jeudi 19 janvier 2023

Au Danemark, la maîtrise des flux migratoires fait consensus

La Fondapol publie une note sur cette nation où la gauche s’est convertie à la maîtrise des flux migratoires.

Une note du réseau pensant Fondapol détaille la politique migratoire menée par le Danemark depuis vingt ans, sous des gouvernements de droite et de gauche. Faite de restrictions et d’intégration, cette politique a eu pour conséquences la baisse de l’immigration et l’effondrement de l’extrême droite dans les urnes.

Ceux qui ont vu la série Borgen le savent peut-être. À Copenhague, Borgen, le château de Christiansborg, abrite à la fois le Parlement, le Premier ministre et la Cour suprême. Est-ce cette proximité géographique qui pousse à la culture du compromis ? Pour un Français, les aventures de Birgitte Nyborg sont exotiques, et pas seulement parce que la Première ministre danoise, héroïne de la série, se déplace à vélo, mais parce que la dirigeante centriste dialogue sans tabous aussi bien avec l’extrême gauche qu’avec l’extrême droite. Chose inimaginable en France, le Danemark a développé une politique du compromis, y compris sur le plus brûlant des sujets contemporains, l’immigration. « Une fermeture consensuelle », c’est d’ailleurs le titre de la note fouillée que consacre la Fondation pour l’innovation politique (réseau pensant libéral) à l’un des pays européens les moins ouverts à l’immigration. Depuis vingt ans le Danemark poursuit la même politique, initiée par la droite à son arrivée au pouvoir en 2001 et jamais remise en cause, et même poursuivie par la gauche sociale-démocrate.

 
Cette politique se caractérise par la réduction draconienne des flux migratoires, un programme d’intégration exigeant, un accès à la nationalité rendu difficile et, désormais, la volonté de recourir à un pays tiers extra-européen pour le traitement des demandes de visas.

Membre de L’UE, de l’espace Schengen et de la CEDH, le Danemark a réussi à mener sa politique singulière après avoir négocié une série de dérogations (options de retraits, aussi appelées, op-out) aux traités européens. Ce qui permet aux Danois de traiter juridiquement les ressortissants de pays tiers selon leurs propres règles.

 

La politique danoise est restrictive à tous les stades du processus d’immigration : de l’arrivée sur le territoire à l’installation en passant par l’accès aux allocations, au travail et au logement. La politique d’intégration y est vigoureuse. La naturalisation est conditionnée au passage d’un test de langue et de connaissance de l’histoire et de la société danoise. Toute peine de prison, même avec sursis, empêche définitivement l’accès à la nationalité danoise. Les biens des demandeurs d’asile peuvent être confisqués pour couvrir les frais de procédure et d’hébergement. Des plans antighettos prévoient notamment des sanctions plus élevées dans certaines zones du territoire caractérisées par un fort taux de délinquance et d’immigration. Cette politique de restriction s’accompagne d’une politique de dissuasion. Des incitations, sous forme de contraintes (arrêt des prestations sociales, prison) ou d’indemnités poussent au retour volontaire les déboutés du droit d’asile. En 2015, au plus fort de la crise des migrants, le gouvernement a même acheté des emplacements publicitaires publiés dans les journaux libanais où sont détaillées les nouvelles règles s’appliquant aux réfugiés : réduction de 50 % des aides sociales accordées aux nouveaux réfugiés et instauration d’un délai d’un an avant de pouvoir demander le regroupement familial.

Cette politique draconienne a eu deux effets notables :

  • D’abord, l’effondrement des flux. L’immigration a diminué de 28 % entre 2014, année précédant la crise des réfugiés, et 2019, année précédant la crise sanitaire. Le nombre total des demandes d’asile a chuté de 82 %, passant de 14 792 à 2 716, pour un pays de 5,8 millions d’habitants. Si on appliquait ce ratio à la France, nous n’accueillerions que 31 000 demandes d’asile par an, contre 132 000 en 2019.
  • Ensuite l’effondrement du parti du peuple danois, — l’équivalent du Rassemblement national — qui a enregistré en 2022 son plus mauvais résultat de son histoire (2,6 % des voix). « L’effondrement électoral des populistes est la conséquence de leur victoire idéologique », note la Fondapol.

Le 1er novembre 2022, lors des élections législatives, le parti social-démocrate a été reconduit à la tête du pays, encore mieux élu qu’en 2019. Un mois plus tôt en Suède, pays voisin au modèle social similaire, c’était la droite et l’extrême droite qui l’emportaient. La différence ? Au Danemark, la gauche s’est rangée à la politique d’immigration répressive depuis 2015 et la crise des réfugiés. La Première ministre, Mette Frederiksen, a pourtant commencé à l’aile gauche du parti social-démocrate. Elle a changé brutalement de position, après avoir constaté lors de son passage comme ministre du Travail puis ministre de la Justice, les failles de la politique d’intégration. Un virage idéologique unique en son genre qui pourrait, selon Dominique Reynié, directeur de la Fondapol, être une source d’inspiration pour la gauche européenne.

D’aucuns avanceront les différences abyssales entre la France et ce petit royaume de 6 millions d’habitants enclavé dans le nord de l’Europe qui n’a eu aucune colonie et affiche un sérieux budgétaire éclatant. Justement le Danemark a au moins un point commun avec la France : l’État-providence. Et c’est au nom de la défense de ce modèle social que la classe politique danoise s’est unie sur la question migratoire. Il s’agit bien selon la formule employée par les auteurs de la note, d’un « nationalisme social assumé au nom de l’État-providence ».