semble enfin se trouver au bord du dilemme du « choix de Sophie » qui a longtemps frappé les autres sociétés occidentales : un conflit à somme nulle entre le maintien de niveaux élevés d’immigration et la préservation de la protection sociale pour les Canadiens de tous les jours.

Le gouvernement pro-immigration et pro-protection sociale de Trudeau pourrait bientôt découvrir qu’il ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.