Zemmour — Quand vous dites il y a une répartition des rôles dans la famille qui n’est pas comme cela devrait être, je me répète : « de quoi vous vous mêlez ? » L’équilibre dans les couples entre les gommes et les femmes cela ne regarde personne. […]
Le quinze pour cent de différence de rémunération est un chiffre faux. C’est un chiffre qui mélange des carottes et des navets. La différence s’explique parce que les femmes font beaucoup plus de temps partiels que les hommes et dans des secteurs qui sont moins payés, c’est-à-dire le social, la santé.
Encore une fois, vous allez me dire, il faut que les femmes aillent dans des secteurs mieux rémunérés, il faut qu’elles soient dans la finance, il faut qu’elles soient ingénieurs.
Et là, de nouveau, je vais vous dire : « de quoi vous vous mêlez ? » Les gens font ce qu’ils veulent. Les femmes choisissent les métiers qu’elles veulent. D’ailleurs, elles sont plutôt meilleures élèves que les garçons. Donc si elles avaient envie de choisir ces secteurs-là, elles le feraient.
Je connais des jeunes femmes qui ont fait des études très brillantes, qui ont commencé dans la finance et qui ont quitté ensuite la finance et ont gagné moins. Parce que le métier ne les intéressait pas. L’ambiance ne les intéressait pas. Donc je vous répète : « de quoi vous vous mêlez ? »
« La charge mentale ». D’abord, on invente des mots. C’est le génie du progressisme en général, c’est qu’il invente des mots et qu’il les impose à la société. C’est le mot de Lénine : « Faites-leur manger le mot, vous le ferez avaler la chose. » C’est une technique de propagande avérée, une technique de propagande communiste avérée que tous les progressistes ont reprise à leur compte : féminicide, charge mentale, écriture inclusive, tous ces mots qui sont en déconnexion avec la vie des gens. C’est cela le problème. Car il y a un fond totalitaire dans le féminisme. Totalitaire, cela veut dire changer la vie des gens. Imposer une vision aux gens. Tout simplement parce que le féminisme pousse à l’indifférenciation : on veut croire que les hommes et les femmes c’est la même chose. Qu’il n’y a pas de différences biologiques, que tout n’est que différences sociales. Or c’est faux.
Vous croyez que les gens n’en parlent pas [de l’affectation des rôles dans le couple] ? Vous croyez que les femmes sont muettes ? Vous croyez qu’elles ne savent pas dire : « tiens, tu pourrais faire cela » ? Je trouve cela dingue.
Vous dites [que cette répartition des rôles dans le couple] : « sans y avoir réfléchi ». Mais c’est faux. C’est faux. La reproduction de modèle, il a du bon le modèle. Le modèle vient d’où Mme Wargon ? Il vient de l’origine des temps. Ce sont les femmes qui portent les enfants.
[Wargon ressort des lieux communs féministes : pas le droit de vote des femmes, pas de chéquier pour les femmes]
Vous voulez que l’on parle de cela ? Qui avait le droit de vote avant 1848 ? Personne. Qui avait des chéquiers avant les années 60 ? Les ouvriers étaient payés à la journée, voire à la semaine ! C’est Georges Pompidou qui a imposé la mensualisation en 1969… Vous êtes dans un narratif de lieux communs féministes. [En 1966, seuls 17 % des Français ont un compte-chèques. En 1972, ils sont 62 %. Cette évolution est liée au développement du paiement des salaires par chèque et à l’assouplissement des procédures d’ouverture des guichets de banque (1967).]
Qu’est-ce qui s’est passé ? Vous avez une évolution de la société, c’est-à-dire il y avait le capitalisme du XIXe siècle qui avait besoin d’une structure de famille qui reposait sur l’épargne et de la division des tâches classiques avec un homme qui allait travailler, qui travaillait très dur, qui travaillait 12 heures, 14 heures par jour… Il était favorisé celui-là ? L’ouvrier de Zola dans Germinal ? Est-ce qu’il était favorisé par rapport à sa femme ? Non ! Il travaillait énormément, très dur. Bien sûr, les deux travaillaient. La femme travaillait aussi, elle travaillait à la maison, parce qu’il y avait une séparation des tâches qui était induite par…
[Wargon interrompt : « elle n’est pas génétique, elle est culturelle. »]
Zemmour reprend — Non, elle est à la fois biologique et culturelle. Elle est biologique parce que les femmes portent les enfants. Elles nourrissent les enfants. Vous voyez, il y a une part de biologie et il y a une part de culturel, comme toujours. […]
[Wargon interrompt à nouveau : « Il est temps de questionner » cet état de fait.]
Zemmour reprend — Mais on ne fait que cela depuis des millions d’années, on questionne…
[Nouvelle interruption… : « On peut le mettre dans le débat ».]
Zemmour reprend Mme Wargon — Vous ne mettez pas dans le débat, vous imposez. Vous culpabilisez les uns et vous victimisez les autres. C’est une vision injuste de la femme. La femme n’est pas une victime. La femme est libre, elle est autonome, elle réfléchit. Et si elle a ce mode de vie, c’est qu’elle le désire. Vous infantilisez les femmes.
[Wargon dit que les femmes sont moins revendicatives dans les négociations, ce n’est pas nécessairement faux, voir Jordan Peterson sur le sujet, mais c’est aussi le revers d’un de leurs atouts : elles sont plus aimables et plus sociables que les hommes, ce qui les sert dans d’autres scénarios.]
Zemmour poursuit — C’est l’erreur d’origine du féminisme. Vous plaquez la lutte des sexes sur la lutte des classes. [Alors que les femmes sont libres, autonomes, font les études qu’elles veulent.] Mais ce que vous ne comprenez pas c’est que ce n’est pas la lutte des femmes qui a permis cela. Ce sont simplement les conditions économiques [et techniques] qui ont changé. C’est-à-dire que le capitalisme a muté. Il faut que vous lisiez Christopher Lasch, vous comprendrez ce que je veux dire. C’est devenu un capitalisme de consommation qui a besoin de plus de consommateurs. Donc on a mis les femmes dans l’espace public. Deuxièmement, la technologie a libéré les femmes des tâches traditionnelles [faire la lessive à la main prenait ainsi beaucoup de temps]. À partir du moment où la technologie les libérait, les femmes tout naturellement pouvaient aller travailler ailleurs. Il n’y a pas de rivalité. Il n’y a pas de luttes avec les hommes.
[Wargon ressort une scie]
Zemmour — Dans la magistrature, il n’y a plus que des femmes. Qu’est-ce que vous allez faire, Mme Wargon, vous allez mettre la parité dans la magistrature parce qu’il y a trop de femmes ? Dans l’Éducation nationale, il y a trop de femmes, est-ce que vous allez imposer la parité ? Pourquoi vous ne l’imposez pas là ? Pourquoi vous ne dites pas qu’il y a des contraintes qui empêchent les hommes d’aller dans ces métiers ? Pourquoi vous ne le dites pas ? Ce serait la même chose. Voyez, c’est sans fin votre histoire. Et donc ça ne peut pas tenir. C’est pourquoi je préfère me référer à la liberté des gens, aux choix des gens, je ne prends pas les femmes pour des mineurs, je ne prends pas les femmes pour des enfants. Car c’est ce à quoi revient votre discours. Les femmes sont toujours des enfants et des mineures éternelles, il faut toujours les aider. Ah ! les pauvres, elles sont martyrisées.
Voir aussi
Famille, autorité, limites, nation : la Désintégration tranquille (cite Lasch et le capitalisme)
L’État se féminise et se « diversifie »
La révolution sexuelle et le féminisme, héritage des années soixante